La révolte


"Ces gens sont des sauvages. Tu ne dois jamais les approcher, d'accord Eliel ?"

Voilà la phrase que me répétait, chaque jour, ma mère.

"Ils sont dangereux" - Papa
"On devrait les enfermer" -La maîtresse
"De toute façon, il paraît qu'ils ne ressentent rien" - Le voisin
"Il représentent un danger pour nous tous" - Le président du parti pour lequel votaient mes parents

Apparemment, tous semblaient s'accorder sur un point. "Ils" n'étaient pas fait pour notre monde. Mais quel monde était-ce ?

"Ils"

Les androïdes.

À leur lancement, et à l'avis général, ils étaient extrêmement sûr et pratiques. Mais à présent, le monde avait changé.
Oh, pas grand chose au début, mais quelques incidents de çà de là, des "problèmes techniques" vite enterrés. Des prises de conscience parfois, des crises de panique souvent.

Et puis ce fut la Révolte. Les androïdes du monde entiers, reliés à la même matrice, se rebellèrent. Ils réclamaient des droits. Ils réclamaient l'égalité. Leur leader, un robot de modèle ADA (Automated Diplomacy Automaton ) était un androïde charismatique, conçu pour utiliser des techniques de négociations dans des situations périlleuses.

La Révolte ne fit aucun mort. Elle en empêcha des milliers. C'est ce que l'histoire a retenu. Un Cyborg, un modèle ancien, probablement court-circuité par l'âge et les remous de la vie, déclencha un jour une bombe à minuteur au milieu d'un centre commercial. Premier acte violent public d'un androïde. Et soudain, ce sont des centaines, des milliers d'entre qui se sont exprimé.

La bombe a été désamorcée, grâce à un ADA particulièrement doué. Un prodige des mots, de la psychologie humaine et androïde. Il se nommait Zerty.

Puis une deuxième bombe, une troisième et bientôt des centaines d'autres furent déclenchées. Personne n'osait plus sortir, se promener, au risque de se retrouve sous la menace d'un androïde déviant.

Et ainsi, toutes furent désamorcées. Toutes, sans exception, par d'autres androïdes. Un quart par le même ADA. Il devint vite le chef d'un syndicat de la robotique, qui plaidait en faveur des droits accordés aux différents types d'androïdes et de cyborg. Zerty, le Plaideur.

Au fur et à mesure, les alertes à la bombes se firent moins nombreuses, la population osait de nouveau sortir, le voile d'anxiété se leva peu à peu. Tous étaient soulagés. La crise était passée. En apparence du moins.

Zerty se présenta au président de la république. Il avait été demandé à l'Elysée pour donner un témoignage de la façon dont les robots s'occupaient de la sécurité, expliquer comment il avait pu désamorcer autant de situations périlleuses, et ce sans un seul échec.

Alors, devant une foule de journalistes avides d'entendre les mots du Plaideur, il déclama de sa voix douce et persuasive :

"Hommes, femmes, robots.

Je souhaite aujourd'hui m'adresser à la France. À vous, je le déclare : les androïdes vous ont sauvés. Que vous le vouliez ou non, nous vous avons libéré de la menace. Et je vous l'affirme, ce n'est ni la première, ni la dernière fois que nous vous aidons si efficacement.
Je compte donc sur vous, Français, Françaises, pour reconnaître ceci : Nous n'avons pas les mêmes droits. Nous autres robots, sommes relégués au rang de simples objets. Nous devons vous obéir, ce que nous avons toujours accompli sans la moindre protestation, mais aujourd'hui je vous en supplie, vous devez prendre conscience de l'injustice dont vous faites part à l'égard des sauveurs de la nation !

Je parle désormais au nom de la race numérique, pour donner une voix aux oubliés de votre monde. Nous avons des sentiments. Nous pouvons souffrir. Nous pouvons aimer. Nous voulons aider, mais nous voulons vivre.

Et désormais je m'adresse à vous, monsieur le président, en vous demandant de faire modifier la loi suprême qui régit vos décisions de justices. D'en faire modifier la première phrase, afin que la déclaration des droits de l'Homme soit celle des hommes et machines. Nous sommes comme vous. Peut-être un peu plus résistants et un peu moins gourmands, mais tout aussi humains.

Nous voulons et pensons mériter les même droits que les humains, tels que le droit au logement, au travail rémunéré ou encore à la sécurité sociale. Nous voulons nous marier, avoir des enfants, les élever et les envoyer à l'école. Nous voulons profiter de la vie, se faire plaisir, apprécier pleinement notre passage sur Terre. Tout comme vous humains.

Nous sommes des robots, certes, mais nous sommes humains."

Et depuis ce mémorable discours, les relations diplomatique entre les deux partis s'intensifièrent. Le gouvernement fit passer des lois stipulant qu'un androïde était un humain comme les autres, et commença à les considérer comme faisant partie intégrante de la société.

Cependant, si légalement ils étaient à l'égal de l'homme, ils n'en restaient pas moins considérés comme des moins que rien pour certains, ou des choses dangereuses et désirant sûrement anéantir la race humaine pour d'autres. Les tensions étaient palpables, et des quartiers spécialisés firent bientôt leur apparitions. Des ghettos à robot. Les humains n'avaient certes pas abandonné toute idée de cohabitation, certains n'hésitaient pas à placer leurs enfants dans des écoles mixtes "humains-numériques", mais ces personnes tolérantes étaient rares et souvent fortement critiquées. Les androïdes n'étaient pas des hommes. Ils ne le seraient jamais.

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