02
La sonnerie retentit alors que Noah passait in extremis le portail du lycée communal. C'était une petite bâtisse claire, encastrée entre la mairie du village et une auberge chez loulou. L'école était restée comme au siècle dernier, un vieux portail ouvrait sur une cour de gravier gris clairs, abritée par des platanes, ombrageant la cour dans son intégralité, et offrant leur fraîcheur aux quelques trois cents élèves fréquentant l'établissement.
Le surveillant, monsieur Pouigue, fit signe aux retardataires d'hâter le pas.
Noah rejoignit sa classe qui patientait face au labo de science, plus ou moins motivés à l'idée de passer les deux prochaines heures enfermés en compagnie de madame Deley, professeure de SVT. Le labo se trouvait au fond de la cours, relégué au coin le plus éloigné, après une descente de quelques marche donnant sur les batiments les plus anciens.
Bien entendu, aucune trace de Dumont à l'horizon. Saul n'avait jamais été à l'heure, encore moins un lundi matin. Le gringalet s'en sortait toujours avec un sourire lumineux à la surveillante de garde à l'acceuil et un sprint jusqu'à sa salle de classe, sous pretexte qu'il se rappelle par quel cours commençait la journée. Saul était de ceux qui s'en tiraient toujours avec une excuse et un sucre. L'air renfrogné de Noah avait nettement moins de succès. Tout est dans les faussettes avait un jour affirmé Saul. Le fait est que Noah refusait ce qu'il appelait de la prostitution auprès des surveillants, ce en quoi Saul excellait.
Enfin, les cheveux blancs ébouriffés de madame Deley firent leur apparition, sa voix fluette invita les adolescents à prendre place dans la salle exiguë, où le soleil perlait à travers les pseudos rideaux obstruants et Noah se dirigea vers sa paillasse habituelle. Il suffisait à madame Deley d'entrer dans la salle de TP pour immédiatement prendre un air renfrogné. La façon dont sa matière était traitée la révulsait. Elle ne supportait pas le traitement de faveur envers les professeurs de physique qui, eux, avaient des labos donnant directement sur la cours, et de surcroît entièrement rénovés. La simple vue des murs dans un mauvais état suffisait à la rendre sensible à tout débordement.
Saul étouffa un juron en se laissant glisser sur le siège à la droite du brun et passa une main blafarde dans ses cheveux emmêlés, laissant siffler entre ses dents un profond soupir. Le siège bancal grinça sous la pression soudaine. Apparement, le fêtard avait eu du mal à se remettre de la soirée de samedi, et la journée de dimanche n'avait pas suffit à épancher son trop-plein d'alcool. Noah lui lança un sourire à pleine dents :
- et bah alors on a du mal ? Demanda t il, goguenard.
Son interlocuteur émit un son à mi-chemin entre un rire et un soupir. L'air renfrogné, il redressa lentement la tête, tournant son joli minois avec un mouvement exagéré vers Le Brun qui le toisait et sur-jouant la cuite, tenta de justifier avec emphase ses agissements de l'avant veille. Madame Deley ne le remarqua même pas, pestant contre les conditions de son travail, et bien trop affairée à allumer sa session école directe sur le vieux Dell.
Mais Saul fut interrompu par une tempête de boucles brunes, d'où surgissait deux billes d'un bleu profond et expressif, témoignant de leur exaspération et manque de sommeil.
- Alyssa Bon dieu ! S'écria Saul, reconnaissant sa copine et frôlant la crise cardiaque, laissant Noah hilare.
- tu es ENCORE en retard, le réprimanda-t-elle en véritable mère poule, s'empressant de réarranger les boucles emmêlés de l'adolescent.
Saul laissa échapper un grognement tandis que sa tendre et chère ne se tarissait de reproches. Saul et Alyssa formaient un couple depuis environ deux mois. La brune avait pris les devants, un jeudi à la cantine, s'interposant entre Noah et Saul, proposant d'un air détaché au bouclé de manger avec elle, seul à seul. Noah avait regardé la chose d'un mauvais oeil. Surtout qu'il avait du manger en bien mauvaise compagnie se jour là, et il s'en souvenait encore.
Alyssa défiait de son regard azur quiconque s'interposait sur son chemin, sans jamais faillir. La brune n'était pas du genre à mâcher ses mots, arborant fièrement une queue de cheval haute. D'un naturel franc et parfois brusque, son énergie fatigait Noah qui avait quand à lui plutôt tendance à vivre à une vitesse envoisinant les x0,25 de Youtube.
Elle déposa finalement un baiser rapide sur les lèvres du bouclé et s'éclipsa.
- il manquait plus que ça.. grogna Saul sous son coude. Et je suis PAS en retard.
Noah jubilait de la situation. Il esquissa une petite moue :
- ca passe pour cette fois, Saul Dumont.
Celui-ci se redressa, s'étirant de tout son long et demanda dans un bâillement:
- on commence par quoi ?
Mais il s'interrompit lui même en réalisant :
- SVT ! MAIS NON, gémit il. J'aurais mieux fait de rester couché.
- Saul, dois je te rappeler que tu es en terminale S SVT spécialité SVT ? La merde tu te l'es toi même mise en intraveineuse.
Il laissa échapper un ricanement aigre :
- et tu aurais voulu que je fasse quoi ? Spécialité maths avec les fous comme toi ? J'avais qu'à aller glander en spé informatique mais pour ça il aurait fallu que je change de département.
Il laissa sa dernière phrase planer un instant. Noah pouffa.
- tu viens de résumer tout le tragique de la vie à la campagne.
Madame Deley les rappela à l'ordre d'un coup d'œil furieux, ayant enfin fait fonctionner l'ordinateur ah bah c'est pas trop tôt !! et les deux garçons n'eurent d'autres choix que se concentrer sur les mouvements de la tectonique des plaques.
<>
- j'arrive pas à croire qu'on perd autant notre temps.. grommela Saul alors que la sonnerie retentissait et libérait enfin les élèves de terminale S1.
Dans la cours, les élèves du lycée Pouzol se rassemblaient par petits groupes, entre lesquels les garçons slalomèrent.
- spé SVTTT, se contenta de chantonner Allègrement Noah et Saul sourit.
Coup de chance, ils terminaient aujourd'hui à 10 heures. Enfin, ce n'était pas vraiment de la chance. La professeure d'anglais était tombée en dépression début septembre, et personne n'était venu la remplacer. bizarre, les gens auraient dû se battre pour un remplacement à Saint Scenac, avait raillé Saul. Le charmant village n'avait tenté aucun remplaçant et ils se retrouvaient sans cours. L'après midi étant constitué d'une heure de maths suivi d'une heure d'italien, ils n'avaient pas vraiment de raison de se presser.
- on va chez moi ? Demanda Noah plus par habitude que réellement soucieux de la réponse.
Saul venait chez lui tous les midi, soirs et pauses depuis la création de l'univers, soit, à peu près, la petite section Montaigne de l'école primaire Émile Zola. Ils avaient commencé par des grenadines et des carreaux de chocolat, et quinze ans plus tard ils se retrouvaient dans la même cuisine à boire...
- Grenadiiiiine ! S'exclama joyeusement Saul en sautillant sur le vieux tabouret bancal de la cuisine.
Il s'empressa de se servir. Rien n'avait changé. La cuisine était toujours tapissée de cet horrible papier peint fleuri, réhaussé par des carreaux blancs décorés par des rappels de la tapisserie. Noah abhorrait cette pièce de la maison, alors que Saul la préferait incontestablement à toutes les autres. C'est ici que le bouclé avait le plus de souvenir, la mère de Noah reprennant en coeur le générique de question pour un champion qui passait sur le vieux poste radio, les pâtes après une sortie vélo ou le goûter après les cours. Il avait beaucoup mangé ici, avait vécu les crises de colères de madame Delrio, s'écriant en français autant qu'en italien, contre Noah qui refusait catégoriquement de manger ses betteraves, ou Maya, ses yeux cuivrés dépassant à peine de sous son bol de céréale, les tournesols au centre de la table...
Saul reposa son verre après avoir bu son contenu d'une seule traite. Il poussa un long soupir de satisfaction et lança un regard satisfait à son meilleur ami. Il se resservit et levant son verre, il porta un toast :
- à notre si belle amitié, avant de le porter à ses lèvres.
- à notre devoir sur table type bac de physique demain, renchérit Noah.
Saul manqua de s'étouffer :
- tu déconnes ?! Rassure-moi.
Mais il ne plaisantait pas.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top