Chapitre 8


— Debout fainéante.

Une voix qu'elle commençait à connaître lui parvint aux oreilles.

— J'ai jamais vu une flemmarde comme ça. Wilson !

Elle fut complètement réveillée par un coup moelleux porté à son égard : un coussin. Aussitôt, elle se leva, encore sonnée par ce dernier. Devant elle, se trouvait la tête de pigeon aux cheveux décolorés. Il avait entre ses mains, l'arme du crime qu'elle avait reçu quelques secondes auparavant. Elle lui en voulait de l'avoir réveillée ainsi et le lui fit savoir par un simple regard :

— Qu'est-ce que tu veux, O'Connor ?

— C'est pas trop tôt. T'es pire que Sel', ma parole. On est arrivés.

Elle tourna la tête vers le hublot un peu trop brusquement puisqu'elle fut aveuglée par la lumière vive de l'extérieur. Une fois ses yeux habitués, elle comprit que l'avion s'était posé sur la terre ferme.

— Dépêche-toi la loutre. Sel' et Robert sont déjà là-bas.

— Rooh ça va ! Pas besoin de piailler.

— Je ne piaille pas.

En rejoignant O'Connor placé devant la sortie de l'avion, Cassiopée en profita pour ne pas perdre la bataille :

— Si, tu piailles.

— Non, rétorqua-t-il tel un enfant.

La jeune fille s'apprêtait à répliquer mais fut assaillie par une vague de chaleur étouffante. C'était clair : elle était en Australie. Autour d'elle se profilait des hectares de terre rouge. L'endroit paraissait sec, chaud et désert.

— Par là.

Ils se dirigèrent vers le seul relief des alentours : d'énormes rochers aussi rouge que le sol. Les pierres devaient faire presque deux fois sa taille et étaient éparpillées les unes les autres de telle façon qu'on aurait pu croire à un petit labyrinthe simplifié. Les deux adolescents se mirent à contourner ces énormes cailloux, plusieurs fois, comme s'il cherchait un trésor.

Cela commença rapidement à agacer Cassiopée de tourner ainsi en rond. La chaleur se faisait sentir et elle ruminait depuis suffisamment longtemps qu'elle mit un certain temps avant de se rendre compte que le sable chaud de fer avait laissé place au gazon verdoyant. Elle se retourna pour vérifier qu'elle se trouvait bien dans un désert australien mais plus rien ne s'y apparentait. Seulement de l'herbe à perte de vue. La température semblait être plus fraîche qu'avant même si le soleil était toujours haut perché dans le ciel.

— Comment ?

— C'est une passerelle. Tu croyais vraiment qu'on allait mettre des pancartes lumineuses : « Ici se trouve une école de Nilées, ces gens aux super-pouvoirs » ?

Avant qu'elle n'ait pu répliquer, elle s'arrêta net devant le paysage qui s'offrait à elle. La verdure entourait un énorme château d'une blancheur éclatante. Jamais il ne lui fut permis d'en voir un aussi gigantesque que celui-ci. Tels des gardes, quatre tours se dressaient dans les coins. La façade qui s'offrait à elle étaient troués à intervalles réguliers par des vitraux parsemés de ce qui s'apparentait à de l'or.

Plus elle s'en approchait plus elle y découvrait une rivière d'un bleu irréel et la connexion entre le jardin et le château s'effectuait par des ponts aussi blancs que les murs.

Cassiopée ne savait pas comment réagir face à un tel spectacle, c'en était suffisamment fascinant pour la laisser bouche bée mais c'était également si parfait que l'explication d'un rêve refaisait peu à peu surface.

— Cassie, Alex ! cria une voix au loin.

Ils aperçurent sur l'un des ponts une silhouette aux cheveux noirs et à la peau translucide qui leur faisait signe d'approcher. Tandis qu'ils s'avancèrent vers Selena, Cassiopée continuait de s'extasier devant les lieux.

— Contente de vous voir enfin debout. Je suis partie avant vous pour régler certains trucs, expliqua Selena. On s'est arrangés avec l'administration. Cassiopée, tu seras avec moi dans les dortoirs.

Ce n'était pour l'instant pas sa priorité mais par politesse, la jeune fille acquiesça.

— En vrai, elle est partie parce qu'elle en avait marre d'attendre que tu te réveilles, confessa Alex.

Celui-ci reçut une tape sur le bras de la part de son amie ce qui lui déclencha un rire.

— Vite, il vous attend à l'intérieur, reprit Selena.

Cette dernière les guida vers la porte d'entrée tout aussi gigantesque que le bâtiment. Faite de bois sombre et ornée d'arabesques en or et bleu marine, deux mots trônaient en son centre : SENNER SCHOOL.

À l'intérieur, dans le hall, un mélange de marbre et de bois coloraient l'environnement. Cassiopée s'apprêtait à poursuivre son investigation dans le détail mais fut interrompue par l'arrivée de deux hommes. L'un à la carrure imposante marchait plus en avant. Il se tenait droit ce qui accentuait sa prestance et son charisme. Sa peau blanche et ses cheveux noirs en brosse faisaient ressortir les yeux bleu clair qui fixaient Cassiopée.

 Elle était tellement subjuguée par ses yeux qu'elle en oubliait le second homme. L'envoûtant homme aux yeux bleus devaient avoir la quarantaine à peine. Il était difficile de lui donner un âge tellement il faisait jeune et vieux à la fois. Son costume aux teintes azur et céleste se mariaient à la perfection avec ses iris. C'était vraiment un homme qui imposait le respect, il suffisait de voir le silence qui s'était installé quand il était entré.

— Bienvenue à Senner, Cassiopée Wilson. Je suis Sir Valentin Coden, directeur de l'école.

Il lui tendit une main qu'elle serra après un lapse de temps.

— Sache que tu es en sécurité ici. Presque personne ne sait où se trouve exactement Senner, tu n'as donc plus rien à craindre de tes assaillants. Pendant ton vol, j'ai réglé certains détails avec tes parents.

Comme s'il avait lu dans ses pensées, il la rassura :

— Ne t'en fais pas pour eux, ils vont bien, mais pour ta sécurité ils se doivent de ne pas communiquer avec toi et d'être discrets jusqu'à nouvel ordre. Tu vas faire ta dernière année de lycée ici, en attendant que tout se calme, tout est prévu pour que tu te sentes chez toi.

Pour toute réponse, Cassiopée se contenta de sourire.

— Je ne suis pas en mesure de te faire visiter l'école mais je vais te confier à un étudiant qui s'en chargera, ainsi qu'Alex.

A l'entente de son prénom, Cassiopée remarqua qu'O'Connor avait une fois de plus exprimé son mécontentement en levant les yeux au ciel. Ses bras croisés confirmaient le peu d'enthousiasme qu'il portait à cette attention de la part du directeur.

— Je te présente donc Taylor. Il va t'expliquer un peu comment fonctionne Senner puis il t'emmènera à mon bureau avant que tu n'ailles déjeuner.

À ces mots, Sir Valentin Coden se décala pour laisser apparaître un jeune homme dont le charisme naturel contredisait le peu d'assurance qui se dégageait dans ses yeux. Son t-shirt beige faisait ressortir son teint brun et lisse. Ses cheveux, peut-être un trop épais, étaient noirs, à reflets bleus comme les ailes d'un corbeau, couleur qui se reflétait dans ses yeux en amande. En détaillant son visage au sourire ravageur mais bienveillant, Cassiopée y releva quelques grains de beauté. Trois exactement, parfaitement aligné sur sa joue, telle la ceinture d'Orion.

— Salut Cassiopée. Je m'appelle Taylor.

A l'évocation de son nom, quelque chose qui s'était endormi au plus profond de son être se réveilla. La beauté de ce garçon, l'attrait surnaturel qu'il dégageait, son air accueillant, ses grains de beauté, tout disparut aux yeux de Cassiopée, ou plutôt tout se fondit dans un seul sentiment, nouveau et délicieux. 

La brunette resta pendant un moment immobile, retenue par une sensation magique : elle avait sous les yeux un tableau vivant auquel tous les sentiments humains réunis donnaient de vives couleurs. Taylor pencha légèrement la tête, appréhendant sa réponse, mais Cassiopée ne put que se mettre à sourire. Il y avait quelque chose de touchant et qui allait à l'âme dans l'attention avec laquelle il la regardait.

— Allez, viens, je vais te faire visiter.

Se détachant de sa contemplation, Cassiopée fut quelque peu gênée. Le directeur était parti tout comme Selena. Bizarrement, O'Connor était resté, elle s'attendait à ce qu'il lui fasse une remarque mais rien. Il sourit de façon énigmatique, sans plus.

Cassiopée suivit sa nouvelle connaissance qui l'emmena dans un couloir. L'école était encore plus grande qu'elle n'y laissait paraître. Même si à l'extérieur le matériel dominant était la pierre, à l'intérieur, c'était le bois. En arpentant le couloir en silence, la jeune fille réalisa que Senner n'était en fait qu'un gros cube, au centre duquel se tenait un jardin. De là où elle se tenait, elle voyait effectivement l'autre couloir d'en face, parallèle au sien.

— C'est assez simple, tu vas voir. Les étages sont répartis en fonction de leur utilité. Au rez-de-chaussée, tu as tout ce qui concerne la vie quotidienne : salle à manger, cuisine, salle de détente, etc.

Taylor se plaça devant une immense entrée à doubles battants. Au moment où il poussa les portes, Cassiopée remarqua qu'O'Connor se tenait toujours à leurs côtés puisqu'il lui lança une de ses habituelles remarques :

— Je parie cent dollars que tu vas rester bouche bée par ce qui va suivre.

Elle lui fit une grimace mais donna tout de suite raison à son interlocuteur. L'émerveillement pouvait se lire sans difficulté sur son visage face à la découverte du lieu. Une pièce de cette taille ne pouvait avoir été conçue que pour des géants et pourtant, des étudiants y travaillaient au centre, entourés par des montagnes de livres. La bibliothèque était si immense qu'elle possédait son propre étage avec encore plus de bouquins. Des vitraux en dessous desquels se tenaient des divans séparaient à intervalles réguliers les étagères.

— Tu me dois cent dollars, Wilson.

— Même pas en rêve.

Cassiopée était tellement subjuguée par la pièce qu'elle ne releva même pas le sourire narquois du blondinet.

— On continue ?

La voix de baryton de Taylor la réveilla de son observation. En portant son regard vers lui, elle put constater qu'il la considérait longuement et intensément. Il désirait quelque chose d'elle mais Cassiopée ne parvenait pas à deviner ce dont il pouvait s'agir. Chaque seconde qui passait la plongeait dans une pensée infinie. Elle était attirée par lui, c'était indéniable, mais pas de la façon qu'ont les personnes amoureuses. Non ce n'était pas de l'amour, ce n'était pas une attirance sexuelle, c'était autre chose, quelque chose qu'elle n'avait jamais ressenti auparavant.

— Oh, héla O'Connor. On dégage ou quoi ?

La jeune fille se permit de le dévisager, ce à quoi il répondit par une simple grimace provocante. Taylor sembla se ressaisir également et l'invita à emprunter les escaliers sur leur droite :

— Comme je te l'ai dit : rez-de-chaussée, c'est tout ce qui concerne notre vie quotidienne. Le premier étage est consacré aux salles de cours. On va y faire un rapide tour.

Ils longèrent un autre couloir dans lequel les salles se ressemblaient de façon considérable. Seules les écriteaux or et marine variaient par le numéro qui y était gravé.

— Le deuxième étage est le dortoir des garçons.

Tous les trois gravirent les marches un petit moment pendant lequel le brun poursuivit ses explications :

— Si le deuxième est réservé aux garçons, en toute logique le troisième est réservé aux filles. C'est ici que se trouvera ta chambre.

Une fois arrivés au dit-étage, Cassiopée décela une ambiance plus chaleureuse, peut-être à cause du bois plus sombre et travaillé tout le long des murs et des portes. En parcourant l'allée, Cassiopée détailla les portes des dortoirs. Ces dernières avaient quelque chose de particulier. Outre le numéro en haut, la porte avait plus l'allure d'une œuvre d'art. La bâtisse était départagée en deux et chaque partie y contenait un nom, comme s'il s'agissait du nom de l'artiste à l'origine de la scène gravée juste en dessous. En s'y approchant de plus prêt, Cassiopée constata que ce qu'y était représenté était d'une singulière particularité :

— Elles sont enchantées, exposa Taylor. En fonction de ses habitants, la porte dessine le don de chacun.

Celle sur laquelle elle s'était arrêtée se trouvait sur la droite, une vallée ou une clairière. Dans l'étendue d'eau, se baignait...une sirène. Sur la partie de gauche, une multitude d'animaux en tout genre se réunissaient autour d'une tour inachevée. C'était fascinant, tant par la minutie du travail que par la beauté des scènes.

— Lorsqu'Ondine est en contact avec l'eau froide, elle se transforme en sirène et Katie parle aux animaux, poursuivit Taylor.

— Ouais, bref, on l'amène jusqu'à sa chambre, j'ai autre chose à faire, râla O'Connor.

— Personne ne te force à rester, rétorqua-t-elle sans même le voir.

Le blond ignora sa remarque et fixa son acolyte masculin.

Au bout d'un certain temps, Cassiopée se redressa pour poursuivre sa traversée.

— Le dernière étage est réservé aux professeurs et nous est interdit, compléta Taylor.

Ils arrivèrent alors devant une porte qui semblait incomplète. La partie droite montrait une fille courant inlassablement sur un globe terrestre et de l'autre côté de cette planète, se tenait la même fille traversée par un mur. Au-dessus de ce dessin, trônait le nom : Selena Keith. Quant au côté gauche, il était poli et dénué de dessin. C'était la chambre 394.

— Voilà ta chambre, déclara le brun. On va te laisser te reposer et on repassera te chercher pour t'emmener au bureau du directeur, ok ?

Elle ne put qu'opiner du chef face à la tendresse de sa nouvelle connaissance. Les deux garçons la laissèrent ainsi, pantoise. Cassiopée resta un instant à contempler cette porte à moitié vierge. Pour l'instant, elle était vide de sens mais sous peu se formeraient des symboles, des dessins qui représenteraient son don. Elle avait un don. Cela lui paraissait encore fou. La veille, elle se trouvait dans l'atelier de couture de Monique pour ajuster sa jupe – qui était en réalité Robert – et elle se chamaillait avec O'Connor. Tout lui semblait normal mais ça n'était plus le cas aujourd'hui.

La jeune fille réalisa à cet instant qu'elle était à moitié déshabillée, cela expliquait les regards moqueurs d'O'Connor, elle n'en revenait pas ! Il l'avait présenté à Taylor et l'avait fait traverser tout le château en jupe de lin et corset à moitié défait. Tant pis, de toute manière son allure vestimentaire était le cadet de ses soucis.

La jeune fille poussa la porte, bien plus légère qu'il n'y paraissait pour y découvrir une chambre taillée dans le même matériau. Sur sa droite, la chambre était effectivement occupée, comme le prouvèrent les affaires éparpillées de son amie. Et sur la gauche, sa nouvelle chambre, encore bien sobre. Les touches de couleur, rouge pour Selena, bleu pour elle, différenciaient les deux parties de la pièce. Autrement, elles étaient à l'identique, avec les mêmes meubles : armoire, bureau, lit et table de chevet, les mêmes fenêtres et agencement. Seule une porte, en face d'elle, venait perturber la symétrie du dortoir. Il devait sans nul doute s'agir de la salle de bain.

Bien qu'elle eût dormi dans l'avion, Cassiopée s'affala sur son lit. Elle avait passé une mauvaise nuit à ressasser ses derniers évènements en date et, épuisée, elle s'endormit dans cette nouvelle pièce qui était désormais la sienne.


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Statut : réécrit - en attente de correction

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