Chapitre 14

Hi! J'espère que vous allez bien?

Encore merci mille fois pour vos commentaires. Je sais que je me répète mais je vous suis tellement reconnaissante alors merci infiniment pour votre soutien, votre amour, vos encouragements! Ecrire NINE c'est sortir de ma zone de confort et vous m'aidez beaucoup alors merci pour ça.

On se retrouve aujourd'hui pour un chapitre que j'étais très impatiente de vous partager! J'espère sincèrement qu'il vous plaira!

...

CHAPITRE 14

(Dream_Imagine Dragons)

Harry.

Je frappe de toute mes forces dans le sac suspendu à une branche d'arbre. Une putain de branche d'arbre virtuelle. Et ce virtuel reste pourtant tout ce que j'ai pu voir de plus beau, si on passe la vision de la base une depuis les appartements du commandant. A cette pensée, je frappe encore plus fort. Mes coups s'enchaînent, j'ai mal aux bras, mal au dos, mal aux poings mais cette douleur n'est rien comparée à ce qui est en train de se propager dans ma poitrine.

« Ok, maintenant! » J'entends la voix de Silas résonner dans le dôme.

Je lâche le sac, sentant la sueur couler le long de ma tempe mais aussi le long de mon dos. L'adrénaline, elle, se mêle à la colère déjà présente dans mes veines. Je me retourne violemment vers les trois tas de feuilles qui me font maintenant face. Silas m'a dit que, le jour de la prestation, il s'agira de pétales de roses blanches. Et je suis censé en faire une tornade. Tout est prévu, presque chorégraphié. En fait, c'est un spectacle que l'on prépare. Un spectacle pour impressionner les premières bases et calmer les dernières. Hey, vous crevez de faim mais regardez ce qu'on sait faire!

A cette pensée, je sens un souffle se propager le long de ma colonne vertébrale, me faisant frissonner. Mon estomac se retourne dans une sensation agréable et désagréable à la fois. Parce que je pense contrôler cette sensation jusqu'à ce que tout finisse par m'échapper. Le vent se lève autour de moi et je fixe les feuilles qui se mettent à trembler. Le bout des doigts me piquent, me forçant à fermer les poings.

Ma respiration se fait plus lourde alors que le vent souffle de plus en plus fort. Je le sens à mes cheveux qui s'envolent, à ma peau qui frisonne. Je le sens partout en moi même si mes pieds, eux, restent bien ancrés dans le sol. Le sac dans lequel je frappais quelques secondes plus tôt se met à se balancer violemment tandis que les feuilles prennent une forme circulaire dans l'air.

Sauf que, au même moment, le visage éteint de la gardienne que j'ai tué me revient en tête comme un flash. Comme à chaque fois. Je cligne des yeux un peu plus fort, tentant de chasser l'image de mes pensées. Mais elle revient. J'entends encore les cris de Ismael et ceux de Gwendoline. Je ressens ce souffle en moi devenir de plus en plus violent. Je vois la gardienne être propulsée contre le mur. J'entends son cou craquer. Je vois le sang couler à l'arrière de sa tête.

J'ai soudain l'impression qu'un énorme trou se creuse dans ma poitrine. C'est beaucoup trop fort, ça me fait mal. Une tornade finit effectivement par se créer, mais je n'arrive plus à la contrôler. Les tas de feuilles explosent dans le ciel, envoyées à des centaine de mètres de moi. Un bruit sourd résonne et, lorsque je tourne la tête, je réalise qu'il s'agit du sac qui vient de tomber, brisant la branche avec lui. Une branche qui, quelques secondes plus tard, redevient pixels et disparaît.

La respiration haletante, j'essaie de calmer le bordel que je ressens au fond de moi. Mais je n'y arrive pas. Je commence à tourner en rond, passant mes mains dans mes cheveux pour les tirer. Je n'arrive plus à calmer les battements de mon coeur. J'ai l'impression de littéralement tourner en rond. Et pas seulement à cet instant. J'ai l'impression que c'est tout ce que je fais depuis que je suis ici.

Le repas avec le commandant a eu lieu il y a trois jours. Il n'en reste plus que quatre avant la prestation. Et je ne sais plus quoi en penser. Cette semaine, nous n'avons plus les cours habituels. Nous devons réserver tout notre temps à la prestation. L'enjeu est trop important, selon les mentors et Adelaide. Michael a eu le malheur de nous dire que la base une était en train d'installer des écrans dans toutes les bases et je n'ai pas pu m'empêcher de rétorquer qu'ils feraient mieux de leur apporter de quoi vivre. Comme toute réponse, j'ai eu un sourire triste. Parce que c'est tout ce qu'ils savent faire. Sourire tristement comme s'ils ne pouvaient rien y faire alors que, si, putain, ça ne tient qu'à eux.

Avec votre prestation et l'annonce du projet NINE, on leur emmène de l'espoir. A finit par me répondre Michael.

Je n'ai pas pu m'empêcher de rire nerveusement. Parce que c'est quoi la connerie qu'on entend déjà? Ah oui, l'espoir fait vivre. Mais, non, l'espoir ne fait pas vivre. L'espoir ne suffit plus lorsqu'on enterre tous les jours des enfants, lorsqu'on assiste aux morts les plus lentes et douloureuses. Les enfants de la base dix n'ont pas besoin d'un espoir affiché sur grand écran. Ils ont besoin de nourriture, de soins. Ce que m'a promis de leur apporter Adelaide.

Sauf que je n'ai aucune preuve, aucun contacts avec eux. Et c'est ce qui me tue un peu plus chaque jours. J'ai l'impression d'être enfermé dans une case avec des points d'interrogations géants qui viennent me bousculer chaque putain de seconde. Alors je finis forcément par tomber avant de me relever parce que, malgré moi, j'essaie de garder cet espoir. Mais c'est de plus en plus dur.

Parfois, j'ai envie de les lâcher. J'ai envie de leur dire toutes les atrocités que j'ai vu durant les dix-huit premières années de ma vie. J'ai envie de les forcer à me ramener dans la base dix, quitte à y crever, et de tous les laisser se démerder avec leur putain de projet. Eux-mêmes doivent se dire que c'était une mauvaise idée de m'y faire participer. J'ai peut-être cette faculté, mais je ne sais pas la maitriser. Et, surtout, contrairement aux autres, ils n'ont pas eu le temps de m'élever et de me faire croire que la base fait tout depuis le début pour sauver tout le monde. Ils n'ont pas eu le temps de me faire croire en leurs excuses débiles de manque de ressources et de vaccins contre certains virus qui doivent être trouvés avant de pouvoir ouvrir nos portes aux autres. Ça peut être des arguments valables, mais je n'y crois pas. Ils voulaient juste ne prendre aucun risque avant d'avoir l'idée du projet, au cas où ils devraient juste se préparer à être les derniers à crever. Au moins ils auraient eu assez de ressources pour tenir plus longtemps que les autres, pour gagner du temps. Et maintenant ils vont l'annoncer en prétendant vouloir sauver tout le monde, comme s'ils n'avaient déjà pas des millions de morts sur la conscience.

Je les déteste pour ça et, en même temps, je veux profiter de leur propre projet. Même si ça me fait mal, même si ça me tue de l'intérieur, je dois me rendre à l'évidence. Ce projet est notre seul espoir, le seul espoir pour Gwendoline et Ismael de goûter à une vie normale. Même si ça n'effacera jamais tous les traumatismes. Et je l'ai douloureusement réalisé lorsque le commandant a lâché ce sous-entendu à mon égard durant son monologue:

Est-ce que je suis prêt à risquer ma vie pour avoir la chance de sauver la base une mais également les autres bases jusqu'à la base dix et ses habitants?

Le sous-entendu était très clair. Est-ce que je suis prêt à mettre de côté ma haine envers la base une en sachant qu'il n'y a qu'elle qui peut sauver la base dix aujourd'hui. Et c'est cruel, tellement cruel. Parce que c'est également la base une qui nous a toujours laissé crever mais aujourd'hui je devrais presque les remercier de nous inclure dans leur projet pour nous sauver. Et c'est cette cruauté que j'ai du mal à avaler.

Je n'ai pas d'autres choix que d'adhérer au projet afin de pouvoir sauver Gwendoline, Ismael, et tous ceux de l'orphelinat. Mais ce n'est pas pour autant que je leur fais confiance. Alors je décide de rester méfiant et, surtout, de leur rappeler à quel point je suis détruit. Peut-être que voir cette souffrance à travers moi leur donnera enfin une idée de tous ceux qui sont dans le même état.

Mais, surtout, je n'oublie pas ce que m'a dit Mary. Tu n'es pas tout seul ici, Harry. Juste après avoir tracé le nom de ESHA dans ma main. J'ai besoin d'en savoir plus. J'ai besoin de savoir pourquoi elle guettait autant les caméras avant de me dire ça. J'ai besoin de savoir en quoi c'est un secret. Elle n'est pas censée connaître ESHA? Elle la connaît? Elle est de son côté? Mais elle travaille à la sous-base. Est-ce qu'elle n'est pas d'accord avec ce qu'ils font? Est-ce qu'elle en sait plus que ce que je sais sur le projet? J'aimerais lui demander tout ça mais on doit toujours être accompagné si on veut se rendre à l'infirmerie. Ils disent que c'est parce qu'ils doivent suivre chaque détail de notre santé mais la vérité c'est surtout qu'ils surveillent chacun de nos faits et gestes.

Et ça ne fait que m'étouffer davantage, en plus de toutes ces questions qui m'empêchent de dormir depuis le repas avec le commandant. Trois jours et trois nuits que je m'enferme dans ma bulle. Sauf que cette bulle commence à m'étouffer. Je ne fais rien d'autre que de manger, m'entrainer, échouer, m'énerver, me poser des questions, m'énerver encore, et tenter de dormir. Je dis bien tenter. Je suis sur les nerfs et ça se ressent de plus en plus durant mes entrainements. Et ça se ressent également avec les autres à qui je n'adresse pratiquement plus un mot.

Je sors de mes pensées lorsque Silas entre dans le dôme. Il suit toujours mes entraînements depuis un centre de contrôle du dôme, afin d'éviter les dégâts si je venais soudainement à le propulser à plusieurs mètres de moi, voir à le tuer. Ce que, on l'a vu, je suis capable de faire.

Je déglutis difficilement à cette pensée tandis que Silas vient se placer en face de moi. Il regarde l'endroit où se trouvaient les trois tas de feuilles maintenant disparues quelques part dans le dôme.

« Tu échoues parce que tu vois ta faculté comme un danger.

-J'ai tué une gardienne de l'orphelinat avec.

-C'est vrai, mais c'est ce que tu voulais. »

Mon coeur rate un battement tandis que mon regard noir s'ancre dans celui de Silas. Il me regarde, absolument pas perturbé par ce qu'il vient d'affirmer. Et, le pire, c'est que, malgré mon estomac qui se retourne, je n'arrive pas à le contredire. Je ne contrôlais rien ce jour-là mais il s'agissait d'une des gardiennes les plus folles de l'orphelinat. Complètement folle de vivre dans ces conditions. Elle était horrible avec nous. Elle nous battait, nous humiliait. Lorsque je l'ai vu s'en prendre à Ismael, lui retirant sa béquille pour le faire tomber avant de le frapper avec, j'ai complètement vrillé. Et encore plus lorsque Gwendoline a voulu s'interposer, se retrouvant à être frappée elle aussi.

Est-ce que c'est ce que je voulais? Tuer cette gardienne?

Tout ce que je sais, c'est que je ne l'ai pas regretté .

Si j'y pense encore aujourd'hui, c'est surtout parce que je suis terrifié par cette idée.

Pas par celle de tuer, mais par celle de ne pas le regretter. Qu'est-ce que ça fait de moi?

« Ça fait de moi le danger. » Je pense alors à voix haute. « Si ce n'est pas ma faculté le danger, c'est moi.

-Tu avais une bonne raison de le faire.

-Je croyais que tuer était interdit? »

Silas hoche la tête avant de me répondre:

« Ça l'est. Mais ce que tu as fait s'appelle de la légitime défense, Harry.

-Et si ça recommençait? Sans que je ne puisse le contrôler?

-Tu n'as tué personne lors de l'exercice du drapeau.

-J'aurais pu tuer Louis. » J'avoue, la gorge nouée. « Si je ne l'avais pas rattrapé.

-Mais tu l'as rattrapé.

-Je l'ai rattrapé seulement parce que c'est Louis!» Je craque.

Malgré le fait que je me mette à crier, Silas ne cille pas.

« Tu me disais devoir me concentrer sur ce qui me fait ressentir des émotions pour contrôler ma faculté. Sauf que ça n'a pas marché . Alors tu as eu l'idée du sac pour m'apprendre à relâcher toutes les émotions négatives avant de me concentrer sur les plus positives. Sauf que je n'ai pas d'émotions positives! Je n'ai pas de beaux souvenirs. A chaque fois que je ferme les yeux et que je me mets à penser, je ne vois rien d'autre que l'orphelinat. Je vois ces trous se multiplier. Je vois la terre sous mes ongles, je vois les cloques sur mes mains à force de creuser. Je sens l'odeur des cadavres entassés . Les visages éteints des enfants que j'essayais de faire sourires quelques jours plus tôt en sachant très bien comment ça allait se terminer. Mais eux ne le savaient pas toujours. Eux, ils continuaient de rêver. Ils demandaient quand est-ce que leurs parents reviendraient les chercher. Ils me demandaient quand est-ce qu'on viendrait nous aider. Je leur répondais bientôt alors que moi-même je me posais la question. Quand est-ce que VOUS viendrez nous aider?! »

Je gueule cette dernière phrase en m'approchant un peu plus de Silas. Ce dernier ne bouge pas, me laissant cracher toute ma haine juste en face de son visage.

« Mais vous n'êtes jamais venu. JAMAIS. Alors j'ai continué d'enterrer des enfants. J'ai continué d'avoir faim au point d'en vomir alors que rien ne pouvait sortir de mon estomac à part de la bile. J'ai continué d'avoir soif au point de lécher la terre deux jours après que la pluie soit tombée. J'ai vu celle que je considère comme ma famille avoir une infection à l'oeil et devoir se le faire retirer sans anesthésie. Je l'ai entendue hurler et les seules fois où elle se taisait c'est parce qu'elle perdait connaissance à cause de la douleur. Je ne suis pas croyant, je ne crois même pas en l'espoir, et pourtant j'ai pleuré et prié je ne sais qui toute la nuit dans l'espoir qu'on ne vienne pas m'annoncer que je devais l'enterrer! Et si ça avait été le cas, je crois que je me serais enterré avec elle. Je préférais agoniser avec elle sous terre durant plusieurs heures plutôt que d'agoniser sans elle toute une vie. Je croyais en rien mais je croyais en Gwen et moi et où elle est maintenant? En train d'agoniser là-bas sans moi. Vous m'avez arraché à elle sans un au revoir. Alors vous pouvez me nourrir, me laver, me faire dormir, rien ne comblera le trou béant en moi. Absolument rien. »

Le doigt que j'ai fini par pointer entre les yeux de Silas se met à trembler et ma voix avec. Ma gorge se noue mais je refuse de laisser couler les larmes que je retiens. La mâchoire serrée, je termine en murmurant rageusement:

« Alors, oui, j'ai rattrapé Louis. Je l'ai rattrapé seulement parce que c'était lui. Pas parce que je n'avais pas envie de tuer. Parce que ce que je viens d'énoncer ce n'est qu'un quart de toutes les pensées qui me traversent lorsque ce vent se met à souffler en moi. Parce que je sais qu'il suffirait d'une seule seconde pour recommencer. Pour tuer sans le regretter. »

Ma voix tremble sur ces derniers mots alors que le regard de Silas est toujours planté dans le mien. Il n'a pas bougé et j'aimerais savoir ce qu'il pense à cet instant. Ou du moins ce qu'il réalise. Il comprends peut-être enfin qu'ils n'auraient jamais dû venir me chercher. Que c'est même la pire idée qu'ils aient eu. Dans la base dix, j'étais inoffensif. Je pouvais tuer les gardiennes mais qu'est-ce que ça pouvait leur faire? Comme l'a dit Gwendoline le jour de mon départ, ils nous tuent aussi en nous laissant mourir.

J'ai besoin de sortir du dôme. J'ai besoin d'aller prendre une douche et de prétendre me calmer au moins le temps de quelques minutes avant que les pensées reviennent en bordel dans ma tête. J'ai besoin de sortir avant de trop en dire. Et si Silas en parlait à Adelaide? Et s'ils comprenaient enfin l'erreur qu'ils ont fait en venant me chercher? Après tout, on nous a pas encore présenté aux autres bases. Ça serait simple de m'effacer. De faire comme si je n'avais pas existé . Qu'est-ce qu'ils seraient capable de faire? M'emprisonner? Me tuer? Me renvoyer à la base dix? Non, ils ne le feraient jamais. Ils ne prendraient pas le risque de me laisser divulguer ce que je sais de la sous-base, du projet, même si j'ai l'impression de ne rien savoir. Me tuer alors? Ils en seraient capables? Après tout, Esha m'a dit de ne pas leur faire confiance. Mais s'ils en sont capable, plus personne ne sera là pour penser à Gwendoline, Ismael et Esha.

Je déglutis difficilement et fais quelques pas en arrière pour m'éloigner de Silas qui n'a toujours rien répondu. Je décide de ne pas lui en laisser l'occasion lorsque je lui lance, comme si mes nerfs ne venaient pas de lâcher:

« A demain. J'imagine que j'ai encore besoin de m'entrainer. »

(Running Up That Hill (Orchestra Version)_Samuel Kim)

Comme je l'imaginais, la douche a su mettre sur pause mes pensées mais n'a pas comblé ce creux dans ma poitrine pour autant. Et je ne suis pas sûr qu'il puisse être comblé en jour. Après ce moment dans le dôme, je me sens épuisé. Je suis en colère, mais je n'ai plus la force de le montrer. Je suis triste, mais je n'ai pas la force de pleurer. La douleur et la haine coulent dans mes veines, se confondant complètement avec mon sang. C'est à se demander qui est là depuis le plus de temps.

Parfois, j'aimerais ressentir autre chose. Ne serais-ce que le temps de quelques secondes. Je me demande ce que ça fait, que de vivre sans ressentir tout ça à chacun de nos souffles. Je me demande si on a l'impression d'être plus léger. Si les sourires se font plus nombreux, plus instinctifs. Parce que j'ai l'impression de trahir Gwendoline et Ismael à chaque fois que je souris ici. Et je me sens lâche rien qu'à l'idée de ne vouloir plus rien ressentir. Parce que c'est cette douleur qui me rappelle pourquoi je suis autant en colère. Et je me dois de ne pas l'oublier. Oublier cette douleur, cette haine, ça serait oublier Gwendoline, Ismael, Esha, les enfants et l'orphelinat.

Je soupire à ces pensées et tourne dans un autre couloir pour chercher la salle de loisirs. En fait, ce n'est pas que la salle que je cherche, même si je veux à peine me l'avouer. Les insinuations du commandant résonnent encore en moi. La façon dont il s'est adressé à la personne que je suis justement en train de chercher. Le commandant a compris. Il a compris que je n'avais pas pu m'empêcher de créer des liens ici. Et que ces liens entrent forcément dans l'équation.

Lorsque j'entre dans la salle de loisirs, je ne le vois pas. Il y a seulement Polly qui tourne la tête vers moi. Elle est assise aux pieds d'une bibliothèque, un livre posé sur ses jambes pliées. Une lueur de surprise passe dans son regard et je la comprend. Ça fait trois jours que je fuis tout le monde. Je les vois seulement au moment du petit-déjeuner et lorsqu'on doit aller se coucher. Le reste du temps, je fais en sorte de rester seul. Je me persuade que c'est tout ce dont j'ai besoin. D'être seul et de réfléchir. De prouver au commandant que, non, je n'ai pas une faiblesse de plus ici. Ou de me le prouver à moi-même.

« Il n'est pas là. » Résonne la voix de Polly.

Je la regarde, surpris qu'elle ait pu deviner ce que je cherchais. Ou du moins qui je cherchais. Je devrais peut-être la contredire, nier, mais ça aussi je n'en ai pas la force. Alors, à la place, je lui demande simplement:

« Est-ce que tu sais où il est?

-Non, désolée. Je sais juste qu'il n'est pas aux dortoirs car j'en reviens. »

Je hoche la tête, jetant un oeil vers l'horloge murale. C'est bientôt l'heure pour nous d'aller se coucher. Ou, du moins l'heure du couvre feu, celle où on doit impérativement être dans nos dortoirs.

« Tu ne vas pas te coucher? » Je demande à Polly.

« J'avais besoin d'être seule.

-Ouais, je comprends. Moi aussi.

-Seul avec lui, apparement. » Elle répond calmement avec un sourire.

Pris de cours, je la regarde comme si elle venait de sortir la dernière chose que je voulais entendre. Mais, en réalité, ça ne fait qu'accentuer cette chaleur effrayante qui prend place dans ma poitrine. J'ouvre la bouche, prêt à la contredire. Sauf que je n'y arrive pas, encore une fois. Parce que peut-être qu'elle a raison. Peut-être que c'est ce que j'ai envie à cet instant. D'être seul avec lui, après l'avoir ignoré ces trois derniers jours. Après avoir fuit ses regards. Une pointe de culpabilité me traverse et, en même temps, je me dis que le meilleur à faire serait de continuer. Encore plus après ce qu'il s'est passé avec le commandant. Ça n'a fait que creuser ce fossé qu'il y a déjà entre nous, entre nos façons de penser, entre nos passés et notre façon voir le projet.

Mais ce qu'il y a de mieux à faire n'est pas forcément ce dont j'ai envie.

Et peut-être que je pourrais penser qu'à moi, pour une fois.

Parce que je suis prêt à imploser et que je suis intimement persuadé que c'est de ça dont j'ai besoin pour me calmer.

De lui.

« Tu devrais passer par le petit hall. C'est là qu'il se rend ces derniers soirs pour regarder le ciel. » Finit par me conseiller Polly.

A ce moment-là, je me dis que j'aurais dû y penser. Ironiquement, c'est aussi là-bas que je me suis réfugié la dernière fois après mon cauchemars. Cette fois-là, c'est lui qui était venu me chercher.

« Merci, Polly. »

Elle me sourit simplement en retour avant de se concentrer de nouveau sur son livre dont elle tourne une page. Je sors rapidement de la pièce, fermant la porte derrière moi pour laisser Polly tranquille.

Si j'accélère d'abord le pas en prenant le couloir qui mène au petit hall avec le toit en verre, je finis par marcher plus lentement lorsque j'y approche réellement. Parce qu'il y a cette douce chaleur qui devient de plus en plus forte lorsque je m'en approche, retournant agréablement mon estomac et me rendant particulièrement impatient.

Lorsque j'entre enfin dans le petit hall, je comprends que Polly ne s'était pas trompée. Louis est là, assis en dessous du toit en verre. Il a les jambes repliées sur son torse et la tête légèrement renversée en arrière. Je profite qu'il ne me voit pas encore pour remarquer la façon dont les reflets de la lune semblent tracer les traits de son visage et plus particulièrement son profil gauche. Le droit est un peu plus dans l'obscurité, un peu comme la face cachée de la lune. Je ne sais pas pourquoi, mais ce détail me fait sourire.

Je m'en veux presque de l'arracher à sa contemplation lorsque je décide d'avancer vers lui. En entendant mes pas, Louis sursaute, me confirmant que je l'arrache à ses pensées. Son regard surpris se pose sur moi mais je ne vois que la façon dont ses yeux semblent encore plus clairs sous les reflets de la Lune. Tourné vers moi, plus aucune partie de son visage n'est cachée par l'obscurité.

« Salut. » Il me lance maladroitement, s'attendant définitivement pas à me voir là.

« Je peux rester avec toi? »

Et lorsque je lâche cette phrase sans réfléchir, je sais que ça nous surprend tous les deux. Louis me regarde et, pendant un instant, je me dis qu'il va me dire non. Qu'il va m'avouer que c'est fatiguant la façon dont je peux souffler le chaud et le froid. Il y a trois jours, je cherchais sa main du bout des doigts et juste après je l'ignorais.

« Oui. » Il me répond pourtant.

La chaleur traverse une nouvelle fois ma poitrine, comme pour me rappeler qu'elle est toujours là. Qu'elle est même là plus que jamais. Je souris légèrement, faisant sourire Louis en retour qui me suit du regard lorsque je viens m'asseoir à ses côtés. Pendant un instant, on se regarde sans parler. Jusqu'à ce que je lâche son visage pour regarder le ciel étoilé au dessus de nous. Je comprends pourquoi Louis aime bien cet endroit. Je l'aime bien aussi. C'est peut-être même le seul endroit que j'apprécie ici. Ce trou dans le ciel nous donnerait presque l'impression que c'est beau à l'extérieur. Peut-être que c'est fait exprès, d'ailleurs. Peut-être qu'ils aiment bien nous donner cette illusion.

« C'est quoi la prestation que tu dois faire? » Je demande à Louis.

Ma voix est presque un murmure. Comme si je voulais pas briser la bulle qui est en train de nous envelopper. Je croise mes bras sur mes genoux et tourne la tête vers Louis qui semble surpris par ma question. Moi-même je ne pensais pas parler du seul sujet que je veux oublier et, pourtant, c'est la première question qui m'est venue.

« Il y aura des drapeaux le long de notre allée. Des drapeaux avec écrit dessus projet NINE. »

Comme s'il les visualisait, Louis fait un signe de la main, nous donnant l'impression d'avoir la phrase juste sous nos yeux.

« Je vais devoir les décrocher et les faire tourner autour de moi. » Il termine en grimaçant presque.

« Ça ne te plaît pas?

-Je ne trouve pas ça très impressionnant.

-Je pense que pour des gens qui n'ont aucune faculté, ça l'est.

-Pas faux. » Il pouffe. « C'est juste que, ces derniers temps, j'ai l'impression de réussir à faire voler des objets de plus en plus lourds. Alors j'étais un peu dessus par le choix des drapeaux.

-Tu aurais préféré faire voler des humains au dessus de ta tête? »

Louis rit légèrement à ma phrase et tourne la tête vers moi pour ancrer son regard dans le mien. Je ne pensais pas me retrouver à plaisanter sur cette fichue prestation mais, à cet instant, je préfère en rire. Surtout après l'état dans lequel je me suis mis et que je me remettrais une fois cette pause passée.

« Je ne pense pas réussir un jour à faire voler des humains.

-Si ce jour arrive, tu me préviens. Je ne veux pas rater ça.

-J'y penserais. »

On se sourit tous les deux et je ne pensais pas ressentir quelque chose d'aussi léger aujourd'hui. L'atmosphère change et je me sens étonnamment... bien. Je réalise à cet instant que je ne m'étais pas trompé sur ce dont j'avais besoin. Même si c'est encore plus effrayant de voir mes doutes se confirmer.

« Et pour toi ils ont prévu quoi?

-Une tornade de pétales blancs.

-Bon ça va, je ne serais pas le seul à ne pas être impressionnant.

-Eh, je t'emmerde! »

Louis rit en regardant mon air faussement blessé. Je secoue la tête, tentant de cacher le sourire qui s'agrandit sur mon visage. Mais je comprends que c'est perdu d'avance lorsque mon rire se mêle au sien. On rit juste comme ça, en se regardant, et cette douce chaleur devient plus intense lorsque je réalise que mon regard louche parfois sur les lèvres entrouvertes de Louis. Lorsqu'il semble le remarquer aussi, son rire s'éteint petit à petit. Je me force alors à détourner le regard, avouant d'une voix moins amusée:

« De toute façon, tu as raison. Ça ne risque pas d'être impressionnant tant que je ne sais pas contrôler ma faculté.

-Mais tu as progressé, non?

-J'en sais rien. J'ai l'impression que ça dépend seulement du moment. De mes pensées.

-Peut-être que tu devrais penser à des choses... positives?

-C'est bien ça le problème. » Je lâche dans un murmure, baissant la tête.

Je sens toujours le regard de Louis brûler ma joue mais je crois qu'il comprend qu'il ne vaut mieux pas insister. C'est pourquoi je le remercie silencieusement lorsqu'il me dit:

« Tu sais, j'ai beau réfléchir, je ne comprends pas pourquoi on s'est retrouvé avec ces facultés.

-Je ne cherche même plus à comprendre. Je mets ça dans la liste des choses qu'on ne saura jamais avec toutes les choses qu'on ne verra jamais également.

-Et cette liste est longue?

-Bien sûr, il y a tant de choses qu'on ne verra jamais. Déjà, on a jamais vu Liam la fermer.

-C'est pas sympa. » Me répond Louis, ne pouvant s'empêcher de rire pour autant.

Je souris en coin et hausse les épaules, absolument pas désolé. Louis le comprend et sourit simplement en me regardant avant d'entrer dans mon jeu:

« On a jamais vu Adelaide sans Michael derrière elle.

-On a jamais vu Zayn prendre la parole durant un cours.

-On a jamais vu la constellation de la grande ours depuis ce hall.

-On a jamais vu de chats.

-On a jamais vu d'éclipse de nos propres yeux.

-On a jamais vu le soleil se coucher depuis la sous-base.

-On a jamais vu Mars embrasser Saturne. »

Alors que je m'apprêtais à enchaîner, la phrase que vient de lâcher Louis me coupe le souffle. Je sens mon coeur rater un battement et mon estomac se retourner lentement. Un long silence s'installe et, mon regard qui était posé sur la Lune jusqu'à maintenant, ose à peine redescendre jusqu'au visage de Louis. Mais lorsque j'ose enfin le faire, Louis était déjà en train de me regarder. Un regard timide qu'il semble avoir du mal à me rendre. Son sourire a disparu et il déglutit difficilement avant de dire précipitamment face à mon silence:

« Je sais pas pourquoi j'ai dis ça. Je suis désolé. »

Il s'appuie soudainement sur ses mains pour se relever, fuyant mon regard. Sauf que, malgré le fait que sa phrase m'ait déstabilisé, je n'ai pas envie qu'il s'en aille. Parce que, ces dernières minutes, j'étais bien, tellement bien. Et le sous-entendu qu'il vient de lâcher n'a fait qu'enflammer un peu plus ma poitrine, au point que, ça aussi, je ne puisse plus le contrôler. Alors je me lève en même temps que lui, mes doigts s'enroulant autour de son poignet.

« Attends. » Je lâche.

Louis baisse la tête sur mes doigts enroulés autour de sa peau et je peux voir les poils de son bras se dresser dans un frisson qui vient de le traverser. Et, ce qu'il ne sait pas, c'est que ce frisson me traverse également de la tête aux pieds.

La tension que je ressens dans mon corps à cet instant est si puissante qu'elle m'en fait mal. Mon estomac se retourne, ma poitrine se resserre. Et, en même temps, il y a comme une décharge électrique qui vient rendre tout ça beaucoup plus agréable. En fait, c'est pas que ça me fait mal. C'est juste que c'est puissant, beaucoup trop puissant. Comme une force invisible qui me pousse vers Louis, littéralement.

Parce que je me retrouve soudainement plus proche de lui, n'ayant pas su contrôler mes mouvements. Ma main tient toujours son poignet et je réalise que ça me donne l'impression de le coincer. Alors, à la place, je laisse mes doigts glisser le long de son bras, remontant lentement jusqu'à son épaule, son cou, sa joue. Louis ne me lâche pas du regard durant tout ce temps et sa poitrine se soulève aussi rapidement que la mienne. Si ce genre de rapprochement est nouveau pour lui, ça l'est pour moi aussi. Mais l'idée qu'on le découvre ensemble ne fait que tordre un peu plus ventre d'impatience.

Mes doigts se retrouvent maintenant à frôler sa joue et je dois me concentrer pour que ma main ne se mette pas à trembler. Je descend ensuite jusqu'à sa mâchoire, son menton, remontant encore plus lentement jusqu'à ses lèvres que je me permets enfin de regarder. Je n'avais jamais regardé les lèvres de quelqu'un de cette façon et les miennes me brûlent lorsque je réalise que Louis fait la même chose de son côté. Mon pouce vient frôler sa lèvre inférieure et, à ce geste, Louis lâche un soupir qui finit par me faire craquer.

Mes lèvres s'écrasent sur les siennes et, cette fois, je gémis de bien être en même temps que Louis. Tout explose en moi alors que je sens ses lèvres se mettre à bouger contre les miennes. Mon estomac se dénoue pour laisser cette chaleur intense prendre place dans tout mon corps, jusqu'à ma poitrine où mon coeur se met à battre beaucoup trop vite. C'est tellement puissant que je viens encadrer le visage de Louis avec mes mains. En retour, sa main vient se plaquer dans ma nuque, m'incitant à approfondir notre baiser. Un frisson traverse ma peau sous les doigts de Louis et je gémis une nouvelle fois lorsqu'il entrouvre les lèvres, laissant nos langues se retrouver. C'est intense et maladroit à la fois. Je n'avais jamais embrassé quelqu'un, Louis non plus, et pourtant ça semble si naturel à cet instant. Comme si nos corps prenaient le relais, sachant très bien comment combler ce désir qui nous animait depuis peut-être plus longtemps qu'on voudrait se l'avouer.

Alors que nos lèvres se séparent pour qu'on reprenne notre souffle, nous ouvrons les yeux pour nous regarder. Ceux de Louis brillent tellement que je peux y voir mon reflet à l'intérieur. Et je sais que mes yeux doivent briller autant que les siens. Ses lèvres sont roses, presque rouge, et je ne peux m'empêcher de sourire à cette vue. Et lorsque Louis se met à sourire également, il ne m'en faut pas plus pour récupérer ses lèvres entre les miennes.

Cette fois, le baiser est plus doux mais pas moins puissant pour autant. C'est comme si on prenait le temps de découvrir toutes ces nouvelles sensations. Nos lèvres se cherchent, se caressent, se séparent pour mieux se retrouver. A l'intérieur de moi, la tension ne redescend pas mais une nouvelle douceur vient recouvrir mon coeur, se propageant partout dans ma poitrine. Je repense alors à ce creux que je ressens à chaque instant. Ce creux est toujours là, parce que la douceur ne suffit pas à le faire disparaître. Mais, pendant un instant, je le vois comme ce trou dans le ciel juste au dessus de nos têtes. Je l'imagine sombre mais avec quelques lueurs qui apparaissent. Comme des étoiles qui naissent dans la nuit noire. C'est toujours assez sombre pour être effrayant mais ces lueurs réussissent à rendre ce creux un peu moins douloureux.

Nous mettons beaucoup de temps à cesser de nous embrasser. Beaucoup de temps à réussir à se séparer. Peut-être parce que nous ne voulons pas retourner à la réalité. Mais la réalité, c'est ça aussi. J'ai embrassé Louis. Et il m'a embrassé aussi. On s'est embrassé. Parce qu'on en avait envie. Parce qu'on le désirait tous les deux. J'ai trop peur d'aller chercher plus loin pour le moment. Je sais que je suis attiré par Louis, que je suis attaché à lui, et ce baiser ne fait que le confirmer. Parce qu'à la seconde où nos lèvres se séparent pour qu'on se regarde, je me surprends à vouloir y retourner. Lorsque ses mains glissent de ma nuque, je me retiens de lui dire de ne pas me lâcher. Parce que c'est trop bon. Parce que, même si je ne le savais pas encore, c'est tout ce dont j'avais besoin. Mais Louis n'est pas qu'une distraction. Il n'est pas qu'une façon de penser à autre chose. Bien au contraire. Aimer ce baiser est sûrement la dernière chose dont j'avais besoin ici.

Mais, ça aussi, je ne peux pas le contrôler.

Le regard de Louis est toujours posé sur mes lèvres lorsque je lâche lentement son visage. On se retrouve l'un en face de l'autre, à tenter de reprendre notre souffle. Le silence autour de nous n'est pas pesant. Il est même plutôt agréable. Un des premiers silence que j'apprécie ici.

Puis nos regards se retrouvent et je peux lire dans ses yeux toutes les questions qui se reflètent dans les miens. Sauf que je n'en ai pas les réponses. Ce qu'on vient de ressentir, c'est nouveau pour lui comme pour moi.

Louis finit par s'humidifier les lèvres et je ne peux pas m'empêcher de suivre ce geste du regard. Il le remarque et sourit légèrement avant de me dire d'une voix basse:

« J'imagine que je peux le retirer de la liste. »

Et c'est tellement simple, tellement inattendu, que je ne peux m'empêcher de sourire en le regardant.

« Apparement, oui. » Je réponds.

On sourit doucement tous les deux jusqu'à ce qu'une alarme nous fasse soudainement sursauter. On lève instinctivement la tête vers les mégaphones qui annoncent l'heure d'aller dans les dortoirs. Louis soupire à côté de moi, déçu, tandis que je mon regard à moi s'arrête sur une des nombreuses caméras. A ce moment-là, je me fige légèrement. Je me demandais comment le commandant avait pu comprendre aussi vite ma relation particulière avec Louis mais c'est évident qu'on lui a juste rapporté tous nos faits et gestes.

Et ce baiser lui sera rapporté également.

Ma poitrine commence à se serrer à cette pensée mais, rapidement, une chaleur se répand au niveau de mon poignet. Je baisse la tête pour réaliser que c'est Louis qui vient d'y enrouler ses doigts afin d'attirer mon attention. Je relève la tête vers lui et, face à mon expression, il me demande peu sûr de lui:

« Est-ce que ça va? »

Je me retiens de passer mon regard de sa main sur moi aux caméras. Je ne veux pas les laisser gâcher ce moment. Pourtant c'est ce qu'ils font déjà en bousillant notre intimité. Parce que, maintenant, lorsque je regarde Louis, lorsque je repense à notre baiser, je ne peux m'empêcher de penser au commandant qui va voir ses doutes se confirmer. Et s'il utilisait de nouveau Louis pour tenter de me persuader? Il sait très bien qu'il y a un fossé entre Louis et moi et il saura l'utiliser à son avantage. La colère coule dans mes veines rien qu'à cette pensée mais je tente de la cacher à Louis lorsque je finis par lui répondre:

« Oui, on devrait aller se coucher. »

Je libère mon poignet de ses doigts et fait quelques pas en direction du couloir. Sauf que je réalise bien rapidement que Louis ne me suit pas. Je me retourne vers lui, fronçant les sourcils en le voyant toujours debout, sous le toit en verre du hall. Cette fois, les reflets de la pleine Lune éclaire son visage tiré et je sens mon coeur se serrer lorsqu'il prononce ces quelques mots:

« Est-ce que tu regrettes? »

Je déglutis difficilement, voyant une lueur de tristesse parcourir le regard de Louis. Et je déteste cette lueur là. Je préfère celles que j'ai vu plus tôt. Je préfère son sourire à ses lèvres pincées. Mais, surtout, je déteste l'idée qu'il puisse penser que je n'ai pas aimé l'embrasser. Ce que je n'aime pas, justement, c'est qu'on ne puisse pas le faire sans que je n'ai à penser aux répercussions derrière. A la stratégie du commandant que Louis ne semble pas comprendre. Je ne suis même pas sûr qu'il le comprendrait si je le lui expliquais. Louis croit en la base une là où je m'en méfie.

Je regarde rapidement les caméras derrière lui.

Je soupire.

Et puis, merde, foutu pour foutu.

J'avance rapidement pour retrouver Louis. Il n'a pas le temps de comprendre que j'attrape son visage entre mes mains pour l'embrasser rapidement mais passionnément. Ses mains viennent s'enrouler autour de mes poignets, les caressant du bout des doigts. Et, alors qu'il répond au baiser, je peux sentir son sourire se dessiner contre mes lèvres.

Un sourire qui s'agrandit lorsque je finis par murmurer à travers notre baiser:

« Non, je ne regrette pas. »

Je regrette juste la Terre sur laquelle Mars et Saturne doivent s'embrasser.

...

J'espère que ce chapitre vous aura plu..?

Alors, ce premier baiser? Inattendu ou vous vous y attendiez? ;)

L'histoire prend un autre tournant...

Et ce n'est que le début, je vous le dis.😉

Des surprises vous attendent dès les prochains chapitres...

Encore merci infiniment pour votre soutien. Je vous souhaite un très bon week-end et vous dis à la semaine prochaine!❤️

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