Le bal
Les portes s'ouvrirent laissant une horde de lycéens aux hormones en folies s'engouffrer dans la salle de bal. Des robes plus ou moins sophistiqués se mélangeaient les unes aux autres.
Je me sentais ridicule dans ce costume de pingouins, mais il me semblait que les filles aimaient ça d'après ce que j'avais pu voir au dernier box-office. Un mélange entre bad boy et Christian Grey, quoi de mieux pour attirer les jeunes femmes ?
Il était 20h30 et une bonne partie des gens étaient déjà en train de se préparer, timidement, à danser. C'était une des choses qui avait changé depuis les « boums » de primaire, les gens n'attendaient plus qu'un garçon –ou bien une fille- s'approche d'eux pour demander « tu veux bien danser avec moi ? » et faire un coller-serré innommable.
Je m'asseyais sur une des dernières chaises à disposition, observant la salle.
Les fenêtres de la salle sont fermées. Le DJ a pris place, il est légèrement plus en hauteur que nous, il se pense puissant puisque tout le monde le voit.
Les lumières tournent sur la piste de danse, la musique a déjà démarré, les couleurs se mélangent et on ne sait plus où donner de la tête tellement nos yeux et notre esprit est sollicité.
La sueur coule dans le cou de chacun. Sur le côté, comme moi, des filles et des garçons attendent. Ou bien se repose.
Le temps était si long. Pour la première fois je me sentais si insignifiant dans une foule. Un sentiment nouveau pour moi.
Sa robe bleue entra dans la salle, les portes se refermèrent après son passage, dans un grand claquement.
Il y avait les cheveux bruns et son grand nez. Il y avait les cheveux blonds et l'air angélique grâce à qui ma joue avait été rouge comme le feu suite à sa baffe amplement méritée : j'avais décommandé. Et puis il y avait : elle. Ses cheveux auburn, légèrement moins roux par rapport à d'habitude, semblaient éclairer la pièce bien plus que les projecteurs eux-mêmes. Ses yeux verts n'avaient pas besoin de cette lumière sur eux, ils brillaient déjà bien assez.
Elle croisa mon regard et, accompagnée de ses comparses, le détourna rapidement. Son dos découvert montrait sa peau frissonnante, même de loin, il semblait glacé.
Cassandre.
Je m'adresse à toi. Tu étais au buffet à ce moment-là. Ce n'était pas ta robe bleue ou bien tes yeux, ce n'était pas non plus ta chevelure.
Je te voyais simplement toi, je te voyais dans tes habits de ville, dans ta mauvaise humeur ou bien tes taquineries, je te voyais comme je t'ai toujours vu depuis le jours de mes excuses. Et ça me rend fou car je n'ai nul envie de ressembler à un de ces mecs dont les filles raffolent, ceux qui cassent leur carapace pour la femme de leur vie.
Car oui, tu ne l'es pas. Je ne me marrerais pas avec toi, tu disparaitras de ma vie comme moi de la tienne après six mois ou peut-être deux ans. Mais, à ce moment précis Cassandre, à ce moment précis je ne vois en toi que la fille aux cheveux "roux", que tes yeux verts, que la peau que tu voudrais si blanche, que tes jolies lèvres gercées.
J'avais l'impression, à cet instant précis, de passer pour un pervers reluquant une fille, en réalité je donnais peut-être cette impression accentué d'un air benêt qui semblait faire rire Ambre plus que les autres, elle qui m'avait connu sous un jour si mauvais.
De ma chaise, les coudes posés sur les cuisses, je regardais ses allées et venues. Soudain, laissant ses amies près des biscuits, Cassandre se rendit près du DJ et lui demanda quelque chose, il acquiesça, elle lui sourit.
Puis, elle se dirigea vers mon siège et droit dans les yeux, elle me demanda de sa voix qui se voulait autoritaire :
« tu viens danser ?
- Je sais pas. Tu proposes quoi comme musique ?
-Ta chanson préférée.
-Tu n'as pas osé ?
-Pourquoi pas ? »
Le DJ jeta un regard sur nous et changea de musique. Un courant d'air semblait entrer dans la salle, mais non. Une respiration se fit entendre, les gens interloqués s'étaient arrêtés de danser. Une musique lente et calme débuta.
Cassandre me tira vers le centre de la piste tandis que le rap et les onomatopées des chanteurs commençaient.
Humilié, je me retrouvais sous le regard d'une horde de lion prêt à m'attaquer.
Pourtant Cassandre bougeait déjà, seule, sur la musique de 2010.
« I can't take my breath breath breath »
Elle avait osé mettre de la K-pop au bal du lycée et elle avait osé m'entrainer là-dedans. Ces deux semaines à discuter de nos pires hontes et de nos playlistes l'avait rendue beaucoup trop confiante. Elle croisa mon regard, cette fois-ci, j'y voyais du défi.
Un sourire s'afficha sur mes lèvres, j'enlevais ma veste et la jetais en l'air. Quitte à être jeune, autant en profiter. Dos à dos on dansait comme si notre vie en dépendait, les gens autour de nous, interloqués de voir le bad boy de service se lâcher et ne plus faire attention à son apparence et sa gestuel en avaient profité pour se dandiner aussi sur cette musique étrange pour eux.
A la fin de la chanson, j'attrapais la main de la jeune fille aux cheveux roux et la trainait en dehors de la salle, dans un petit jardin mis à disposition des élèves pour fumer.
La chance était avec nous et personne n'était sorti à ce moment-là.
Elle enleva sa main de la mienne.
« Tu te crois dans une série Noam ? demanda-t-elle un petit sourire sarcastique ornant ses lèvres.
-Pas autant que toi à te ridiculiser avec tes déhanchés, on aurait presque cru que tu voulais auditionner pour Grease version 2018.
- Ah, mais je compte le faire, moi je suis capable d'oser faire des choses, MOI.
-Oser faire des choses ? Je le fais aussi ! je la plaquais contre un mur et approchais mes lèvres des siennes, fermant les yeux sous le regard des étoiles brillantes. Soudain, je senti quelque chose percuter ma joue. J'ouvrais les paupières, Cassandre avait la main levée.
-Oser faire des choses mais ne pas oublier le consentement mutuel, vilain garçon. »
Malgré le coup que je venais de recevoir, qui me vexa quelques instants, un sourire illumina mon visage.
« C'est cette répartie que j'aime chez toi, j'enlevais ma main que j'avais posé à côté de son épaule pour faire barrage et libérait la princesse de mon cœur.
-Tu m'auras bien fais rire cette année, les mains derrière le dos et faisant des grands pas comme les enfants, elle s'approcha du centre de la cours où un petit espace vert décoré d'un banc semblait nous attendre, dire que c'est déjà fini.
-Le bac est dans quelques jours et nous ne pensons qu'à nous amuser.
-Tu te rends compte qu'ils nous ont autorisés à faire ce bal à cette période ? Ria-t-elle.
-Ils veulent certainement que l'on échoue, ils nous aime trop et veulent nous garder. Je m'avançais vers elle pour m'assoir à ses côtés sur le banc.
-Noam, tu fais quoi l'année prochaine ?
-Si j'ai mon bac ?
-Tu l'auras ! elle soupira, mes remarques lourdes ne semblait pas la déranger autant que d'habitude.
-J'aimerais partir à l'autre bout du monde. Mais je ne le ferais pas, je n'ai pas les résultats pour une prépa, ils prennent l'élite et ne veulent pas savoir pourquoi ma moyenne a chuté au second semestre.
-Oh.
-Alors je vais suivre ma voie et j'irais là où on m'acceptera, en fac d'anglais, en fac d'humanité sur la culture numérique ou bien en informatique. Je jetai un regard vers les étoiles, sachant pertinemment que mon rêve de mon voyage dans les étoiles n'était pas possible.
-C'est très différent.
-Ouais. »
Un silence plana pendant quelques instants.
« Je pars. Annonça-t-elle.
-Tu pars ? Je baissais les yeux vers elle, Où ça ?
-A Berlin, je vais étudier là-bas.
-Berlin ?! Mais pourquoi ?!
-Parce que je suis plus à l'aise là-bas, j'aime cette ville, j'ai de la famille aussi et le système scolaire est plus intéressant et... »
Elle me regarda me lever, comme si elle avait peur de quelque chose. La figure du bad boy violent que j'avais voulu véhiculer semblait ressortir. Je voulais frapper dans les murs, partout, tout détruire. J'avais réussi à conquérir le cœur de celle dont j'étais follement attiré et voilà qu'on me l'enlevait.
Je marchais en direction de la salle de bal, laissant Cassandre à la lune et aux étoiles. Juste avant d'entré, une phrase que je regrettais quelques secondes plus tard sorti : « Tu m'abandonnes dès maintenant alors que je t'aime. »
Je traversais la fête et rentrait chez moi, dans ma chambre où se trouvait la petit étagère avec des livres qu'elle m'avait offert.
Mon téléphone vibra tandis que j'enlevais mes vêtements.
« Kiri : Noam... Je pars après les résultats, on a le temps encore. »
Et le temps passa, la période de révision commença et je ne sortais pas de chez moi, n'envoyais pas de messages, rien.
Le dernier jour de cette période insupportable se montra enfin. Résolu, j'envoyais un message à Cassandre.
« Cassandre, je suis désolé de t'avoir infligé ça. Je t'aime et je n'avais jamais osé le dire, mais parce que je t'aime je dois accepter ce qu'il y a de mieux pour toi. Tu partiras à Berlin quoi qu'il se passe, rien ne sert de se morfondre, excuse-moi. »
Trente secondes plus tard mon téléphone vibra.
« Kiri : Rien ne sert de : *te morfondre. »
Je comprenais pourquoi j'en étais amoureux.
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