Chapitre 3

Coucou! J'espère que vous allez bien?

Merci infiniment pour vos commentaires sur le précédent chapitre. Apparement j'ai été un peu sadique avec cette fin et je sais que vous attendiez le moment de la rencontre alors je vais tout simplement vous souhaiter une bonne lecture, je l'espère ! ;)

...

CHAPITRE 3

(Iron_Woodkid)

Harry.

Je regarde le léger bleu déjà en train de se former à l'intérieur de mon coude, là où l'infirmière m'a fait la prise de sang. Elle est ensuite repartie avec ma poche de sang, me disant au revoir. J'en ai conclu qu'elle ne revenait pas. Je me retrouve de nouveau seul dans cette chambre, à fixer mon bras. En soulevant mon t-shirt tout à l'heure, j'ai remarqué que les soins que je me suis appliqué avait fait disparaître les autres. Du moins, les bleus les plus récents. Quelques cicatrices, elles, sont toujours présentes. Mais déjà plus propres. Je ne suis pas sûr de vouloir les voir disparaître. Je veux qu'elles restent. Qu'elles me rappellent la douleur et les larmes retenues. Qu'elles me rappellent les cris et la colère. Tout ce qui ne pourra jamais être effacé avec de jolis mots.

Je sors de mes pensées en entendant la porte de la chambre s'ouvrir. Lorsque je tourne la tête, je découvre un homme, grand et à la peau foncée qui contraste avec sa tenue blanche et bleue de la base une. Ses yeux sont presque noirs et sa légèrement barbe taille parfaitement le contour du sourire assuré qu'il aborde en me voyant. Je pense alors à ce que Adelaide a dit à l'infirmière avant de quitter la chambre:

Silas viendra le chercher pour l'emmener avec les autres.

Les autres. Quels autres? Encore une question sans réponse mais je m'accroche à l'idée de bientôt le savoir. Ça pourrait m'effrayer mais, actuellement, je veux juste avoir des réponses. Savoir ce que je fous là et pourquoi moi. Savoir ce qu'ils me veulent. Je regarde l'homme d'un air méfiant même si ce dernier ne semble pas perturbé de me voir. Il continue de sourire simplement en faisant quelques pas vers moi.

« Bonjour, Harry. Je suis...

-Silas. » Je devine.

Il sourit un peu plus et hoche la tête avant de me dire:

« Adelaide t'a déjà parlé de moi?

-Non. Elle a juste dit à l'infirmière qu'un certain Silas viendrait me chercher. En vous voyant là, je devine qu'il s'agit de vous.

-Et tu devines bien.

-Ça ne me dit pas qui vous êtes.

-C'est vrai. »

Il fait quelques pas de plus vers moi et me surprend en pointant sa main en direction de la place à côté de moi.

« Je peux? » Demande t-il.

Je suis surpris par sa demande. Adelaide, elle, garde toujours une certaine distance mais surtout garde cette positon de force. Toujours droite et debout face à vous. Pas une seule fois elle s'est assise pour être à ma hauteur.

Je hoche simplement la tête et Silas s'installe à mes côtés. Il s'avachit un peu, dans une position peu professionnelle mais plus confortable. Il tourne la tête vers moi et, avant de me dire quoi que ce soit sur lui, il commence par me demander:

« Qu'est-ce que Adelaide t'a déjà dit? »

Un rire nerveux m'échappe malgré moi.

« Pas grand chose. A part me dire qu'ils m'ont emmené ici suite à mon malaise.

-Ton malaise? » Répète Silas en fronçant les sourcils.

Surpris par sa réaction, je hoche de nouveau la tête en reprenant:

« J'ai fais un malaise après avoir mangé la nourriture qu'ils avaient ramené à l'orphelinat.

-Oh, je vois. » Il relève avant de secouer la tête avec un rire.

Je le regarde avec encore plus d'insistance.

« C'est censé être amusant? » Je lui lance durement.

Silas tourne de nouveau la tête vers moi et secoue de nouveau la tête en levant une main comme signe de défense, me répondant en même temps:

« Non, ça ne l'est pas. C'est plutôt le mensonge d'Adelaide qui m'amuse.

-Quel mensonge? » Je demande, encore plus tendu que je ne l'étais déjà.

Silas soupire mais, malgré ma colère, ne s'éloigne pas de moi. Il se contente d'ancrer son regard dans le mien. Un silence s'installe et les dernières phrases que nous nous sommes échangées prennent un tout autre sens qui fait bouillir le sang en moi. Non. Non ce n'est pas vrai. Je n'ai pas pu être aussi naïf? Je n'ai pas pu être aussi bête? Esha m'avait prévenue. Elle m'avait pourtant dit de ne pas leur faire confiance. Une seule seconde. Une seule seconde sans me méfier. Une seule seconde et ça a suffit.

« Ils m'ont endormi. Vous m'avez endormi. » Je comprends, la mâchoire serrée.

« C'étaient les ordres.

-Vous m'avez menti.

-Adelaide l'a fait. Pas moi. Je ne suis pas toujours d'accord avec ses idées.

-Je devais leur dire au revoir! » Je m'exclame, me relevant en même temps.

Je frappe instinctivement ma main contre le mur, sentant à peine la douleur traverser mon poignet. Je ne sens que cette claque contre la paume de ma main. Je ne sais pas à qui j'en veux le plus. A cette femme de m'avoir appâté comme un chiot affamé ou à moi d'avoir été aussi naïf et affamé pour plonger dans son mensonge. Je me retourne de nouveau pour regarder cet homme, Silas, qui n'a pas bougé. Il me regarde, imperturbable.

« Et pourquoi me le dire maintenant? » Je dis sans lâcher son regard. « Vous n'êtes pas censé travailler avec Adelaide?

-Si. Mais je te l'ai dis. Ça ne veut pas dire que je suis d'accord avec toutes ses idées. »

Je ne sais pas quoi lui répondre. Dans tous les cas, il travaille avec elle, il travaille ici et ça me suffit pour ne pas lui faire confiance également. Je ne fais qu'écouter les derniers mots que Esha m'a lâché et ces dernières secondes me confirment que c'est elle que je dois croire. Même si je ne comprends pas comment elle pouvait le savoir. Même si je ne sais pas quel est cet homme, ce il, lorsqu'elle me disait: Il m'avait dit de te dire ça à l'aube de tes vingt ans, si tu étais encore en vie, mais ce qu'il vient de se passer a dû accélérer les choses...

« Tu voulais savoir qui j'étais. » Reprend Silas, me sortant de mes pensées.

Je le regarde, moi debout et lui assis. Je le regarde de haut, mais ça ne semble pas le déranger. Il parle calmement et, malgré ma colère, je le laisse parler. Parce que, pour le moment, c'est lui qui me parle le plus ici. C'est lui qui me donne le plus de réponses. Même si ça ne m'empêche pas de me méfier de chaque mot qui sort de sa bouche.

« Je suis ton mentor.

-Mon mentor? » Je fronce les sourcils.

« Oui. Ici, tu es sous ma responsabilité. C'est pourquoi je ne voulais pas débuter cette relation sur un mensonge. »

Je le regarde sans rien dire. Est-ce qu'il s'attend à ce que je l'applaudisse pour avoir été honnête avec moi? L'est-il vraiment? Je préfère partir du fait qu'il ne l'est pas. Comme toute personne que je croiserais ici. Ensuite, il dit être mon mentor ici. Je devine que par ici il parle de la sous-base une. C'est Adelaide qui m'a dit que c'était là où on était. Mais elle ne m'en a pas dit plus, me faisant comprendre que je le saurais plus tard. Sauf que je commence à perdre patience.

« Je sais que tu te poses beaucoup de questions actuellement et c'est pourquoi je suis venu te chercher. Tu vas enfin avoir tes réponses. »

Silas viendra le chercher pour l'emmener avec les autres.

Malgré ma méfiance, je veux juste avoir ces putains de réponses. Alors je hoche simplement la tête, le regardant se lever et de nouveau être plus grand que moi. C'est lui qui peut me regarder de haut maintenant. Mais il ne le fait pas. Il se contente de s'approcher de la porte de ma chambre pour l'ouvrir et m'inviter du regard à le suivre.

Dans un geste nerveux, je remets ma veste noire en place et mes yeux glissent sur l'écriture brodée en blanc. PROJET NINE. Je regarde ces mots un instant avant de relever la tête et d'avancer pour enfin sortir de la chambre. Peu importe où l'on m'emmène, ce n'est pas en restant ici que j'en saurais plus.

On sort dans le couloir de l'infirmerie, avançant silencieusement. Nous passons devant d'autres chambres dont les portes sont ouvertes. Je vois alors plusieurs infirmières ranger des chambres vides, changer les draps, passer le balais...

Lorsque nous arrivons au bout du couloir, Silas pose sa main sur une tablette transparente. A son touché, la porte se déverrouille, donnant sur un nouveau couloir aux murs de la même couleur que ceux de l'infirmerie. Toujours du blanc et du bleu clair. Je trouve que ça fait mal aux yeux, mais je ne fais aucun commentaire, le visage fermé.

C'est un vrai labyrinthe. Je ne peux plus compter le nombre de couloir qu'on traverse et le nombre de portes que Silas doit déverrouiller. Les couloirs ont tous des chiffres ou des lettres pour les nommer. Mais je suis incapable de les mémoriser actuellement, même si ça aurait pu être pratique de comprendre d'où je viens et où je vais.

On arrive finalement devant une grande porte avec inscrit au dessus:

HALL PROJET NINE.

Faisant le lien avec ce qui est inscrit sur ma veste mais également sur mon t-shirt, je comprends qu'on est arrivés. Silas baisse légèrement la tête pour me regarder, ne déverrouillant pas la porte tout de suite. A la place, il brise le silence pour la première fois depuis que nous avons quitté la chambre:

« Une fois qu'on aura passé cette porte, suis les autres. Je ne serais pas loin.

-Mais c'est qui, les autres? » Je m'impatiente.

Silas sourit légèrement, de ce sourire que j'ai envie de lui arracher, avant de me répondre:

« Oh, tu sauras les reconnaitre. »

Je fronce encore plus les sourcils et Silas ignore ma réaction pour baisser la tête vers la tablette où il pose sa main. Je regarde ce trait vert tracer le contour de sa main, se mettant à sonner une fois qu'il en a fait le tour. La porte se déverrouille alors, coulissant vers la droite. Silas se met à avancer et je le suis de près avant de m'arrêter pour regarder autour de moi.

Le hall est immense, sur plusieurs étages. Lorsque je relève la tête, je peux voir plusieurs étages, plusieurs couloirs avec des barrières pour séparer du vide. Il y a tellement d'étages que le plafond me paraît beaucoup trop loin. Et je me sens ridiculement petit. Puis je regarde en face de moi et je remarque soudainement les autres portes ouvertes, autour de hall qui ressemble à une arène, tout en cercle.

Mais je remarque surtout ces personnes qui sortent de ces portes, regardant elles aussi partout autour d'elles. Des jeunes de mon âge tous accompagnés par un adulte. Ces adultes qui continuent d'avancer jusqu'au centre du hall, tout comme Silas que je vois s'éloigner de moi pour rejoindre... Adelaide. Cette dernière se trouve au centre, avec un autre homme à côté d'elle. Si Adelaide sourit en regardant autour d'elle, ce n'est pas le cas de l'homme qui repositionne nerveusement ses lunettes avant de passer une main dans ces cheveux courts et gris. Ils sont tous les deux rapidement rejoint par neuf autres adultes. Femmes et hommes.

Mais ce ne sont pas eux que je regarde actuellement. Je regarde plutôt les autres, ceux de mon âge, qui se sont mit à se dévisager comme je le fais moi aussi maintenant. Nous portons tous la même tenue. Pantalon noir, veste noire et t-shirt noir. Toujours avec la même inscription. PROJET NINE.

Sur ma gauche, je vois une première fille à la peau mate, aux yeux noirs et aux cheveux roux presque rouges. Elle se tient droite, les poings serrés, comme si elle était énervée. Et je la comprend. Elle a la mâchoire serrée.

Je suis les autres portes du regard et tombe sur un garçon, mate de peau également et aux yeux en amandes. Son regard noir me fait penser à celui de la fille plus tôt. Mais, contrairement à elle, son regard ne paraît pas aussi sombre. Il regarde partout autour de lui, croisant mon regard quelques secondes avant de continuer à regarder les autres.

Il y a une autre fille à la peau très pâle et aux long cheveux presque blanc. Lorsqu'elle tourne la tête vers moi, je suis frappé par la couleur de ses yeux. On dirait presque qu'ils sont gris. Mais, tout comme moi, elle n'a pas le temps de s'attarder sur une seule personne. Elle tourne la tête vers le garçon se trouvant à la porte à sa gauche.

Alors je regarde également ce garçon blond aux yeux bleus qui semble inquiet, qui semble se demander comme tout le monde ce qu'il fait ici.

Puis je vois cette fille qui sourit. C'est sûrement la seule à le faire. Ses cheveux sont noirs, très noirs, et contrastent avec ses yeux très bleus. Elle regarde partout autour d'elle, comme fascinée par cet endroit. Et tourne alors la tête vers le garçon à la porte à sa gauche, un garçon qui semble aussi fasciné qu'elle.

Ce dernier a les cheveux marrons, de la même couleur que ses yeux. Il a des grains de beauté un peu partout, même dans son cou. Et tout comme la fille juste avant, il semble plus fasciné qu'effrayé.

Tout le contraire de la fille que je vois plus loin, légèrement plus petite en taille. Et on dirait qu'elle veut se faire encore plus petite. Elle déglutit difficilement, quelques mèches de ses cheveux en carrés lui retombant sur le front. Ses cheveux sont châtains et ses yeux verts. Elle se tord nerveusement les mains, osant à peine regarder ce qui se trouve autour d'elle.

Puis mon regard tombe sur la dernière personne. La huitième. Et, à l'instant où mon regard croise le sien, je le reconnais. J'ai déjà vu cette couleur. Ce bleu là que j'ai pensé confondre avec celui de Gwendoline. C'est le garçon que j'ai croisé plus tôt dans le couloir. La seule différence, c'est qu'il porte maintenant la même tenue que moi. Je le dévisage, et il le fait aussi. Je remarque seulement maintenant les trois grains de beauté sur sa joue gauche, à côté de son oeil. Ses cheveux sont mieux coiffés que la première fois que je l'ai vu. Sa mèche surtout, qui ne retombe plus complètement sur son front.

Il détourne le regard pour le poser un peu plus loin, sur l'homme avec qui je l'ai vu dans le couloir. Celui qui a cité son prénom. Louis, je crois. L'homme en question le regarde en retour et lui fait un signe de tête, comme pour le rassurer mais surtout pour l'inviter à avancer. Ce qu'aucun d'entre nous ne fait pour le moment.

Mais le garçon semble avoir confiance en cet homme puisqu'il se met à avancer vers Adelaide et les adultes qui se sont mit en ligne derrière elle. En le voyant avancer, la fille aux cheveux noirs et aux yeux bleus se met à avancer aussi, rapidement suivie par le garçons aux grains de beauté. La fille la plus petite et la plus discrète décide de suivre le mouvement également. Le garçon blond semble hésiter mais finit par avancer aussi, suivi par la fille aux long cheveux blancs.

Je tourne alors la tête vers les deux autres personnes qui n'ont pas encore avancées, tout comme moi. La fille aux cheveux rouges et le brun aux yeux en amande. Le garçon finit par se lancer mais la fille toujours pas. Et moi non plus. Elle croise mon regard et soupire longuement en voyant que tous les autres sont déjà arrivés vers Adelaide qui nous regarde, attendant qu'on se décide à les rejoindre.

Je devine que, de toute façon, rester ici ne changera rien. Et je veux des réponses. Encore plus maintenant en voyant que nous sommes neuf adolescents habillés de la même façon. Je me mets alors à avancer, sous les regards des adolescents mais aussi des adultes. J'en vois deux faire des messes basses en me regardant. Puis je vois Silas me regarder avec un sourire et un hochement de tête. Je ne lui souris pas en retour.

Je me mets au fond du groupe et je remarque seulement maintenant que la fille aux cheveux rouges m'a rejoint pour se positionner non loin de moi. On est avec les autres, mais légèrement en retrait. On a crée deux lignes sans se concerter. Et la fille et moi sommes les seuls de la deuxième ligne.

Un silence s'installe. Un silence durant lequel on peut voir Adelaide nous regarder avec un sourire discret mais présent. Un sourire de fierté aussi, peut-être. L'homme à côté d'elle ne nous regarde pas. Et les adultes derrière sont neuf également, puisqu'ils accompagnaient tous l'un de nous. Si Silas est mon mentor, je devine que les autres en sont aussi. Mais quand je vois certains regards s'échanger, comme si certains avaient besoin de regarder leurs mentors pour être rassurés, j'ai l'impression qu'ils se connaissent déjà. Ou alors qu'ils font confiance trop rapidement.

Seule la fille à côté de moi regarde un point invisible en face d'elle.

« Ça fait dix-huit ans qu'on vous attend. » Lâche soudainement Adelaide.

Instinctivement, tous les regards se posent sur elle. Je déteste ce qu'elle dégage. Cette puissance naturelle. Cet air imperturbable. Comme si elle n'avait peur de rien. En face d'adolescents qui, pour certains, sont terrifiés. Qu'ils le montrent ou non.

« Dix-huit ans que vos mentors prennent soin de vous, vous protègent, vous partagent des connaissances et font en sorte que vous grandissiez en bonne santé. Une chance que, vous le savez, tous les enfants n'ont pas eu depuis la grande explosion. »

Je ne peux m'empêcher de tiquer. Il doit y avoir un problème de calcul. Attendez. Pour les autres, ça fait dix-huit ans qu'ils ont un mentor? Je ne peux m'empêcher de lancer un regard à Silas qui me regardait déjà. Je sais qu'il peut lire l'incompréhension dans mon regard. Je ne comprends pas tout actuellement mais je comprends au moins une chose, c'est que je n'ai pas vécu dans les mêmes conditions que les autres personnes autour de moi. Pourquoi?

« Dix huit ans que...

-On sait ce qu'on a vécu pendant dix-huit ans, on était là. » Lâche soudainement la fille à côté de moi, coupant Adelaide dans son discours.

« Chiara. » Gronde immédiatement un mentor.

Cette dernière tressaille légèrement à l'entente de sa voix. C'est léger, mais assez pour que je le constate, puisque je suis à côté d'elle. Mais son regard noir ne lâche pas pour autant Adelaide qui fait signe au mentor de se taire. Alors la fameuse Chiara continue:

« On s'en fout que vous nous rappeliez notre vie depuis dix-huit ans. On le sait déjà. Est-ce qu'on peut directement passer à la partie où on nous dit ce qu'on fout ici? »

Puis, avant même de laisser le temps à Adelaide de réagir, elle rajoute:

« Et nous expliquer pourquoi on nous a endormi pour ça. »

Si le silence était lourd, il est encore plus pesant lorsque cette dernière phrase résonne dans l'immense hall. Alors je ne suis pas le seul qu'on a endormi. Et je sais au moins que cette Chiara est aussi révoltée que moi par l'idée. Je la regarde, gardant la tête haute sans lâcher du regard Adelaide. Juste derrière, je jurerais voir Silas sourire légèrement. Contrairement au mentor de Chiara, qui semble se retenir d'intervenir à nouveau.

Quant à notre groupe, j'en vois peu qui sont surpris. Voir pas du tout. Comme s'ils l'avaient tous compris et je me sens con d'avoir été le seul à ne pas le comprendre. Je vois le garçon aux yeux bleus, Louis, déglutir difficilement en regardant son mentor qui, lui, semble tenter de s'excuser silencieusement. Tu parles. Il faut être naïf pour y croire une seule seconde. Je ne sais pas encore ce qu'ils nous veulent mais je ne croirais jamais en leur pitié.

« J'entends votre incompréhension et votre colère. » Reprend Adelaide. « On vous doit évidemment des explications.

-A peine. » Murmure Chiara pour elle-même.

« Vous êtes ici à la sous-base une. » Commence Adelaide. « La base secrète de la base une. C'est ici que naissent les nouvelles avancées scientifiques et les expériences afin de maintenir en vie l'humanité et de créer de nouvelles ressources pour les envoyer aux bases les plus proches de la grande explosion. »

A l'entente de cette dernière phrase, mon regard noir s'ancre dans celui d'Adelaide. Je me retiens de lui rire au nez. Elle me rend mon regard, encore une fois sûre d'elle, avant de reprendre:

« Ce que nous avons du mal à faire, malgré nos avancées. Nous n'avons jamais assez de ressources pour contenter tout le monde. Surtout les bases les plus infectées. Mais c'est ce pourquoi nous travaillions. Pour trouver des solutions afin de sauver absolument tout le monde. Pour espérer ne plus à avoir compter nos ressources alors que des enfants des bases les plus éloignées attendent également notre aide.

-Ça ne dit toujours pas pourquoi vous nous avez endormi. » Insiste Chiara, apparemment pas touchée par le discours larmoyant d'Adelaide.

« Si tu arrêtais de couper la parole tu aurais tes réponses. » Lâche froidement son mentor.

« C'est bon, Miguel. » L'arrête calmement Adelaide.

Chiara déglutit difficilement mais ne regarde toujours pas son mentor. Elle l'ignore, continuant de regarder Adelaide mais ne disant plus rien.

« Le commandant de la base une a ordonné que le chemin menant à la base une doit reste secret pour les nouveaux arrivants. Pour éviter les trahisons. Pour éviter que ça tombe dans d'autres oreilles. Sait-on jamais si des espions d'autres bases essayaient d'entrer. Vous savez maintenant qu'elle existe mais, tant qu'on vous ne le dit pas, vous ne savez pas comment vous y rendre.

-Ni comment en sortir. » Je devine dans un murmure.

Ça attire l'attention de Chiara qui tourne la tête vers moi, me regardant quelques secondes avant de regarder de nouveau Adelaide qui reprend:

« Je sais que ce n'était pas la façon la plus douce de vous emmener ici, mais c'était un ordre. »

Personne ne répond. Ordre ou pas, je ne sais pas d'accord avec la méthode utilisée. Et si les autres ne disent rien, le regard de Chiara me fait au moins comprendre qu'il y en a une qui est d'accord avec moi.

« Maintenant, laissez-moi vous parler du projet NINE. » Lâche Adelaide.

Au même moment, quelques lumières s'éteignent et Adelaide, grâce à une petit boite, fait soudainement se projeter un écran sur le mur en face de nous, juste derrière les mentors. Des images et des vidéos se mettent alors à défiler. Des vidéos des autres bases. On voit d'abord les bases une, deux et trois qui vivent convenablement. Puis, à partir de la quatre, les images deviennent de plus en plus sombres. Des enfants qui sont naît avec des malformations, tout comme ceux de l'orphelinat, tout comme Gwendoline à qui il manquait une main à la naissance. On voit donc des enfants et des adultes handicapés, affamés, maigres et sales. On ne voit jamais de personne âgées, parce que personne ne vit aussi longtemps. Tout le monde meurt avant. Les paysages de notre planète défilent. Peu d'eau, très peu d'eau. Beaucoup de sécheresse. Les zones infectées. Les virus.

« Comme vous le savez déjà, les pays ont été remplacés par des bases il y a deux cent ans, même si nous n'avons pas de chiffres exacte. Parce qu'il y a eu des guerres. Des guerres nucléaires en plus de la pollution et du désastre écologique. L'Homme a détruit sa propre planète, ses propres continents, ses propres pays, ses propres habitants, ses propres ressources. L'espérance de vie a été réduite, la fertilité est devenue très rare. Et alors que l'Homme essayait de tout reconstruire avec un nouveau système politique, avec de nouvelles règles, avec des bases, il y a eu la grande exposition. La météorite. Celle qui s'est abattue sur la Terre, causant la perte de vingt bases. Sur trente bases n'en restait maintenant que dix. Mais dans quel état? Les ressources sont devenues encore plus rare. Les femmes se sont mise à accoucher d'enfants en mauvaise santé, avec des membres en moins, handicapés, lorsqu'ils survivaient. Les parents qui donnaient naissance à des enfants en bonne santé les donnaient à la base une, la base la plus éloignée de la grande explosion afin de leur permettre un meilleur avenir, en attendant que nous puissions trouver des moyens de sauver les dernières bases. »

Adelaide fait une pause, regardant les adolescents en face d'elle qui regardent les images défiler. Je peux voir la tristesse dans leurs regards et j'ai presque envie de m'en moquer. J'y étais, moi. Pas plus tard qu'hier. Et je suis le mieux placé pour savoir qu'il n'y a personne de la base une qui vient nous voir en pleurant et en disant qu'ils vont trouver une solution. Alors j'y crois moyen, à leur discours de grands sauveurs. Je me doute que c'est plus compliqué qu'on ne le pense, mais je n'arrive toujours pas à leur faire confiance. Pourquoi sauver ceux en bonne santé et pas les autres? Les handicapés, les malades, les enfants amputés? Ils ne méritent pas leur place à la base une, c'est ça?

Mais je me tais. Parce que Esha m'a fait comprendre de le faire.

Lorsque je regarde Chiara, même cette dernière ne semble plus avoir envie de l'ouvrir face aux images qui défilent.

L'écran cesse de faire défiler les images lorsque Adelaide reprend:

« Sauf que nous manquons de temps. Nous continuons nos recherches mais la planète continue également de se détériorer. De nouveaux virus apparaissent, l'air n'est plus aussi respirable, les plantes ne poussent plus naturellement, la terre est mauvaise, les arbres meurent. Plus de resources, plus de nourriture. Plus de plantes, plus de médicaments. Plus d'air, plus d'oxygène, plus de vie et plus d'humanité. C'est ce qui va arriver et nous le savons. Quand exactement? Dans les prochaines années. Nous ne survivront pas longtemps comme ça. Ou si nous le faisons, c'est en abandonnant l'idée de sauver les autres bases. Afin de gagner du temps pour nous. »

Mon coeur se serre instinctivement à cette pensée et je relève immédiatement le regard vers Adelaide qui me regarde en retour.

« Non. Vous ne pouvez pas faire ça. » J'entends soudainement.

Nous tournons tous la tête vers la personne qui vient de parler. Comme si elle exprimait cette phrase que j'ai pensé beaucoup trop fort. Cette voix que j'avais déjà entendu. Il s'agit du garçon, Louis. Il regarde Adelaide, peu sûr de lui mais apparement certain de ce qu'il dit. A ce moment là, j'aimerais juste lui répondre que c'est ce qu'ils font déjà depuis longtemps. Même si elle explique que c'est par manque de ressources, ma haine est toujours là. Je ne peux pas m'empêcher de me répéter qu'ils nous ont abandonné depuis la grande explosion. Ils peuvent essayer de se racheter une image en disant qu'ils n'avaient pas d'autres choix. En attendant, c'est nous qui n'avions pas le choix d'enterrer des parents, des enfants, des amis.

« Et on ne le fera pas. » Elle lui répond.

Puis, la seconde d'après, une nouvelle image apparaît. L'image un peu floue d'une planète. Elle ressemble un peu à la Terre mais pas totalement. Il y a beaucoup de bleu et un peu de vert. Légèrement de blanc aussi, mais très peu.

« Voici la planète que mon grand-père a découvert, cachée dans un système solaire voisin, toujours dans notre galaxie. Il a fallut plusieurs années pour que ça soit mon père qui réussisse à avoir un cliché et pour qu'on puisse commencer à l'étudier. Malgré le fait qu'elle soit difficile d'accès, un de nos robots a pu se poser dessus avec succès. Je vous montre alors ce qu'on a pu voir. »

Une nouvelle photo apparaît. C'est très flou mais on voit du bleu et une fine ligne marron dans le fond.

« De l'eau? » Imagine la fille brune aux yeux bleus.

« De la terre aussi. » Devine le garçon à côté d'elle, celui avec les grains de beauté.

« Et nous pensons également avoir détecté de l'oxygène. » Nous dit Adelaide.

« Il y a une planète viable dans un autre système solaire? » Comprend la fille la plus petite de taille.

« Potentiellement viable, oui. » Répond Adelaide en croisant ses mains devant elle. « Mais elle est très éloignée et les résultats ont toujours été trop incertains pour qu'on prenne le risque d'envoyer nos astronautes. Ils n'ont jamais réussi à atteindre la planète en question, leurs corps ne supportant pas le voyage malgré nos nouvelles technologies. Mais nous sommes actuellement en train de travailler sur de nouvelles fusées qui pourraient accueillir plus de monde et dans lesquelles un Homme pourrait tenir jusqu'à l'arrivée. Le seul problème, c'est que nous ne savons toujours pas si l'Homme vivrait correctement une fois sur la planète en question.

-Je ne comprends toujours pas pourquoi c'est à nous que vous dites tout ça. » Intervient pour la première fois le brun aux yeux en amande.

Et je pense qu'il nous arrache à tous les mots de la bouche. Il est debout, juste à côté du mécheux aux yeux bleus qui, à l'entente de cette phrase, relève la tête vers son mentor. Comme si, lui, pensait avoir compris quelque chose et cherchait la réponse dans le regard de l'homme en face de lui.

« Justement, je vous invite à me suivre. » Demande Adelaide.

Il y a un moment de flottement où elle s'éloigne vers un couloir, accompagné de l'homme qui semble être son bras droit. Mais les mentors ne la suivent pas. Je vois les autres regarder leurs mentors, comme pour leur demander silencieusement leur avis. Silas me fait un signe de la tête, m'encourageant silencieusement à suivre Adelaide à mon tour. C'est pourtant Chiara qui le fait en première, sans demander l'avis de son mentor. Le garçon aux yeux en amande la suit alors. Puis tous les autres font de même. Et moi aussi.

On se retrouve à la suivre, tous les neuf, toujours dans le silence. On se lance des regards discrets mais personne ne parle. On est de parfaits inconnus se demandant ce qu'on fout là. Et on sait très bien que ce n'est pas entre nous que nous aurons la réponse.

Après avoir traversé plusieurs couloirs, on arrive à une porte où est inscrit:

DÔME NUMERO UN.

(God's Whisper_Raury)

Lorsque nous entrons dans le fameux dôme, mes yeux s'écarquillent. Il y a des arbres. Des arbres de partout. Des arbres comme je n'en avais jamais vu avant. Des arbres aux feuilles vertes. Et il y a de l'herbe aussi. Pas de mauvaises herbes, non. De l'herbe verte sur laquelle je culpabilise presque de marcher. Avec de la terre fraîche. Puis j'entends des oiseaux. Des oiseaux? Il n'y en avait pas beaucoup à la base dix. Ils migraient forcément vers les bases viables. Je lève instinctivement la tête pour voir un grand ciel bleu avec quelques nuages blancs. J'ai l'impression que le Dôme est immense. Je n'y vois pas de fin. Ça me paraît irréel. Et c'est forcément irréel.

« Je vous présente le Dôme. Tout ce que vous voyez, tout ce que vous sentez et tout ce que vous touchez ici est crée grâce à notre technologie. Ça représente ce à quoi ressemblait notre Terre, avant. Comme vous ne l'avez jamais connu, finalement. Il n'y a qu'à la base une que ça peut y ressembler encore un peu, mais parce qu'on tente d'entretenir certains endroits, certains jardins. La Terre ne ressemblera plus jamais à ça naturellement. »

C'est magnifique et effrayant à la fois. Les Hommes ne réalisaient pas la chance qu'ils avaient, avant. D'avoir ça naturellement. La Terre leur offrait tout, absolument tout, leur offrait la vie. Et ils l'ont gâchée, détruite, alors qu'ils étaient censé être doté d'une conscience. Et ce sont les mêmes Hommes qui ont dû pleurer de nostalgie ensuite. La Terre dont on a hérité ne peut même plus être sauvée et j'aurais tout donné pour vivre à l'époque où ce qui m'entoure n'était pas dû à une technologie jouant avec nos sens.

Soudain, alors qu'on était tous en train de contempler le Dôme, on entend Adelaide dire:

« On sait que vous avez des facultés, chacun de vous. Vos mentors n'étaient pas seulement là pour s'occuper de votre éducation et de votre santé. Ils étaient aussi là pour étudier les facultés que vous aviez. On a essayé de comprendre vos facultés tout le long de votre croissance. Pourquoi vous? Est-ce lié au fait que vos mères étaient enceintes de vous lorsqu'il y a eu la grande explosion? Là où certains sont nés handicapés, vous vous êtes né avec des facultés. Des facultés qui, pour chacun d'entre vous, nous font penser à une planète du système solaire. Dont vos noms de code, ici à la sous-base une.

-Des noms de codes? » Relève le garçon aux cheveux blonds, n'ayant jamais prit la parole jusqu'à maintenant.

Adelaide sourit et lui fait signe d'avancer pour se séparer du groupe, ce qu'il fait. Puis, une fois qu'il est en face d'elle, elle dit:

« Niall. Dont le nom de code est Venus. Nous avons choisi ce nom de code parce que c'est une planète qui a une température constante de plus de quatre cent cinquante degrés Celsius. Et tu as comme faculté de ne pas craindre le froid mais aussi de créer du feu. »

A ces mots, Niall hoche la tête et, sous le regard encourageant d'Adelaide, part arracher la feuille d'un arbre. Il se retourne ensuite vers nous et ,en seulement une seconde, la feuille prend soudainement feu dans sa main. Mes yeux s'écarquillent, tout comme ceux des autres et Adelaide sourit avant de nous demander:

« Qui est le suivant? »

Il y a un silence puis je vois Niall ouvrir grand les yeux en regardant dans notre direction. Je ne comprends pas tout de suite jusqu'à ce que je sente du mouvement à côté de moi. Tout le monde a relevé la tête pour voir la fille aux cheveux blancs se mettre à...flotter? Oui. Flotter. Ou voler. J'en sais rien mais putain elle est plus sur terre. Elle sourit, amusée de voir nos réactions.

« Luna. Dont le nom de code est Lune.

-Très original. » Commente Chiara.

« Nous avons choisi ce nom de code tout simplement parce que Luna a la faculté de maîtriser sa gravité. » Termine Adelaide.

Luna revient parmi nous et, cette fois, c'est la brune aux yeux bleus qu'on voit s'éloigner du groupe. On la suit tous du regard jusqu'à ce qu'elle s'arrête au petit étang un peu plus loin. Elle s'accroupit devant et plonge sa main à l'intérieur. L'eau se met alors à glacer immédiatement.

« Eden, dont le nom de code est Uranus. A la faculté de maîtriser le froid, la glace. Nous avons choisi la planète Uranus parce que cette dernière a une température qui varie entre moins deux cent vingt-six et moins cent quatre-vingt dix-sept degrés Celsius. »

A peine Adelaide a t-elle le temps de terminer sa phrase que le garçon aux yeux en amande se retrouve aux côtés de Eden. Cette dernière en est la première surprise. Je vois Chiara regarder à côté d'elle, où se trouvait le garçon il y a encore une seconde.

« Zayn. Dont le nom de code est Mercure. Il sait contrôler sa vitesse. Par contre, il a du mal à gérer sa température. Il doit rester dans un environnement à la température stable. Il craindra plus facilement le froid, et plus facilement le chaud. Ce qui nous a fait penser à Mercure dont les températures ont un énorme écart, pouvant aller de moins cent soixante-treize degrés à quatre cent vingt-sept.

-Je peux? » Demande soudainement une des filles, la plus petite en taille.

Adelaide hoche la tête et la fille s'éloigne de nous, disant à Zayn et Eden:

« Vous devriez reculer aussi. »

Puis, lorsque tout le monde se trouve à une bonne distance d'elle, la terre se met à trembler légèrement sous nos pieds. Mais surtout sous les siens. La terre se met à se soulever, la soulevant avec. Une sorte de montagne commence à se créer, la faisant aller de plus en plus haut et déracinant les arbres qui se trouvaient autour d'elle.

« Polly. Dont le nom de code est Pluton. Elle peut contrôler la terre et plus particulièrement créer des montagnes ou, au contraire, des cratères. Ça nous a fait penser aux montagnes présentes sur Pluton. »

Cette dernière sourit timidement puis saute habilement de la petite montagne qu'elle a commencée à créer afin de nous rejoindre. Je suis surpris de la voir sauter aussi facilement de cette hauteur, retombant sur ses pieds comme si de rien n'était. Je n'ai de toute façon pas le temps de l'observer plus longtemps que le garçon aux grains de beauté s'approche de Niall, tenant toujours une feuille en feu dans sa main.

D'un seul geste, il éteint le feu avec de l'eau qui semble sortir de nul part. Enfin, si. De ses doigts.

« Liam dont le nom de code est Neptune. Sait contrôler l'eau. On lui a donné ce nom parce que...

-Parce que Neptune est faite d'un noyau rocheux solide recouvert d'une couche chaude et dense d'eau, j'imagine. » Devine le concerné avec un sourire fier.

Il ne fait que ça, sourire. Il souriait déjà tout à l'heure en découvrant le hall. Il n'a pas l'air inquiet du tout. Mais il a surtout l'air très fier de montrer sa faculté, en rajoutant une couche en lançant de l'eau sur la terre qui devient de la boue. Je vois Chiara le regarder en fronçant les sourcils, le juger peut-être un peu. Ça me ferait presque rire. C'est pas ici, autour de gens qui volent et mettent le feu qu'il pourra se sentir unique, je pense.

Puis, soudainement, Chiara s'approche de Liam. Liam qui garde encore de l'eau dans le creux de sa main. Elle lui sourit légèrement, mais je trouve que ça sonne faux. Puis elle met sa main au dessus celle de Liam et, soudainement, l'eau se met à s'évaporer, sous le regard surpris du concerné.

« Chiara a comme faculté de contrôler le gaz. Son nom de code est Jupiter. Tout simplement parce que Jupiter est une planète géante gazeuse, donc majoritairement composée de gaz. A quatre vingt quinze pour-cent. Chiara peut contrôler tout type de gaz.

-Je peux aussi les endormir, du coup. Ça nous fait un point commun. » Lance Chiara à Adelaide.

Cette fois, je ne peux pas retenir le sourire amusé qui apparaît aux coins de mes lèvres, même si Adelaide sourit toujours aussi naturellement en regardant Chiara qui s'éloigne de Liam.

Puis je perds mon sourire lorsque tout le monde se tourne vers moi. Mais pas seulement. Vers Louis et moi. Nous sommes les derniers. Je tourne la tête vers lui et il me regarde en retour, sans rien dire. Il semble hésiter mais, voyant que je ne bouge pas, il finit par s'avancer légèrement. Il se met à regarder partout autour de lui et je ne comprends pas. Il regarde une feuille qui est tombée d'un arbre. Il regarde un bout de bois. Il regarde un caillou. Puis un morceau de glace qui s'est détaché du petit étang.

Et, d'un coup, tous ces éléments viennent à lui. Ils se mettent à tourner autour de lui, comme en lévitation. D'abord doucement puis plus rapidement. Louis semble pouvoir contrôler cette vitesse également.

« Louis a comme faculté de pouvoir contrôler la gravité des éléments autour de lui. Son nom de code est...

-Saturne. » Je pense à voix haute.

Louis tourne alors la tête vers moi en même temps que Adelaide reprend:

« Exactement. Saturne. Pour une raison évidente, je pense. »

Je détourne le regard de Louis. Mais, oui, ça me paraît évident. C'était presque hypnotisant de le voir faire tourner ces éléments autour de lui. Comme les anneaux de Saturne. Gwendoline adorait l'astronomie et se questionnait tout le temps sur l'Univers. Alors Esha nous avait trouvé un vieux livre sur ça. Elle l'avait racheté à une femme, contre une tomate. Les autres gardiennes l'auraient tuées si elles avaient su.

« Harry, il ne reste que toi. »

La voix d'Adelaide me sort de mes pensées et je prends une grande inspiration. Tous les regards sont posés sur moi et je remarque seulement maintenant que Louis a terminé sa présentation, laissant retomber à ses pieds ce qu'il faisait tourner autour de lui.

Puis, je tente de me concentrer. Je repense à ce que j'ai ressenti à l'orphelinat, lorsque j'ai tué la gardienne. Je pense à Gwendoline et Ismael. Je sens la colère monter en moi mais c'est comme si elle était trop habituée à être là. C'est toujours comme ça. Je ne le contrôle pas. Cette sensation qui provient de mes entrailles. Et je crois que je suis trop remué par tout ce que je viens de voir, tout ce que je ressens, toutes ces questions que je me pose, tous ces inconnus dont les regards sont fixés sur moi. Je n'ai aucun repère, contrairement à eux qui ont leur mentor. Je suis seul, ici, sans Gwen et Ismael. Sans Esha. Sans ces trois personnes que j'ai toujours cherché du regard dans ma vie. Puis je peux encore entendre Gwendoline me dire de ne pas montrer ma faculté aux autres. De ne pas montrer ma différence. Elle avait raison. Je serais encore avec elle si je n'avais pas craqué.

Je sens le vent se mettre à souffler légèrement. Mais ce n'est qu'une brise. Une brise que tout le monde sent mais ils semblent se demander si ça vient vraiment de moi ou pas.

« C'est tout? » Demande Liam.

« C'est pas quelque chose que je contrôle. » Je réponds en lui lançant un regard noir.

Il ne rajoute rien, tournant la tête vers Adelaide lorsque cette dernière me répond:

« On t'apprendra. »

M'apprendre? Je ne sais pas même si c'est ce que je souhaite. Enfin, si, bien sûr que j'aimerais pouvoir contrôler cette faculté. Pour mieux me défendre, pour plus que ça me donne l'impression d'être quelque chose qui me dépasse. Pour ne pas me sentir aussi nul comparé aux huit autres qui ont montré leurs facultés avec autant de facilité.

Mais la question c'est plutôt pourquoi la sous-base voudrait m'apprendre à le contrôler?

« Et moi je suis Mars, par élimination. » Je lance.

« Effectivement. Ton nom de code est Mars. Et je sais que tu es capable de contrôler le vent. De créer des rafales, voir des tempêtes, tout comme on peut en trouver sur la planète Mars, justement.

-Je ne sais pas créer des tempêtes. » Je ris nerveusement.

« Pas encore. » Me répond Adelaide, sûre d'elle.

Je la regarde en fronçant les sourcils et, cette fois, elle se tourne vers nous tous pour nous dire:

« Vos mentors vous ont appris à contrôler votre faculté, à la maitriser. Et c'est ce que nous allons continuer de faire. Parce que nous savons que vous pouvez faire bien plus. Que vous pouvez être encore plus forts. Pas seulement grâce à vos facultés, mais aussi grâce à votre santé, à votre force. Vous êtes plus forts physiquement que les autres, vous avez une meilleure défense immunitaire. Une défense immunitaire différente de la nôtre. Nous allons également travailler ça. Votre force physique. En plus de votre intelligence, de vos facultés mentales. Vous êtes uniques. Tous les neuf. On a cherché à comprendre pourquoi, à avoir une explication. Nous n'en avons jamais trouvé. Et on s'est rendu à l'évidence que, plutôt que de trouver une raison à ces facultés, nous devions trouver la solution qu'elles représentaient. Notre solution. Ce pourquoi on a crée le projet NINE. Pour vous. Pour les bases. Pour cette dernière chance.

-Attendez, le projet NINE... » Commence Chiara.

« Consiste à ce que vous alliez explorer cette nouvelle planète. Et, aussi, à ce que la rendiez plus viable grâce à vos facultés. Afin que l'on puisse ramener toutes les bases là-bas. Là où elles seront toutes égales. Là où elles auront toutes les mêmes ressources. Là où on pourra tous repartir à zéro. Evidemment, on va vous préparer à ça. Ça ne se fera pas demain. Nous avons un programme à suivre avant le décollage et vous avez encore beaucoup à apprendre. Mais il n'y a que vous qui puissiez nous sauver. Vous êtes le projet NINE. »

Cette fois, personne ne se regarde. Parce que nous sommes trop perdus dans nos pensées, chacun d'entre nous. Je réalise pourquoi je suis ici. C'est de la folie. Et, en même temps, je ne peux m'empêcher de penser à Gwendoline et Ismael dans un environnement sain où il n'y aurait plus d'injustices. Pour eux, je ferais n'importe quoi. Si Esha ne m'avait pas parlé avant le départ, je n'aurais pas cherché à comprendre, quitte à risquer ma vie dans cette mission. J'aurais tout fait pour voir les enfants de l'orphelinat avoir un meilleur futur. Mais Esha m'a parlé. Esha m'a dit de ne pas leur faire confiance. M'a dit que cet homme, du moins ce il, lui a dit de me faire passer le message. Mais est-ce qu'il savait pour le projet NINE? Il savait au moins qu'on viendrait me chercher. Mais à la veille de mes vingt ans. On en a que dix-huit aujourd'hui. Je ne comprends rien. Je ne sais pas qui croire. Je suis tiraillé entre l'envie de sauver ces bases et cette haine qui me répète de ne pas leur faire confiance.

« Est-ce que les autres bases savent pour cette planète? » Je demande.

Mes mots viennent briser le silence qui s'était installé. Déjà que nous n'étions pas très bavards avant, tout le monde semble maintenant réaliser pourquoi ils sont là et ce que ça représente aux yeux du monde.

Adelaide me regarde avant de répondre:

« Non. Nous avions la planète mais pas l'espoir de la rendre accessible jusqu'à maintenant. Et on ne dévoile pas un problème avant d'avoir trouvé la solution.

-J'appelle ça de la manipulation. » Je ne peux m'empêcher de répondre.

Adelaide sourit légèrement et je peux sentir le regard des autres sur moi. Et alors qu'elle allait ouvrir la bouche pour me répondre, elle est coupée par Zayn qui demande:

« Pourquoi avoir attendu dix-huit ans pour nous réunir et nous annoncer tout ça?

-Parce que vous n'étiez pas encore prêts à l'entendre.

-Et vous pensez qu'on est prêts aujourd'hui? » Intervient Chiara.

J'ai l'impression qu'on est que trois à ne pas tout approuver. Ou alors seulement trois à le faire comprendre. Lorsque je regarde les autres, ils restent muets. Ils se regardent simplement et j'aimerais leur gueuler que c'est maintenant qu'il faut l'ouvrir. Maintenant qu'il faut réaliser qu'ils ont été maintenu en bonne santé non pas par amour mais par intérêt. Mais je dois me faire petit, je le sais.

Après tout, il faut bien rentrer dans une case si on veut la faire exploser.

Mais est-ce que c'est vraiment ce que je veux?

Tout ce que je sais, pour le moment, c'est que je veux comprendre. Que je veux comprendre pourquoi Esha m'a dit tout ça. Et si je dois le faire en secret, je le ferais. Si je dois manipuler aussi, alors j'apprendrais.

« Je pense que vous êtes assez grands aujourd'hui pour entendre qu'on ne peut plus attendre. » Répond finalement Adelaide.

Surtout après nous avoir montré des images et des videos pour nous faire culpabiliser, pas vrai? Mais est-ce qu'ils les regardaient, eux, ces vidéos, devant leurs buffets à volonté? Ou avant d'aller confortablement se coucher? En mettant au point des médicaments qu'ils gardaient pour eux? Ces crèmes qui soignent les plaies en quelques secondes pendant qu'une gamine se fait retirer son oeil blessé avec le minimum d'anesthésie, hurlant à la mort. Si Gwendoline était là, elle leur rirait au nez, je le sais. Mais elle aurait surtout pu me dire quoi faire. Mais elle n'est pas avec moi, à cause d'eux. Et si je dois avoir une mission, ça sera celle de la retrouver avant même de mettre un pied sur cette planète ou non. Même si je dois prendre mon mal en patience pour ça. Si je dois faire semblant. Si je dois réfléchir.

« Je sais que ça fait beaucoup à digérer pour une seule journée. Alors je vais laisser Michael vous faire visiter vos quartiers de la sous-base avant de vous emmener jusqu'aux dortoirs où vos affaires vous attendent déjà. Vous pourrez vous reposer avant le dîner. Je vous expliquerais le programme seulement demain. »

Alors c'est tout? On ne nous demande pas notre avis? Et, en même temps, après toutes ces images, vidéos et belles paroles pour un monde meilleur, est-ce quelqu'un ici s'y opposerait? Peut-être Chiara. Mais lorsque je regarde cette dernière, elle serre seulement les dents sans regarder Adelaide. Restant silencieuse, comme nous tous.

« Vous pouvez me suivre. » On entend le bras droit d'Adelaide annoncer.

On tourne tous la tête vers lui et, une fois que Liam se décide à le suivre, les autres font pareil. Sauf moi. Je les regarde quitter le dôme et je vois Louis froncer légèrement les sourcils lorsqu'il passe à côté de moi, voyant que je ne les suis pas. Mais je ne tourne pas la tête vers lui alors il continue son chemin. Je les entend sortir du dôme et Adelaide me regarde, toujours immobile.

« Je voulais leur dire au revoir. » Je lâche en la regardant.

Je sais qu'elle comprend directement de qui je parle.

« Je ne le savais pas. Et je ne faisais que suivre les ordres du commandant.

-C'est ce que tout le monde dit ici pour éviter de culpabiliser? Rejeter la faute sur quelqu'un d'autre?

-Ecoute, Harry, j'entends ta colère.

-Non. » Je ris nerveusement. « Non vous ne l'entendez pas. Je ne vous en montre même pas le tiers actuellement. On m'a endormi. De force. On m'a arraché à la seule famille que j'avais.

-Et si tu souhaites les sauver, c'est le projet NINE qui le fera. »

Je me retiens de répondre. Je me retiens de lui dire que je sais que je ne peux pas lui faire confiance. Je me retiens de lui dire que, bordel, il ne fallait pas attendre pour venir nous sauver. Je me retiens de hurler tout ça. Parce qu'elle doit croire que je lui fais confiance. Ou que je finirais par le faire.

« Pourquoi je suis le seul à avoir vécu ça? L'orphelinat?

-Parce que tes parents t'y ont déposé, Harry. Ou au moins quelqu'un l'a fait, si tes parents sont décédés. Parce que personne ne nous a demandé de venir chercher un bébé en bonne santé et parce qu'on savait encore moins pour tes facultés. Du moins jusqu'à ce qu'on reçoive la vidéo. Si nous l'avions su dès le début, tu aurais vécu la même vie que les huit autres. »

Je ne suis même pas sûr que c'est ce que j'aurais voulu. Pas quand je vois qu'ils leur font confiance. Mais je ne peux pas dire que je ne suis pas jaloux de la vie qu'ils ont eu jusqu'à aujourd'hui. Le seul bon côté de l'orphelinat, c'est Gwen, Ismael, Esha, les enfants. Mais ça fait beaucoup trop mal d'y vivre. Les virus, la famine, les coups, la sécheresse, la mort. Partout. Tout le temps.

« Tu mettras peut-être plus de temps à t'acclimater à cette nouvelle vie, Harry, mais nous sommes là pour t'aider.

-C'est plutôt nous qui sommes là pour vous aider. » Je ne peux m'empêcher de répondre.

Adelaide sourit légèrement, comme toujours, et l'envie de lui faire ravaler son sourire est toujours présente elle aussi.

« C'est vrai. Mais nous aider à sauver l'humanité. Et, je le rappelle, tes amis aussi. »

Puis elle rajoute sans me lâcher du regard:

« Si le projet NINE meurt, ils meurent aussi. »

Mon estomac se serre et la colère se coince au fond de ma gorge. Cette remarque n'est rien d'autre qu'une menace. Je ne suis pas dupe. Si le projet NINE échoue, ce sont les bases les plus éloignées qui continueront de mourir. Pas la base une. Elle gardera ses ressources. Même si elle finira pas mourir, elle tentera de gagner du temps, de chercher de nouvelles solutions, ne se concentrant plus sur le fait de sauver le reste de l'humanité. Et je déteste le comprendre. Je déteste cet ultimatum. Je déteste me sentir coincé.

Adelaide sourit et, tout en m'invitant d'un signe de main à rejoindre les autres, elle me dit:

« Gloire à la base une, Harry. »

Je souris à mon tour. Un sourire qui, je l'espère, est aussi hypocrite que le sien. Je connais le slogan. Tout le monde le connaît. Mais, à l'orphelinat, on préférait s'en moquer. Terminant le slogan par des insultes à la place. J'en ai plusieurs qui me viennent. Et c'est peut-être la seule raison pour laquelle je souris presque sincèrement durant une seule seconde. Alors, juste avant de tourner le dos à Adelaide, afin de sortir d'ici et de rejoindre les autres, je décide de lui répondre:

« Je suis désolé, on ne connaît pas la suite à la base dix. »

Gloire aux connards. M'aurait rappelé Gwendoline.

...

J'espère que ce chapitre vous aura plu...?

Alors, que pensez-vous du projet NINE?

Nos planètes sont déstabilisées et peu bavardes mais est-ce que certains ont retenu votre attention?

Je veux leur donner à tous une importance au fil des chapitres. Dans les hauts comme dans les bas. Alors j'ai hâte que vous voyez leur relation évoluer.

Maintenant que le décor a bien été posé, l'ambiance également, je vous dis à très vite pour que l'histoire commence réellement. ;)

Encore merci infiniment pour tout.

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