- Ça a commencé dans mon garage

7 ans plus tôt

- Louis -



L'été est là, c'est la saison que je préfère. Elle rime avec vacances, amis, fêtes et musique. Que peut-on vouloir de plus quand on est un ado ?

Excité, je recule de quelques pas sur le trottoir et contemple ce vieux garage avec un large sourire. Notre groupe de musique commence vraiment à ressembler à quelque chose, je commençais à ne plus y croire. Depuis le temps que nous bidouillons nos morceaux sans jamais s'y mettre sérieusement, c'est gratifiant de réussir à sortir quelque chose de nos cinq têtes pas très motivées. Les One Direction ont enfin décidé d'en choisir une de foutue direction et c'était pas trop tôt.

─ Non mais t'entends le son moisi qu'elle fait cette basse ?! Les gars moi j'abandonne !

Mon regard se pose sur Zayn, le râleur de service, qui comme toujours nous exprime à sa façon son plaisir d'avoir raté une grasse matinée. Liam cesse de gratter sa guitare et se penche pour regarder la basse incriminée, son éternel sourire bienveillant accroché au visage pour essayer de calmer le volcan qu'est notre ami. Au fond du garage, Niall est assis derrière sa batterie. Il fait distraitement tourner sa baguette entre ses doigts, le nez enfoncé dans son téléphone et le visage sérieux. Rien qu'à voir les mouvements répétitifs de son pouce sur l'écran, je sais qu'il ballade sur Tinder. Et enfin, là-bas sur la droite adossé contre le vieil établi, on retrouve Harry. Le silencieux, mystérieux et désinvolte Harry Styles.

Du haut de ses seize ans, il est le plus jeune du groupe, et pourtant il me semble si vieux. Son visage anguleux arbore cette éternelle expression maussade pendant que ses yeux verts observent tout avec gravité. Ses fringues sont aussi sombres que son attitude et malgré les années, je n'arrive toujours pas à le cerner. C'est pourtant mon meilleur-ami, je devrais tout savoir de lui, malheureusement je ne sais rien, rien de ce qui est vraiment important j'entends bien.

Il tire une dernière latte de sa cigarette et en souffle la fumée, avant de laisser tomber le mégot et l'écraser sous sa Doc Marteen. Il réalise que je l'observe intensément, alors il arque un sourcil suspicieux qui m'oblige à détourner le regard, peu désireux de me faire envoyer chier dès dix heures du matin.

Devant moi, Zayn dans toute sa splendeur repousse Liam en ronchonnant.

─ Mais c'est bon lâche l'affaire, on en tirera rien de ce débris. Franchement ça craint, je suis le seul bon musicien de ce groupe débile et j'ai même pas le droit à une basse qui tient la route !

─ Non mais il s'entend lui ?! Gronde Niall. Le jour où on devient célèbres et que je roule sur le fric, je te jure que je te fais assassiner.

─ Ça risque pas vu que le jour où on deviendra célèbres c'est qu'on t'aura remplacé !

─ C'est ça ! Et sinon, t'aurais pas envie de faire une carrière solo ?! Ça arrangerait tout le monde...

Zayn lui déplie son majeur, en réponse Niall forme un cercle avec ses deux doigts pour y enfoncer la baguette dans des va-et-vient explicites. J'en soupire exagérément.

Quelle bande de casses-burnes.

Je finis par claquer des mains, impatient. Ils reprennent place. Le fait que je sois le plus vieux et que ce soit le garage de mes parents dont on se serve me confère un pouvoir non négligeable. Je suis celui qui garde la barque hors de l'eau et supervise le tout, comme une sorte de pseudo compositeur-manager-auto-proclamé. Qui d'autre pour endosser ce rôle fatiguant ? Il n'y a que moi qui réussis à les cadrer. J'adore composer et organiser, mais je chante les refrains quand l'envie m'en prend aussi. Je suis un peu multifonction.

Niall lance le tempo avec ses baguettes et ils se mettent enfin à jouer, je n'espérais même plus. Harry, toujours appuyé sur l'établi, se met à chanter les paroles de la chanson sans y mettre beaucoup de convictions, mais c'est largement suffisant pour les répétitions.

Les musiques s'enchainent et la bonne humeur s'installe. Il y a une osmose entre nous, c'est indéniable, nous dégageons quelque chose de fort et d'assez inexplicable au vu de nos fringues pourries et nos tronches d'ados retardés. Le rythme fait battre mon pied, honnêtement ça en jette dans ce garage, des voisins du lotissement s'arrêtent même nous écouter quelques minutes avant de reprendre leurs activités.

Franchement, nous n'avons aucune réelle ambition, nous aimons juste la musique et je suppose que c'est déjà suffisant.

*

La répétition dure jusqu'à ce que qu'il soit l'heure de manger. A la fin de la dernière note, ils poussent des exclamations soulagées comme si on les avait torturés pendant deux heures, j'en lève dramatiquement les yeux au plafond. Les instruments sont lourdement posés au sol tandis qu'ils se précipitent sur la porte qui mène directement à la cuisine. Je les suis en pinçant mes lèvres, conscient qu'ils vont foutre un bordel monstre chez moi que ma mère risque de moyennement apprécier à son retour.

Zayn grimpe sur le plan de travail pendant que Liam et Niall fouillent déjà les placards comme des affamés. J'ouvre le frigo me prendre une bière puis je rejoins Harry sur le canapé, je m'y affale contre lui en libérant un soupir d'aise. Quand il tente de prendre ma bouteille je lève haut le bras dans les airs, sifflant entre mes dents.

─ Tssk t'es pas majeur.

─ Tu vas te calmer direct, râle-t-il. Ça y est parce que t'as trois ans de plus tu te sens plus pisser ?

─ Shhhh, sois pas insolent petit jeune pré-pubère, profite de ma sagesse.

─ Regarde ce que j'en fais de ta sagesse.

Il s'enfonce deux doigts dans la gorge qui m'arrachent des rires.

Derrière nous me parviennent des bruits inquiétants de casseroles et d'assiettes qu'on cogne partout, je ne veux même pas imaginer le carnage qu'ils mettent, j'en ai pas le courage, alors je ne regarde pas.

Tout à coup le craquement familier des escaliers en bois retentit. Instinctivement je redresse le buste en plissant le nez en voyant débouler ma sœur Georgia. Sans surprise, ça se met à ronronner et siffler dans tous les sens.

─ Salut Georgie, lui chantonne Niall avec sa voix des grandes occasions. Tu veux un sandwich ? Je suis le dieu des sandwichs... entre autres.

Ma sœur glousse en traversant le salon, moi je pivote les épaules et balance brutalement un coussin dans la tronche du batteur. Il esquive comme un pro alors le projectile frappe un verre qui explose dans l'évier.

─ Putain Niall ! Je lui hurle. Je t'ai déjà dit d'arrêter de brancher mes sœurs !

Les autres mecs ricanent pendant que le blond roule théâtralement des yeux.

─ T'en as cinq de sœurs aussi... ta piaule c'est un vivier de jolies nanas. T'es vraiment pas cool tu pourrais penser aux potes.

Lorsque je feins de me redresser, il lève les mains en signe de reddition puis se penche pour ramasser le verre cassé.

Ce Niall n'est qu'une grande bouche, il la ramène beaucoup avec les filles pour ne finalement pas faire grand-chose, bien que pour le coup ça m'arrange.

Harry profite de ma fureur passagère pour me voler ma bière et se l'enfiler cul-sec, la tête rejetée en arrière sur le dossier. Désabusé, je me frotte le visage et me demande encore pourquoi j'endure tout ça.

Parce que tu les adores.


Nous continuons inlassablement de nous chamailler jusqu'à ce qu'ils partent de chez moi un à un, vaquant à leurs occupations. Ne reste plus qu'Harry.

Comme souvent, après qu'il m'ait gentiment regardé ranger le désastre, nous nous installons dans les poufs colorés du jardin. Nous regardons le ciel sans beaucoup parler. Nous n'avons pas besoin de meubler le vide lui et moi lorsque nous sommes seuls, parce que notre vide est agréable. Depuis que je le connais, nous avons toujours eu un lien particulier, quelque chose que l'on sent au fond de ses tripes sans parvenir à y accrocher un terme exact.

C'est fort, c'est évident, c'est sincère.

Notre rencontre, ça a été un véritable coup de foudre amical. En seulement quelques phrases échangées durant une soirée, j'ai tout de suite senti que le feeling passait comme rarement il l'avait déjà fait. Il m'a fallu beaucoup ramer pour réussir à l'approcher, lui l'associable et têtu chanteur, et quant à lui, il a aussi fallu beaucoup de temps pour m'accepter, moi le jovial et trop expansif musicien.

Je l'observe discrètement depuis mon coussin, pensif. La question que je me pose chaque seconde en sa présence me brule les lèvres. Oserai-je ? Oui, je crois qu'il le faut. J'inspire fort et pèse ma voix pour ne pas le braquer.

─ Hey Styles ? Tout va bien en ce moment ?

Son visage pivote pour me regarder sous ses cils bruns, il me jauge un instant, puis décale à nouveau la tête pour contempler le ciel.

─ Ouais, marmonne-t-il gravement.

─ Menteur.

Il ne relève pas, il sait que j'ai raison. Harry peut duper la terre entière mais pas moi. Cette attitude insolente qu'il entretient, ce style rebelle, ce désintérêt pour tout ce qui l'entoure ou encore cette profonde solitude... tout ça cache un truc j'en suis persuadé, un truc plus profond que cette image de petit con qui aime le cuir et emmerde la société. Sauf que je n'arrive pas à savoir ce que c'est. Je donnerais tout pour le savoir pourtant.

Nous restons silencieux, et c'est drôle, j'ai l'impression que si jamais je tendais la main vers lui, je parviendrais à toucher l'aura sombre qui oscille tout autour, cette ombre qui ternit ses traits et voile ses yeux.

D'où vient-elle cette obscurité ? Qu'est-ce qu'elle lui fait ?

Brusquement la véranda s'ouvre en me faisant sursauter, c'est Charlotte qui arrive d'une démarche enjouée. Elle s'avance dans l'herbe pour faire la bise à Harry puis se laisse lourdement tomber contre moi.

─ Louis, claironne-t-elle de cette voix qui va me demander quelque chose.

Je lève le bras pour qu'elle se presse contre mon torse puis j'enlace ses épaules, embrassant son front bruyamment.

─ Si tu veux du fric Lottie je t'annonce direct que j'ai plus un rond.

Son rire perce le ciel alors qu'elle secoue négativement la tête.

─ Non. J'ai mon amie qui arrive demain, tu crois que tu pourrais m'accompagner la chercher à la gare avec ta voiture ? Pour nous éviter les bus.

─ Celle qui passe les vacances ici ?

Elle acquiesce et je le fais aussi, évidemment, j'ai l'habitude de faire le taxi pour les cinq merdeuses de mon cœur. Qu'elles en profitent, parce que je ne vais plus rester ici encore très longtemps, du moins je l'espère.

Satisfaite, elle tapote mon ventre puis se lève et repart comme elle est arrivée. Je la regarde disparaitre dans notre grande maison familiale et me perd quelques temps dans mes pensées.

Je suis quelqu'un qui pense beaucoup. Trop même.

Le bruit d'un briquet me ramène à la réalité. Harry a porté ses mains en coupe et s'allume une cigarette, protégeant la flamme contre cette brise d'été qui fait frémir les buissons et voleter ses cheveux noirs autour de son visage. Il souffle la fumée en étendant les jambes sur le gros coussin puis replonge dans son mutisme. Moi au contraire, j'ai la furieuse envie de lui hurler dessus.

Oui, je voudrais lui hurler au nez que je suis là, juste à côté. Que je suis son meilleur ami, qu'il peut me parler, que j'entendrais tout sans jamais le juger ni le blâmer, que j'écouterais sans l'interrompre pendant des nuits entières s'il le fallait et que je ferais n'importe quoi pour l'aider. Il le sait très bien, mais il ne dit rien, il reste silencieux et s'enferme à nouveau dans sa noirceur, contrastant étonnement avec le gros coussinau tissu fluo.

Qu'est-ce que tu planques de si énorme Styles ? Qu'est-ce qui est si gros et important que tu ne puisses pas me le dire ?

Tu me fais flipper.

Je flippe parce que ce truc ça te détruit... ça te bouffe, te ronge, et plus les années passent et plus je réalise que ça te tue Styles...

Ça te tue.


Salut tout le monde !

On enchaine les premiers chapitres, on pose gentiment le truc comme toujours. Pas trop grand chose à raconter du coup...

Sinon, pour le rythme, ça sera tous les cinq jours, (nan, une semaine c'est trop long, j'peux pas, je suis pas encore sevrée) on se donne donc rendez-vous lundi prochain <3

J'vous aime et faites pétav' le vote 

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