4- L'escalier en fer forgé
10 ans plus tard
Nine
Je me dépêche de garer mon scooter qui me permet d'être autonome, retire mon sac à dos. Le bruit du chalumeau crépite dans la maison.
─ Chéri tu as fini ?
─ J'ai presque terminé ! N'approche pas je dois encore souder les deux dernières feuilles. Ça a été ton cours d'histoire ?
─ Super, génial ! Je t'adore ! je lui glisse en m'éloignant.
─ Moi aussi, rigole Tom.
Je l'admire occuper à souder accroupi dans l'escalier, alors que les étincelles volent. Je détaille ses jambes musclées, ses boucles blondes, son dos large et sexy, alors que lui est concentré sur son travail Il se protège avec un gros masque noir, mon Dark-Vador d'amour... Tomi mon super sportif d'amour.
Il a été courir à l'aube comme tous les matins, quand il revient, j'ai le droit à des câlins.
Quand il aura terminé, notre maison sera magnifique, avec une pièce unique, réalisée à la main : une rampe d'escalier en fer forgé, avec des formes de végétation tout le long de la main courante.
Mon mec est un artisan ferronnier doué.
Nous étions rejetés de toute part, bien mal partie dans la vie et nous voilà désormais propriétaire de ce mas magnifique du dix-septième siècle que nous restaurons.
Evan, son frère, nous a couvert plusieurs mois, avant que ses parents ne découvrent l'homosexualité de Tom, par des indiscrétions d'une ex petite-amie. Ils lui ont fait un chantage simple : Il ne me revoyait plus ou ils coupaient les vivre. Le frère de Tom que nous pensions de notre côté c'est illustré par son absence. Je crois qu'il était en stage au Canada à ce moment-là. Quel traitre !
Tom a continué de me voir en douce et le couperet est tombé : Ils l'ont mis à la porte de chez eux, ils ne voulaient plus le voir tant qu'ils ne revenaient pas à « la raison ». Ils ont été efficaces et intraitables. Ils lui ont loué un studio au-dessus d'une boulangerie, donné une pension mensuelle pour vivre et ses études. Tom était moins mal parti que moi qui ne m'en sortait plus et loupait la moitié de mes cours d'histoire pour travailler. Il avait aussi un petit pécule hérité directement de sa grand-mère.
Tomi ne m'en a jamais voulu de son bannissement familial. Le souci, c'est que nous étouffions, lui, dans ses études qui ne lui plaisaient pas et ne le menaient nulle part et moi dans mes galères financières.
La solution nous est tombée dessus par hasard. Nous avons décidé de nous réorienter vers l'artisanat d'art : Tom voulait apprendre la ferronnerie et moi l'ébénisterie. Nous étions tous les deux intéressés par le côté artistique et créatif des formations. Un des plus grands professionnels de la ferronnerie enseignait à Avignon, Maximilien Ferras. Tom voulait quitter la Rochelle pour s'éloigner de ses parents. Moi j'ai trouvé dans la même ville, un artisan qui acceptait de me prendre comme apprentis. J'étais satisfait, même s'il avait une moins bonne réputation que certains grands maitres d'Alsace, car je ne comptais pas m'éloigner de Tom. Il habitait à quelques kilomètres de chez moi et venait me chercher dès que possible.
Nous avons eu la chance d'avoir des patrons cools, gay friendly qui nous laissaient nous voir chez eux.
Tom a été plus loin, il a même changé de numéro de téléphone et rayé définitivement sa famille de sa vie. Moi, mon père a toujours mon numéro, il n'éprouve pas le besoin de m'appeler.
Mon patron, un maitre compagnon vieux garçon, Sam Hautefeuille, a consacré sa vie à son métier et vit avec sa mère, ils m'ont adopté presque comme leur fils.
J'apprenais à sculpter pour faire des meubles, mais aussi des grands ouvrages, comme des portes, des portails.
Au bout de quelques mois chez lui, j'ai eu mon premier chantier à l'étranger : nous avons été de restaurer une bibliothèque d'un palais vénitien. Chaque jour j'apprenais avec lui. Au cours de ces dernières années, j'ai eu l'occasion de pénétrer au Vatican, dans la cité interdite de Chine, dans un Versailles désert, dans des châteaux écossais.
J'aimais l'histoire, mais je me suis révélé dans le travail de sculpture du bois et de la marqueterie. J'aime travailler le bois et réaliser des créations originales. Quel bonheur de voir les meubles sortir de mon travail, et quelle fierté quand je restaure des pièces anciennes. Je signe mes pièces maintenant. Notre maison est pleine de mes œuvres encore invendues ou que je ne souhaite pas vendre.
Notre diplôme en poche, nous avons décidé de rester dans cette région réputée pour son artisanat et près de nos anciens maitres, devenus des amis. Ils pourraient nous associer sur les gros chantiers. Tom a acheté un mas en ruine dans les campagnes avoisinantes, avec l'argent venant de sa grand-mère. C'était la demeure parfaite, pas une âme qui vive à plusieurs kilomètres, un immense terrain avec une grange éloignée, notre future entreprise. Nous avons créé notre société d'artisan d'arts. Pour le nom, nous n'avons pas été chercher loin, ce sont nos prénoms : « Nine & Tom ».
Nous sommes ultra spécialisés, mais notre entreprise commence à avoir une belle réputation dans le monde entier et nous avons pu embaucher trois ouvriers et deux apprentis. Guilhem et Paul sont apprentis en ferronnerie, il y a un ouvrier en ferronnerie Arnaud qui est aussi notre contremaitre et Lise et Boubacar travaille l'ébénisterie avec moi.
Ils me remplacent même cette année, car j'avais repris mes études d'histoire.
Cette région est idéale, bon l'été il fait trop chaud et il y a beaucoup de touristes, mais cela nous permet d'écouler nos œuvres et nous avons tous les mois d'hiver tranquille au milieu des paysages magnifiques.
Comme nous sommes tous les deux bricoleurs, nous avons restauré patiemment la maison. Au début nous vivions dans une seule pièce et Tom avait même installé une douche et une cuisine extérieure. Nous étions deux mecs ensemble, pas spécialement douillets, alors nous avons aussi souvent dormi à la belle étoile. Aidé par nos amis, nous avons tout retapé.
Les seuls qui se sont illustrés par leur absence, ce sont nos parents.
Ils nous arrivent d'être séparé, quand nous allons travailler sur des chantiers, mais souvent nous nous arrangeons pour aller sur les mêmes. Nous avons participé à la restauration de Vaux le vicomte, nous avons aussi passé une année en Angleterre pour restaurer un château, le plus amusant c'est quand nous avons travaillé quelques mois en Chine chez un excentrique milliardaire qui faisait reconstruire à l'identique un château Ecossais.
Nous nous entendons bien et nos disputes prêtes à de belles réconciliations sur l'oreiller. Une de nos grosses engueulades où j'étais décidé à le larguer, je m'étais d'ailleurs réfugié chez Sam horriblement vexé, j'étais en train de lui faire un strip-tease, il n'a même pas levé les yeux pour me regarder. Heureusement Tom est vite venu me récupérer. Il a rigolé et m'a juré qu'il m'aimait plus que tout.
J'avoue que la Rochelle nous manque à tous les deux. Nous y allons en vacances chez Morgan un copain de Tomi au lycée, qui a repris la gestion d'un camping. Il a épousé une jolie Allemande et ils ont déjà cinq enfants.
Morgan est spécial pour moi, parce que c'est grâce à lui que j'ai retrouvé Tom, après avoir quitté le lycée.
Je venais de commencer la fac et travaillait aussi tous les soirs au Mac do. Roseline m'a annoncé qu'ils m'ont trouvé un logement près de la fac et ils m'ont aussi alloué une pension mensuelle minime. Je n'avais plus qu'à me débrouiller.
J'ai découvert la solitude, je courais après les laveries, les bons plans de bouffe, les sorties gratuites.
Je servais au Mac do et nous nous sommes reconnus comme ancien camarade de lycée. Nous avons discuté quelques instants le restaurant était vide et il m'a invité à une soirée le week-end suivant. J'ai accepté pour me changer les idées, je croulais sous les soucis. Il faut que j'aille demander de l'argent à mon père, je me suis fait voler mon ordi et j'ai aussi besoin d'un téléphone.
La semaine suivante, j'ai rejoint Morgan dans un restaurant sur le bord de l'océan, peu après Tom nous a rejoint et m'a regardé surpris, comme s'il me reconnaissait. Morgan lui a raconté qu'il m'avait trouvé au Mac Do, je n'ai pas bronché. On aurait dit qu'ils partageaient une joke privée, j'ai décidé d'abuser : Vous n'auriez pas un vieil ordi en rab ? Je me suis fait voler le mien et je suis dans la merde.
─ Tes parents ne peuvent pas te le payer ? s'est étonné Tom.
─ Si je vous demande à vous, c'est que ce n'est pas facile chez moi, mais oubliez...
─ J'ai ça ! Je te retrouve demain pour te le donner ? Tu fais quoi comme études ? a continué Tom.
─ Histoire.
Il a recraché dans son verre pas très élégamment.
─ C'est des études ça ?
On aurait dit mon père.
─ Et toi ? j'ai rétorqué, agacé.
─ Ecole de commerce, slash boite à fric.
Je n'en revenais pas du coup de chance et pour le plaisir je continuais la discussion.
Il admettait clairement les choses, honnête. Je me perdais dans ses yeux bleus.
─ Mais pour faire quoi ? j'ai insisté.
Pour ma part, je rêve de m'occuper d'un musée ou d'écrire des livres d'histoire, par contre je ne veux pas être professeur avec des collégiens indifférents ou alors en université avec des élèves passionnés.
─ Mystère, mais ça te va bien de t'inquiéter et toi pour faire quoi histoire ?
─ Strip-teaseur sans doute !
Il a rigolé, moi aussi, malgré ma gêne d'admettre ma déche.
Une fille superbe est arrivée, mignonne avec une crinière de longs cheveux, puis quelques autres personnes, dont plusieurs couples. La fille s'est assise à côté de Tom, elle l'a embrassée comme si elle me narguait. Le moral en berne, je n'ai songé qu'à m'éclipser, complétement déprimé.
Il avait une petite amie.
─ On se voit demain pour l'ordi, insiste Tom alors que j'enfile mon sweat.
J'ai sursauté surpris, j'ai supposé qu'il avait parlé en l'air.
─ On se retrouve où ? Passe-moi ton numéro de portable, insiste t'il.
J'ai décidé d'accepter, cela se savait au lycée qu'il avait des parents riches.
─ Je suis libre jusqu'à quinze heures, dit moi où tu veux qu'on se retrouve ?
Je ne lui ai pas précisé qu'après, je travaille au mac do jusqu'à une heure du matin.
Je lui ai passé mon numéro en montrant mon vieil appareil au bout de sa vie.
Linette m'a fixée fâché en le serrant par les épaules alors que lui s'est dégagé.
J'ai toujours plutôt bien supporté la méchanceté de ma famille, mes galères, sauf ce soir-là.
En me couchant dans ma chambre lugubre j'ai trouvé un message sur mon téléphone de Tom.
Tu es bien rentré ? à demain Je t'attends devant la Fnac à quatorze heures.
Quand je l'ai rejoint le lendemain, il m'a entrainé dans le magasin et a acheté un ordinateur et un téléphone, je ne comprenais pas.
─ Tu fais quoi ? ce n'est pas pour moi ?
─ Non je veux remplacer le mien et après tu m'accompagneras chez moi chercher le vieux que je te prête. Je me suis amusé à le conseiller, je me suis pris au jeu de l'aider à choisir un nouveau PC et un nouveau portable. La vache il a de la chance de pouvoir s'acheter des trucs neufs. Par contre l'horloge tournait et il allait déjà être l'heure pour moi d'aller travailler.
─ Merde en fait j'ai oublié un truc, a râlé Tom.
─ Quoi ?
J'ai eu peur d'une mauvaise blague d'un gout douteux, j'aurais eu du mal à le supporter. Il a pu constater combien je suis fauché avec mon téléphone qui tient avec un scotch. Ma belle-mère m'a appelé et il a entendu la façon méchante dont elle me parle.
─ Je ne peux pas te passer mon ordi il y a des trucs auquel je tiens dessus ! Bon alors tant pis je vais te laisser celui-là !
─ Tu peux te faire rembourser dans le magasin ?
─ Non trop la flemme ! Et tiens prend le téléphone aussi finalement le gris ne me plait pas.
Je l'ai regardé perplexe, il faisait quoi là ? Il m'a fait choisir en plus. Je ne veux pas de sa charité ! Je n'aurai jamais imaginé qu'il paye des trucs aussi chers à un inconnu.
Son téléphone a sonné, un super modèle, une grande marque, je l'ai regardé avec des yeux ronds.
─ C'est Linette je vais devoir y aller. Au fait je n'aime plus mon pull il a retiré son pull de marque pour me le passer.
Il est parti sans que je ne puisse rien dire. J'ai eu l'impression d'un noël comme du temps de maman. J'ai reniflé le pull qui avait son odeur. Je savais bien qu'il m'avait baladé, depuis le début il avait décidé qu'il m'achèterait ces objets, il m'a pris en pitié.
J'ai honte de moi et de ma pauvreté, je suis horriblement vexé, mais j'ai trop besoin de tout cela pour faire le fier. Une petite voix me chantonne qu'il m'a fait des cadeaux.
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Dans le pitch, la mention des meubles m'a emmené directement à l'artisanat d'art.
Dans ce chapitre, il y a une phrase importante pour la succession et la suite de l'histoire...
Ah et j'oubliais j'ai fait de cet escalier un élément important de l'histoire comme de la maison.
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