3 - L'escalade
Grimper une paroi exige une concentration constante pour conserver le rythme des gestes qui soutiennent notre corps accroché aux aspérités, au-dessus du vide. Notre parcours se dévoile à nos yeux et soudainement, au-delà de la force musculaire, la volonté devient le muscle de la grimpe et la persévérance suinte par tous les pores de notre peau. Il en est de même lorsque nous affrontons une épreuve dans la vie : concentration, rythme, parcours, volonté et persévérance.
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Il marche droit vers le Grand Lac, sans même y réfléchir. Cette grande étendue d'eau, qui ne gèle qu'au plus tard de l'hiver, représente pour lui la liberté et le calme. Toujours sans y penser, il suit la berge vers l'est, le soleil droit dans les yeux. Il flâne plus qu'il ne marche. Dans l'air limpide et sec, de loin, avec son arc - tel une canne à pêche - qui dépasse de son sac à dos, on peut le prendre pour un pêcheur à la recherche du coin idéal. Mais il fait bien trop froid pour s'adonner à cette activité. Le vent souffle rondement sur les eaux glaciales dont les berges commencent à se combler de frimas en surface. Les pas de Noah résonnent dans l'air vif et font crisser le sol gelé. Peu de gens traînent dehors, sauf quelques enfants se poursuivant pour se lancer des balles de neige tout en cherchant une colline de neige à escalader ou pour y glisser. Le jeune homme continue son chemin le long du Grand boulevard qui longe le lac et se retrouve rapidement l'unique passant. Les arbres de chaque côté du chemin semblent pris dans un écrin pur et brillant sous les rayons du soleil matinal. La neige au sol étouffe les bruits et reflète la lumière. La ville de Pemplinn est engourdie par le froid et purifiée par la blancheur du manteau de cristaux de glace. Il inspire à pleins poumons l'air vivifiant et prend une allure de marche plus vaillante.
Perdu dans ses pensées, il se retrouve à l'endroit où le lac devient fleuve, complètement à l'est de Pemplinn. Il fait une pause en se demandant s'il va traverser le pont enjambant le fleuve ou rester sur cette rive-ci. Le vent a soufflé la neige et le béton est nu et gris. L'endroit semble encore plus glacial que le chemin emprunté jusqu'ici. L'eau verte du fleuve clapote lourdement sur les piliers du pont, donnant une impression de lourdeur et d'une infinie profondeur. De rares véhicules passent en vrombissant des deux côtés de la route. Noah sait que le centre Jeunesse recommandé par le commissaire Biron se trouve de l'autre côté, dans la banlieue de la ville voisine, Rotts. Il fouille dans son portefeuille, en sort la petite carte et en vérifie l'adresse pour mieux se situer. Le centre se trouve, selon lui, à environ trente minutes de marche après le pont. Il hésite. Est-ce vraiment ce qui est mieux pour lui ? Son instinct est muet.
Alors qu'il réfléchit, il perçoit, porté par le vent, un bruit distinct qui, inexplicablement, lui met les nerfs à fleur de peau. C'est une flottille de trois camions assez imposants qui s'approche à vive allure. Loin d'être discrets, les véhicules s'apprêtent, sur l'autre rive, à emprunter le pont du fleuve. Aussitôt, Noah ressent l'impératif incontrôlable de se camoufler. Autour de lui, il n'y a que le grand boulevard qui se surélève pour former le tablier du pont au-dessus des flots. Aucune cachette possible, aucune habitation ou arbre. Impossible de rebrousser chemin pour trouver un refuge, les distances à découvert sont trop grandes. Il pourrait bien héler un véhicule qui passe mais il risquerait d'attirer davantage l'attention sur lui, et il ressent que ce n'est pas ce qu'il faut provoquer. De chaque côté de la route, une falaise rocheuse abrupte tombe vers les eaux. Sans hésiter, rajustant son sac à dos, Noah enjambe le parapet proche de lui et se glisse habilement sur la falaise, descendant rapidement de quasiment un mètre sur la paroi rocheuse. Ses excursions d'escalade avec sa mère lui sont d'un heureux secours. Cependant, la paroi est bien abrupte et le bout de ses doigts est déjà gourd de froid.
Il entend les camions qui, ayant traversé le pont, s'approchent. Il colle son corps le plus possible le long de la paroi, espérant qu'ils vont passer tout droit. Mais, malheureusement, les camions ralentissent et Noah entend leurs freins grincer. Ils se sont arrêtés à une intersection à moins de cinq mètres plus loin ce qui interdit que le jeune homme puisse remonter sur la route sans être vu. Le voilà coincé là ! Noah pousse un soupir d'exaspération en essayant d'assurer ses prises sur les aspérités des rochers. Il cherche autour de lui une meilleure position. Il entrevoit une corniche à environ deux mètres plus bas et décide de la rejoindre.
Alors qu'il s'apprête à entamer sa descente, il réalise que des hommes reviennent à pied vers le pont, tout proche de l'endroit où il s'est dissimulé sur la falaise. Il jette un œil discret vers le haut et voit deux silhouettes s'arrêter près du parapet du pont. Vite, il reprend une position plus serrée sur les rochers. Il entend une radio de communication. Est-ce le vent qui l'empêche de reconnaître les paroles émises par l'appareil ? Il réalise soudain que le langage utilisé par les deux hommes pour discuter entre eux lui est inconnu. L'un d'eux utilise la radio pour parler avec une intonation interrogative. Noah entend la radio qui grésille, puis la réponse fuse, sèche et autoritaire, parmi les parasites :
— Craw, combien de fois je dois vous dire de parler la langue d'ici !
— Désolé, Commsi !
— Appelez-moi Colonel !
— Désolé Colonel.
— Que je ne vous y reprenne plus, compris ? Maintenant, dites-moi au moins que vous avez avancé !
— Nous sommes au pont entre Pemplinn et Rotts. On va envoyer une équipe fouiller les alentours de la maison et une autre voir Biron. Sur la route : rien à signaler.
— Bien reçu. Mais la maison a été fouillée, les alentours aussi ; donc, n'envoyez personne vers cette cible. Il n'est pas là. Il y a déjà une équipe restreinte qui, sur place, montera la garde et empêchera les policiers locaux de trop s'approcher. Il n'y a pas de trace du coffret Aïldi ni de l'autre créature, la Aywas surnommée (bruits de feuilles froissées) ... Veeni, non Veena. Votre escouade se concentrera donc à retrouver et interroger le Commissaire afin de localiser le jeune Étolias.
— Compris Colonel. Et le traçage pour le coffret, du nouveau ?
— Négatif. Ce système a plus de vingt ans, on ignore s'il fonctionnera encore mais je vous préviens dès que j'ai du nouveau et je vous orienterai sur la piste au besoin.
— Reçu Monsieur... Heu, Colonel, que fait-on si on trouve un des jeunes et qu'il ne se laisse pas faire ?
— Je les veux vivants, compris ? Ils sont précieux. Madame Caissy nous a joué une comédie et nous a mené sur de fausses pistes trop longtemps. Mais, en tout temps, ne laissez pas de témoin. Je ne veux pas devoir expliquer nos technologies, ni notre présence ici. Gardez votre couverture d'honnêtes soldats à la rescousse de la famille d'Elros ! Compris ?
Tout le long de l'échange, Noah est allé de surprise en surprise. Ils veulent allez voir Biron ? Le Commissaire ? Est-ce des policiers ? Ils fouillent une maison ? Sa maison ? Ils parlent de sa mère et de jeunes ? Qu'est-ce que Aywas ? En entendant parler de son père, le souffle lui a manqué. Apeuré, il n'ose plus bouger d'un pouce. Ils viennent pour son père, pour lui. Ils le veulent vivant ? Qu'ont-ils fait de sa mère ? Qu'est-ce que tout ça veut dire ?
— Compris, mais à la rescousse de quoi ?
— D'une pauvre famille, dont le père s'est poussé il y a dix ans et dont la mère fait des fugues à répétition, en perte de lucidité et d'un jeune ado qui a besoin d'encadrement. On a des craintes pour sa vie, bla-bla-bla... vous voyez le topo ? Sachez que la maison a déjà été fouillée au scan et on n'y a rien trouvé. Tout ce qu'on veut, c'est qu'il n'y ait plus de preuves. Attendez...
Noah entend des paroles inaudibles dans la radio. Puis au loin, une explosion retentit. On entend un échange de paroles dans la radio.
— Qu'est-ce qui se passe ?
— Les preuves sont détruites, les autorités d'ici ne trouveront rien dans la maison. Que des cendres, « bonbonne de gaz mal entretenue », dit le colonel d'une voix calme et sourde.
Noah écarquille les yeux.
— Maintenant, allez voir Biron et vérifiez les abords du commissariat. Peut-être le jeune s'y est rendu. Arrêtez Biron en douce s'il ne collabore pas. Je ne l'ai jamais cru ignorant celui-là ! Ensuite, faites-moi votre rapport.
- Et pour la Aywas ?
- Ce n'est pas votre mission. Chaque détachement exécute ses ordres. Il y a un groupe de soldats à ses trousses dans les montagnes, ils l'ont empêché d'entrer en contact avec le garçon mais elle s'est échappée. On a l'avantage que le jeune, lui, ne sait rien de nous, ni d'elle d'ailleurs.
- Vous en êtes sur ?
- En tout cas, la mère ne nous a rien dit là-dessus. J'ai veillé moi-même à tout extraire de sa petite cervelle ! rajoute-t-il avec un petit rire sadique. Allez, exécution ! Vous croiserez d'autres escouades. Elles rejoignent leur position partout à Rotts et Pemplinn. Faites de même et transmettez-moi votre rapport au moment prévu ou dès que vous avez du nouveau ! Terminé !
-Compris, on vous recontacte Colonel. Terminé !
Noah manque d'air. Sa mère ? Il se sent horrifié par ce qu'il vient d'entendre. Que voulait dire cette explosion ? Sa maison ? Ses bras et ses jambes manquent de force, son sac le tire vers le bas, vers les flots froids du fleuve. Il accote sa tête sur un de ses bras pour y cacher son visage et y étouffer une plainte. Perdant sa concentration, son autre main glisse et il manque de perdre son équilibre mais se rétablit de justesse. Un morceau de roche se détache sous un de ses pieds et Noah le voit tomber inexorablement vers le fleuve gris tout en bas. . .
- Hé, tu as entendu ?
- Quoi ?
- Je ne sais pas. Comme un cri de bête.
Le bruit d'un plongeon dans l'eau retenti.
- Là !
Les deux hommes dégainent l'arme qu'ils portent à la hanche et se penchent au-dessus du parapet pour scruter les eaux tumultueuses du fleuve. Ils vérifient la paroi, mais ne voient personne. L'endroit où se trouvait Noah est désert. Tout en bas, près du fleuve, un vieux chien errant les regarde d'un œil hargneux puis se met à aboyer.
- Hé l'affreux, va jouer ailleurs ! dit un des hommes en agitant le bras menaçant. Le chien boit de l'eau puis s'éloigne au petit trot, mais il revient vers eux en aboyant de plus belle. L'un des soldats enclenche son arme et vise l'animal. On entend un son strident qui résonne dans l'air vif, comme un élastique qu'on relâche brusquement.
- Non ! Commsi a dit de ne pas attirer l'attention !
- Tu vois un témoin toi ? Il n'y a que de la neige et de la glace ici. Ne rend pas cette mission encore plus barbante !
- C'est inutile ce que tu viens de faire ! Tu dépenses tes charges pour rien et le "Colonel" n'entend pas à rire quand on désobéit aux ordres, tu le sais ! Compris ?
- D'accord, dit le premier en rengainant son arme, je n'aime pas plus que toi m'expliquer avec lui. De plus, j'en ai marre d'être dans ce froid, regagnons la cabine du camion.
- T'as raison mec ! Soyons de bons petits soldats ! ajoute l'autre en le poussant vers l'avant.
Les deux hommes retournent au camion qui les attend. Ils montent à bord, on entend des portes qui claquent, et les véhicules repartent, en soulevant un nuage de neige. On aperçoit à l'arrière une dizaine d'hommes emmitouflés dans des uniformes aux motifs de camouflage avec des armes sur les genoux, prêts à l'action.
Toujours agrippé à la paroi, Noah pousse un soupir en reprenant une position moins précaire. Il s'était faufilé de justesse sous un surplomb horizontal, s'obligeant à se retenir par les doigts uniquement pour maintenir son corps contre la gravité qui les attirait, lui et son sac vers les flots sombres. Il jette un coup d'œil vers le bas et contemple tristement le corps inerte de l'animal. Il remercie mentalement le chien d'avoir distrait les deux soldats. « Cela aurait pu être moi ! » pense-t-il. Il entreprend en frissonnant sa descente vers la corniche aperçue un peu plus tôt.
Une fois sur l'étroite surface horizontale, il s'accroupit le dos sur la paroi, soufflant sur ses doigts engourdis et froids. Tout en prenant une gorgée d'eau, il tente de calmer le tumulte qui règne dans sa tête et de reprendre un rythme de respiration plus normal. Il doit se donner un but, et obtenir de l'aide semble prioritaire. Retourner à Pemplinn, chez lui ou au Commissariat est hors de question. Les mains dans les poches de son manteau pour les réchauffer, il observe sa position. Le fleuve clapote sous le pont qui se lance au-dessus des eaux vertes et glaciales en s'élevant de plus en plus haut afin de permettre la navigation fluviale. Les deux extrémités du pont sont posées à même la falaise qui s'avance dans les flots mais entre les deux points, la structure métallique est un entrelacs de poutres vertes. La hauteur est non négligeable et effraie quelque peu Noah. Cependant, il décide d'être prudent dans son imprudence et de traverser le fleuve par ce chemin entre ciel et eau pour éviter d'autres rencontres importunes. Il réajuste son sac sur ses épaules et en consolide l'attache à sa ceinture. Il s'équipe de son piolet et entame sa traversée.
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Près de deux heures plus tard, au pas de course, il atteint le Centre Jeunesse indiqué sur la carte de Biron. Encore essoufflé, il se cache de l'autre côté de la rue, entre deux immeubles rabougris, pour analyser l'endroit afin d'éviter d'autres surprises indésirables.
Le Centre est bien installé entre deux grands arbres qui tendent, sous le chiche soleil de midi, leurs branches effeuillées et squelettiques vers le ciel. Sa façade est surmontée d'une pancarte rouge et blanche, annonçant "Centre Jeunesse de Rotts". L'immeuble à deux étages manque un peu d'entretien mais transmet une impression de sécurité et de calme, avec ses quatre immenses fenêtres à carreaux et sa grande porte blanche. Deux très jeunes garçons, emmitouflés dans des lainages aux couleurs vives, jouent à fabriquer un château de neige en entassant la neige dans un coin avec des pelles. On voit par une des fenêtres du rez-de-chaussée, tout à gauche, une femme qui, à l'intérieur, pose des flocons de neige en papier sur la fenêtre avec une adolescente et deux petites filles.
Tout à l'air normal et rassurant. Un samedi matin calme. Noah se sent attiré par l'endroit. Il sort de sa cachette, traverse la rue et grimpe les cinq marches qui l'amènent à la porte d'entrée.
Il sonne à la porte et rapidement une femme, mince et élancée, à la peau bronzée et usée par le soleil, lui ouvre. Elle semble avoir la trentaine, se déplace avec vivacité et souplesse. Elle est habillée sobrement d'un jeans et d'un pull de laine bleutée.
- Bonjour, murmure Noah intimidé par le regard perçant que lui lancent les yeux bleus clairs sous les mèches de cheveux blonds qui tombent devant le regard, je... je viens voir Madame Linda. C'est le Commiss...
- Noah, souffle-t-elle doucement, comme émerveillée, le regard brillant et un sourire naissant sur les lèvres.
- Euh... Oui.
- Qui aurait cru ? J'ai eu si peur pour toi, ajoute-elle faiblement, on vient de m'informer que...
Ses paroles, restées en suspens, surprennent Noah qui est encore plus interloqué lorsque la femme, qui lui dépasse un peu l'épaule, vient à lui et le prend par le cou pour le serrer dans ses bras affectueusement. Noah se retrouve le visage enfoui dans une masse de boucles blondes qui embaument le citron et lui chatouillent le nez. Presqu'une minute s'écoule et c'est la dame qui reprend en premier ses esprits.
- Mais entre, je t'en prie, dit-elle en le guidant gentiment dans l'entrée de la maison. Et en se penchant à l'extérieur elle ajoute : Mark ! Will ! Vous devriez rentrer, Solly vous attend dans le salon pour terminer les décorations !
- Oui, Linda, répondent les enfants, nous arrivons !
- Et n'oubliez pas de bien accrocher vos vêtements pour les faire sécher ! Pas de neige dans les couloirs ! ajoute-t-elle d'un ton qui n'acceptera aucune réplique.
Elle referme la porte principale et, en se retournant, elle croise les yeux de Noah et s'y fixe.
-Tu as le regard de ton père, souffle-t-elle.
Le jeune homme se balance sur ses pieds, intimidé. Il ose un petit sourire mais ne sait que dire. La femme constate son malaise et rajoute, en posant sa main sur son bras :
- Oui, c'est moi Linda ! N'aie crainte, je suis une amie. Tu es en sécurité ici. Mais dépose ton sac et donne-moi ton manteau. Tu dois être fatigué. As-tu faim ?
- Un peu j'avoue, répond Noah après une hésitation.
Noah enlève son bonnet, ses gants et les mets dans ses poches tout en laissant glisser son sac qui fait un bruit mat en atterrissant au sol. Il pose ensuite ses bottes près de ce-dernier. Il tend ensuite son manteau à la femme qui le prend dans ses mains et reste un moment à le contempler. Son regard se brouille, contemplant des images qu'elle seule peut voir. Puis, elle secoue sa tête, murmure quelques mots incompréhensibles en caressant du bout des doigts la broderie argentée.
- Je suis heureuse de revoir ce veston. Je ne croyais jamais plus en revoir un semblable tu sais !
Elle sourit devant l'air incertain du garçon, puis rajoute en accrochant le veston :
- Ne t'en fais pas, tout cela est très bon. Allez suis-moi, ajoute-t-elle en le précédent dans la maison.
À l'intérieur, ça sent les épices des Fêtes de Noël, des décorations débordent de caisses en carton le long d'un corridor. Deux petites filles, l'une blonde mince et frêle ainsi qu'une autre, brune à la peau sombre et aux grands yeux, débarquent d'une pièce vers la droite et se précipitent vers les boîtes pour en extirper des guirlandes.
- Katy, Merlinne, dites à Solly que je serai dans la cuisine, je dois m'occuper de mon jeune ami. C'est Noah, ajoute-t-elle, en posant sa main sur l'épaule du jeune homme.
- B'jour ! disent-elles en souriant de toutes leurs dents.
- Salut ! répond Noah avec un petit signe de la main.
- Dis, Linda, tu viendras décorer ?
- Oui, plus tard. Écoutez bien ce que Solly vous a dit. Mark et Thomas vont rentrer vous aider bientôt.
- Oui, oui !
Et les deux petites retournent en courant au fond du couloir, emportant avec elles une traînée de guirlandes brillantes et clinquantes. On les entend rire et de la musique des Fêtes les accueillent, faisant augmenter leur joie communicative. Noah ne peut s'empêcher d'avoir un grand sourire.
- Quelle joie ces enfants ! dit Linda en se retournant vers lui et en l'invitant à le suivre.
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Un petit déjeuner plus tard, Noah se demande bien ce que Linda peut savoir sur sa famille, car Biron lui a bien dit qu'elle connaît ses parents. La femme est là, devant lui à savourer tranquillement un thé tout en posant son regard azuré sur le garçon. Curieusement, Noah ne s'en sent plus intimidé ou gêné, mais au contraire accueilli et compris. Les restes du repas ramassés, la dame revient et s'accoude à la table. Après un autre silence, elle pose une seule question :
- Noah, où est ta mère ?
- ...
- Sache que je connais Iris depuis avant ta naissance. Fais-moi confiance et dis-moi.
- Je l'ignore, mais elle... elle reviendra comme à chaque fois.
- Tu crois ?
- Oui, affirma-il.
- C'est très bien la confiance que tu as envers Iris, et sache qu'elle est méritée. Cependant, mon pauvre garçon, j'espérais que tu en saurais plus que nous. Je dois malheureusement t'annoncer que ta mère reste introuvable.
- Vous la cherchez, vous aussi ?
Noah repense avec effroi à la conversation des soldats près du fleuve, ce qui l'amène à redevenir méfiant. Il décide d'attendre avant de se confier totalement et de manière inconsidérée.
- Oui, et ce bien plus activement que tu ne le crois. Cependant, lorsque Iris est partie de la maison lundi dernier, elle avait une bien bonne raison et...
- Comme les deux fois cette été ? Elle ne m'a jamais expliqué ce qui lui passait par la tête. Certains croyaient qu'elle perdait pied de plus en plus, pas moi, bien que je dois avouer avoir eu des doutes parfois.
- Non, ne le crois pas, Noah. Ta mère savait parfaitement ce qu'elle faisait. Elle ne voulait tout simplement pas que tu saches le fin mot de l'histoire. Enfin, c'est ce qu'elle croyait être le mieux pour toi. Elle nous a formellement défendu de t'en dire plus que ce qu'elle t'avait divulgué sur votre histoire... Enfin sur ton histoire.
- Nous ? Mon histoire ?
- Oui. Et je crois, au fond de moi, qu'elle aurait dû t'en faire part plus tôt. Tu serais moins perdu maintenant que tu fais face au danger.
- Quel danger ?
- Je dois...
Linda est interrompue par l'arrivée d'un homme dans la pièce, Noah écarquille les yeux en reconnaissant le Commissaire Biron.
- William ! s'exclame Linda en se levant pour l'enlacer, le sourire aux lèvres.
- Linda ! Tu vas bien ?! répond-il en lui rendant son étreinte quelques instants avant de s'éloigner. Tu as rencontré notre jeune Étolias à ce que je vois, dit-il en serrant la main de Noah avec un sourire.
- Commissaire, je ...
- Je ne porte plus ce titre dorénavant. Appelle-moi Biron ou simplement William, précise l'homme et il rajoute en se tournant vers Linda : Est-il au courant ?
- Non, il vient d'arriver, répond-elle en le prenant par le bras pour l'amener un peu à l'écart et elle poursuit : Tu es seul ? As-tu des nouvelles d'Iris ?
À ces mots, l'attention de Noah se fixe sur eux, indiscret.
- Non, je ne suis pas seul. J'ai six hommes avec moi. Un camion nous attend devant. Ce n'est pas prudent de demeurer ici tu sais ?
- Oui, les enfants sont prêts à être relocalisés comme entendu. Il n'en reste que quatre. Les deux garçons rejoindront, comme je t'en ai parlé, une amie à Pemplinn si tu peux leur fournir un accompagnateur. Solly et Mirna iront avec les deux fillettes avec la mini van se réfugier chez des amis.
- J'ai déjà un gars qui est parti avec les petits et je veux que les filles quittent le plus vite possible.
- Oh ! Mark et Will sont partis ? Mais je ne leur ai pas dit au revoir !
- On doit faire vite, ça bouge Linda !
- Tu précipites William. Je te le dirais si la situation était si urgente.
- Linda !
- Moi, tu le sais, je ne pars pas sans Tomas !
L'homme pousse un soupir exaspéré.
- William ! Hors de question que j'aille avec vous sans lui, réagit Linda avec véhémence. Il m'a promis et il sera là !
- Calme-toi ma belle ! Tu sais que je m'inquiète pour toi. Tu es ce qui ressemble le plus à une famille pour moi. Je te veux en sécurité, c'est tout.
Noah ne comprend pas, le commissaire semble bien fébrile ? Enfin pas le commissaire ... Juste Biron... Qu'est-ce que tout cela veut dire ? Rien ne s'éclaire, tout s'embrouille davantage.
- Pardonne-moi William, soupire Linda en se relaxant quelque peu. Je suis à cran.
- Tout va bien aller, la rassure l'ex-commissaire en lui serrant les épaules.
- Tu as des nouvelles d'Iris ?
- Non, hélas. Ils sont passés par la maison, elle n'y était pas et...
- Oui, on m'a prévenu, déclare Linda en biaisant son regard vers Noah. Ils ont pris les grands moyens.
- Attendez ! Vous me devez des explications ! interrompt Noah en se levant et en se plaçant entre les deux adultes, le regard noir.
- Noah, nous... commence l'homme.
- Vous parlez de ma mère, de ma maison, pourquoi ? C'est qui "ils" ? Est-ce que ce sont les gars dans les camions ? Ils devaient aller vous voir Commiss... Euh, Biron ? Qu'est-ce qu'ils nous veulent ? Pourquoi le Colonel Commsi me cherche ? Qu'est-ce qu'ils cherchent ? Ils ont interrogé ma mère ? Qui ... Qui est Veena ? Et vous, que savez-vous que j'ignore ? Pourquoi avez-vous l'air d'en savoir plus long que moi ? Vous connaissiez mes parents... Depuis quand ? Je veux des explications !
Noah fait un silence, puis rajoute, dans sa lancée, mais d'une toute petite voix : « Est-ce que je peux vous faire confiance ?»
Ensuite, à bout de souffle, après sa tirade, Noah a le regard dur et embué, les poings fermés le long de son corps. Un silence s'installe pendant lequel son regard va de l'un à l'autre. C'est finalement l'ex-commissaire qui le brise. Il pose une main sur l'épaule de Noah qui se recule sous le contact, le regard dur. L'adulte lève les mains en signe de paix.
- Noah, tu as raison, dit-il d'un ton très calme, ce qui fait soupirer Noah. Nous te devons des explications.
- William, tu crois que c'est à nous ?
- Oui, Linda, sinon il ne saura pas réagir correctement. Son intuition ne suffira pas.
- D'accord, soupire-t-elle. Et cette fois, commençons du début.
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