Chapitre 9

Hi! J'espère que vous allez bien?
Je m'excuse d'avance si, en cette semaine chargée, je n'ai pas eu le temps de répondre à tous les commentaires sur le chapitre précédent. Je compte bien rattraper ce retard ! En tout cas je vous remercie encore infiniment de me laisser ces commentaires que j'aime plus que tout et qui m'encouragent tellement. Merci mille fois vraiment. Merci. J'espère que ce chapitre vous plaira.❤️

...

CHAPITRE 9

(Walk Through the Fire_Zayde Wold, Ruelle)

Louis.

Je dois marcher dans le dôme depuis une bonne heure déjà. Je n'ai rien pour deviner le temps qui passe. Nous n'avons pas le droit à nos téléphones durant les cours. Et même si nous en avions le droit, je ne vois pas pourquoi on les prendrait. Ils nous permettent seulement de nous appeler. Et on est tout le temps ensemble. Enfin, jusqu'à aujourd'hui. Jusqu'à ce cours où ça aurait été pratique, pour une fois, de pouvoir se contacter. Quoi que, quand j'y pense, est-ce qu'il y aurait eu quelqu'un pour me répondre? Je pense qu'on a tous été clairs en partant dans des directions différentes, ignorant le plan de Liam et Eden.

En même temps que je marche, je fais voler tout ce qui peut se trouver sur mon passage. Des branches et des cailloux principalement, au cas où ils cacheraient un drapeau bleu. Ça m'étonnerait puisque je m'imagine un plutôt grand drapeau planté dans le sol. Mais Silas n'a pas donné plus de précisions sur sa taille. S'il faut, peut-être qu'il est assez petit pour être caché sous une pierre ou dans un buisson, histoire de compliquer l'exercice.

Je fouille de partout, ne me permettant aucune pause. Je pense qu'on a tous un peu l'esprit de compétition, une fois qu'on se retrouve dans ce genre d'exercice. En tout cas, personnellement, je le prends à coeur. Pas pour être le meilleur, mais pour me prouver à moi-même que j'ai ma place ici. Que je peux y arriver. Qu'on peut tous y arriver. Même si notre dernière conversation m'en fait douter. Nous ne sommes pas un groupe. Pas encore. Nous sommes juste neuf inconnus qui tentent d'apprendre à cohabiter et à gérer en même temps la mission qu'on leur a donné.

Je dois marcher environ trente minutes de plus avant de m'accorder une première pause. La température dans le dôme à augmentée. Je le sens malgré cette combinaison qui arrive à contrôler ma température intérieure. Mais, surtout, je le sens à ma bouche sèche. Je commence à vraiment avoir soif et j'ai un peu faim également. M'entraîner avec Harry juste avant l'exercice m'a ouvert l'appétit.

Je décide de m'asseoir sur un tronc d'arbre, posant mon sac à dos entre mes jambes. J'ouvre la seule poche et souris légèrement en tombant sur une gourde et un paquet de viande séchée. J'avais l'habitude d'en manger avec Paul. Il me disait adorer la viande mais qu'il fallait surveiller notre consommation. Si plus de la moitié de la population a disparue après les guerres et la grande explosion, il en est de même avec les animaux. Apparement, on en trouverait plus au delà de la zone quatre. Ils viennent se réfugier là où ils estiment que c'est le plus vivable. Ce qui est tristement cruel quand on sait que ce sont dans ces zones également qu'ils mourront pour nourrir l'Homme. Pas tous, afin de tout de même garder au moins plusieurs animaux de chaque espèce. On les laisse se reproduire. Puis on en sélectionne pour notre survie.

Je sors de mes pensées en même temps que j'attrape la gourde. Je remarque immédiatement qu'elle est légère, beaucoup trop légère. C'est pourquoi je ne suis pas surpris de la trouver vide, une fois le bouchon retiré. Je fronce les sourcils et attrape le paquet de viande séchée pour l'ouvrir à son tour. Et il est vide également.

Je déglutis difficilement, ravalant ma déception.

Pas d'eau. Pas de nourriture.

Ce n'était qu'un leurre.

Je soupire en comprenant que, si je veux boire ou manger, je vais devoir me débrouiller. Silas a dit que tout ce qu'on voyait dans le dôme n'était qu'illusion. Je commence à comprendre que sa phrase avait un double sens. Mais je comprends aussi que, même si la plupart de la flore autour de moi n'est qu'une création scientifique, des illusions d'optiques , la preuve d'une dernière technologie fascinante et effrayante à la fois, il doit aussi y avoir du réel.

Je referme alors mon sac pour me remettre à avancer, en quête du drapeau mais surtout d'eau ou de quoi me nourrir pour prendre des forces. Je marche encore un certain moment avoir de me retrouver devant un petit champ de fleurs, en plein milieu de la foret. Je m'approche des fleurs en question, hésitant plusieurs secondes. Elles me disent quelque chose. On a sûrement dû en parler en cours de survie, Paul a dû m'en parler avant même d'atterrir ici, mais j'ai soudainement un gros doute sur leurs caractéristiques.

Je m'accroupis devant une de ces fleurs, l'arrachant pour la prendre entre mes doigts. Du liquide s'échappe de la tige, coulant le long de mes doigts. Je sais qu'il y a des fleurs que la base une ont fait muter afin qu'elles puissent hydrater ne serait-ce qu'un minimum l'Homme. Paul, m'a dit qu'il y en avait plein dans la base et qu'ils avaient commencé à en planter dans les zones deux et trois. A partir de la zone quatre, la terre n'était pas assez bonne, faisant faner les fleurs en question. Alors ils ont dû se remettre à travailler dessus afin de pouvoir en planter dans toutes les bases. Mais ça prend énormément de temps de les étudier, de les transformer, de les faire évoluer.

Je crois vraiment qu'il s'agit de ces fleurs. Elles sont bleues, comme celles dont me parlait Paul. Le liquide est transparent et pas épais, comme de l'eau. A mon souvenir, Paul me disait qu'on pouvait en boire le liquide et même manger les pétales en prenant bien le temps de mâcher afin de s'hydrater au mieux.

J'apporte alors la tige à mes lèvres mais, juste avant que je ne vienne boire le liquide, j'entends soudainement derrière moi:

« Je ferais pas ça si j'étais toi. »

Je sursaute violemment en me retournant.

Et je ne sais pas trop ce que je ressens en tombant sur Harry, quelques mètres plus loin. 

Ce dernier me regarde, appuyé contre un arbre et les bras croisés contre son torse. Depuis combien de temps il est là? Je remarque également qu'il n'a plus son sac. Mais je n'ai pas le temps de l'observer plus longtemps qu'il reprend en me regardant:

« Sauf si tu veux te retrouver à vomir tes tripes. »

Je fronce les sourcils, passant mon regard d'Harry à la fleur que je tiens dans ma main.

« Je croyais qu'elles étaient comestibles.

-Pas celles-là. »

Harry s'approche de moi et je ne comprends pas tout de suite ce qu'il fait lorsque ses doigts viennent effleurer les miens, ne les touchant pas pour autant. Je le regarde, surpris, avant de réaliser qu'il me prend simplement la fleur des mains. Je la lâche alors rapidement, comme si elle me brulait soudainement les doigts. Même si ce n'était pas vraiment son contact à elle, le problème. C'est plutôt l'idée d'un contact qui n'a pas eu lieu.

« Ces fleurs ont mutées suite aux guerres nucléaires. Elles se sont remise à pousser, à la surprise de l'Homme, avant qu'on ne se rende compte que les animaux qui se mettaient à les manger finissaient par vomir jusqu'à en mourir quelques jours plus tard. Une seule fleur ne tuerait pas un Homme mais suffirait à le rendre malade plusieurs jours.

-Mais comment tu les différencie des autres?

-La tâche rouge au niveau du réceptacle floral. »

En même temps qu'Harry lâche ces mots, il retourne la fleurs afin de me montrer le réceptacle, se trouvant sous les pétales. Et, effectivement, une tâche rouge s'y trouve. Une tâche très discrète qu'on ne verrait pas si on ne la cherchait pas.

« Tu écoutes beaucoup plus que moi en cours de survie... » J'avoue dans un murmure.

Harry lève les yeux vers moi et hausse simplement les épaules, me répondant en même temps qu'il jette la fleurs:

« On peut dire ça. »

Je regarde le champ de fleurs et, lorsque je regarde à nouveau Harry, je réalise soudainement qu'il n'était pas obligé de me le dire. Après tout, il aurait pu tout simplement apprécier le spectacle de ma lamentable défaite.

« Merci. » Je lâche.

Harry pose de nouveau son regard sur moi mais ne répond rien, haussant simplement les épaules. On se regarde comme si on ne savait pas quoi faire, maintenant. Repartir dans des directions opposées? Se ralentir? On a pas le droit de se toucher, Silas l'a dit. Pas de contact physique. Donc je ne m'attends pas à ce qu'il me pousse soudainement ou qu'on se mette à se battre. Je n'en ressens pas l'envie, de toute façon. A la place, je repense plutôt aux derniers mots qu'on s'est échangés avant de se séparer:

-Si tu devais me croiser moi dans le dôme et non Polly, tu me ferais confiance?

-On verra lorsqu'on se croisera.

Et c'est ce qu'il s'est passé. On a finit par se croiser. Est-ce que je lui fais confiance pour autant? J'ai bien peur que ma réponse soit la même que la sienne. Non. On ne se fait pas confiance. Mais ça ne fait que deux semaines qu'on se connaît et ça reste qu'un exercice. Alors j'aimerais au moins essayer.

« Où est ton sac? » Je lui demande.

« Je m'en suis débarrassé lorsque j'ai compris qu'il me servirait à rien. Pas d'eau, pas de nourriture.

-Mais une gourde que tu aurais pu remplir en trouvant de l'eau.

-Ça j'y ai pensé après m'être énervé. »

Je n'arrive pas à retenir le léger rire qui s'échappe d'entre mes lèvres. Et ça fait discrètement sourire Harry aussi, même s'il tente de le cacher dans une grimace. Ça ne m'étonne pas, en fait. Harry s'énerve vite. Trop vite. Mais je ne pense pas avoir besoin de lui rappeler. Il se connaît mieux que moi. Alors, à la place, je le surprend en disant:

« On aura qu'à partager ma gourde si on trouve de l'eau. »

Harry fronce légèrement les sourcils et je détourne le regard pour me remettre à avancer, ne voulant pas affronter sa réaction si cette dernière devait être négative. Alors je reprends simplement ma route, ne faisant aucun commentaires sur son arrivée ni sur mon sous-entendu de continuer à avancer ensemble.

Puis j'entends finalement ses pas derrière moi.

Et je souris discrètement en refoulant ce sentiment qui ressemble à de la joie.

(Afraid_Anavae)

Niall.

Lorsque même ma propre salive ne suffit plus à hydrater l'intérieur de ma bouche, je me mets à regretter de ne pas avoir suivi Liam. Il n'est peut-être pas le plus agréable du groupe mais c'est lui qui sait contrôler l'eau. Et maintenant je l'imagine comme un distributeur ambulant dont je ne peux pas profiter. Si j'avais su que cette gourde était vide, il est clair que j'aurais suivi Liam non pas par confiance mais par intérêt. Ça n'aurait pas eu beaucoup d'importance à ce moment-là. De toute façon, c'est sûr que c'est Eden et lui qui brandiront le drapeau. Ils sont forts, tous les deux. Ils ont l'endurance et l'intelligence. Et s'ils n'ont pas la nourriture ils ont au moins l'eau et, ça, ça n'a pas de prix pour être en forme et pour rester concentré. J'en ai plus rien à foutre de ce drapeau à cet instant. Je veux juste boire.

Je soupire pour la énième fois, craquant complètement lorsque je me mets à gueuler:

« J'ai soif, bordel!

-T'es pas le mec le plus discret des neufs. »

Je sursaute en reconnaissant directement cette voix. Mon premier réflexe est de tourner sur moi-même pour la chercher aux alentours de la forêt que je suis en train de traverser. Puis je me souviens soudainement de sa faculté et je ne peux m'empêcher de sourire en coin avant d'enfin relever la tête. A quelques mètres au dessus de moi gravite Luna, un sourire fier sur les lèvres.

« Pas le plus logique non plus, apparement.

-Je t'emmerde! » Je ris.

Puis, rapidement, je sens cette chaleur familière traverser mon corps. Une chaleur qui me fait encore plus sourire lorsque je balance une boule de feu dans les airs, en direction de Luna. Sauf qu'elle l'esquive aisément, absolument pas impressionnée par ma prestation.

« C'est tout ce que tu sais faire? »

Suite à ces mots, elle se met à avancer, toujours dans les airs, me défiant du regard. Je me mets à courir dans la même direction qu'elle, continuant de lui envoyer mes boules de feu qu'elle esquive toujours aussi rapidement. Je ne sais pas combien de temps ce petit manège dure. Je sais juste que, lorsque je m'arrête de courir, essoufflé, je l'entends rire au dessus de moi. Apparement graviter est beaucoup moins fatiguant que d'être sur ses deux pieds.

« Pourquoi c'est toi qui a la faculté la plus cool? » Je lance tout en reprenant mon souffle.

Luna rit à ma question et, pensant l'avoir déconcentrée, je lance une boule de feu au même moment. Sauf qu'elle arrive encore une fois à l'esquiver, malgré le bout de ses cheveux qui frôlent les flammes. Ses pointes se mettent à fumer en même temps qu'elle me dit avec un sourire amusé:

« Tu peux peut-être contrôler le feu mais ça ne sert pas à grand chose si tu ne peux pas m'atteindre.

Je lève les yeux au ciel, reportant mon attention sur la pointe de ses cheveux dont la fumée continue de s'échapper. Je fronce légèrement les sourcils alors qu'une idée me traverse soudainement. Je souris discrètement, lançant un regard aux arbres entourant Luna.

« Tu feras gaffe, tes cheveux fument. »

Luna tourne la tête vers ses cheveux, prenant les pointes entre ses doigts avant de répondre:

« C'est rien, ce n'est que de la fumée.

-Oui, rien que de la fumée. » Je répète.

Puis, la seconde d'après, je tends mes deux bras pour me mettre à bruler les arbres qui nous entoure. Sauf que je me concentre au maximum pour les brûler rapidement et en même temps. J'ai l'impression que mon sang est en train de bouillonner, brûlant le bout de mes doigts. Luna n'a pas le temps de comprendre qu'elle se retrouve coincée quelque part dans cet immense nuage de fumée. Je l'entends se mettre à tousser en me criant:

« Niall! Je vois plus rien!

-Tu peux peut-être contrôler ta gravité mais ça ne sert pas à grand chose s'il n'y a plus rien à voir dans le ciel. » Je lui lance alors, reprenant le même ton qu'elle quelques secondes plus tôt.

Sur ces mots, je continue de créer ces flammes qui, elles mêmes, créent plusieurs nuages épais de fumée. Je m'arrête seulement en remarquant que Luna est en train de revenir sur terre. Je m'apprête à partir en courant, afin de profiter de cette avance, mais la toux de Luna retient mon attention. Je m'inquiète un minimum malgré moi, la voyant essuyer ses yeux rouges et larmoyants à cause de la fumée. Soudainement, je me sens fautif et m'en veux un peu de m'en être prit à quelqu'un qui, en dehors de cet exercice, est censé faire parti de mon équipe.

Je déglutis difficilement et m'approche de Luna qui relève la tête vers moi. Je m'attends alors à des insultes mais, à ma plus grande surprise, elle se met à sourire pour me dire tout en toussant:

« C'était vraiment une idée de génie.

-Merci. » Je ris, soulagé par sa réaction. « Mais je suis désolé.

-Je m'en remettrais. » Elle répond en essuyant à nouveau ses yeux.

Puis, après avoir toussé une dernière fois, elle m'avoue:

« Tu sais que de base, en te voyant, je voulais juste te prévenir que j'ai repéré un ruisseau pas loin. »

J'ouvre grand les yeux avant de lui répondre:

« T'es sérieuse? Tu pouvais pas commencer par ça?! Avant que ... Enfin...

-Avant que tu te mettes à me lancer du feu dans la gueule? » Elle devine en haussant les sourcils.

Je hoche la tête, d'un air coupable, et on se met à rire tous les deux.

« Allez viens, c'est par là. » Elle dit en me faisant signe de la suivre.

« T'aurais pas repéré un drapeau bleu aussi, par hasard? »

Luna me regarde par dessus son épaule et me répond simplement avec un sourire rempli de défi:

« Si je venais à le trouver, j'espère pour toi qu'il te reste un peu de fumée. »

(Hurricane_Tommee Profitt, Fleurie)

Liam.

« Ok, commence. » J'entends Eden me lancer.

Je hoche la tête et commence à mettre en place l'idée que nous avons eu quelques secondes plus tôt, afin de ralentir ceux qui pourraient passer derrière nous. Je me concentre, regardant la terre sèche en face de moi. Je ferme les yeux un instant pour plus de concentration et c'est comme si, petit à petit, tout se mettait à bouger en moi. Comme des vagues s'échouant contre ma poitrine. Lorsque j'ouvre à nouveau les yeux, la terre est en train de s'humidifier jusqu'à disparaître sous une première couche d'eau. Les fleurs disparaissent également. Les pierres se mettent à couler. L'eau monte de plus en plus, nous faisant reculer avec Eden. Cette dernière me regarde faire, un sourire sur les lèvres. Rapidement, ce qui ressemble le plus à un étang prend forme sous nos yeux, s'étendant encore plus lorsque je décide que ce n'est pas assez. Ça devient alors un lac et lorsque je m'arrête, je regarde le résultat, satisfait.

« A toi. » Je dis en lançant un regard à Eden.

Elle hoche la tête, fixant le lac en question. Ce dernier se met à glacer lentement sous le regard bleu clair d'Eden. J'ai l'impression que son regard lui même est un lac glacé. Sauf que je vois ses mains se mettre à trembler et elle est obligée de s'approcher du lac, plongeant sa main dans l'eau pour pouvoir le glacer plus rapidement.

« Je n'arrive pas encore à totalement glacer l'eau sans avoir à la toucher.

-Tu y arriveras. » Je réponds, sûr de moi.

Parce qu'Eden est vraiment forte. Je ne doute pas une seule seconde qu'avec encore un peu d'entrainement, elle y arriva. Elle maitrisera totalement sa faculté. Elle a un mental incroyable. Je ne l'entends jamais se plaindre, jamais. Lors des combats, elle enchaine les coups et ne s'arrête jamais de bouger, de courir, même si elle doit finir épuisée à la fin de la journée. C'est peut-être pour ça qu'on s'entend aussi bien tous les deux. J'ai l'impression que, elle aussi, elle ne vit que pour ce projet. Pour quoi d'autres pourrait-on vivre, de toute façon? Nous n'avons rien. Absolument rien. Pas de parents. Pas de chez-nous. Pas de passé qui nous appartienne complètement.

Et bientôt plus de Terre.

« Si on est sur la bonne voie, ça devrait ralentir les prochains qui passent par là. » Dit Eden en se relevant, le lac complètement glacé face à elle.

« Est-ce que tu as soif? » Je lui demande.

Eden tourne la tête vers moi avant de répondre positivement. On sort tous les deux nos gourdes qu'on a déjà terminé deux fois depuis le temps qu'on marche. Je les rempli à nouveau et on en boit plusieurs gorgées avant de se remettre à avancer.

Depuis le début de l'exercice, malgré le fait que j'essaie de me concentrer sur ce drapeau, je suis plus absent que je ne le devrais. Et je sais que Eden l'a remarqué. Elle me lance plusieurs regards depuis le début de l'exercice mais c'est seulement maintenant qu'elle ose me dire:

« Je sais que ça t'a touché, ce que les autres ont dit.

-Ils ont le droit de ne pas me faire confiance. Louis avait raison, je ne leur fais pas confiance non plus.

-La confiance, ça se gagne. Et pas seulement en deux semaines.

-Mais ils ne veulent même pas essayer de me faire confiance. »

Je vois Eden se pincer les lèvres et je ne peux m'empêcher de reprendre:

« Tu les comprends, c'est ça?

-Si je les comprenais, je n'aurais pas pris ta défense Liam.

-Alors pourquoi tu me regardes comme ça? Comme si tu ne me comprenais pas totalement non plus.

-Je pense juste que tu peux être maladroit. Et, sous la colère, je l'ai été aussi. Ce projet est ce pourquoi on est né mais peut-être qu'on est les seuls à l'avoir accepté. »

Je déglutis difficilement, détournant le regard avant d'avouer:

« Mon mentor m'a toujours appris à me surpasser. Depuis petit, seuls les résultats comptaient. J'étais sans cesse en compétition avec moi-même. Je devais être meilleur que le mois dernier, meilleur que la semaine passée, meilleur que ce que j'étais la veille. Même si je ne savais pas encore pourquoi, Esteban, mon mentor, me faisait comprendre que j'étais trop important pour échouer. J'ai grandi avec cette pression de devoir réussir sans réellement savoir pourquoi. Je devais réussir, c'est tout. Je n'avais pas besoin qu'il me donne une raison, selon lui. Le simple fait de réussir était une raison suffisante. Alors c'est ce que j'ai continué de faire, année après année. Réussir. Et la réussite était tout ce qui comptait. Ça m'évitait de penser à ces échecs plus personnels comme ne jamais rencontrer mes parents décédés. Ne jamais savoir à quoi aurait ressemblé ma vie avec eux. Ce que eux auraient attendu de moi. Mais en grandissant je me suis dis que c'est ce qu'ils auraient attendu aussi. Que je sois en bonne santé. Que je réussisse là où eux ont échoués en mourant. Je ne pouvais réussir qu'en survivant. »

Je déglutis difficilement, envoyant valser la vague de tristesse qui tente de prendre place dans ma poitrine. Je prends une grande inspiration à la place, le visage neutre, avant de reprendre:

« En arrivant ici, j'ai eu ma raison. Je devais être le meilleur afin d'être à la hauteur de ce projet. Et cette raison me suffit pour ne pas poser plus de questions. Pour moi. Pour mes parents qui me manquent alors que je ne les ai jamais connu. Pour ces enfants qui pourraient avoir la chance de devenir qui ils veulent. Nous, on doit devenir ce qu'on nous demande. Des sauveurs, même si ce mot arrache la bouche de Chiara ou encore d'Harry. Je peux comprendre que ça soit plus difficile à accepter pour certains, mais on est obligé de le faire. On a que ça. On a que ce projet. On est né pour ça, on nous l'a confirmé en arrivant ici. On a ces facultés inexpliquées et on se doit de les utiliser pour ceux qui n'ont absolument rien.

-Parce que nous aussi on a rien en dehors de ces facultés. » Lâche soudainement Eden, regardant dans le vide.

Mon coeur se serre malgré moi et je suis obligé d'hocher la tête.

« Pas de famille, pas de réel chez-nous... » Récite Eden.

« Les autres pensent que je me mets en compétition avec eux. Mais ce n'est pas ça. C'est juste que j'aimerais qu'ils soient aussi motivés que moi. Qu'ils ouvrent les yeux pour réaliser que, oui c'est malheureux, mais on a pas d'autre choix. Et s'ils estiment avoir le choix alors je ne veux pas les accompagner le jour où ils iront dire à des enfants qu'on ne fera absolument rien pour les sauver ou encore pour sauver leurs parents. Je suis sincèrement désolé si les autres ne voulaient pas se retrouver ici mais c'est le cas. Et peut-être que je devrais être plus patient, peut-être que je devrais accepter moi aussi qu'il leur faut plus de temps pour accepter tout ça, encore une fois. Mais je ne peux m'empêcher de penser au temps qu'on perd. »

Je soupire, secouant la tête avant de décrire l'image qui s'installe très clairement dans ma tête:

« Je me revois devant cet exercice que mon mentor me tend avant de lancer le chronomètre sous mes yeux. Et c'est exactement comme ça que je me sens. »

Un silence s'installe et, au même moment, on voit le soleil se coucher. A une allure beaucoup trop rapide pour être naturelle. Le dôme laisse place à la nuit, faisant apparaître la lune et les étoiles au dessus de nos têtes. On se retrouve plongés dans le noir, seulement éclairés par le clair de Lune.

« C'est la première chose que j'ai réalisé en arrivant ici. » J'entends Eden murmurer.

Je la regarde, la tête penchée vers le ciel étoilé. Un sourire triste apparaît sur ses lèvres lorsqu'elle continue:

« Que ce projet avait toujours été notre seule raison d'exister. »

Puis elle tourne la tête vers moi et je crois que ce sont des larmes que j'ai l'impression de voir aux coins de ses yeux. Mais l'obscurité m'empêche d'en être sûr.

« Je les envie, ces gens qui ont vécu avant nous. »

Elle prend une grande inspiration puis murmure comme pour m'avouer un secret:

« J'envie ceux qui avaient plusieurs raisons d'exister. »

(Shadow Preachers_Zella Day)

Chiara.

J'arrive enfin au bout de ce lac gelé, les mains complètement glacées. Après avoir glissée, je me suis retrouvée à continuer à quatre patte, avançant plus lentement que je l'aurais voulu. Je regarde les paumes de mes mains presque rouges à cause du froid. Et la température qui a soudainement baissée n'aide pas non plus.

« Vous pouvez remettre le chauffage, s'il vous plaît? » Je demande à voix haute en regardant le reste du dôme.

Je sais très bien qu'ils nous observent et nous évaluent, qu'ils entendent ma remarque. Mais je sais d'avance qu'ils en auront rien à foutre. Peut-être que je les aurais amusé. Qu'ils s'amusent, qu'ils rient. Je ne pense pas les amuser bien longtemps, même si c'est moi qui me retrouve coincé ici pour le moment.

Je secoue la tête, me trouvant pathétique. Je peux m'énerver et faire la fière devant les autres, je suis coincée moi aussi. Et je peux les insulter mentalement, m'imaginer leur faire fermer leurs gueules, je sais également que je ne ferais rien. Parce que je ne peux rien faire. Absolument rien. Obéir, c'est tout ce que tu dois faire Chiara. Tu ne l'aurais pas oublié, quand même? Obéir et te taire. Surtout te taire. Ça on t'a bien appris à le faire.

Je ravale ma colère, continuant d'avancer jusqu'à que j'entende soudainement du bruit plus loin. Je fronce les sourcils, reconnaissant des bruits de pas. Je m'assure que ce n'est pas derrière moi mais non c'est bien en face, comme me le confirmait ma première idée. Je continue d'avancer, mais plus discrètement, tentant d'esquiver les feuilles ou les branches que je vois difficilement à cause de l'obscurité de la nuit. Si Niall, le lanceur de feu comme aime l'appeler Zayn, était là ça serait déjà plus pratique.

« Je sais pas par où on peut aller, on voit rien. » J'entends la voix de Liam s'élever.

Sérieusement?

Je me retiens de soupirer, blasée, et continue de m'approcher alors qu'eux semblent s'être arrêtés. La lumière provenant de la pleine lune m'aide à enfin apercevoir Liam et Eden, non loin de moi. Je fais encore plus attention là où je marche, rejoignant l'arrière d'un arbre afin de rester cachée. Ils restent statiques, regardant les alentours en plissant les yeux.

« J'en viens à me demander si ce drapeau existe vraiment ou si c'est une autre blague comme avec la gourde et le sachet de viande. » Lance Liam à Eden.

Son intervention me fait presque sourire. Je crois que c'est la première fois que des mots sortant de sa bouche ne m'agacent pas instinctivement. Sauf que, soudainement, il tourne la tête en ma direction et je cache directement ma tête derrière l'arbre. Mais j'ai croisé son regard, je le sais. Et le silence qui suit me le confirme.

« Chiara? » J'entends Liam demander à voix haute.

Bordel.

« On a de l'eau si tu veux. » Il continue, à ma grande surprise.

Je déglutis à l'entente de ses mots, ma gorge sèche ne demandant que ça, de l'eau. J'entends Liam s'approcher de moi et, toujours cachée derrière l'arbre, je n'arrive pas à réfléchir correctement. Le souvenir de notre dernière altercation se mêle à cette haine que je ressentais bien avant de faire leur connaissance. La façon dont ils parlent de la base une comme une divination me donne un peu plus envie de vomir à chaque fois qu'ils ouvrent la bouche. Mon sang ne fait qu'un tour et je ne réfléchis pas lorsque je décide de serrer les poings, étant la seule à sentir ce gaz indolore qui se met à s'échapper de moi.

Et, quelques secondes plus tard, j'entends deux corps tomber au sol. Mes poings tremblent contre moi et je déglutis difficilement en sortant de ma cachette. Je baisse la tête pour voir Eden et Liam au sol, endormis. Et mon coeur se serre légèrement en voyant la gourde remplie d'eau que tenait Liam dans sa main. L'eau s'est renversée juste à côté de lui.

Ils sont là, endormis à mes pieds et à ma merci. Et, à cette pensée, je n'arrive plus à contrôler cette boule d'angoisse qui vient lacérer mon estomac. Cette brûlure qui remonte jusqu'à ma gorge, donnant l'impression à tout mon corps de trembler. Et peut-être qu'il tremble vraiment. Mon coeur se serre de plus en plus fort et je commence déjà à avoir du mal à respirer. Mais je ne veux pas leur montrer. Je ne veux pas lui montrer. Parce que je sais qu'ils savent déjà mais qu'ils en ont rien à foutre. Je secoue rageusement la tête, retenant ce hurlement que j'étouffe depuis des années.

Soudain, je sens comme un coup de vent derrière moi. Je sursaute et me retourne pour tomber nez à nez avec Zayn. Il fronce les sourcils en voyant mon visage figé et je le remercie silencieusement lorsqu'il l'ignore pour me dire à la place, passant son regard de Liam à Eden:

« J'espère que tu as pensé à leur souhaiter bonne nuit. »

Malgré l'état dans lequel je suis et que j'essaie de lui cacher, un léger sourire passe sur mes lèvres. Zayn ancre de nouveau son regard dans le mien. Un regard aussi noir que la nuit. Je n'arrive pas à distinguer sa pupille de son iris. Je n'y vois que la Lune qui donne l'impression de s'y refléter, trouvant sa place dans ce gros trou noir que pourrait être l'univers.

« Je dois m'attendre à ce que tu m'endormes moi aussi?

-Tu cours peut-être trop vite pour ça. »

Zayn sourit légèrement et hausse les épaules avant de m'avouer:

« En attendant, j'ai toujours rien trouvé. Apparement ça ne sert à rien de courir vite quand tu ne sais pas où tu vas.

-Très philosophique tout ça. » Je me moque en hochant la tête.

Zayn lève les yeux au ciel et je déteste la seconde qui suit. Je déteste la façon dont son sourire se fane alors que son regard devient sérieux. Beaucoup trop sérieux. Non, s'il te plaît. Zayn se pince les lèvres avant d'enfin oser lâcher ces mots que j'aimerais lui faire ravaler:

« Est-ce que ça va? »

A la simple entente de ces mots, je peux sentir cette boule dans ma gorge éclater. Tout comme je peux sentir ma colère et ma haine se remettre à couler dans mon sang. Et, à la seconde où je sens mes yeux se mettre à piquer, je murmure un:

« Je suis désolé. »

Zayn n'a pas le temps de comprendre que ses yeux se ferment, n'ayant pas eu le temps de voir la façon dont mes poings se serraient. Sauf que, cette fois, je rattrape son corps endormi lorsqu'il bascule en avant. Je tombe à genoux sous le poids de son corps et, en même temps que mes jambes touchent le sol, j'éclate en sanglot. Je repose Zayn devant moi et je laisse ces larmes de rage couler sur mes joues, me donnant envie de me griffer, de frapper tout mon corps. La haine reprend toute la place et je déteste savoir que je leur offre un si beau spectacle.

Mais ils le savaient.

Ils le savent.

Et je me retiens tous les jours de les tuer pour ça.

Polly.

Accroupie derrière un buisson, je regarde Chiara éclater en sanglots. Je fronce légèrement les sourcils, sentant mon coeur se serrer en la voyant dans cet état. Au début, j'ai cru que cette scène serait presque amusante à voir. A la base, je suivais discrètement Eden et Liam jusqu'à ce que je remarque Chiara plus loin, en train de les suivre également. En les voyant tous s'arrêter, j'ai continué de me cacher, me demandant comment allait finir cette rencontre.

Je ne m'attendais pas à ce que Liam veuille aider Chiara. Pourtant il le voulait. Il était sincère. Je l'ai vu quand Eden, sceptique, lui a fait un non de la tête. Ce à quoi Liam a répondu dans un murmure que j'ai pu entendre:

« On pourrait essayer de se faire confiance. »

Sauf que Chiara en avait décidé autrement. Et je me suis rapidement bouché le nez en comprenant ses intentions. J'ai retenu mon souffle jusqu'à ce qu'elle sorte de sa cachette. Je m'attendais à la voir rire. A la voir se moquer des corps endormis de Eden et Liam. En fait, je m'attendais à tout sauf à voir son corps trembler de cette façon et à voir son visage se déformer sous la tristesse. On aurait dit qu'elle était complètement en détresse, comme si elle regrettait plus que tout son geste. Je peux comprendre la culpabilité mais ça reste un exercice et elle a fait ce qu'on nous a demandé. Ralentir les autres sans les toucher.

Puis Zayn est arrivé et à la seconde où il lui a demandé comment ça allait, j'ai compris que je devais de nouveau retenir mon souffle. Je ne me suis pas trompé. Zayn a atterrit dans les bras de Chiara qui continue de pleurer à quelques mètres de moi. Elle me paraît complètement en détresse et je ne comprends pas ce qu'il se passe. Je ne comprends pas ce qui lui arrive. J'ai envie de la rejoindre et, en même temps, je sais d'avance ce qui m'attend.

Alors je déglutis difficilement, me remettant à respirer en même temps que je m'éloigne dans la direction opposée. Heureusement pour moi, le jour se remet à se lever seulement lorsque je me retrouve loin de Chiara. Mais les rayons du soleil ne suffisent pas à me faire oublier ce que j'ai pu voir dans l'obscurité de la nuit. Ce que la lune m'a permis d'apercevoir. Ce que Chiara aurait peut-être préféré cacher dans un trou noir.

Je tente de sortir de mes pensée pour me concentrer sur mon but premier. Je ne sais pas depuis combien de temps on cherche ce drapeau mais assez de temps pour que je me sente épuisée, en tout cas. Et, contrairement aux autres, ma faculté ne m'aide pas. Je ne vois pas ce que je pourrais faire avec. Je me sens inutile et, encore une fois, je me demande ce que je fais là. Dans ce dôme comme dans ce projet. J'ai l'impression que je ne pourrais jamais rien leur apporter.

Et je suis sûre que c'est ce que mon mentor pense aussi. Il m'a toujours demandé de travailler avant tout mon intelligence, comprenant rapidement que je n'étais pas la plus douée physiquement et que je n'avais pas non plus une faculté incroyable. Je ne pouvais me comparer à personne à ce moment-là. Je me sentais unique, ignorant l'existence des huit autres. Mais depuis que je suis arrivée ici, je ne fais que de me répéter que je suis la plus inutile, encore une fois. Je n'ai pas beaucoup de force et, même si Louis me dit être impressionné par mon agilité lors des exercices physiques, ça ne suffit pas à me dire que je mérite d'être là.

Je soupire discrètement en confondant pour la énième fois une plante bleue avec un drapeau. De toute façon, drapeau ou pas, je pense qu'on a raté cet exercice avant même de le commencer. Ça me paraît logique que le but n'était pas seulement de trouver ce drapeau mais de le trouver ensemble. De nous réunir. D'utiliser toutes nos facultés. D'apprendre à se faire confiance et surtout de faire confiance en les facultés des autres. Liam nous aurait apporté de l'eau et Niall de la lumière durant la nuit, par exemple. On aurait pu s'entraider, se motiver, ne pas devenir fou en restant seuls même si c'est ce qu'on a toujours été. Si cette solitude peut parfois me manquer, cet exercice me fait réaliser que je me suis rapidement habituée à la vie en communauté. À avoir toujours quelqu'un à regarder. Toujours quelqu'un à écouter ou à qui parler même si je ne suis pas la plus bavarde d'entre nous. Si on devait revenir à notre vie d'avant, je sais que passer des heures à lire en silence mais avec la présence de Louis me manquerait, par exemple. Parce que c'est plus apaisant et réconfortant que ce que j'aurais pu imaginer.

On a peut-être l'impression d'aller plus vite seul mais ce n'est pas garanti qu'on arrive indemne à la fin.

C'est ce que cet exercice me fait réaliser, en tout cas.

Je me pince les lèvres, continuant d'avancer sans grand intérêt. Je m'en fiche de trouver ce drapeau, je veux juste que cet exercice se termine et boire un grand verre d'eau. Je commence à avoir vraiment faim aussi. Si Chiara n'avait pas été là, j'aurais sûrement piqué la gourde de Liam.

Je sors de mes pensées en entendant de nouvelles voix résonner, pas si loin de moi. Je fronce les sourcils et avance plus prudemment, frôlant les arbres et les buissons pour ne pas me faire repérer mais toujours en suivant les voix. Je sens que je me rapproche de plus en plus de ce qui ressemble à des plaintes.

Puis, lorsque j'arrive derrière un nouvel arbre, je distingue enfin les deux silhouettes pas loin.

Et je ne peux m'empêcher de sourire légèrement en reconnaissant Louis et Harry.

Je ne sais pas pourquoi, mais ça me paraît soudainement évident que ces deux-là se soient retrouvés.

(My Blood_Ellie Goulding)

Harry.

« J'ai soif. » Répète pour la énième fois Louis.

Je lève les yeux au ciel avant de lui répondre:

« Je sais. Et t'as aussi faim, mal aux pieds...

-Comment tu fais pour encore réussir à parler?

-Tu économiserais aussi ta salive si tu arrêtais de te plaindre. »

Louis soupire mais se tait enfin. Je le comprends, parce que ça fait des heures qu'on marche et moi aussi j'ai soif. Moi aussi j'ai mal aux pieds et moi aussi je commence à avoir faim. Mais moi, contrairement à lui, je suis habitué à tout ça. Parce que, avant, ce que je ressens actuellement, je le ressentais durant des jours voir des semaines même des mois. Et je n'étais jamais vraiment rassasié. Avant d'arriver ici, ça faisait des années que je ressentais beaucoup plus que ce qu'il ressent actuellement. Ce que je retiens, au moins, c'est que j'ai peut-être une meilleure résistance que ce que je pensais, malgré moi. Et j'essaie de ne pas m'énerver, pour une fois, me rappelant qu'il ne sait pas tout ça.

Puis, même si ça me coûte de l'avouer, je crois que je suis content d'être tombé sur lui. Du moins, quand je l'ai vu au loin, j'étais soulagé que ça soit lui et pas un autre. J'ai hésité longuement avant de le rejoindre, de le prévenir de ma présence. Je lui en voulais, d'avoir écouté ma conversation avec Silas. Et, en même temps, je me suis dis que je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir de se méfier de moi, de se méfier de nous. Parce que c'est exactement ce que je fais également. Sauf que, contrairement à lui, j'ai une colère, une haine qui explose parfois lorsque je m'y attend pas. Comme un volcan qui ne s'endort jamais longtemps et qui, lorsqu'il se réveille, ne peut qu'observer les dégâts qu'il finit par faire autour de lui.

J'observe Louis avancer, faisant voler tout ce qu'il trouve devant lui, et je dois avouer que je lui suis reconnaissant de ne pas être revenu sur notre conversation. Sur ce qu'on s'est dit avant l'exercice. Sur ce manque de confiance évidente. En même temps, il n'y a rien à ajouter. Ce qui me surprend, cependant, c'est le fait d'apprécier plus que je ne le pensais la présence de Louis malgré ce manque de confiance en lui. Je ne pensais pas que ça pouvait être compatible. C'est presque cruel, en fait.

« Tu sais quoi? » Reprend soudainement Louis.

« T'auras tenu deux minutes.

-C'est pas trop tard pour fabriquer un faux drapeau. »

Je le regarde, un léger sourire apparaissant au coin de mes lèvres. Le regard de Louis suit ce mouvement et il fronce les sourcils en me demandant:

« Quoi?

-T'es plus marrant quand t'es désespéré.

-J'aime pas trop ce que ça sous-entend pour lorsque je ne suis pas désespéré. »

Un rire s'échappe d'entre mes lèvres sans que je ne puisse le contrôler et j'entends Louis m'imiter, plus amusé que vexé. Pourtant, malheureusement, je suis assez sincère. De ce que je voyais de Louis, pour le moment, c'était un garçon sérieux et discipliné, lâchant quelques blagues tout de même lors de nos entraînements mais étant concentré et silencieux le reste du temps, surtout avec les autres. J'aime bien aussi lorsqu'il est comme ça. Lorsqu'il lit, par exemple, et qu'il paraît si concentré qu'on s'en voudrait de lui rappeler que sa vie à lui ne se passe pas dans le même univers.

Au début de l'exercice, Louis était sérieux, cherchant n'importe quel indice ou piste, suivant son intuition. Mais les heures ont passées et il a finit par se déconcentrer. C'est comme ça qu'on s'est mit à faire des commentaires sur un peu n'importe quoi, oubliant presque l'objectif principal de cet exercice. Et ça a permis aussi de détendre l'atmosphère. Je découvre un Louis un peu plus léger, un peu plus fragile aussi, un peu plus adolescent tout simplement. Parce que c'est ce qu'on est censé être, à la base.

Et ça me donne une idée de ce qu'il était dans son ancien chez-lui, lorsqu'il n'était pas concentré dans un exercice ou dans un entraînement imposé par son mentor. De qui il est en dehors du garçon intelligent ayant réponse à tout lorsqu'on l'interroge lors de nos cours et avec une faculté extraordinaire.

Ouais, je commence à me faire une idée de qui est Louis et non Saturne.

Et j'aurais peut-être préféré que cette idée ne me plaise pas.

« Il y a bien quelqu'un qui va finir par trouver ce... »

Louis s'arrête soudainement de parler et je fronce les sourcils en tournant la tête vers lui. Je le vois se figer, baissant ses bras pour laisser retomber son sac au sol. Au début, je m'attends à le voir tomber avec. Puis je décide de suivre son regard et je me fige avec lui en remarquant ce qu'on aperçoit au bout de la forêt.

Un drapeau bleu.

Le drapeau.

Instinctivement, je regarde Louis qui me regardait déjà. Nos regards s'ancrent l'un dans l'autre et le léger sourire qui prend place aux coins des lèvres de Louis ressemble bel et bien à du défi. J'en ai rien à foutre de ce drapeau. Je devrais juste me réjouir de voir Louis l'attraper et mettre fin à ce putain d'exercice.

Pourtant, lorsque Louis se met à courir, je me mets à sa poursuite. Je sens l'adrénaline traverser mon corps malgré moi, tentant de maintenir le rythme de Louis qui court beaucoup trop vite pour moi. En plus de ça, il se met à faire voler des objets autour de lui comme des branches, des cailloux et des feuilles avant de les envoyer dans ma direction. Je tente de tous les éviter comme je peux mais ça me ralenti forcément. Je râle en dégageant une feuille manquant d'atterrir sur mon visage.

Je comprend rapidement que si je ne fais rien pour le ralentir aussi, je n'ai aucune chance. Et je ne sais pas depuis quand ça a une importance. Je tente de me concentrer sur ma faculté, je tente de ressentir le peu de vent déjà présent pour le rendre plus fort mais rien ne vient. Je ne ressens rien. Je ne contrôle rien.

Personnellement, je te conseillerais d'abord de comprendre ce qui te fait perdre le contrôle.

Les mots de Silas me reviennent et je déglutis difficilement en tentant de me concentrer. Ce qui me fait perdre le contrôle? Je pense instinctivement à ce jour-là où j'ai tué la gardienne. Aux coups qu'elle donnait à Ismael et Gwendoline. Je vois encore la peur et la douleur se mêler aux traits angéliques d'Ismael. J'entends encore Gwendoline hurler à la gardienne d'arrêter, encaissant les coups qu'elle recevait en retour. Je peux ressentir cette haine que je n'ai pas su contrôler à ce moment-là.

Le vent se met à se lever, mais c'est léger. Mon estomac commence à se retourner. Des frissons naissent dans ma nuque.

Je pense à tout à l'heure, à comment j'ai su que cette fleur était toxique. Parce que ça me ramène beaucoup trop violemment à Gwendoline. A ses connaissances sur les plantes. C'était elle qui savait tout. C'est elle qui m'a apprit à différencier les toxiques aux comestibles. Même si nous avions pratiquement que des toxiques sur nos terres.

La vie était rare, la mort était partout.

Je pense à Gwendoline. A la façon dont elle souriait lorsqu'elle réalisait que je retenais tout ce qu'elle me disait. Lorsqu'elle comprenait que je l'écoutais. Parce que je l'écoutais toujours. Je ferme les yeux un instant et j'imagine son regard, son sourire. Je pense à la façon dont elle me serrait contre elle et je réalise soudainement le manque de ses bras. Je ressens ce vide au creux de moi. Gwendoline me manque. Elle me manque terriblement. Ismael et Esha aussi mais Gwendoline était mon double, ma famille. Elle était partout où j'étais et je continue de la chercher, la trouvant maintenant nul part. Je pense à ces mots que je lui écris tous les soirs, retenant mes larmes afin de ne pas abîmer le papier. Parce qu'elle le remarquerait. Et je ne veux pas la faire pleurer elle aussi lorsqu'elle les découvrira. Mais est-ce que ce n'est pas ce qu'elle fait déjà? J'imagine ses larmes sans mon pouce pour les essuyer. Je l'imagine s'isoler pour ne pas réveiller Ismael, étouffant ses sanglots contre son bras. J'ai terriblement besoin de la serrer contre moi.

Je sens soudainement mes cheveux se mettre à retomber sur mon front à cause du vent. Le frisson dans ma nuque parcourt maintenant tout mon dos. J'ouvre les yeux et je vois Louis ralentir, regardant le vent se lever autour de lui avant de poser son regard sur moi. La surprise se lit dans ses yeux bleus et je repense soudainement à notre exercice de ce matin.

Je repense à son regard posé sur moi, du moins sur mon torse nu. Je repense à son regard tout à l'heure, avant l'exercice, posé sur mes lèvres que je mordillais nerveusement. Je repense à Gwendoline me parlant de l'attirance, du désir qui ne s'explique pas toujours. Qu'on se met juste à ressentir un jour. Même si c'est avec une personne qu'on aurait pas pensé choisir. Peut-être parce qu'on ne le choisi pas. Peut-être que le seul choix qu'on a, c'est de savoir ce qu'on en fait ou pas.

Je regarde Louis et ce vide que je ressens se mélange à cette chaleur qui n'arrive pas à prendre toute la place. Mon estomac se retourne agréablement et désagréablement à la fois, tout comme mon coeur qui ne sait plus s'il doit se serrer ou se réchauffer. C'est un mélange de tout ça.

De toutes ces choses que je ne contrôle pas.

Tout se mélange en moi et je ne contrôle plus rien lorsque je crée soudainement une grosse rafale de vent. Une rafale beaucoup trop violente pour que Louis ne la voit arriver. Son corps est propulsé en arrière et c'est seulement maintenant que je réalise ce que je suis en train de faire. L'image du corps de la gardienne inerte me revient et la peur prend le dessus lorsque je me précipite en direction de Louis.

Comme si ce vent que j'avais crée n'avait aucun effet sur moi, j'arrive à rester bien ancré dans le sol lorsque je rattrape Louis qui s'échoue violemment contre mon torse. Mes bras entourent sa taille et je ne sais plus si c'est à cause de lui ou à cause de ma faculté si j'ai autant du mal à respirer. Les jambes de Louis tremblent et il relève la tête vers moi, son corps toujours contre le mien. Sauf que son regard est encore plus frappant lorsqu'il est dans mes bras. Cette chaleur traverse ma poitrine et fait trembler ma voix lorsque je lui demande:

« Tu te souviens des règles? »

Louis fronce légèrement les sourcils, ayant du mal à se concentrer après ce qu'il vient de se passer. Il ne s'attendait définitivement pas à ce que je réussisse à utiliser ma faculté maintenant. Et je ne le pensais pas non plus, honnêtement. Je sais au fond de moi que je suis encore bien loin de savoir la contrôler. Tout ce que j'ai fais, à cet instant, c'est perdre une nouvelle fois le contrôle. Mais en m'assurant que personne n'en paye les dégâts, cette fois.

Pas Louis, en tout cas.

« Pas de contact physique. » Je termine dans un murmure.

Louis semble enfin comprendre que je fais révérence aux règles de l'exercice et il n'a pas le temps de comprendre que je le lâche, suivant tout de même le mouvement avec mes bras pour éviter qu'il retombe violemment au sol. Puis je me remets à courir, ne regardant pas derrière moi. Malgré le fait qu'il ait été sonné, j'entends rapidement Louis se remettre à courir également. On court tous les deux en direction du drapeau et j'ai l'impression de courir plus vite que d'habitude, frappé par l'adrénaline que je viens de vivre.

Mais, soudainement, le sol se met à trembler, manquant de me faire tomber. Je m'arrête violemment, tournant instinctivement la tête vers Louis qui tente de garder son équilibre, les bras écartés. Il relève la tête vers moi, les sourcils froncés, et on a pas le temps de se demander quoi que ce soit que la terre non loin de nous se met à se lever. Littéralement. La terre s'élève, emportant le drapeau avec elle.

« Une montagne... » Je murmure.

L'évidence me frappe en même temps que je regarde Louis qui semble avoir comprit aussi.

« Polly. » Il sourit doucement.

Et, effectivement, lorsque nous levons la tête pour regarder le sommet de la montagne, une petite silhouette apparaît, le soleil artificiel juste derrière elle. Alors on voit d'abord que son ombre, et ça la rend presque plus grande. Lorsqu'elle s'avance au sommet de la montagne, là où se trouve le drapeau, ses traits apparaissent enfin clairement. Polly nous regarde, un sourire timide et fier à la fois sur les lèvres. Et je ne peux m'empêcher de sourire en retour, me surprenant même à rire sous la surprise. Je crois que mes émotions explosent en même temps. Que l'adrénaline retombe. Je lance un nouveau coup d'oeil à Louis qui me sourit doucement avant de regarder fièrement Polly.

Polly qui finit par attraper le drapeau, le dressant au dessus de sa tête.

Pluton a gagné aujourd'hui.

...

J'espère que ce chapitre vous aura plu?

Qu'avez vous pensé de cet exercice ?

Des points de vu de nos personnages ? Est-ce qu'il y a des personnages qui retiennent + votre attention maintenant ?

Encore merci infiniment d'être là pour suivre les aventures de mes petites planètes avec moi. Je vous dis à la semaine prochaine pour la suite.❤️

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