Crack, crack, crack, crack...

C'était le bruit de ses pieds nus sur le craquelant parquet de bois usé qui tapissait le Moby Dick.

Ace se dirigeait vers sa cabine.
Cela faisait longtemps qu'il n'y avait pas mis les pieds. Il soupira longuement. Il s'en voulait de laisser Marco sans explication, mais en même temps, il avait peur de lui en parler.

C'était vrai, il mourait d'envie de lui expliquer ce qui troublait ses nuits. Mais il ne voulait pas l'inquiéter.

Si il avait décidé de partir, c'était seulement pour ne pas faire subir ses tortures nocturnes à son amant.

Tortures. Oui, c'était le mot.

De véritables tortures qui duraient depuis bien trop longtemps. Depuis toujours, en fait.

Seulement, avant, ces cauchemars n'étaient pas aussi précis, aussi réels, aussi détaillés...

Oui, plus le temps passait, plus ses cauchemars se complexifiaient.

Lorsqu'il avait intégré l'équipage de Barbe Blanche, son père, celui à qui il devait tout, ses troubles oniriques s'étaient intensifiés en émotions.

Il était maintenant terrorisé à l'idée de s'endormir.

Terrorisé à l'idée de voir du sang, des morceaux de corps, des larmes. Terrorisé à l'idée d'entendre des cris de rage, de haine, de douleur. Terrorisé à l'idée de sentir cette sensation de brûlure. Terrorisé à l'idée de humer l'odeur de la mort. Terrorisé à l'idée de sentir ce goût métallique dans sa bouche, ce goût de sang.

Oh, ces cauchemars étaient biens trop réels pour lui. C'était comme si il était pris dans une boucle infernale : toujours la même.

Garp meurt.
Dadan meurt.
Sabo meurt.
Luffy meurt.
Makino meurt.
Deuce meurt.
Barbe Blanche meurt.
Marco...
Marco meurt.

Et... Ace meurt.

Pourquoi tant de morts ?

Pourquoi ?

Tout ce qu'il touchait était donc voué à mourir ? Tout ce qu'il touchait était donc voué à disparaitre dans le sang ?

Oh, ses cauchemars avaient cette apparence bien trop réelle, oui.

Mais il ne comprenait cependant pas pourquoi ils hantaient ses nuits, ça non.

Et ce, depuis son enfance.

Comment rêver d'une brûlure si intense, d'un monde ensanglanté et de hurlements de douleurs quand on a à peine 3 ans ?

Comment imaginer ça, quand on ne l'a pas connu ?

Pourtant, même si à l'époque de son enfance, Ace ne faisait pas de si intenses cauchemars, il se souvenait très bien des sensations et des répétitions :

Un soleil éblouissant, l'envie de courir aussi loin, aussi vite qu'il le pouvait, le sol gris, la pluie...

Tout était pareil, mais avant, ce n'était pas si clair.

Avant, il n'y avait pas de visage sur ces morts, non. Juste du sang. Juste des hurlements d'ombres qu'il ne connaissait pas.

Et maintenant, ces ombres avaient leurs visages. Les visages de ceux qu'il aimait.

C'était devenu insupportable.
C'était devenu trop récurrent, aussi.

Toutes. Les. Nuits.

Toutes. Les. Journées.

Oui, la journée. Il avait cette habitude de s'endormir en pleine journée. Marco appelait ça la "narcolepsie".

Mais, il s'en foutait, de comment ça s'appelait. Lui, il voulait juste dormir paisiblement.

Parce que, depuis un mois, c'était chaque fois qu'il fermait les yeux.

Et puis... Cette impression.

L'impression que quelque chose le pressait.

Il n'avait pas le temps.

Pas le temps de quoi ?

Lui-même, il ne le savait pas.

Il souffla en entrant dans sa cabine. L'endroit où il dormait, avant. Seul. Sans personne. Sans Marco.

Il allait dormir sans Marco.

Tout était resté dans l'état où il l'avait laissé.

Les chemises jaunes dans son placard, les boîtes de gâteaux vides sur son bureau, l'avis de recherche de son petit frère sur le mur : 30 millions de Berrys.

Il sourit en voyant le visage illuminé d'un sourire éclatant de Luffy.

Le jeune homme posa l'oreiller et la couverture qu'il avait emportés et s'installa dans ses anciens draps blancs.

Froids.

Ils étaient froids.

La présence du blond lui manquait déjà. Seulement, il avait besoin d'être seul.

Il était fatigué. Il était ailleurs.

Il ferma les yeux.

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Qui sont ces gens qui me hurlent dans les oreilles ?

Tic. Tic. Tic. Tic...

Et ce soleil qui ne s'arrête pas de m'éblouir...

Je souffle.

Il faut que je cours. Loin d'ici. Loin d'eux.

Loin de qui, déjà ?

J'en sais rien, mais il faut que je cours. Ça, je le sais.

Aah... J'ai si chaud...

Pourquoi j'ai chaud ?

Pourquoi j'ai mal ?

J'ai mal ?

Je pose une main sur mon torse.

J'ai l'impression que mon cœur s'est arrêté. Ça fait si mal...

Je cours, le plus loin que je le peux, le plus vite que je peux.

Et puis... Je tombe.

Le sol est si froid...

Et cette pluie qui se met à s'abattre sur mon corps.

J'ai déjà vu ça.

J'ai déjà vécu ça...

Attends une minute...

Est-ce que je...?

Non, je n'ai pas le temps de m'attarder sur ces pensées délirantes. Comment aurai-je déjà pû vivre ça ?

Je me relève.

Je recommence à courir.

Je ne dois pas rester là.

Je n'ai pas le temps.

J'ai si mal... Ça brûle...

Mon cœur brûle. Mes poumons se bloquent. C'est comme si... Comme si il manquait quelque chose.

J'essaye de regarder autour de moi, mais tout est flou.

Et puis, soudain, je m'arrête.

Attends une minute...

Je sais. J'ai déjà entendu ces cris.

J'ai déjà vu ce sol, ce ciel.

J'ai déjà vu ces visages.

À qui appartient cette voix qui hurle ?

Je me concentre.

Oui...

Je rêve.

Je ferme les yeux.

Je dois juste attendre la fin de mon cauchemar.

"Hey !"

Qu'est-ce que c'est que ça ?

Qui a parlé ?

J'ouvre les yeux ?

Tiens. C'est nouveau.

"Marco ?"

Qu'est-ce qu'il fait là ?

"Hey !"

C'est étrange... Ça n'est jamais arrivé, ça.

"Hey !"

Mais...

"Réveille toi !"

Oh.

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"Marco ? Mais qu'est-ce que tu fais là ? Je t'ai dit... Je t'ai dit que je voulais être seul..."

Sa voix était fatiguée, elle s'éteignait dans sa gorge.

"Ace..."