Chapitre 1 : Passé oublié [Corrigé]
On dit toujours qu'il faut savoir d'où l'on vient pour savoir on l'on va. Et bien, je risque de déambuler pendant un bon moment.
Cela faisait plusieurs minutes que mon corps effilé posait dans l'herbe fraiche. Ma tête bénigne s'enfonçait peu à peu dans la terre humide, et mon corps était allongé de tout son long. J'aurais pu, pendant ces quelques minutes que m'avaient offertes le temps, me lever et découvrir le monde incroyable dans lequel je venais d'atterrir. Et pourtant non. Car un élément me perturbait. J'aurais aussi eu la possibilité d'ignorer ce qui m'empêchait de bouger, et de partir rencontrer les personnes qui me fixaient autour de moi. Mais encore, je ne l'avais pas fait. Car ce qui me chagrinait était bien plus grave, et portait bien plus de conséquences que je n'aurai jamais pu imaginées. Je tentai donc d'inverser le cours des choses, en forçant cette barrière invisible, mais sans succès. C'était maintenant certain : ma vie d'avant avait disparu sans que j'y prenne garde, et mon identité aussi.
Aussi désespérant que cela puisse paraître, je ne savais pas qui j'étais, ni d'où je venais. Et encore moins où donc pourrais-je bien être.
Je tentai d'ouvrir le voile qui couvrait mes yeux pour en savoir davantage. Mes pupilles observèrent tout d'abord le ciel azur et le magnifique soleil qui éclairait la clairière où je me trouvais.
Puis ma tête surchargée de cheveux noirs bascula vers la droite, mais celle-ci se rabattit vivement de suite, après avoir vu ce qu'il m'attendait derrière cette réalité. Inopportunément, tous m'avaient vue. Des dizaines d'adolescents aux regards curieux étaient attroupés autour de moi, tel un cercle d'animaux entourant sa proie. Et parce que j'étais une inconnue, il allait de soi que je faisais partie du bas de la chaîne alimentaire, et que eux étaient au sommet.
Aucun prédateur n'osait s'approcher, et je m'en réjouis, répugnée par leur attitude de rapaces affamés. Peut être quelque chose ou quelqu'un les empêchait de venir, ou bien tout simplement étaient-ils tétanisés par la peur de l'arrivée d'un inconnu. Pourtant, j'étais sans défense, sans connaissance, sans rien savoir de cette petite population qui m'observait depuis un temps que j'avais déjà arrêté de compter. Perdue, déboussolée, voilà les mots qui me caractérisaient le plus en cet instant même.
Au moment présent, mon seul souhait était de partir tant j'avais peur. Je tentai d'user de mes jambes pour me lever, mais ma tentative fut infructueuse.
Je réessayai avec pertinence, plusieurs fois, sous le regard ahuris de mon public. C'est ainsi que je me mis à ramper, en frottant contre le sol humide, ayant l'incapacité totale d'aller d'un point à un autre comme une personne normale. Je me déplaçais avec une lenteur accablante, mes bras tentant tant bien que mal d'agripper la terre granuleuse, et mes jambes douloureuses se laissant porter par la force de l'avant de mon corps. Lorsque j'eus franchi quelques mètres, je m'avachis à même le sol, remplie de fatigue, et me retournai sur mon dos.
Le lourd silence fut rompu par une voix mielleuse.
- Et personne ne l'aide ?
La voix envoûtante appartenait à une femme, qui s'adressait visiblement aux étranges adolescents. Ses longs cheveux de feu flottaient derrière elle comme une rivière dont la source était le crâne. Elle leur dit quelques mots qui parurent les attiser, puis ceux-ci détournèrent vite le regard et partirent vaquer à leurs occupations, n'ayant aucune envie de rendre service à une inconnue. Seuls quelques uns restèrent.
Lorsque sa silhouette vint à moi, je pus l'observer en détail. Ses yeux noirs reflétaient les rayons si lumineux du Soleil, et ses cheveux de soie attiraient la lumière. Elle était resplendissante, et une force dont j'ignorais l'origine me poussais à lui faire confiance et à souhaiter lui parler.
La femme se mit à mon niveau en enfonçant ses genoux dans la terre, et observa mon ventre à découvert. Mes yeux se glissèrent sur ce qu'elle fixait de ses pupilles inquiètes. Une plaie grave et saignante habitait mon ventre tout entier et je me retins d'hurler en claquant une main contre ma bouche. Mon regard effaré alerta la femme qui, à son tour paniquée, tenta de me calmer en me tapotant doucement l'épaule.
Enfin, doucement à son échelle puisqu'en réalité, elle était en train de me la déboîter.
La blessure était très profonde, et je fus plus qu'étonnée de voir que le canyon que j'avais au dessus du nombril ne me faisait pas plus mal que cela. J'étais comme anesthésiée face à cette blessure physique.
Mais mon anesthésie ne dura que peu de temps.
Car lorsque que ses fines mains se posèrent sur la blessure, la douleur surgit du fin fond de moi même. Mon corps s'enflamma littéralement. J'avais si mal que les larmes coulaient à flot le long de mes joues, puis tombaient sur mes vêtements, qui devinrent peu à peu une mare de larmes. Je sanglotai sans pouvoir m'arrêter.
Je pensais que rien ne pouvait être pire, mais je me trompais. Le feu se répandit dans tout mon corps, embrasant chaque membre, chaque cellule, chaque moindre recoin de corps.
Je me redressai, puis portée par une poussée d'adrénaline, tentai de repousser la main qui me faisait si mal. Heureusement, elle se laissa faire et la douleur disparut aussi vite qu'elle était venue.
J'observai avec stupéfaction la blessure. D'une plaie béante, il ne restait qu'une fine cicatrice rose. Je la caressai du bout du doigt, et la douleur ne revint pas.
Heureuse, soulagée, mais surtout étonnée et apeurée, je regardai la femme qui m'avait si bien soignée.
- Vous êtes médecin ? demandai-je, méfiante, en découvrant pour la première fois ma voix, pourtant familière.
- Je suis une sorte de médecin, avec plus de magie et de potions, rectifia-t-elle en esquissant un sourire.
Ses dernières élocutions cogitaient dans mon esprit. Pouvait-elle avoir un quelconque pouvoir de guérison ?
Ma conscience me disait que oui, mais ma partie rationnelle voudrait me faire croire le contraire.
Mon âme perdue dans les pensées fut ramenée dans le monde réel lorsque la voix d'un garçon la tira de la réflexion.
- Alors, on peut ? questionna t-il avec une impatience visible.
La femme de feu se tourna vers lui.
- Sens mon enfant ! Ton odorat perçois bien son odeur ! Alors imagine seulement le goût de son sang.
Mon oreille perçut des soupirs de protestation. Mais mon cerveau était focalisé sur un détail bien plus important à mes yeux.
Sang ? Ils boivent sérieusement du sang ?
Je me mis en position fœtale, les genoux pliés et le visage dissimulé, prise par la peur soudaine d'être tuée.
Ils devaient tous être dingues. Un asile peut être. Boire mon sang ? Et puis quoi encore ! Il peuvent toujours courir ! Mon sang restera dans mes veines, un point c'est tout. En imaginant la scène, un frisson glacé glissa sur tout le long de ma colonne vertébrale.
Après l'épisode de la guérison, la femme m'ignora complètement. Elle s'occupait de ses fous. Et si j'étais folle ? Si on m'avait amenée ici pour me faire soigner ?
Enfin, après plusieurs minutes que j'avais cessées de compter à partir de la première dizaine, l'adulte me prêta attention. Elle m'aida à me relever, murmura des mots incompréhensible à mon oreille et me tira par la main afin de m'emmener dans l'immense bâtiment de pierre, qui dominait le terrain avec une puissance émanante que je ne saurais décrire.
Je pensais que le château était sombre, puisque formé à partir de pierres grises et sales, mais je me trompais une fois de plus. Tout le plafond était en verre, et la lumière m'agressa dès que je passai le seuil de la porte. Elle était encore plus vive qu'à l'extérieur. Comment était-ce possible ?
- C'est normal, mais tu vas t'y habituer, me chuchota t-elle secrètement, comme si elle avait pu s'infiltrer dans mes pensées.
Lorsque le soleil ne me gêna plus, j'observai avec des grands yeux nouveaux et curieux la pièce. Elle était très grande, tant que mes pupilles ne savaient plus où donner le regard. Des escaliers de marbre partaient de part et d'autres dans la salle aux moulures d'or. Nous empruntâmes un long chemin complexe comportant des dizaines de couloirs et d'escaliers, puis nous nous arrêtâmes devant une porte, sur laquelle un pancarte indiquait qu'à l'intérieur se trouvait l'infirmerie, et qu'il fallait toquer avant d'entrer sous peine de grosses représailles.
- C'est ici que l'on se quitte. À bientôt.
Après avoir pris un peu de distance, elle se retourna brièvement.
- Jamais je ne t'abandonnerai, tu m'entends ?
Elle s'éclipsa définitivement après ces paroles étrangement familières.
NDA : J'espère que cette histoire vous plaira ! Elle me tient vraiment à cœur, n'hésitez pas à donner votre avis !
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