•36. Espoir•

Eren

Le vent fouette mon visage tandis que quelques larmes de soulagement dévalent mes joues.

Les mots de Livaï ont eu le don de me rassurer. Me faisant presque digérer mon coming-out explosif de tantôt.

Je remets doucement mon téléphone dans ma poche le temps de réfléchir, désormais plus calme.

Je recontacte alors rapidement Armin et lui décris rapidement ma conversation avec la star.

- Eh bah, oublie pas que tu dois me le présenter hein ! il ironise amusé avant que je ne raccroche.

Je passe ensuite plus d'un quart d'heure assis sur un muret non loin d'un champ où j'allais jouer étant enfant. J'y reste tranquille à réfléchir avant qu'un grand blond ne se mette finalement assit à côté de moi.

- Je savais que tu viendrais ici, lâche calmement Sieg. On venait tout le temps jouer ici quand t'étais gosse.

J'opine doucement et silencieusement alors que les paroles que j'ai violement lâchées à table me reviennent en mémoire.

J'ai honte, non pas honte de moi, de ce que je suis, mais honte de mon manque flagrant de tact.

- La bombe que t'as lâché tout à l'heure wow, reprend mon demi-frère. Maman et Yelena ont pas kiffé la manière, elles nous on fait passé un sale quart d'heure quand t'es sorti.

- Ah

Que pense t-il de moi ? Sieg n'est pas le genre d'homme que l'on comprend rien qu'en le regardant, mon frère a toujours été quelqu'un d'indéchiffrable. En cela il ressemblait un peu à Livaï.

- En tout cas...je m'y attendais pas, il avoue doucement.

Il se tourne vers moi afin de me regarder alors que la peur du rejet gagne mon estomac tristement privé de dessert.

- Mais écoute... Peu importe ce que tu fais de ta vie...t'es mon frère m'fin...du moment que t'es heureux j'men tape de ce que tu fais et avec qui.

Mes muscles se détendent subitement tandis que mon regard se fixe sur mon frère.

- V-vraiment ?

- Vraiment, j'm'en fous de c'que t'es tu reste mon frère. Comme tu restes le fils de p'pa et m'man.

Les larmes dévalent de nouveau mes joues. Mais ce sont cette fois des larmes de soulagement.

- Et papa il a dit quoi...?

- Il pense comme moi mais tu le connais... Il n'aime pas trop parler de ce genre de chose.

- Merci putain...

- Eh chiale pas fillette, dit-il sur un ton plus léger et en essuyant une de mes larmes. Tu veux pas t'rentrer ? J'me gèle les miches à cause de toi moi là.

- Ta gueule, repondis-je avec soulagement en me levant.

Il me « tapote » le dos, me faisant une fois de plus décoller de trois mètres en me servant un énorme sourire.

- Je me vengerai un jour.

- J'ai hâte de voir ça, dit-il en marchant. Sinon euh...

- Oui ?

- Il s'est passé quoi avec ton mec du coup ?

Les paroles de Sieg sont maladroites mais je le comprend. Il n'est pas du genre à parler facilement et a été surpris par mon aveux.

Mais je n'ai aucune idée de comment lui expliquer ma situation (que j'ai déjà du mal à comprendre moi-même).

- C'est compliqué...

- On est à quinze minutes à pieds de la maison je t'écoute.

Je soupire. Cherchant par où commencer.

- On n'est pas en couple en fait, du moins pas encore C'est ambigüe.

- Tu le connais depuis quand ?

- Pas si longtemps.

- C'est à dire ?

- Mmh...un peu plus de deux mois mais c'est plus compliqué que ça.

- Bah, déjà tu le connais d'où ?

- C'est compliqué... C'est une personne très connue... Et...disons que c'est par chance qu'il m'a remarqué...

- C'est qui ?

Je resta silencieux quelques secondes avant de reprendre, ayant l'autorisation de Livaï pour parler de lui à ma famille.

- Le chanteur de No Name.

Sieg s'arrête brutalement.

- Quoi ??

- C'est le chanteur de No Name.

- Mais...vous vous êtes connu comment ?!

- Il a vu des photos que j'avais prise à un concert et publiées Facebook. Et à la sortie du fameux concert je l'ai vu monter dans sa voiture, il a fait un détour et m'a filé son numéro.

Évidemment l'histoire était bien plus complexe mais je ne souhaite pas m'étendre sur le sujet d'avantage pour l'instant.

Sieg m'observe un instant puis reprend sa marche.

- Et ensuite ?

- On a discuté par SMS d'abord au sujet des photos... Puis il m'a invité à un autre concert pour prendre des photos.

- Ouais... Ensuite ?

- Il m'a proposer de faire un stage avec leur photographe et donc à travailler avec eux.

- D'où le stage à Paris.

- Oui, je confirme.

- Ensuite ?

-Il est venu me voir au bahut pour me donner les papiers de mon stage.

- Genre la poste et les mails c'est pour les faibles ?

- Je crois oui, je souffle du nez. Et...il m'a embrassé, dans ma chambre.

- Ouais c'était un prétexte quoi, et après ?

- T'es stressant tu sais ? Après il a fuis je sais pas où et on s'est reparlé par messages le lendemain, et j'ai commencé mon stage un mois après avec un concert au Stade de France.

- Rien que ça, il pouffe.

- Ouais, un petit truc de rien du tout.

- Et le problème est où ?

- Il m'a proposé de dormir chez lui pour toute la durée de mon stage, donc je crèche chez lui depuis un mois. On s'est rapproché, j'ai même rencontrer sa mère et son oncle si tu veux savoir. Et hier on a fini par couché ensemble, je lâche à demi mot.

Sieg marche en silence, réfléchissant probablement.

- C'était...bien, mais on a eu un quiproquo au matin.

- Explique.

Je prend une grande inspiration et lui explique calmement l'altercation que nous avions eu dans la mâtinée Livaï et moi.

- Et tu lui as reparlé depuis ?

- Oui... Il m'a appelé il y a 10 minutes... Il m'a dit qu'il veux essayer de faire quelque chose avec moi et il m'a proposé de venir me chercher à la gare lundi quand je rentrerai.

- Je vois je vois.

- T'en penses quoi ?

- Je sais pas trop. Mais tu sais comment il s'appelle ecétéra hein ?

Je regarde discrètement autour de nous afin d'être sur que nous ne sommes pas écouté avant de répondre à mi-voix.

- Il s'appelle Livaï.

- Livaï comment ?

Je marque un silence en me rendant compte que je ne connais pas le nom de mon chanteur.

- Je ne sais pas, je ne lui ai jamais demandé pour le coup, j'avoue penaud.

- Mmmmh, et tu as vu son visage je suppose ? Vu que tu vis quand même plus ou moins chez lui en ce moment.

- Oui, la première fois c'était quand il est venu au bahut, il m'a laissé lui ôter son bandeau juste avant de m'embrasser.

Sieg reste silencieux un instant.

- Écoute frangin, j'veux pas le juger sans le connaître mais fais attention ok ?

- T'inquiètes.

- Tu vas rentrer avec lundi du coup ?

- Sûrement oui, faudra que je lui mette un message.

- Ok... Eh.

- Oui ?

- Si il y a le moindre problème, n'hésites pas à m'appeler ok ?

- Le retour du grand frère protecteur ?

- J'y peux rien si c'était toujours panique générale et caca culotte à chaque fois qu'il y avait une minuscule araignée dans la chambre de bébé Eren.

- Toi j'te rappelle que t'as flippé au cirque pendant le numéro des serpents, lâchais-je.

Le sujet dérive mais cela me détend.

- Oui mais un serpent s'il te plait. C'est dangereux ça !

- Tu avais quinze ans? Et il y a des serpents qui sont inoffensifs.

- Il y a aussi des araignées qui sont inoffensives.

- ...match nul ?

- Vendu.

J'aime ma famille putain.

~ ~ ~

Après être rentré et m'être pris un savon par ma mère pour ma fuite en plein repas, mon frère nous avait proposé à tous une soirée Netflix en famille que nous avions volontierement accepter.

Cependant en plein milieu de Bird Box mon téléphone vibra, me rappelant au passage que j'avais complètement oublié de recontacter Livai.

Attrapant le cellulaire à tâtons je vis d'ailleurs que c'était un message du chanteur qui avait fait vibrer l'appareil.

"Hey euh j'espère que j'te réveille pas... Tout se passe bien avec ta famille ? C'est ok pour que je vienne de chercher à Strasbourg lundi ? "

- C'est qui ? demanda curieusement mon frère en ne quittant pas la télévision du regard, sa femme avachie contre lui.

- Livaï.

- Il te veut quoi ?

- Pour lundi.

"Hey nan tu me réveilles pas, j'ai complètement oublié de te remettre un message pardon. Tout va bien et c'est ok pour lundi"

Mon frère m'avait fait, sur le chemin du retour, une énorme leçon sur l'art de se méfier des autres tout en m'encourageant à clarifier la situation et à faire ce qui me rendrait heureux.

Yelena, après avoir été briefé par Sieg, m'avais dit globalement la même chose. Comme quoi, ils sont bien accordés ces deux là.

Mon père lui m'a simplement regardé quelques secondes en silence avant de finalement me faire un clin d'oeil sans rien dire de plus. Me montrant juste par ce geste que tout était clean.

Tout ceci prouvant que j'ai une famille en or.

Une famille en or qui globalement me soutient par rapport à Livai.

"Ok d'accord niquel. Et j'vais te laisser alors je veux pas déranger"

"Tu déranges pas. T'arrives pas à dormir ?"

"Je fais souvent des insomnies comme tu le sais, et là j'avais beaucoup de choses auxquelles penser "

"Ah oui ? Du genre ?"

"Un certain gamin aux yeux émeraudes qui s'est brouillé avec sa famille plus ou moins par ma faute"

Un petit sourire s'étale sur mes lèvres.

"Tu t'es inquiété ?"

La réponse met une minute à arriver alors que dans le film, un des protagonistes meurt.

"Oui"

"Mooooh t'es mignon quand tu râles pas"

"Chut, du coup je serais à la gare de Nancy lundi, tu m'enverra tes horaires de train"

"D'accord, je te redirais, merci"

"C'est que dalle, allez j'te laisse profiter de ton film, je vais essayer de dormir"

Une audace soudaine me prit au tripes.


"Bonne nuit mon petit nain ❤️"

"Bonne nuit mon sale gosse "


Un sourire gagne mes lèvres et une satisfaction enfantine s'empare de mon être.

- Mooooh, s'amusa mon frère.

- Chut.

Je me réinstalle correctement sur le canapé avec une hâte: être lundi.

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