- Carrie, elle s'appelait Carrie

- Louis -



La nuit tombe doucement sur la maison, je suis comme toujours avachi sur ma chaise de bureau. J'ai rejeté la tête en arrière sur le dossier avec les bras flottant dans le vide et je tourne, je tourne et retourne.

Je ne fais que ça, tourner, et mes chaises de bureau ne me font jamais une année entière.

Mon regard est rivé sur le plafond mais c'est dans mes pensées qu'il se balade en réalité, je pense à tellement de choses que je peine à suivre le fil. Je songe à ce Bac que j'ai eu, de ce que je vais bien pouvoir en faire, mais surtout, de cette enveloppe ouverte dans mon tiroir contenant une réponse favorable de cette prestigieuse faculté de droit.

Le téléphone sonne, je relève la nuque. Rien qu'aux couleurs de la photo sur l'écran je reconnais que c'est Audrey, ma copine. Je repose donc la tête et recommence à tourner jusqu'à ce que la musique cesse.

Je n'ai pas envie de lui parler. Quand nous parlons c'est toujours pour ne rien dire. Au début ça m'amusait, en ce moment beaucoup moins. En fait plus rien de m'amuse depuis que tout devient si sérieux dans ma vie.

J'ai dix-neuf ans.

On ne cesse de me répéter à quel point être majeur est fantastique, que c'est la liberté et les responsabilités... pourtant je désire secrètement ne plus l'être majeur, je donnerais tout pour avoir seize ou dix-sept ans à nouveau, comme les autres membres du groupe.

Le téléphone sonne encore, j'en fronce les sourcils, songeant qu'Audrey a vraiment décidé de s'acharner, sauf que je réalise soudain que la photo a changée. Je donne une brusque impulsion et roule jusqu'au bureau pour le saisir et décrocher, c'est le cliché d'Harry me faisant un fuck alors forcément ça me fait sourire.

─ Ouais Styles, dis-je en le plaquant à mon oreille.

─ J'ai pas baisé depuis trop longtemps, rétorque-t-il d'une voix morose.

Je lève les yeux au plafond et m'accoude au bureau pour me frotter le visage.

─ Et tu me téléphones parce que... ? Je te jure mec que tes prochains mots joueront énormément pour la continuité de notre probable future amitié.

Il ricane et je le fais aussi.

─ Tu fous quoi ? me demande-t-il après.

─ Je suis chez moi, je fais des trucs passionnants.

─ Tu tournes ?

─ Depuis une heure...

Son rire reste contenu dans sa gorge, il me connait si bien. L'entendre rigoler et sortir des vannes me rassure, c'est signe qu'il va un peu mieux. D'ailleurs, je me demande bien ce qui a pu lui redonner le moral...

Les passades sombres qu'il vit sont vraiment très étranges, c'est cyclique je dirais même. Généralement ça lui dure une grosse semaine puis tout redevient normal comme si rien ne s'était passé, enfin, un normal à la Harry Styles quoi, rien de très lumineux et agréable.

Sans attendre de connaitre la raison de son appel, car de toute façon il n'y en a jamais vraiment, je pose le portable sur le bois et enclenche le haut-parleur.

─ Mec, faut que t'écoutes ça.

Je me penche attraper ma guitare puis me réinstalle confortablement. Mes doigts commencent à gratter et jouent cet air trainant dans ma tête depuis quelques jours. Depuis le téléphone, j'entends le bruit familier d'un briquet, il s'allume une cigarette.

Pendant un long moment j'enchaine les accords, m'arrêtant de temps en temps pour griffonner sur un coin de feuille ce que j'ai essayé. Parfois, Harry se met à chanter les mélodies que je viens de sortir, comme pour les imprégner, entrecoupés de ses souffles de fumée.

C'est si juste tout ça.

Tout à coup le cri de mon père retentit depuis le couloir, il nous gueule que le repas est prêt.

— Père nous appelle, fais-je dans cet accent bourgeois en reposant la guitare.

— Combien sa Seigneurie a-t-il fait tuer de vaches pour nourrir votre si grande lignée ?

— Vous vous fourvoyez, ce soir c'est poulet.

— Grands dieux, c'était une race que j'aimais bien.

Mes rires résonnent fort dans la pièce, les siens retentissent toujours lorsque je raccroche. C'est si bon. J'ouvre la porte en manquant me faire renverser par deux jumelles en train de courir, Phoebe et Daisy. Je m'immobilise et mime les mouvements d'un agent de la circulation, ça les fait glousser depuis qu'elle savent marcher. Charlotte débarque à son tour au bras de copine et pareil, je leur fais signe de bouger, ça leur arrache des sourires avant qu'on ne descende le gros escalier.

Cette maison fourmille, j'adore ça.

Nous arrivons tous dans le salon. Les jumelles mettent la table avec Georgia, nous aidons aussi et le joyeux foutoir commence déjà. Mon père m'attrape la nuque et m'assoit contre lui avec la force du désespoir, il me fait son air qui n'en peut plus de toutes ces nanas et je lui envoie un clin d'œil complice.

Le jour où je partirai je crois qu'il ne s'en remettra pas le pauvre patriarche. Souvent je l'emmerde en lui disant qu'il ne sait pas faire les mecs et que je suis très certainement l'œuvre du facteur, ce à quoi il me rétorque d'aller me faire voir et que le facteur en question n'aura qu'à payer mes onéreuses études de droit... études que secrètement, je n'ai pas envie de suivre.

─ Bon les filles, racontez-moi votre journée.

Les jumelles glapissent en même temps pour parler la première et mon père se masse la tempe. Je réceptionne le plat que ma mère me donne en s'asseyant de l'autre côté de mon père, lui tapotant tendrement le bras.

Des conversations se mêlent de partout tandis que je me sers tranquillement la salade de pâtes puis la fais tourner. Comme toujours le repas est gargantuesque, c'est la vision de la famille que je chéris, moi aussi plus tard j'aimerais avoir une maison remplie de gens qui la font vivre.

Le sujet principal arrive vite sur le tapis, celui de l'arrivée de Carrie dans notre demeure. Elle est assise en face, bien droite contre Charlotte, sans doute impressionnée par tout ce mouvement. Puisqu'elle observe attentivement mes parents qui lui parlent, je profite de l'occasion pour la détailler.

La première chose qui me saute aux yeux, c'est qu'elle fait sacrément jeune, je peine à lui donner le même âge que Charlotte, elle ressemblerait presque à une amie des jumelles. Ses cheveux  très courts sont d'un blond presque blanc, tout comme sa peau. Son port de tête est gracieux, sa nuque ouverte sous sa coupe garçonne est si longue et fine que j'y laisse le regard un certain moment. Ses yeux sont immenses et en amande, comme ceux des chats, mais contre toute attente au vu de sa blondeur, ils ne sont pas clairs, ils sont ambrés. Cette couleur me rappelle la mousse du café, c'est chaud, ça contraste avec son aspect si pâle. Pour le reste, de ce que j'ai vu de son corps, elle est mince, trop mince, la même maigreur que les grands enfants, sans aucunes formes visibles, comme si elle entrait à peine dans la puberté.

On me passe la carafe d'eau, je m'en sers un verre avant de la passer à mon tour. Sans vergogne je retourne de nouveau à mon inspection, parce qu'elle m'intrigue la gamine.

Je m'attèle à détailler son visage, il faut bien reconnaitre qu'il est fin et délicat, comme celui de ces fragiles poupées de porcelaine. Dissimulées derrière des lèvres pleines, je remarque que ses deux dents de devant sont écartées, et pas qu'un peu. C'est perturbant au début, mais finalement ça hypnotise quand elle parle.

J'aimerais beaucoup apercevoir son sourire, un vrai j'entends, pas un crispé comme elle en offre à cette énorme tablée bruyante. Le défi est trop tentant, alors j'attends qu'elle tourne la tête dans ma direction. Lorsqu'elle le fait, je croise les mains devant mon assiette en baissant le nez comme si je priais. Mon père m'imite immédiatement, et là je vois Carrie se décomposer lorsqu'elle réalise que nous allons prier, elle s'accroche même à la table.

─ Les garçons arrêtez ça tout de suite ! Vocifère alors ma mère en nous frappant avec sa serviette.

Mon père et moi nous esclaffons tout en nous protégeant des attaques de ma mère. Cette vanne fonctionne à chaque fois, mettant les invités dans un horrible embarras. Mes sœurs nous rejoignent dans les rires alors je rive mes yeux sur la petite poupée avec impatience. Elle nous regarde tour à tour, encore surprise, puis un immense sourire étire ses traits amusés.

Il est là le sourire aux dents écartées, et il est fascinant.

Le repas se passe dans une habituelle bonne humeur, il est rare que ça ne soit pas joyeux. Les engueulades se font généralement plus tard, au cas par cas lors de la tournée des chambres. Logiquement j'y échapperai ce soir, il me semble qu'aujourd'hui je n'aie fait aucune connerie.

Une fois à l'étage, je ferme la porte de ma chambre et retourne instinctivement vers mon portable, je l'allume et téléphone à Harry. Il décroche et sans même que l'on ait besoin de parler, je pose le portable sur le bureau et reprends mes accords.

Tout est simple et sans chichis avec lui.

J'entends qu'il se rallume une cigarette, il le fait tout le temps quand il m'écoute jouer.

Je me sens mieux tout à coup, l'effervescence du repas et de la journée retombent, je suis apaisé, dans mon élément. C'est un peu comme si Harry était dans la pièce avec moi.

J'aurais rêvé que ce soit le cas, qu'il puisse être dans une des autres chambres de la maison car le même sang coulerait dans nos veines. J'aurais soulevé ma guitare et l'aurais rejoint m'affaler dans son lit, il serait assis à la fenêtre en train de fumer discrètement, m'écoutant jouer en battant le rythme avec son pied. Évidemment, les parents l'auraient grillé depuis le jardin, jeter brusquement la clope n'aurait rien changé, notre père serait déjà en train de grimper les escaliers comme un fou pour venir nous éclater la tronche.

Cette merveilleuse image m'arrache un sourire, puis je tends le bras pour entourer l'accord que je viens de trifouiller. Il me plait cet accord.

─ Hé Louis.

Mon œil tourne vers l'écran du téléphone et ne bouge plus. Ce « Hé Louis » n'annonce jamais rien de léger. Un souffle de fumée brise le silence, je perçois qu'il remue, ça fait grésiller le téléphone.

─ Elle est triste ta musique en ce moment, reprend-il.

─ Peut-être, mais elle est moins triste que toi.

Un reniflement me répond, sa voix se fait grave.

─ J'suis pas triste, j'suis en colère.

Soudain mes doigts quittent les cordes, ma respiration s'est bloquée. Je ne rêve pas, il essaye de me parler là, j'arrive à peine à le croire.

Harry ne parle jamais, à personne, et là pourtant il essaye.

Nerveusement, je me passe une main dans les cheveux puis je roule contre le bureau, j'y croise les coudes et pose le menton devant le téléphone en le fixant comme si je le fixais lui au travers. Avec précaution, je pèse le moindre de mes mots, comme si je risquais de tout détruire.

─ Et pourquoi t'es en colère au juste ?

Il ne répond pas, je ne perçois plus que ses souffles. Mes mâchoires se sont resserrées et j'attends, j'attends des minutes entières, mais tout à coup l'écran se rallume, la conversation téléphonique clignote en affichant les quarante-neuf minutes écoulées.

Il n'y a plus de bruits, plus de fumée de cigarette, et je suis seul à nouveau dans ma chambre.

Dans un grognement furieux, je tape plusieurs fois le front sur le bois avant de ne plus du tout bouger.

Pourquoi tu veux pas me le dire Styles... putain parle-moi.

Parle-moi.


Hello les meuuuuufs ! (Et les mecs ?)

Bon ok, j'ai pas tenu 5 jours, bordel de zut. C'est trop long hein ? Si c'est trop long. Ok, on vote levez la main. Unanimité c'est vendu. C'est trop long.

Qu'est-ce que vous pensez du Vendredi dans la journée et du Lundi soir ? Je trouve ça bien. On va faire ça !

Alors sinon, merci pour les vues et pour les abonnements, franchement c'est fou, 35 nouveaux abonnés ça me touche. Je vous embrasse fort. Je vais bien vous chouchouter.

A lundi <3

Ps : Pour les autres vieilles lectrices, bougez votre derch et allez voter, z'avez cru c'était la fête ?

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