Chapitre 6

Hi ! J'espère que vous allez bien?
Encore merci infiniment pour vos commentaires et votre soutien sur les précédents chapitres ça représente tout pour moi alors merci beaucoup, vraiment.❤️

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CHAPITRE 6

(We Have It All_Pim Stones)

Louis.

Lorsque nous entrons ensemble dans le réfectoire, Harry et moi, mon coeur rate un battement. Je remarque tout de suite que, parmi nous neuf, seule Chiara est à notre table. Les autres ont rejoint leurs mentors. Parce qu'ils sont là. On les revoit pour la première fois depuis qu'ils nous ont emmené ici. Mon regard cherche instinctivement Paul et je le trouve à quelques mètres seulement, assis à une table où il n'y a que lui. Il y a une table réservée aux mentors mais lui s'est mit à l'écart, comme les autres. J'imagine qu'aujourd'hui est une exception si nous voulons nous retrouver seuls avec nos mentors.

Lorsque Paul croise mon regard, je le vois sourire légèrement. Sincèrement mais presque tristement. Mon coeur se serre et se réchauffe en même temps. Parce qu'une part de moi lui en veut de ne m'avoir rien dit, de m'avoir endormi, et une autre part ne voit que lui comme pilier dans ma vie. Il est dans chacun de mes souvenirs. Le doute et la rancoeur ne suffiraient pas à balayer tout ça.

Je tourne la tête vers Harry, toujours à mes côtés. Ce qui m'étonne un peu, je l'avoue. Je le regarde passer son regard sur chaque mentor. Lorsqu'il s'arrête quelques secondes sur un homme métisse, à une table un peu plus loin, je me souviens que c'est avec lui qu'il est arrivé dans le grand hall hier. C'est donc son mentor. Leurs regards se croisent mais Harry tourne rapidement la tête.

Et ce qui m'étonne, encore une fois, c'est qu'il la tourne vers moi.

« Tu viens manger? » Il me demande.

Je suis surpris qu'il me propose de le suivre, d'une certaine manière. J'ouvre alors la bouche pour la refermer aussitôt, tournant le regard vers Paul qui semble m'attendre. Lorsque mes yeux se posent à nouveau sur Harry, il regarde Paul également. Son regard est neutre, il ne laisse rien paraître. Il passe de Paul à moi une dernière fois avant de s'éloigner sans un mot.

Il traverse le réfectoire, allant s'installer à la grande table dressée pour nous neuf. Il rejoint Chiara qui est la seule à s'y trouver. Cette dernière relève la tête en voyant Harry s'asseoir en face d'elle et, ayant la tête baissée, Harry ne voit pas le sourire en coin qu'aborde Chiara avant de se remettre à manger, sans un mot.

Une pointe de culpabilité naît en moi sans que je puisse expliquer pourquoi. Je regarde Harry quelques secondes de plus, malgré le fait qu'il me tourne le dos. Même sans voir son visage, il parait tendu. Les muscles de ses bras sont finement dessinés mais surtout contractés. J'imagine son dos être dans le même état, sous son t-shirt.

En même temps que cette pensée me traverse , je relève mon regard pour tomber dans celui de Chiara. Elle me surprend mais n'a aucune réaction. Ses lèvres sont cachées derrière sa main qui tient une cuillère. Ses yeux ne me lâchent pas et la gêne qui s'installe en moi m'oblige à détourner le regard en premier et à me mettre à avancer en direction de Paul.

Ce dernier semble soulagé de me voir le rejoindre, comme s'il avait douté que je le fasse. Pourtant, moi, je n'ai pas douté une seule seconde. Je n'attendais qu'une seule chose depuis hier, lui parler. Même si c'est complètement le bordel dans ma tête. Encore plus lorsque j'arrive en face de Paul, hésitant à la façon de le saluer. Chez nous, il me prenait souvent dans ses bras après une longue journée et je répondais à son étreinte même si elle était toujours brève. Ça restait un geste plus affectueux, presque familial. Même si je savais que je n'avais pas à l'appeler papa. Parce qu'il m'a toujours expliqué , depuis petit, qu'il ne l'était pas.

Pourtant, à cet instant, lorsque je le vois en face de moi, j'ai envie qu'il me serre contre lui comme un père serre son enfant. Encore plus lorsque ce dernier est effrayé. Mais je ne fais pas ce premier pas. Peut-être à cause de toutes ces questions que je me pose, justement. A la place, je lance maladroitement:

« Salut.

-Bonjour Louis. » Il répond avec un sourire léger. « Est-ce qu'on peut prendre le petit-déjeuner ensemble? »

Avant, cette question ne se posait même pas. Et, avant, c'était pas plus tard qu'hier. Je ne pensais pas que les choses pouvaient changer aussi rapidement, aussi radicalement. On a fait que ça, ces dix-huit dernières années, déjeuner ensemble. Il n'y avait que lui et il n'y avait que moi. Depuis toujours. Et, petit, c'est lui qui me nourrissait. Paul est littéralement toute ma vie. Que j'ai pu prononcer le mot père ou non n'a rien changé. N'a rien évité.

Je regarde la table à côté de nous. Il a prit exactement ce que j'aime manger. Du sucré mais aussi du salé. Parce que j'adore le salé. A n'importe quel moment de la journée. Je regarde les oeufs dans mon assiette. Quand j'étais petit, il s'amusait à en faire un visage avec une saucisse en guise de bouche.

« C'est... beaucoup trop bizarre. » Je lâche en regardant Paul.

Je sais que je n'ai pas besoin de préciser pour qu'il comprenne de quoi je parle. Tout ça est bizarre. Cette nouvelle routine qui nous ai soudainement imposée. Ces autres personnes autour de moi. Ce projet. Paul me regarde tristement, parce qu'il me connaît par coeur. Et je pensais le connaître par coeur également. Ce détail me serre légèrement l'estomac. Je l'entends soupirer et se pincer les lèvres avant de me dire:

« Je sais... Mais on peut en parler?

-Oui. » Je réponds directement.

On s'installe alors à table, l'un en face de l'autre. Mon estomac est noué mais je me force tout de même à attraper mes couverts pour me mettre à manger. Si on a dû enfiler cette tenue de sport, ce n'est pas pour rien. Je ne sais pas ce qu'on nous réserve, mais je pense que je dois prendre des forces. En même temps que je coupe mes oeufs, Paul, lui, ne touche pas à sa tartine de confiture. Il me regarde faire, comme s'il ne savait pas par quoi commencer. Me voir manger le fait sourire, cependant.

« Je suis désolé de t'avoir endormi pour t'emmener ici. » Il lâche soudainement.

Je relève mon regard vers lui et avale difficilement ma bouchée. Non. Impossible de manger maintenant. Mon estomac noué se resserre à l'entente de cette phrase et je pose mes couverts. Puis, je décide de répondre calmement:

« Tu t'es déjà excusé dans l'infirmerie. Tu m'as aussi dit que tu continuerais de me protéger comme tu l'as toujours fait. Tu m'as demandé de te faire confiance et je t'ai répondu que c'est ce que je faisais. »

Paul m'écoute attentivement, n'osant pas intervenir. Malgré le ton de ma voix qui reste calme et posé, je sais qu'on peut y entendre également ma nervosité.

« Ce ne sont pas des excuses que je te demande.

-Alors que veux-tu que je te donne?

-Des réponses, Paul. »

Une lueur passe dans son regard et je ne lui laisse pas le temps de réagir que je lui demande directement:

« Tu t'es occupé de moi parce que c'était ta mission, pas vrai? C'est ce qu'on t'avais demandé de faire? Si je n'avais pas eu cette faculté, ce n'est pas toi qui te serais occupé de moi. Je me trompe? »

Paul prend une grande inspiration et, malgré mon coeur serré, je le presse:

« Des réponses.

-C'est vrai. » Il répond calmement malgré les traits de son visage légèrement fanés. « On m'a donné la mission de m'occuper de toi parce que tu avais cette faculté. Quelqu'un d'autre l'aurait fait sinon. Sûrement une famille. Ou un centre d'éducation de la base deux.

-C'est toi qui a été choisi parce que...

-Parce que c'était mon travail. »

Mon coeur se serre à nouveau sans que je puisse le contrôler. Je prends une légère inspiration, quittant le regard de Paul un instant. Pourtant, on pourrait penser que ça ne change pas grand chose. J'ai toujours su que Paul était mon mentor. Qu'il s'occupait de moi parce que je faisais parti des rares enfants qui survivent à la naissance mais surtout qui naissent en bonne santé. Mais ça prend une toute autre ampleur depuis qu'on nous a tout avoué, qu'on nous a parlé du projet. On a choisi Paul non pas comme une famille ou comme un protecteur.

Mais avant tout comme un scientifique. Un ingénieur.

« Me faire pratiquer des exercices mentaux et physiques faisait parti de ton travail aussi. Tout comme me faire travailler ma faculté. Noter mon avancée, mes progrès. C'était pour que je sois prêt pour le projet.

-Oui.

-Et lorsque tu disais aller à ton travail, tu venais ici. A la sous-base.

-Oui.

-Pour quoi faire?

-Pour partager tes résultats et les comparer à ceux des autres.

-Pour préparer le projet.

-Oui.

-Et si je n'avais finalement pas été à la hauteur? »

Paul est surpris par ma question et, pourtant, elle fait parti de celles qui m'ont le plus hanté cette nuit. Il ne répond pas aussi rapidement cette fois. Il baisse le regard sur ses mains croisées en bord de table alors que je sens mon coeur battre un peu plus vite. Cette boule dans mon estomac et remonte jusqu'à ma gorge.

« Je savais depuis le début que tu serais à la hauteur.

-Mais si ça n'avait pas été le cas. » J'insiste.

Paul ancre son regard dans le mien et la peine que j'y lis n'est rien d'autre que le reflet de celle qui se trouve dans mes propres yeux.

« Si ça n'avait pas été le cas, tu n'aurais plus fais parti du projet.

-Ni de ton travail.

-Louis...

-C'est pour ça que vous ne nous en avez pas parlé avant. Pour qu'on ne soit pas au courant du projet NINE si on devait finalement ne plus en faire parti. Si on échouait. Si tu avais finalement dû me laisser dans une famille ou dans un centre d'éducation. »

Il y a un silence durant lequel je ne lâche plus Paul du regard. Je sens mes yeux piquer légèrement mais j'essaie d'ignorer cette douleur. Je me retiens. Malgré la fatigue, malgré la déception, malgré le fait que c'est vraiment difficile de changer de vie, d'environnement, en si peu de temps et sans aucune préparation.

« Tu m'as préparé à ce projet mais tu ne m'as jamais préparé au fait qu'on ne serait plus jamais seulement toi et moi.

-Je suis toujours là, Louis. Ce que je t'ai dis à l'infirmerie tient toujours. Je suis là pour te protéger.

-Les gardes sont déjà là pour nous protéger.

-Louis...

-Je n'étais qu'une partie de ta vie. Mais, moi, je n'ai jamais eu que toi. Toi tu étais toute ma vie. Et je me sens comme... comme... »

Les mots d'Harry me reviennent soudainement en tête alors je lâche tristement:

« Comme un chien que tu as éduqué avec comme seul but de l'envoyer sur la Lune. Ce n'est juste pas la même destination. »

Je vois dans ses yeux brillants que ma comparaison lui fait mal. Et je crois que je n'avais jamais vu Paul comme ça. C'est comme si la tristesse se lisait dans chaque trait de son visage, malgré le fait qu'il tente de ne pas craquer. Il prend une grande inspiration, frottant nerveusement son front.

« Je n'ai plus faim. » Je murmure, mon assiette toujours remplie.

J'attendais ce moment depuis hier. Je l'ai attendu toute la nuit. Je ne pensais pas réaliser une fois devant Paul que je n'étais finalement pas prêt à avoir cette conversation.

On attend des réponses et, une fois qu'on les a, on aimerait presque se boucher les oreilles pour ne plus les entendre.

Parce que ça fait mal. Beaucoup trop de sentiments contradictoires me traversent. Je regarde Paul et, malgré tout, je sais que j'ai toujours confiance en lui. C'est plus fort que moi. Mais je lui en veux aussi. Surtout pour ça. Est-ce que ça faisait parti de son travail aussi de réussir à ce que je lui fasse confiance? A ce que je l'aime? Au point de ne plus pouvoir m'en détacher? Il n'a fait que ce que son travail lui demandait. Pour sauver l'humanité. Est-ce que je l'aurais aussi fait à sa place? J'en sais rien. Il a eu un avant moi. Mais je n'ai jamais eu un avant lui.

Tout ce que je sais, c'est que je n'ai pas l'énergie de me mettre à sa place pour le moment. C'est beaucoup trop. Trop d'un coup. Trop en si peu de temps. Je me sens utilisé. Et je n'ai visiblement pas la facilité qu'a Liam pour accepter cette situation sans se poser plus de questions. Ça aurait été plus simple d'être comme lui. Mais je reste humain. Un humain avec une faculté inexpliquée.

Depuis petit je suis en recherche de mon identité. Et ça n'a jamais été simple sans connaître mes parents, mes origines. Encore moins lorsque j'ai ressenti cette faculté qui devient à cet instant qu'un point d'interrogation de plus dans mon esprit. Ils veulent voir en nous des sauveurs. Je ne sais pas s'ils réalisent qu'on est aussi et surtout des adolescents n'ayant jamais compris qui ils étaient vraiment.

« Vous voulez que je sois Saturne mais je ne sais même pas qui est Louis. » Je dis tout bas.

Je croise une dernière fois le regard de Paul et, alors que je me tourne sur ma chaise pour me relever, je m'arrête dans mon mouvement en entendant la voix de mon mentor se mettre à retentir:

« Moi je sais qui est Louis. Louis, c'est le bébé qu'on m'a confié. Pour mon travail, c'est vrai. Pour ce projet. Et je ne devrais pas avouer que je n'ai pas toujours su rester professionnel. Parce que j'ai vu ce petit garçon grandir. Je l'ai vu me sourire pour la première fois. Je l'ai entendu prononcer mon prénom pour son premier mot. Et j'étais si fier de lui avant même qu'il ne sache faire des calculs mentaux ou maitriser sa faculté. Louis c'est ce petit garçon qui faisait tourner ses jouets autour de lui, se mettant à pleurer lorsqu'il finissait par tous les faire tomber. Parce que c'était un enfant avant tout. Malgré cette faculté qui le rendait unique et qui me rappelait pourquoi il était près de moi. Alors, oui, je culpabilisais. J'étais tiraillé entre être ton mentor et être cet homme qui te prenait dans les bras pour te réconforter, sentant mon coeur se réchauffer à chaque nouveau sourire que tu m'offrais. A chaque rire que tu lâchais, surtout lorsque tu me piquais mon pop-corn devant la télé. Louis, c'est un enfant qui a grandi et qui pensait que je ne le voyais pas non plus  me piquer mes livres dans ma chambre. Alors je lui en ai ramené. Et ça, ça n'avait rien à voir avec le projet. Je voulais juste le voir heureux. Le voir se découvrir une passion. La lecture. Mais aussi l'écriture, passant ses heures de solitude à écrire encore et encore. A imaginer un autre monde bien meilleur que celui dont j'aurais aimé le protéger plus longtemps. Louis, c'est un garçon doué, c'est vrai, un garçon intelligent, mais c'est surtout un garçon sensible, créatif et profondément bienveillant. Un garçon qui me fait confiance, je le sais, même si je ne le mérite plus. »

Je regarde le sol, les pieds de ma chaise, sentant ma vue se brouiller. Mais sentant surtout mon coeur se réchauffer et se serrer en même temps. Parce que c'est encore plus difficile maintenant.

« Et si j'avais dû être papa dans cette vie, c'est toi, Louis, que j'aurais choisi comme fils. »

Je ferme longuement les yeux, sentant une première larme glisser entre mes cils pour s'échouer sur ma joue. J'entends Paul se rapprocher un peu plus de la table qui est comme une dernière barrière entre nous. Puis il se met à murmurer comme un secret:

« On attend de Saturne qu'il sauve l'humanité. Mais quoi que fasse Louis, moi, je le suivrais. »

Sa dernière phrase résonne un peu plus fort en moi. Parce que je ne suis pas sûr que ce soit le genre de phrase qu'un mentor peut prononcer. Est-ce que je dois y entendre un sous-entendu? Est-ce que Paul serait prêt à me suivre, n'importe quel soit mon choix, même si ça voudrait dire abandonner la mission qui lui a toujours été confiée? Et s'il le faisait, qu'est-ce qu'il deviendrait? Et moi qu'est-ce que je deviendrais? Ils ont besoin de moi mais est-ce que j'ai besoin d'eux? Ils peuvent m'aider à mieux maîtriser ma faculté, à mieux la comprendre aussi. Et si je partais d'ici, où j'irais? Retourner m'enfermer chez Paul? Aussi réconfortant soit-il, j'attendrais seulement que le monde s'effondre? Que d'autres personnes meurent? Que d'autres enfants se retrouvent à ne jamais savoir à qui ils ressemblent? A voir leurs parents mourir sous leurs yeux? Et, inversement, à voir des parents porter le corps inerte de leur enfant?

Je déglutis difficilement et renifle avant de finalement me lever de ma chaise, toujours sans regarder Paul. Parce que je sais que je risque de craquer si je le fais. Alors, sans le regarder, je lâche la phrase qui a le plus de sens pour moi actuellement:

« J'ai besoin de temps. »

Puis je décide de m'éloigner.

Sans me retourner.

Harry.

« Les retrouvailles ne se sont pas passées comme prévu apparement. » Lâche soudainement Chiara en face de moi.

Elle n'a pas parlé depuis que je me suis installé en face d'elle pour déjeuner. Et je lui en était reconnaissante jusqu'à maintenant. J'avais juste envie de manger sans rendre de compte sur le fait que je n'étais pas aux côtés de mon soit-disant mentor. Et c'est peut-être ce qu'elle voulait elle aussi, puisqu'elle n'a pas rejoint le sien. A l'entente de sa phrase, j'avale ma bouchée et me retourne sur ma chaise pour suivre son regard.

C'est là que je vois Louis quitter la table où il était installé avec son mentor. Il a la tête baissée et avance rapidement, apportant une main à son visage avant de totalement disparaître en quittant le réfectoire pour aller je ne sais où. Je devrais me réjouir de ce spectacle lorsque je vois son mentor baisser également la tête, se grattant la nuque avant de se frotter les yeux. Qu'est-ce qu'il croyait, sérieusement? Je ne sais pas ce qu'ils se sont dit mais je me doute que c'est en rapport avec le projet. Je ne sais pas non plus ce que en pense Louis, mais il a déjà l'air d'être plus réticent et donc plus intelligent que les autres. Que Liam. Alors, oui, je devrais m'en réjouir. De voir la base une perdre peut-être la confiance de ce qu'ils pensaient être leurs petits toutous de compagnie.

Mais je n'arrive pas totalement à ressentir ce sentiment satisfaisant. L'image de la tête baissée de Louis traverse mes pensées alors que je fixe toujours la porte par laquelle il vient de sortir. Je ne suis pas cruel non plus. Je ne connais pas sa vie, son passé, mais je me doute que ce qu'il doit ressentir actuellement est difficile. J'ai envie de le détester. De tous les détester pour le confort qu'ils ont eu. Mais, d'un autre côté, lorsque je vois Louis dans cet état, je comprends qu'il n'y a aucun de nous qui est gagnant. A part la base une. Ils veulent juste qu'on sauve l'humanité, peu importe dans quel état on termine. Peu importe s'il y en a qui doivent se sentir trahi et se mettre à pleurer.

Tant qu'on sauve l'humanité, ils ne viendront pas nous demander si les larmes ont finies par sécher.

Je détourne le regard, Louis n'étant de toute façon plus là, et me retourne complètement vers Chiara qui ancre son regard dans le mien. Elle croque dans sa pomme, mâchant le morceau sans cesser de me regarder.

« Il y a un truc que je pige pas. » Elle lâche.

Je ne sais pas quand est-ce qu'elle a décidé qu'on allait avoir une conversation elle et moi, mais je n'ai apparement pas le choix. Elle se lèche les lèvres, récupérant le jus de sa pomme avant de reprendre tout en regardant les autres qui mangent et parlent avec leurs mentors:

« Pourquoi nous envoyer sur cette planète si on a les facultés pour réparer la nôtre? »

Je fronce légèrement les sourcils avant de réaliser que j'aurais pu me poser cette question moi aussi. Parce qu'elle n'a pas totalement tord. Même si je ne suis pas sûr que ça soit aussi simple que ça.

« Peut-être parce que la nôtre est fichue. Ou peut-être parce qu'on sera jamais assez forts pour la réparer entièrement. Je suis pas sûre qu'on pourrait faire disparaître tous les virus qui sont remontés à la surface. Parce que nos facultés ont des limites et que cette nouvelle planète toute neuve nous épargnera la moitié du travail. » Elle reprend en me regardant à nouveau.

Je ne dis rien mais écoute ce qu'elle est en train de dire. Ça ne me paraît pas illogique non plus. Mais j'avoue que le manque de sommeil cette nuit ne m'aide pas à réfléchir convenablement. Depuis qu'on est ici, j'ai l'impression de n'être capable que de deux choses: être épuisé et être énervé. C'est pour ça que je n'ai pas encore pris le temps de faire le point avec moi-même. De savoir ce que je comptais faire.

« Je suis pas sûre qu'on nous dise tout. »

Cette dernière phrase retient mon attention. Parce que je suis d'accord avec elle. Même si je ne sais pas encore ce qu'on pourrait nous cacher de plus. On nous a parlé du projet sans filtre. On nous l'a exposé sans vraiment nous demander notre avis. Ils ont évité de parler du fait qu'ils n'aident pas les bases les plus éloignées. Ah si, pardon. Ils en parlent en disant qu'ils n'ont soit-disant pas assez de ressources. Pour moi c'est évident qu'ils mentent sur ça. Sur quoi d'autres mentent-ils?

Sans le savoir, Chiara me fait réaliser quelque chose. Je n'en ai pas assez vu ni entendu. Malgré ma colère et ma réticence, malgré tout ce que j'ai pourtant vu avant d'être ici, je dois en apprendre plus sur cette sous-base et sur la base une. J'ai cette malchance d'avoir été de l'autre côté contrairement aux autres. Et cette malchance pourrait au moins devenir un avantage ici. Parce que je pourrais me retrouver à savoir ce qu'il se passe des deux côtés. Il va falloir que je prenne sur moi, il va falloir que je sois patient.

Il va falloir que je me fonde dans le décor, malgré moi.

Et c'est peut-être ce que ce il attendait de moi lorsqu'il a dit à Esha de me faire promettre, une fois le moment venu, de faire semblant de leur faire confiance.

« Arg, rien que le regarder m'énerve. » Reprend soudainement Chiara.

Je suis son regard et ne peut m'empêcher de sourire légèrement, amusé, en la voyant regarder Liam plus loin avec son mentor.

« Oui, mentor chéri, je vais être l'élève parfait et sauver l'humanité malgré la rousse et le bouclé qui ont vraiment besoin d'être éduqués. » Elle fait semblant de parler à sa place.

Je n'arrive pas à retenir le léger rire qui s'échappe d'entre mes lèvres. Un rire bref mais sincère. Ça fait sourire fièrement Chiara qui repose son trognon de pomme avant de continuer en regardant les autres:

« On peut pas faire deux équipes, sérieux? Je prends Zayn et toi et le reste fait ce qu'il veut. On fera la course de celui qui arrive sur cette planète en premier.

-Pourquoi Zayn et moi?

-Toi parce que tu fais tout le temps la gueule donc tu me feras pas chier et Zayn parce qu'il est canon. »

La première partie de sa phrase devrait peut-être me blesser mais ça m'amuse plus qu'autre chose. Je me permet ce moment de répit avec cette fille qui a au moins le mérite d'avoir les idées clairs et de détester cette base autant que moi. Du moins, je pense. Je ne fais confiance en personne ici. Ni même à elle. Mais j'ai décidé de me fondre dans le décor et je vis maintenant avec huit autres personnes. Je me demande qui Gwendoline aurait apprécié ou non. Il faudrait que je les connaisse mieux pour le savoir. Tout comme moi, elle n'aurait pas été fan de Liam. Elle lui serait rentré dedans directement. Et je ne sais pas si Chiara l'aurait amusée ou agacée. Un peu des deux je pense.

Mais Gwendoline n'est pas là et ça me fait perdre automatiquement mon sourire.

Chiara parle de faire une équipe.

Gwendoline et moi en étions une. Et elle sera à jamais ma seule équipe. Avec Ismael qui était notre petit protégé.

Je déteste ne pas avoir de leurs nouvelles. Je déteste être enfermé ici, loin d'eux. J'ai besoin de Gwen. J'ai besoin de lui parler. De lui dire tout ce qui est en train de se passer. De lui dire que je ne suis pas mort. Est-ce qu'on lui aura dit que c'est moi qui ai demandé à ce qu'on leur envoie de la nourriture? Et est-ce qu'elle s'endort le ventre plein, elle aussi? La connaissant, elle doit prendre le temps de nourrir les plus petits et les plus faibles avant elle. Elle les protège comme elle me protégeait.

Mais moi je ne suis plus là pour la prendre dans mes bras.

Je déglutis difficilement à cette pensée, sentant le manque perforer un peu plus ma poitrine. Je me laisse retomber sur ma chaise, croisant le regard de Chiara au passage. Elle a dû remarquer la façon dont mon visage s'est refermé puisqu'elle ne rajoute rien. Elle se contente d'attraper une serviette et de s'essuyer les lèvres avant de se servir un verre d'eau. Elle remplit le mien au passage, même si je ne lui ai rien demandé. Puis un nouveau silence s'installe. Je vois Chiara regarder partout autour d'elle, sauf en direction de son mentor.

Et lorsque moi je tourne la tête vers Silas, je réalise que son regard était déjà posé sur moi. Assis à une table, seul, il prend une gorgée de jus d'orange tout en me regardant. Il s'attendait peut-être à ce que je le rejoigne en arrivant ici. Moi, je m'attendais à ce que ça soit lui qui vienne me voir. Avec de belles paroles et un discours de super mentor qui va m'aider à surmonter ma colère et mes peines pour être un héros de qualité et sauver l'humanité.

Mais il ne le fait pas. Son regard est toujours posé sur moi, sûrement pour me faire comprendre qu'il me voit et qu'il est là. Mais je n'ai rien à lui dire. Je ne lui fais pas plus confiance qu'aux autres. Peut-être même encore moins.

Je détourne finalement le regard mais je sens toujours son regard posé sur moi. Alors, sans réfléchir, je me lève. Chiara relève les yeux vers moi et je la surprend en lui disant:

« On bouge? »

Je ne sais même pas où je compte aller et, de toute façon, Chiara ne me le demande pas non plus. Elle sourit et se lève à son tour, faisant le tour de la table pour me rejoindre. Sauf que, au moment où on avance vers la sortie du réfectoire, on entend un homme appeler:

« Chiara! »

Je sens cette dernière se figer près de moi et je fronce les sourcils en me retournant vers l'homme en question. Le mentor de Chiara. Ses yeux presque noirs fixent la rousse à mes côtés, toujours dos à lui. Je l'entend soupirer et je m'attends à ce qu'elle l'envoie chier. Mais, à la place, elle se retourne pour le regarder en retour.

« Viens. » Il lui dit en montrant la place à ses côtés.

« J'ai déjà mangé.

-Tu viens, s'il te plaît. »

Chiara se pince les lèvres et, sans me regarder, elle lâche simplement:

« Je te rejoindrais. »

Puis elle avance vers son mentor et ça me ramène à cette même situation plus tôt avec Louis. J'ai vu dans ses yeux qu'il n'allait pas être capable d'ignorer son mentor. Et ça semble de nouveau être le cas avec Chiara. Je soupire en secouant la tête. Ce n'est pas le fait d'être seul qui me dérange. C'est surtout le fait de constater que je fais bien de ne faire confiance en personne ici, même pas en eux huit. J'ai bien peur que leurs mentors passeront toujours avant tout. Que leurs paroles sont beaucoup trop importantes pour être ignorées.

Pour la première fois ici, je me sens presque chanceux d'être capable de regarder mon mentor dans les yeux et d'en avoir strictement rien à foutre.

Et donc de pouvoir quitter le réfectoire sans une once de culpabilité.

C'est beaucoup plus simple lorsqu'on ne partage aucuns souvenirs.

Il fallait y penser avant de m'arracher aux seules personnes avec qui j'en avais.

(Astronomy_Conan Gray)

Je ne sais même pas où je vais. A partir du moment où j'ai quitté le réfectoire, je me met à avancer sans faire attention à la direction que je prends. Je crois même que je me perds encore. Je passe par le hall avec le plafond en verre puis je traverse plusieurs couloirs, plusieurs portes jusqu'à arriver devant cette salle que j'ouvre par hasard.

Je reconnais alors la sorte de salle de détente, de repos, que Michael nous a montré hier. Il y a des fauteuils, des canapés, des ordinateurs, des tablettes, des jeux de société, des jeux de logique, une bibliothèque et...

Et il y a Louis.

Mon regard s'arrête sur lui. Je ne l'ai pas vu tout de suite et je comprends pourquoi en le voyant assis contre un mur à côté d'une bibliothèque, ses jambes pliées contre son torse. Il a la tête baissée et renifle discrètement, l'air complètement absent. Je me dis que la meilleure chose à faire est de faire marche arrière pour le laisser seul mais, au même moment, il tourne la tête vers moi.

Je remarque alors ses gonflés, même si aucunes larmes ne glissent sur ses joues. Le bleu de ses yeux me serre l'estomac malgré moi. Même si ce n'est pas le même bleu que ceux de Gwendoline, je ne peux m'empêcher de les assimiler. Ou plutôt de les comparer. Ceux de Louis sont plus brillants, et ce n'est pas seulement à cause des larmes. Ils sont plus clairs. Il y a cet éclat qu'il n'y avait pas dans celui de mon amie. Ceux de Gwendoline me font penser à la nuit. Aux nuages qui s'assombrissent dans le ciel en même temps que le soleil laisse place à la lune. Le bleu d'un ciel d'une nuit d'été, lorsque les couleurs ont la chance de rester le plus longtemps possible avant que le noir de la nuit prenne totalement place.

Ceux de Louis, eux, m'aident à me faire une idée d'à quoi doit ressembler l'océan. Cet océan qui était souvent décrit dans les livres que lisait Gwen. Ça parlait d'un bleu clair mélangé à du bleu plus foncé, un mélange de bleus différents avec cette profondeur, cet éclat qui en faisait une description magnifique et légèrement effrayante à la fois.

Je comprends le mot effrayant lorsque je réalise que mon regard est accroché à celui de Louis depuis un peu trop longtemps. Je tourne alors la tête, même si c'est trop tard. Louis m'a vu aussi maintenant. Ça ne m'empêche pas de pouvoir tout de même quitter la pièce sans un mot, le laissant là.

Mais c'est plus fort que moi. Sans que je ne puisse expliquer pourquoi, je tourne de nouveau la tête vers lui. Sauf que c'est la sienne qui est baissée, maintenant. Il fixe ses doigts qu'il tord nerveusement, ses avant-bras appuyés contre ses genoux. Je l'entends renifler une nouvelle fois, même s'il ne pleure pas. Ou plus.

A l'orphelinat, c'est moi qui réconfortais les plus petits. Lorsqu'ils pleuraient parce qu'ils avaient faim, peur, froid, sommeil, mal. J'étais le plus grand. Un des rares à survivre jusque là. Je n'hésitais jamais à aller vers eux, même lorsque j'étais dans le même état. Même lorsque j'avais mal aussi. Lorsque j'avais peur ou faim, exactement comme eux. Je ne laissais rien paraître, et c'est une habitude que je garde ici. La chose qui change, cependant, c'est ma non envie d'aller vers les gens de cette base. Je sais que je ne peux me fier qu'à moi-même.

On a pas eu le même passé, Louis et moi. Je sais qu'il a vécu sans toutes ces choses que j'ai énuméré plus tôt. Il a mangé à sa faim. Il a dormi au chaud. Il n'a pas enterré d'amis. Il n'a jamais dû s'évanouir de douleur. Et pourtant on se retrouve exactement au même endroit au même moment, lui et moi. Je pourrais m'en foutre complètement. Je pourrais mettre ma culpabilité de côté et laisser ma haine parler en le laissant les yeux brillants derrière moi, me disant qu'il ne connaît de toute façon rien à la réelle douleur. Que lui n'a pas des milliers de raisons de pleurer.

Mais je le regarde, tête baissée, et au souvenir de ses yeux brillants je me dis que, actuellement, il doit se sentir autant trahi et paumé que moi.

Alors, lorsque je décide d'avancer vers lui, je me dis que c'est seulement parce qu'il m'a aidé à trouver mon chemin cette nuit.

Du coin de l'oeil, je le vois relever la tête et me suivre du regard. Je garde une certaine distance, longeant le mur en face du sien avant de me laisser glisser contre ce dernier pour me retrouver assis à même le sol, dans la même position que Louis. On se retrouve l'un en face de l'autre et je me doute qu'il doit se demander pourquoi je reste là. Je me le demande aussi au fond de moi.

Il y a toujours ce silence autour de nous. Mais je ne le trouve étonnamment pas angoissant. J'en profite pour continuer de regarder la pièce autour de moi et surtout la grande bibliothèque à côté de laquelle Louis s'est réfugié. Je repense à hier soir, lorsque je l'ai vu déballer le carton que son mentor lui avait laissé. Un carton rempli de quoi écrire mais surtout de livres. Je pense comprendre qu'il s'agit d'un réel refuge pour lui. Que c'est à ça aussi que devait ressembler sa vie avant d'arriver ici. Du confort, oui, mais de la lecture aussi.

Et, lorsque ses yeux s'accrochent aux miens une nouvelle fois, je pourrais en rire nerveusement. Qu'est-ce qu'il voit, lui? Un mec assis contre un mur avec le vide des deux côtés. Qui s'isole instinctivement. Avec ces livres autour de lui, Louis est finalement entouré de centaine d'univers différents. De mon côté, un seul univers suffit à me faire ressentir son vide autour et au fond de moi.

Le regard de Louis me fait ressentir cette sensation que je juge d'abord désagréable et que j'assimile rapidement à de la gêne, malgré le fait que je ne me sente pas si mal assis ici, en face de lui. Mais, comme pour chasser cette sensation, je décide de mettre fin au silence en lâchant la première phrase qui me vient:

« C'est même pas ma planète préférée, Mars. »

C'est complètement absurde et, en même temps, je ne comptais pas lui demander comment il allait. Ça aurait été encore plus con. Ça se lit sur son visage. Puis je n'aurais pas voulu le réconforter. Pas par cruauté, mais parce que je n'ai pas envie de parler de tout ça, de notre raison d'être ici et de ce projet. Je sens qu'on va déjà bien trop nous en parler pour que je le fasse de moi-même. Notre vie va tourner autour de ce projet dorénavant. Et on peut dire que c'est un changement de vie brutal. Même si ma vie à l'orphelinat n'avait déjà rien de doux.

Louis me regarde et sourit légèrement à l'entente de ma phrase. Je lis dans son regard qu'il ne s'y attendait pas et moi non plus pour être honnête. Les traits de son visage se détendent, même si la tristesse y reste. Malgré tout, il décide de me répondre ironiquement:

« J'imagine que c'est une bonne raison pour se rebeller. »

Je souris légèrement, même si je pourrais le prendre au mot. Mais je sais qu'il ne le pense pas une seule seconde. Il est peut-être triste, déçu ou même énervé, je ne crois pas une seule seconde qu'il puisse vouloir se rebeller. Il suffit de voir comment il regarde son mentor. Louis est paumé mais j'ai connais la haine par coeur et ce n'est absolument pas ce qui semble remplir son coeur. Sinon cette haine déborderait de ses yeux.

Mais je le regarde et l'océan ne semble pas être prêt à déborder.

« C'est laquelle, du coup? » Il demande doucement.

Je sors de mes pensées et fronce légèrement les sourcils. Ça fait sourire Louis qui comprend que j'étais complètement absent ces dernières secondes. Alors il reprend:

« Si ce n'est pas Mars, quelle est ta planète préférée? »

Mon regard quitte son visage un instant pour se perdre dans la bibliothèque à côté de lui. Quelle est ma planète préférée? Je revois Gwen et son livre d'astronomie, faisant tourner les pages sous mes yeux pour me présenter chaque planète et m'expliquer leurs spécificités. C'est tellement ironique d'y repenser maintenant que je suis ici, et sans elle. Elle parlait de toutes ces planètes et, à chaque fois, il y en a une qui retenait un peu plus mon attention. Surtout pour sa beauté.

Le nom de cette planète résonne dans mes pensées en même temps que je regarde de nouveau Louis. Cette sensation que je ressentais plus tôt reprend place dans mon estomac, comme une brulure, remontant jusqu'à ma cage thoracique et tentant d'atteindre mon visage. Ça en est presque ironique que la réponse me vienne maintenant mais surtout avec lui. Mais c'est surtout bien trop gênant. Alors je me contente de répondre en haussant les épaules:

« Je n'en ai pas vraiment. »

Louis hoche la tête et son regard est rapidement attiré par un livre coincé dans une pile à côté de lui. Il le regarde et sourit légèrement en le sortant de la pile.

« Orgueils et préjugés. » Je dis à voix haute.

Louis ouvre un peu plus les yeux et me regarde en souriant avant de me demander:

« Tu l'as lu aussi? »

Je souris en coin et secoue la tête avant de répondre:

« Absolument pas, c'est juste écrit sur le livre. »

Louis entrouvre ses lèvres, comme pour me répondre, mais à la place il se met à rire légèrement. Un rire bref mais sincère. Un rire qui fait que son sourire atteint ses yeux, me faisant presque oublier la façon dont ils étaient gonflés lorsque je suis arrivé.

« Il n'y a pas sauver l'humanité pour les nuls dans ta bibliothèque?» Je demande.

« Hm, j'ai pas l'impression. Mais il y a Jane Austen.

-J'imagine qu'elle n'est jamais allée dans les étoiles?

-Désolé de te décevoir mais on ne le faisait pas encore à son époque. Elle est morte en mille huit cent.

-Elle connaît mieux la destination que nous alors. »

Louis écarquille les yeux à l'entente de ma blague plutôt discutable mais se remet tout de même à rire, cachant son sourire derrière sa main comme pour le cacher également à sa propre conscience. Ça me fait rire malgré moi, même si ce n'est qu'un léger son s'échappant d'entre mes lèvres que je pince la seconde d'après, dans un sourire que je cache comme je peux moi aussi.

« Si on la croise là-haut, évite de lui répéter. » Je lâche.

« Je me contenterais d'un autographe. » Il me répond.

On se regarde et sourions en même temps. Je laisse finalement ma tête retomber contre le mur derrière moi, sentant mon corps se détendre petit à petit. Ce matin je jugeais Niall et Luna parce qu'ils plaisantaient sur le nom de la futur planète où nous sommes censé nous rendre. A cet instant, je réalise qu'ils ne le faisaient sûrement pas parce qu'ils n'avaient pas peur ou parce qu'ils étaient ok avec cette nouvelle vie. Tout comme moi, une partie de leur cerveau le faisait peut-être aussi en sachant que, si on ne tente pas d'agir normalement au moins une fois, on va finir par exploser. Je ressens toujours la colère et l'incompréhension en moi. Mais je dois avouer que ce moment que je vis ici me donne l'impression d'être loin, très loin. Pourtant je suis toujours au même endroit, caché dans une sous-base, loin de Ismael et Gwendoline mais près d'un autre garçon qui tente de retrouver aussi, ou de s'inventer, un semblant de normalité.

Louis repose le livre en question à côté de la pile avant de tourner de nouveau la tête vers moi, une partie de son sourire n'ayant toujours pas disparu. Mon sourire, lui, se fane légèrement. Mais ce n'est pas à cause de Louis ni de ce moment. C'est plutôt à cause de cette fatigue qui retombe lourdement sur mes paupières. Je vois aux yeux cernés de Louis qu'il est fatigué aussi. Mais je crois que lui s'est au moins endormi après notre course nocturne. Moi, j'ai dû fermer l'oeil une petite heure peut-être. Je me sens épuisé. Encore plus maintenant. Après ce moment plus léger.

Et je m'étonne à ne pas avoir envie de bouger. A m'endormir là maintenant comme ça. Malgré mon dos courbé et l'arrière de ma tête reposant sur un mur froid. Après tout, c'est ce à quoi j'ai été habitué. Ce dont je n'ai pas l'habitude, par contre, c'est cette impression de légèreté. Je sens toujours le regard de Louis posé sur moi, mais il ne dit rien. Peut-être qu'il se contente de sourire, amusé, me regardant me battre avec le sommeil.

« L'entrainement commence dans dix minutes. Les neuf sont attendus dans le gymnase. L'entrainement commence dans dix minutes. Les neuf sont attendus dans le gymnase. »

La voix qui résonne soudainement dans la pièce me fait sursauter et me fait perdre le peu de sourire qu'il me restait. Louis sursaute également, détournant le regard vers la tablette à côté de la porte d'entrée lorsque, moi, je pose mes yeux sur lui. Je lâche un long soupir, frottant mes yeux avec la paume de mes mains. Je me sens si faible et ,je ne sais pas ce qu'ils nous réservent pour ce premier entrainement, mais je le sens mal. Et je n'en ai surtout aucune envie.

Mais pour l'instant je dois suivre le mouvement. Je ne peux rien faire d'autre tant que j'en sais pas plus.

Je relève la tête lorsque j'entends du mouvement et vois Louis se relever en s'étirant légèrement, baillant par la même occasion avant d'ancrer son regard dans le mien. Je ne sais pas si c'est à cause de lui, mais je me met à bailler également, ce qui le fait sourire discrètement.

Je finis par me relever pour éviter de m'endormir sur place. Ma tête me tourne un peu sur le moment mais je retrouve rapidement mes esprits lorsque Louis lâche soudainement:

« Est-ce que je dois te remercier pour m'avoir suivi jusqu'ici? Ou c'était ta façon de me dire qu'on est quitte? »

Nous sommes en train de marcher jusqu'à la porte et Louis est légèrement devant moi, tournant sa tête en arrière pour me lancer un sourire amusé. Je lève les yeux au ciel et décide d'être honnête en lui répondant:

« Je ne t'ai pas suivi. Je t'ai trouvé sans faire exprès. »

On sort tous les deux de la salle et Louis se retourne complètement vers moi, continuant de marcher en arrière. Son sourire amusé se fait plus léger et il hausse simplement les épaules en me répondant finalement:

« Alors merci d'être resté. »



...

J'espère que ce chapitre vous aura plu...?

Louis a eu une discussion avec Paul...

Harry avec Chiara...

Et j'avais dit que je mettrais l'entraînement dans ce chapitre mais Mars et Saturne ont décidé d'avoir un petit moment en tête-à-tête qui, j'espère, vous aura plu également.👀

Le début est assez long mais c'était le temps de tout mettre bien en place car, finalement, les premiers jours et l'acclimatation sont très importants à écrire je trouve ! 

Je vous dis à très vite pour la suite, pour la première journée à la base avec l'entraînement et la suite de la journée!

Encore merci infiniment d'être là.❤️

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