- Bon une bière et après je m'arrête.

Noah arqua son sourcil gauche, fixant Matteo d'un air dubitatif. Il secoua la tête :

- arrête de mentir, tu finiras pas la soirée sobre.

Matteo sourit comme une enfant qui reconnaît sa faute, avec une maladresse innocente et un air espiègle. Il porta le goulot à ses lèvres et but une large rasade de bière bon marché.

Noah se retourna et s'accouda au bar pour avoir une meilleure vue sur l'ensemble de la piece. Il ne connaissait la plupart des gens présents que de vue, et ne quittait pas Matteo d'un centimètre.

Ils se trouvaient dans la "salle du bar" de la maison plutôt impressionnante de Connor, grand blond athlétique, avec une carrure plus large que Noah et Matteo réuni.

La pièce était large et lumineuse en raison de deux baies vitrées ouvrant sur un jardin bien entretenu et piscine, le mobilier moderne donnait une ambiance catalogue IKEA raffinée. Le blond, Connor, se tenait accoudé à une bibliothèque, entouré par sa suite, et Saddie sa copine pendant à son bras, laissant échapper des rires chantants de temps à autres, renversant sa tête en arrière gracieusement, laissant onduler ses cheveux roux.

Noah n'avait guère eu l'occasion d'adresser la parole aux deux énergumènes et préférait de loin les éviter afin de ne pas trop avoir à justifier sa présence. Bien que Matteo l'ai invité, il se sentait mal à l'aise parmi ses gens qu'il n'appréciait pas et en venait presque à regretter sa venue. Absurde.

Il reconnu le visage fin et angélique de Madeleine comme celui d'une amie à sa sœur, et lui rendu son salut avec un faible hochement de tête. En vérité, il regrettait déjà tout. Il poussa un profond soupir et préféra retourner à la table des cocktails, qui lui semblait être la meilleure alternative possible.

- oh tête de nœud.

Il distingua le ton bourru qu'empruntait Alyssa. Il se retourna et marmonna :

- bonsoir à toi aussi. Je t'arrête tout de suite, je ne prend aucune plainte contre Saul. Je suis son ami, pas son secrétaire.

Les lèvres de la jeune fille s'étirèrent en un rictus :

- loin de moi cette idée.

Elle soupira et chercha dans son sac :

- tu m'accompagnes dehors ?

Elle en sorti un paquet reconnaissable de cigarettes. Noah haussa faiblement les épaules et emboîta le pas à la brune, moulée dans un débardeur noir et un jean.

Ils passèrent la porte vitrée et zigzaguèrent entre des groupes d'adolescent avant de finalement opter pour deux transats au bord de la piscine. Celle-ci était déserte, l'eau étant trop fraîche pour s'y aventurer.

Alyssa se laissa tomber et sortit une cigarette, le regard embrumé. Elle l'alluma en silence. Noah resta un moment debout, mains dans les poches, avant qu'elle ne lui fasse signe de la tête de s'asseoir lui aussi.

Après un moment, elle annonça simplement :

- c'est la merde.

Son regard semblait avoir perdu sa petit étincelle. Noah se rappela le Saul de la veille et demanda :

- avec Saul ?

Elle haussa les épaules.

- oui. Entre autre.

Un temps. Elle se mordit la lèvre, nerveuse, le corps raidi.

- Saul ne me supporte plus, mes parents ne me supportent plus, les professeurs, les gens, même toi tu ne me supporte pas.

Noah allait protester mais elle l'interrompit. Après coup il était soulagé, il n'aurait alors rien trouvé à répondre.

- ne prend pas cette peine. C'est une constation.

Elle laissa échapper une longue tirée de fumée et croisa les bras. Le soleil venait de disparaître et déjà l'air se rafraîchissait. La boxeuse frissonna. Au loin, les notes de Bohemian Rhapsody se firent entendre et une exclamation fusa.

Noah scruta le visage d'Alyssa, ses sourcils foncés rehaussant ses yeux bleus, provocateurs, ses lèvres fines sans un sourire, ses taches de rousseurs qui recouvraient sa peau.

Elle n'inspirait pas la bienveillance. Son regard provoquait le peu de personnes qui se trouvaient sur son chemin vas y, viens si tu l'oses.

Et pourtant, pourtant, Saul s'était démarqué. Noah trouvait incompréhensible cette union, qu'il jugeait grotesque en plus d'inutile. Saul était foncièrement attachant, insouciant et sincère. Alyssa était carré, franche et provocatrice. Tout le contraire.

C'était vrai, il n'appréciait pas Alyssa. Il la trouvait dérangeante, et ses prises de position le mettait mal à l'aise. Elle avait accaparé son meilleur ami en quatrième, le laissant seul, déboussolé et perplexe tandis que Matteo vivait son idylle avec la brune. Puis ce fut le tour de Saul.

Mais de la voir là, sous un jour différent, il en venait presque à être triste pour elle. Elle n'avait pas besoin de parler mais son mal-être se traduisait de lui même. Elle tourna légèrement la tête et planta son regard glacé dans le sien. Peut être qu'il ne l'avait tout simplement pas comprise, durant toutes ces années.

Elle avait beau lui déplaire, il ne la détestait pas pour autant. Il pourrait  même lui dénombrer un certain nombre de qualités, d'autant plus nombreuse à mesure qu'il buvait. Mais il se promit de ne plus reluquer impunément la petite amie de son meilleure ami.

Elle n'avait jamais eu d'autre titre dans sa vie, et il s'était toujours contenté de ce qui l'arrangeait. Il ralait pour les fois où elle l'avait taclé, mais semblait oublier les fois où elle l'avait défendu, lors de débats hargneux en cours d'anglais, voire même face à Saul.

Il jeta à nouveau un coup d'œil à la jeune fille et s'adoucit. Ayant l'alcool mélancolique, il en convint avec lui même de tenter d'améliorer ses relations avec la brune, qui lui faisait bien de la peine là, les épaules affaissées et le regard dans le vide, laissant sa cigarette s'éteindre dans l'oubli.

Il affichait alors une mine penaude et tapota vainement son épaule musclée d'un geste peu sur de lui. Elle tourna la tête et rit :

- tu commences à être bien pompette toi, s'exclama t'elle avec un sourire moqueur, je ferais mieux de m'en aller avant que tu deviennes tactile, je risquerais d'être traumatisée.

Elle s'éloigna avec une moue moqueuse, laissant Noah seul sur le transat.

- Noah ?

L'intéressé se retourna et aperçu son ami basketteur qui venait dans sa direction d'un pas mal assuré.

- dernière bière tu disais ? Lança Noah d'un air moqueur.

Matteo rit, fautif et se laissa tomber lourdement sur le jeune homme qui laissa échapper un cri de protestation. Ils se chamaillèrent un moment avant que finalement Matteo ne montra avec soin ses trouvailles à son compagnon. Il avait fait l'acquisition d'une bouteille de get et de deux verres à shot, lançant un regard complice à Noah.

Ils se placèrent de manière à avoir une vue directe sur les personnes en terrasses et pouvoir critiquer à loisir.

- Bon, énonça le plus clairement possible Matteo, on va faire un jeu.

Mais Noah avait du mal à suivre et perdu dans ses pensées il s'exclama :

- et si on formait un clan ferme des immigrés italiens ? Vu qu'on est immigrés et qu'on est italien.

Matteo soupira, dodelinant de la tête :

- Noah, ma grand mère est à moitié italienne. Concentre toi sur ce que je raconte.

Noah parut déçu mais se focalisa sur la voix de son ami.

- on dit un mensonge et une vérité et si tu devines juste je bois sinon c'est moi... enfin toi. Tu m'as suivi ?

Ce dernier fronça les sourcils et se servi un verre de Get qu'il porta à ses lèvres :

- Noah c'est contre productif. Le principe est de ne pas avoir à boire.

Le Brun protesta vainement pendant quelques minutes avant d'annoncer :

- Bon je commence. J'ai une sœur jumelle et j'aime pas les chiens.

Matteo resta un moment hésitant :

- la deuxième ? Finit il par demander, hasardeux.

Noah eut un frisson :

- ma hantise. Les chiens sont les créatures du diable. Ah et j'oubliais... On est faux jumeaux avec Maya. Boom.

De bonne grâce, Matteo but.

- Bon à mon tour. Je suis amoureux d'une de tes potes et les radis sont mes légumes préférés.

- Matteo j'ai pas de potes.

Celui-ci rit :

- et moi j'aime pas les radis.

Noah resta un moment en silence.

- tu n'aimes pas les radis ?

Matteo répondît par la négative.

- donc tu aimes une de mes potes.

Hochement de tète affirmatif. Noah se concentra un moment.

- C'est pas compliqué elle est à deux mètres... ronchonna Matteo.

- tu veux dire qu'elle est ici.

Le grand aux cheveux longs hocha la tête.

- et que je lui ai parlé depuis le début de la soirée ?

Un temps d'hésitation. Nouvel hochement de tête.

Noah resta un moment le regard dans le vide, les rouages de son cerveau peinant à effectuer les connections nécessaires. Il se redressa d'un bon :

- MAIS NON.

Matteo affichait un sourire contraint.

- MATTEO ON AVAIT DIT PAS LES EX.

Ce dernier le fusilla du regard, espérant que personne ne l'ai entendu alors qu'il plaquait une main sur sa bouche.

- oh con mais t'as pas de cerveau, le sermonna-t-il, ses mains entortillant le tissu de son t-shirt Champion.

- pardon. Mais Matteo tu peux pas sortir avec elle.

Il eut un ricanement aigre.

- je sais bien.

Le Brun secoua la tête d'un mouvement exagéré, peinant à contrôler la portée de ses mouvements.

- ah mais c'est pas possible.... Viens on va danser un peu, histoire que tu te changes les idées.

L'italien par sa grand mère accueillit la nouvelle en levant les yeux au ciel, réalisant qu'il ne tirera rien de plus de son ami cette soirée là.

Il le suivit alors qu'il sautillait jusqu'à la piste de danse, l'alcool ayant particulièrement embrumé son encéphale.

Il le retrouva à l'intérieur qui déjà dansait sur du Britney Spears, avec un déhanché à rendre jalouse Beyonce. Matteo attacha ses longs cheveux en un chignon, et lançant un regard triste à la brune qui dansait aux côtés de Noah, son corps ondulant sous les lumières bleus des projecteurs. Elle laissait aller ses pas au rythme de la musique, et Matteo détourna le regard.

Noah quand à lui, vivait sa meilleure vie. Il accueillit avec une exclamation étranglée partenaire particulier et se laissa complément aller.

Une chose cependant fit qu'il se figea dans son mouvement. Il resta là, hébété, peut être dû à l'alcool, peut être dû aux yeux noirs qui venaient de croiser son regard.

Ces yeux alors riaient de son attitude, des yeux en amande, sombres mais malicieux, surmontant une bouche charnue s'étirant en un charmant sourire. L'inconnue détourna la tête, son cou gracile encadré par des cheveux noirs de geai, attachés en un chignon d'où s'échappaient quelques mèches éparses. Noah se tourna vers Matteo l'air éberlué, mais celui-ci dormait dans un canapé disposé un peu plus loin. Il redressa la tête, pour capter un instant encore l'objet de sa rêverie, mais déjà elle s'était volatilisée, laissant Noah comme au sortir d'un songe.