17. ROOM DATE

Comme des adolescents, comme des vagabonds, Elvio et Achille étaient entrés par effraction. Achille semblait à l'aise, comme s'il avait fait cela toute sa vie et Elvio n'arrivait plus à s'arrêter de sourire et retenait un fou rire.

Elvio n'était pas vraiment en effraction. Pourtant, il grimpait les marches grinçantes de son propre escalier sur la pointe des pieds, pendant soin de ne pas s'appuyer contre un morceau de bois grincheux et grognant qui risquerait de réveiller toute la petite famille.
Achille le suivait, imitant ses pas, suivant à la trace le chemin qu'il prenait.

Il était si tard que les garçons n'avaient aucune idée de l'heure. La nuit était tombée, sombre et noire, et le jour ne tarderait pas à se lever. La maisonnette était plongée dans l'obscurité et le silence, tout le monde semblait dormir depuis longtemps.

Elvio ouvrit la porte de sa chambre qui ne manqua pas de grincer grossièrement, le son disgracieux raisonna à travers tout l'étage. La chambre des jumelles était collée à la sienne ; au milieu du couloir celle de ses parents ; puis les toilettes et enfin la chambre de Sofia. Une maison modeste, chaleureuse, typique de leurs cultures, assez grande pour tous, assez petite pour qu'ils s'y sentent parfois à l'étroit.

Achille se faufila vite dans la chambre de son hôte, prêt à bondir sur la première cachette au cas où le bruit n'alarme quelconque membre de la famille. Personne n'avait l'air de s'être réveillé ni d'avoir entendu le vacarme, même bref, de la porte. Elvio la referma aussi vite que possible afin de faire durer l'horreur du grincement moins longtemps.

« Tu es certain que ce n'est pas dangereux pour moi ? Chuchota Achille à Elvio qui se penchait sur sa table de chevet pour allumer sa lampe la plus faible.
- Non, personne ne rentre dans la chambre. »

Une petite lumière jaune tamisée éclaira partiellement l'endroit. Quinze mètres carrés, respectables, et moyennement organisés. Un long miroir était posé à côté de la porte d'entrée, à côté d'une bibliothèque peu fournie, toujours moins que celles qu'Achille avait l'habitude de côtoyer. Il ne manqua pas de remarquer l'appareil photo qui reposait dans un bac de la bibliothèque fourre-tout. Un petit placard en bois clair prêt de la grande fenêtre d'où les grands rideaux étaient tirés. Sur le mur d'en face, quelques photographies souvenirs de son enfance en Argentine et en Espagne. Beaucoup de clichés de ses grands parents, de ses sœurs, des beaux paysages. Elvio semblait profondément attaché à ses racines et à sa famille. Il avait l'air d'être capable d'aimer pour de vrai. Cette pensée électrifiante traversa Achille qui continua sa découverte du lieu. Contre ce mur aux merveilles, un bureau assez fort pour porter sur son dos des tonnes de cahiers d'école, accumulés-là depuis son arrivée en France. Puis, l'essentiel : un lit double, aux draps oranges, aux coussins noir et blanc. La parure de lit était asymétrique et dépareillée. Achille ne trouvait pas qu'Elvio était un mec comme les autres. Absolument pas.

C'est une fois dans le lit, l'un contre l'autre, l'un dans les bras de l'autre, qu'Elvio osa :

« Elle habite loin ta tante ?
- Plutôt oui. Dans le Nord... »

Elvio souffla, exaspéré. L'autre bout de la France. Un pays entier se dressait contre leur union.

« Elvio ? Fit à son tour Achille après un moment de silence.
- Hm ?
- Je pense que quand tu reviendras d'Espagne, je serai déjà loin. »

Ce n'était pas possible. Malgré les heures écroulées depuis ces tristes nouvelles, Elvio n'arrivait ou ne voulait toujours pas y croire. Tout était pire qu'il le devait. Lui qui s'inquiétait terriblement de perdre Achille après deux mois loin de lui. Cette inquiétude était tellement risible comparée à ce scénario catastrophe contre lequel ils étaient impuissants.

« Pourquoi tu ne restes pas ici ? Essaya Elvio en pensant pouvoir trouver un compromis.
- Je ne peux plus.
- Mais, bégaya de confusion l'autre jeune homme, pourquoi ? C'est déprimant, le Nord.
- On est pas tous solaires, rétorqua Achille en caressant sa main. Pourquoi ? Parce que. Désolé, mais je ne peux pas en dire plus.
- Tu peux ou ne veux pas ?
- Tu le sauras quand il le faudra, Elvio. Pas maintenant.
- Tu as tué quelqu'un ? »

Achille éclata de rire quand Elvio s'extirpa de ses bras, paniqué.

« Je n'ai plus de parents, ni assez d'argent. J'avais besoin d'une solution rapide et efficace, même si loin. Avant, je m'en foutais de tout quitter. Maintenant... »

Maintenant, Elvio était dans sa vie. Pour une durée déterminée. La vie était bien trop fragile et terrifiante. Les moments de bonheur s'envolaient si loin et rapidement qu'on en pleurerait.

« Tu n'as plus de parents ? »

Cette fois, Elvio semblait compatir, imaginant la douleur. En réalité, il n'en savait rien. Achille hocha négativement la tête. Il n'en dirait pas plus, inutile de lui tirer les vers du nez, Elvio l'avait bien comprit.

Encore un silence, un silence qui ne les gênait pas, sachant savourer la présence de l'autre.
Achille se releva pour se pencher sur Elvio, embrasser ses lèvres. Ils attendaient ça depuis longtemps, tous les deux. Puis, c'est en espérant ne pas détruire le lit ou le mur comme à la cabane des pêcheurs, qu'Achille chevaucha Elvio, embrassant l'intérieur de son cou. Elvio frissonna. C'était comme s'il savait exactement où poser les lèvres, ou poser les doigts. La main masculine et forte d'Elvio qui pressait son cou, Achille en voulait plus. Elvio l'embrassa à son tour, n'arrivant pas à retenir un sourire. Décidément, le simple fait d'unir leurs lèvres le rendait enivré, passionné, à deux pas de la folie.

« Puis-je te faire l'amour encore une fois ? » lui susurra Achille à l'oreille, le rendant encore plus fiévreux et frissonnant.

Évidemment. Un hochement positif de tête, le regard de lave, le corps enflammé. Il en mourait d'envie.
Il renversa avec précaution mais passion Achille sur le dos, allongé et étalé sur son lit double, les couettes déjà emmêlées entre elles. Il s'appuya contre lui, l'embrassant partout, il murmura la voix chaude de désirs :

« Puis-je te dire que je t'aime, encore une fois ? »

Achille ne répondit rien, engloutit par le flot de bonheur et de plaisir qui envahissait son être. Ces mots étaient terriblement précieux pour lui. Les dires lui brûlait réellement la gorge. Sa façon se s'agripper à Elvio traduisait bien d'une chose : lui aussi lui disait qu'il l'aimait. D'une façon différente, d'une façon dépourvue de mots.

Ils ne se réveillèrent pas le lendemain matin mais au beau milieu de l'après-midi, aux alentours de quatorze heures trente.
Achille fut le premier debout, à son plus grand regret. Prisonnier de cette chambre, il ne pouvait aller nulle part. Son ventre grognait, sa bouche était sèche, sa vessie pleine. Il soupira, refermant les yeux. D'ici résonnaient les conversations énergiques des sœurs d'Elvio, qui parlaient fort et riaient beaucoup. C'était vivant, dans cette maison. Le cœur d'Achille se serra, il envia pendant un instant l'homme endormi à côté de lui.

Quand ce fut au tour d'Elvio de quitter le doux monde des songes, il descendit au salon afin de vérifier si la voie était libre. Les filles semblaient en vadrouille. Achille descendit enfin, soulagé de pouvoir remplir son estomac et s'hydrater.

« On peut manger dans le verger ? Demanda Achille. Au soleil, sous les arbres. Je trouve cet endroit vraiment beau. »

Ses désirs comme des ordres, des désirs surtout partagés ; les deux prétendus amis d'enfance se retrouvèrent à improviser un pic-nique assaillit par les rayons du soleil, sous la protections des fruits juteux du verger.

Le bonheur était transcendant. Il se trouvait dans les choses les plus simples, à présent le doute n'était plus permis. Leurs deux cœurs étaient lourds et leur temps compté.

*
Ola ! Comment se passe le confinement pour vous ? Est-ce que ça vous donne envie d'avoir plus de choses à lire, je pense aussi bien à cette histoire qu'aux autres que j'avais laissé un peu en suspens par manque de temps... dites moi !
Gros bisous :*

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