La Rochelle – septembre

Nine a 20 ans

─ Nine ! Bien dormi mon amour ? Ton chocolat est prêt.

─ Mmmmhhh !

Je m'étire savourant le soleil sur ma peau et l'air chaud. La piscine décorée d'une magnifique mosaïque de bleu est entourée d'une terrasse de teck et d'une végétation luxuriante. Nous sommes sur le bord de l'océan. Leur maison est dans le quartier privilégié de la Rochelle.

Je l'enlace, en admirant la table du petit déjeuner qu'il a préparé pour moi.

─ Viens là que je t'embrasse ! sourit Tom qui me tend les bras et quand je l'ai rejoint, il tire mon slip pour le faire claquer sur mon ventre plat.

─ Bordel ne vous gênez pas tous les deux !

Je glapis, horrifié, en réalisant que nous ne sommes pas seuls. Je me retourne anéanti, alors que la personne qui a râlé sort d'une des chambres en rez-de-jardin. Il a dû passer la nuit ici, mais nous ne l'avons même pas entendu arriver.

Je reconnais aussitôt son grand frère : Evan. Il était avec nous au collège, quand j'étais en sixième il était en troisième. Je sais qu'il fait médecine et il a toujours été un élève brillant, le contraire de nous deux. Il a un appartement près de la fac, qu'il partage avec sa petite amie.

Celui-là aussi est une bombe, les deux frères se ressemblent. Il est en survêtement et tee-shirt, les mêmes yeux, les cheveux plus courts que son frère et la carrure plus sèche. Il a des polys et un ordi à la main.

Nous sommes dans les bras l'un de l'autre, je suis en slip et mes lèvres sont contre celle de Tom. Nous n'en avons pas vraiment parlé, mais tacitement nous pensions plutôt cacher notre relation, je suis assez partisan de l'adage « pour vivre heureux vivons cachés ».

─ Qu'est-ce que tu fais là ? marmonne Tom, guère heureux de voir son frère.

─ Je me suis disputé avec Elvire et j'avais envie de respirer un peu. Je suis rentré à la maison pour te tenir compagnie, mais je vois que je suis de trop. Il me désigne. Si papa et maman le découvre tu es mort !

Je sens Tom se raidir de colère contre moi, il m'a raconté que sa famille n'est pas sympa.

─ Ecoute mon grand ! Tu as juste à fermer ta gueule, menace Tom.

Je lui caresse le bras pour le calmer. Il baisse la tête vers moi apaisé et appuie son front contre le mien, alors que son frère proteste.

─ Tom ! Bon sang ! Ne me parle pas comme ça !

─ Tu es homophobe ? j'interviens dans leur discussion, car j'ai l'impression qu'il n'a pas l'air choqué.

Je ne veux pas que Tom soit mal vu par sa famille j'ai déjà assez de problème de mon côté.

─ Attends ta petite amie s'appelle Elvire ? je réalise en même temps.

─ Oui pourquoi ?

─ C'est horrible ! ça fait Evan et Elvire, c'est d'un mauvais gout atroce alors que Tom et Nine c'est super cool.

L'intello ne me répond pas, se contente de nous rejoindre et de nous piquer du jus d'orange. Il boit, amusé.

─ Je ne suis pas homophobe, juste surpris, je ne voyais pas Tom choisir un petit copain. Mes parents qui n'en peuvent plus de ses mauvais résultats scolaires vont apprécier.

─ Ne critique pas mon chéri !

─ Tu ne veux pas t'habiller la petite chose sexy ?

─ Comment tu m'as appelé ?

Je cligne des yeux surpris.

─ Ecoute depuis tout à l'heure, tu te balades les tétons à l'air, en frétillant du cul excuse-moi, mais j'aimerai que tu te rhabilles, continue Evan.

Tom m'embrasse le front. Il me pousse vers la chambre.

─ Va t'habiller Nine, je vais parler à mon frère.

─ Mais j'ai faim, je proteste agacé.

─ Alors dépêche-toi de t'habiller ! se moque Evan.

Je cède et remonte dans la chambre pour laisser les deux frères s'expliquer. Je ne sais pas si Tom assume complétement et par notre imprudence je l'oblige à faire son coming out, sans qu'il le veuille.

Ma petite sœur n'a pas fait exprès, mais cela reste un souvenir très cuisant dans ma mémoire.

─ Eve dis-moi ? Tu comptes nous dénoncer ? s'inquiète Tom.

─ Non ! Bien sûr que non ! proteste Evan.

Dans la chambre, je fouille dans ses placards. J'adore porter ses habits, je trouve un tee-shirt blanc avec une inscription en grec et un bermuda bleu. Il a une maison de vacances en Grèce. J'aimerais y aller un jour. Je n'ai été qu'en Angleterre, le pays d'origine de ma maman.

Ça me fait penser que Roseline m'a dit de me débrouiller pour mes papiers. J'ai une horrible flemme et ma carte d'identité est sur le point de périmer.

Je redescends rapidement pour trouver les deux frères qui discutent. Tom se lève pour venir me rejoindre et m'enlacer, il tire le vêtement.

─ Ça te va bien !

Je lui embrasse la main, profitant que son frère ne nous regarde pas. Il fixe l'océan au loin.

─ Je vais te faire réchauffer ton chocolat.

Je m'adresse à Evan :

─ Tu peux me passer le jus d'orange ?

─ Tranquille toi !

─ Oui tranquille. Tu ne t'en vas pas ?

Evan éclate de rire.

─ Non je ne m'en vais pas et toi tu ne t'en vas pas ?

─ Tant qu'on ne me chasse pas, je reste !

─ Je ne vais pas te chasser ! Si c'est ce qu'il t'inquiète.

─ Si on fait du bruit ... sens toi libre de partir ou de te boucher les oreilles.

Tom me tape les fesses.

─ Chéri ne soit pas agressif avec Eve, il va nous soutenir et nous aider. Il dira à mes parents qu'il est venu et cela va les rassurer. Il va nous couvrir !

Je souris rassuré et me serre contre lui.

Une fois j'ai failli me déclarer au lycée, à l'occasion de la Saint Valentin. Je l'ai rejoint vers le stade, je lui avais fait un post-it avec un cœur et j'étais sur le point de lui donner le message, me disant que ce jour-là les déclarations d'amour étaient permises.

Et puis, je me suis dégonflé ! Ses copains ricanaient à coté de nous, alors que j'étais devant lui, j'ai marmonné quelques borborygmes et dit que c'était une erreur. Je suis reparti en jetant mon petit message d'amour à la poubelle.

Je me demande comment il l'a récupéré ?