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Le soleil réchauffe un peu leur peau à cette heure si matinale.
Le ciel n'est alors même pas encore totalement débarrassé de ce drap sombre qu'il arbore pour la nuit.

Les montagnes au loin sont sûrement les seuls corps qui restent impassibles face à ce spectacle éblouissant qu'est l'aube.
Ouvrant légèrement la fenêtre de la vieille mustang, Raf respire l'air frais qui balaye son visage.
La lèvre écorché et la pommette rougie, leur escale en ville n'avait pas été une réussite.

Mais ils s'en sortaient toujours.
Toujours...

La voiture amochée qu'ils ont volé quelques jours auparavant tient malgré tout la route.
Dans un silence pas vraiment dérangeant, le rouquin mal coiffé conduit vers le sud.
Seuls sur une route perdu, entourée de sable et de montagne, ils ne savent pas où ils se dirigent.
Ils fuient c'est tout.

Un mois de fuite derrière eux, quelques égratignures, quelques bagarres et quelques pertes.
Mais leur duo n'en sort que plus fortifié.

Le soleil prend peu à peu de la hauteur et éclaire leur route longue et sans fin.
Les premiers panneaux d'avertissement leur indique le ravin proche.
Et sans même réfléchir, Aby prend le chemin de terre qui leur est indiqué et ralentit.

Le noiraud fronce les sourcils et observe le criminel changer de route.
Un simple regard vers lui suffit à poser une question silencieuse.
Il était venu à eux, comme une évidence, cette capacité à ne pas user de mot.
En planque derrière un immeuble, cela permet de ne pas être repéré.
À deux, dans ce qui leur sert d'abri temporaire, cela sert surtout à établir cette ambiance particulière.
Ce lien qui s'installe quand on place sa vie entre les mains d'un étranger.

Aby a placé la sienne dans les mains discrètes de Raf. Et Raf dans celle forte d'Aby.
Alors avec ou sans sentiment, le lien était là.
L'un pouvait faire tomber l'autre. Mais les deux se battent côte à côte pour ne faire tomber personne.

Le moteur de la vieille mustang aux nombreuses éraflures finit par se couper.
Aby sort sans inviter Raf à le suivre et vient s'asseoir sur le capot, face au ravin de sable et de roches rouges.
Le noiraud sort à son tour et reste debout, appuyé sur la porte.

Aucun ne parle en contemplant le soleil qui dévoile le canyon.
Aucun des deux n'en ressent l'envie.
Jusqu'à ce que Raf brise ce silence.
« Tu veux que je conduise ?
- Fais toi plaisir...

Avant même que Raf ne rouvre la portière, le jeune rouquin se retourne vers lui et plonge son regard dans le tien.
- Pas tout de suite... Viens là.
S'approchant de lui, Raf s'asseoit à ses côtés et parcourt le paysage du regard.
Un paysage perdu et sauvage. Aucune trace de vie humaine.
C'est ce qui leur aurait fallu si se nourrir n'était pas une priorité.

Un endroit vide de toute vie, où seules les leurs auraient pu s'y cacher.
Leurs deux âmes perdues dans cette enchevêtrement.
Ce labyrinthe qui emprisonne leurs esprits.
Les deux hommes s'asseoient alors, à même le sol, et souffle enfin de leur longue route.
- Ils sont toujours derrière nous, Aby. Faut pas s'éterniser.
- Juste un instant, pas plus.

Laissant son ami souffler, Raf pose sa tête contre la voiture et ferme les yeux.
Un murmure vient cependant les rouvrir.
- C'est bizarre ce que je vais te dire... Mais je veux mourir avec toi.
- Quoi, ici ?
- Non... Si on se fait choper, si on se fait tirer dessus... Peu importe... Si ça doit s'arrêter, je veux qu'on meurt ensemble.

Toujours dans un murmure, Raf observe l'expression d'Aby :
-... T'es glauque... On a failli mourir déjà, Aby...
- Mais on s'en est sorti...

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