9- Permis et futur
De 2 mois à 7 mois sans Tom
De noël à juin : Nine quitte sa maison à Avignon pour repartir à la Rochelle
Evan m'a parlé longuement, il m'a expliqué que sa mère n'est plus raisonnable quand il s'agit de moi. Elle est persuadée que je suis le responsable de tous les malheurs de leur famille. J'ai voulu protester, mais Evan m'a coupé.
─ Nous savons que c'est faux Nine ! Mon père et moi en sommes convaincus. Aussi si tu veux garder la maison, nous te la laisserons...
─ Non je n'en veux plus ! Sans Tom ce ne sera pas possible pour moi ! Je veux juste l'escalier !
─ Et l'entreprise ? Est-ce que nous la gardons ? insiste Evan.
─ Non pareil, finalement ce n'est pas plus mal de me la voler. Sans Tom je ne pourrais plus !
Le mois de décembre est passé, misérable pour moi. J'ai au moins tenté de reprendre un semblant de vie et je passe mon permis de conduire. Presque tous les soirs je me tourne le cherchant pour lui dire quelque chose. J'ai vu ceci ou fait cela. Je découvre la solitude glaçante.
Je suis en train de baisser doucement les antidépresseurs, mon médecin est de la vieille école et il n'apprécie pas.
Je suis censé commencer de trier mes affaires, de vider la maison, je n'ai rien commencé encore.
Je comptais passer noël seul, j'ai décliné toutes les invitations de mes amis. Avec Tom nous décorions le sapin dehors devant la maison, sans lui ce ne sera pas possible. J'ai repris mes cours d'histoire mais ce sera en sursis puisque je dois dégager et je ne sais toujours pas de quoi mon avenir sera fait.
Mes outils dorment dans l'atelier, ceux de Tom aussi. Je suis passé les admirer de loin aujourd'hui. Ils sont comme moi en deuil.
Le vingt-quatre j'étais dans mon lit, un bon bouquin d'histoire à la main, et rien à manger je n'ai jamais faim quand mes amis m'ont fait une sacrée surprise.
Ils ont tous débarqué, Max et Sam, tous les autres avec des victuailles et m'ont menacé de venir dans mon lit si je ne descendais pas manger en bas avec eux. Ils m'ont offert un pull, un billet d'avion pour une capitale européenne.
Ils ne peuvent pas savoir la dernière surprise de Tom.
Le nouvel an, j'étais invité chez Lise et son mari Alessandro. Je leur ai pourri leur soirée à pleurer, parce que moi j'ai réalisé que cette année qui arrivait, lui, ne la verrait pas.
***
Je n'ai pas recontacté sa famille, si ce n'est Evan pour un bref message : Il faut protéger son escalier je le rachèterai un jour. Il ne m'a pas répondu.
La société a été liquidée en avril, j'ai récupéré la moitié, grâce à l'aide d'Evan qui a retrouvé les statuts fondateurs. Je ne me suis pas battu, parce c'était la société Nine et Tom. La Société Nine, cela ne va pas !
Il me reste en théorie un mois pour quitter la maison maintenant et je n'ai toujours pas trouvé où aller. Sam va pouvoir me dépanner quelques temps sans doute, je l'aide à son atelier.
Je n'ai rien trié dans la maison, j'en suis incapable, tout me fait mal.
Dans la foulée nous nous sommes tous retrouvés pour la signature de la succession de Tom.
Eve est le seul qui semble embêté à la lecture de cette odieuse succession. Elvire n'est pas venue pour ne pas assister à la mise à mort sans doute, quant à sa mère, elle dissimule bien sa satisfaction de me dépouiller.
Mon compte bancaire est une catastrophe, je n'ai que de quoi me prendre un studio, et je ne sais que faire de mes outils, de ceux de Tom et de son escalier.
J'en rêve les nuits.
Je signe une montagne de document sous les explications hypocrites d'un notaire mielleux. En gros, je suis con car nous ne nous sommes pas mariés et il ne m'aimait pas.
Evan le fait taire sèchement.
Je n'ai jamais imaginé que Tom mourait et je lui en veux. Si je le revois au ciel je vais lui passer une soufflante phénoménale et pas de sexe pendant au moins six mois. Soudain je réalise que c'est moi qui vais être puni un moment : pas de sexe jusqu'à la fin de ma vie. Parce que comment je pourrai trouver quelqu'un pour remplacer Tom ? Qui pourra me comprendre ? M'aimer ? Et comment je pourrais aimer quelqu'un d'autre ?
Je suis perdu à nouveau et je retrouve l'horrible sensation de détresse quand ma belle-mère m'a jeté à la porte de la maison. Je me retrouve dépouillé et quasiment à la rue, avec une affreuse sensation de déjà vue. Tom m'avait sauvé à l'époque, et maintenant qui va me sauver ?
Je réalise en regardant Evan signer les documents qu'il a changé, il semble plus dur, plus amer, ce n'est plus le beau gosse surdoué et solaire dont je me souvenais. On dirait qu'ils ont inversé leur personnalité, Tom était devenu solaire et lui est devenu sombre.
***
Eve est passé me voir quelques jours plus tard, sans doute pour vérifier que j'ai fait mes valises.
─ Nine tu es trop mince tu manges assez ?
─ Oui t'occupes et au fait mon toubib t'appelle le charlatan. Il n'a pas aimé que tu tentes de m'assassiner avec des antidépresseurs.
Il me regarde sans répondre il fait ça souvent.
Il regarde tout autour de lui anéanti.
─ Nine tu n'as rien trié encore ?
─ Non tu es si pressé que ça de vendre ? Famille de parasite, vous êtes déjà riche, pourquoi emmerder les autres ?
Je n'ose affronter les yeux bleus fâchés.
─ Je n'ai pas dit que j'allais vendre, ni que tu partais d'ailleurs. Je t'ai demandé si tu voulais rester et c'est toi qui as refusé. Que veux-tu faire bordel !
Il se passe une main dans les cheveux, je ne l'avais jamais vu en colère et je ne sais trop quoi dire. Il poursuit se rapprochant de moi.
─ Et pour ta gouverne tout le monde a des malheurs. J'aurai aimé appeler Tom pour lui dire combien j'étais malheureux quand il y a de cela six ans, nous avons eu un enfant handicapé mental qui avait une grave malformation pulmonaire. J'aurai aimé l'appeler quand mon fils est décédé pour ses deux ans. Nous n'avons jamais retenté d'avoir un autre enfant. Elvire et moi nous nous sommes séparés à la naissance de Tobias.
─ Je suis désolé, je murmure, triste peur eux deux.
Une larme idiote perle à mon œil. Trop d'évocations de malheur pour moi, et Tom qui n'est pas là pour m'enlacer et me consoler.
─ Ne me dis pas que tu pleures pour mon divorce ?
Inconsciemment je choisis la stratégie de l'attaque.
─ Elvire est vivante et tu divorces et moi qui donnerais tout pour être avec Tom, il est mort ! Alors excuse-moi ! Mais l'impression de gâchis est épouvantable.
─ On ne choisit pas qui vit où qui meurt ! Et heureusement !
Avec Tom nous n'avons jamais parlé d'enfants, je commençais à en avoir envie. Vu comme je me débrouille comme une merde, heureusement que je n'en ai pas. Je vais à nouveau me retrouver à la rue, sauf que je n'ai plus vingt ans, j'en ai trente.
Je réalise enfin ce qu'il vient de dire, sur le fait de ne pas forcément vendre. Je pourrais gagner du temps si je veux.
─ Nine tu veux rester ?
─ Je n'ai pas envie de rester, cette maison sans Tom, c'est impossible ! Tu peux vendre mais débrouille toi pour garder l'escalier ! Je pense que je vais repartir à la rochelle.
L'urne de Tom est là-bas.
Il me réveillait le matin, mon petit déjeuner était près tous les jours. Il m'épaulait tous les jours de ma vie, il supportait mes envies, mes délires et m'emmenait en voyage.
Mon merveilleux compagnon.
Eve m'aide à préparer quelques cartons de vêtements et de livres. Je n'ai pas touché aux affaires de Tom, je ne le ferai pas !
─ ...Je te disais que je peux te prêter un appartement en centre-ville près du port à la Rochelle. Le temps que tu te retournes ? répète Evan.
─ Je veux bien, parce que je suis dans la dèche. Je n'ai plus rien ! Tu travailles à la Rochelle ?
─ Non je suis parti à Bordeaux, nous y avons une clinique. Elvire dirige celle de la Rochelle.
─ Deux cliniques à vous ?
─ En fait quatre, si on compte celles de mes parents !
─ Et vous avez besoin de voler les affaires de Tom ?
─ Je ne vole pas les affaires de Tom. Nine, c'est moi qui m'occupe des affaires de mon frère.
─ Tu ne veux pas essayer d'avoir d'autres d'enfants encore ?
Je sais que je change de sujet en passant du coq à l'âne, mais je ne veux plus parler de succession. Je me suis fait tondre et il est temps de passer à autre chose. L'idée d'être un looser est tenace.
Je me console en notant au passage quand même que le grand Evan a eu des malheurs.
─ Je n'ai pas la tête à cela ! Inutile de te dire que ma mère est traumatisée de ne pas avoir de petits enfants. Surtout que je lui ai avoué que je suis gay.
─ Le loyer est de combien ?
Encore un virage à 180 degrés.
─ Il n'y en a pas... on va te laisser arriver.
Je hoche la tête, agacé, de toute façon j'ai demandé par politesse, ce ne sera que justice.
Evan m'a déposé chez Sam pour quelques semaines, le temps que je passe mon permis de conduire sur une boite automatique. J'ai vu des camions arrivés pour prendre toutes nos affaires et j'ai eu l'impression d'un deuxième enterrement. L'enterrement de ma vie.
Sam a supporté ses chimios et il est en rémission. Je suis si content de cette bonne nouvelle au milieu de tout ce merdier. Mon ancien maitre m'a redonné mon ancienne chambre, mais ce n'est que provisoire, l'automne prochain il va accueillir un nouvel apprenti. Il faudra que je reparte.
Deux semaines plus tard, j'ai le précieux sésame-mon permis de conduire. J'aurais tellement voulu que Tom soit là pour me voir.
Evan insiste pour savoir si je veux récupérer la maison, maintenant qu'il m'a mis dehors. Je n'ai pas répondu et je lui ai demandé de l'aide pour un déménagement que je ne pensais pas connaitre : mon retour à la Rochelle.
Il m'a invité au restaurant pour parler, il a réinsisté pour savoir si je voulais la garder.
C'est bien la peine maintenant qu'il a dépouillé notre maison. Je secours la tête :
─ Sans Tom, ce sera non. Je ne veux que l'escalier.
Il éclate de rire, moqueur.
─ Tu refais ta princesse. Et manges plus, c'est moi qui paye.
Il insiste encore une fois :
─ Je vais vendre la maison parce qu'une maison vide ne sert à rien ! OK ?
─ J'ai compris, mais je pourrais te racheter l'escalier un jour, garde-le !
Je suis têtu dans mon genre, mais je me doute que je n'aurai jamais d'argent pour cet escalier et puis pour le mettre où ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top