Chapitre 56
Quand Cassiopée ouvrit les yeux, il faisait froid. La nuit était fraîche comme en montagne. La première chose qu'elle entendit fut des chutes d'eau vrombissantes. Ses yeux s'adaptèrent rapidement à la pénombre. Elle y aperçut tout autour d'elle de la végétation luxuriante et au centre les fameuses chutes bruyantes à l'air dangereusement mortel. Selena les avait téléporté jusqu'à des rochers faisant face à cette source d'eau. Fatiguée et tendue, elle tomba sur les roches et fut l'objet d'attention des garçons. Seul Alex regardait le ciel en souriant bêtement.
- Mais qu'est-ce que tu as à toujours regarder le ciel O'Connor ?
Quand ils étaient à Senner, sur leur divan, il portait sans arrêt son intêret dehors ou dans les cieux et ici, il faisait de même. Il daigna poser son regard sur elle avec ce même sourire idiot.
- J'ai trouvé ce que je cherchais.
Pas d'ironie ni d'air moqueur et pourtant, il était énigmatique.
- Et qu'est-ce que tu cherchais dans la nuit étoilée ?
- Toi, lâcha-t-il de façon mystérieuse.
- Hein ?
- Toi. Cassiopée. Regarde.
Il pointa les étoiles, mais Cassiopée savait où il voulait en venir, elle ne comprenait juste pas pourquoi il la cherchait là-haut.
- Ta constellation. La Reine Cassiopée, tu formes un M ou un W et dans la nuit, tu guides vers l'étoile polaire.
Elle connaissait sa constellation, car quand elle était petite, elle s'amusait à se trouver dans le ciel, mais cela faisait bien longtemps qu'elle ne l'avait pas fait et cela lui fit plaisir qu'on lui rappelle son existence dans l'univers. Elle sourit aussi bêtement que lui et l'enlaça sans savoir pourquoi. Elle fut éprise par l'envie de le taquiner :
- Qui l'eut cru ? Le prince des nilées a besoin d'une Reine pour avancer dans la pénombre. Que diraient les psychologues là-dessus ? le nargua-t-elle
- Que tu deviens plus prétentieuse et orgueilleuse que moi. C'est juste une constellation, calmes-toi.
Elle vit son sourire narquois naître jusqu'à ce que Gianni vienne les interrompre :
- Pas de temps à perdre en roucoulant, il faut y aller.
Alex et Cassiopée se reconcentrèrent et rejoignirent le reste de la troupe agenouillé devant une Selena qui reprenait des couleurs.
- À moi d'intervenir, déclara Robert.
Il se mit à vibrer comme la nuit du bal à Yaoundé, les pieds au bord de l'eau et se changea en barque en bois avec deux rames. Elle était toute simple, mais suffirait à les emmener derrière les chutes. Tous prirent place et le bateau se mit à leur parler :
- Il y en a qui devrait maigrir ici...
- C'est pour toi ça.
Ils avaient lâcher cette pique en même temps et en furent surpris, provoquant un rire chez les deux wagens.
- Cassie, Alex, les sermonna Selena, comment passer inaperçu si vous rigolez ainsi ?
Ils obéirent à la maman du groupe et se laissèrent emporter par Gianni et Taylor qui ramaientCassiopée avait envie de lancer une nouvelle remarque à l'adresse d'Alex mais avec les dernières nouvelles, elle n'était pas sûre de son état émotionnel. Il devait bien le cacher cependant elle le savait encore fragile par cette dernière nouvelle.
Plus ils approchaient des chutes, plus ils appréhendaient ce qui allait se trouver derrière. Le bruit de l'eau dominait le reste et Cassiopée avait l'impression de foncer tout droit vers la mort. Elle vit que tout le monde était tendu et, rapidement, ils furent engloutis par la cascade et le courant.
Cassiopée s'attendait à ressentir la force de l'eau sur son corps tels des piques la traversant de toute part, finir trempée voire noyée, mais que nenni. Ils n'avaient même pas senti le voile d'eau lorsqu'ils l'avaient traversé. C'était comme une illusion. Tout le monde souffla de soulagement. Ce qui se trouvait derrière ce rideau puissant dépassait leur imagination.
L'eau sur laquelle ils naviguaient était devenue moins large, de l'épaisseur d'une petite rivière. Elle avait pris une teinte bleu foncé parsemée de paillettes d'or. Gianni et Taylor n'avaient plus besoin de diriger le bateau, désormais, ils se laissaient guider par le courant du ruisseau. À y regarder de plus près, il y avait du mouvement dans l'eau :
- Des requins, s'interrogea Taylor.
- Quoi ? s'inquiète Robert. Ne me dites pas qu'il y a des requins parce que c'est moi qu'ils vont bouffer et-
- Robert, calme toi, lui intima Selena. Ils... nagent c'est tout.
- Ouais, ouais, attends un peu qu'ils attaquent ma métamorphose et qu'ils vous bouffent tout crus.
Pour Cassiopée, ce n'était pas logique :
- Mais pourquoi des requins ? Je veux dire, les requins vivent dans la mer, ici, c'est une rivière.
- Ils doivent être là pour repousser les terrestres, éluda Selena.
- Ouais ben ça marche aussi sur les nilées parce que moi, je veux pas me faire bouffer ma belle barque-
- Robert, chut ! ordonna Selena. On va se faire repérer.
Ils longèrent cette rivière remplie de requins sur quatre cents mètres, fixant les alentours sombres. En dehors du courant d'eau, l'intérieur ressemblait à celle d'une grotte. Chacun fixait la roche qui les entourait cherchant à mieux la distinguer jusqu'à ce qu'ils amarrent sur la terre ferme. Cassiopée et ses camarades ne savaient vraiment pas à quoi s'attendre et ils stressaient de plus en plus, redoutant l'apparition de l'EGN. Leurs cœurs battaient à l'unisson dans la peur de l'imprévu.
Ils descendirent de la barque, Robert reprit forme et par instinct défensif ils se placèrent en cercle pour observer les alentours. La cavité circulaire était très sombre, notamment à cause de la pierre noire qui la composait. Du peu qu'ils en voyaient, les parois étaient irrégulières. Son frère se tourna vers sa copine :
- Et maintenant Sel' ?
- Je ne sais pas, je n'y suis jamais rentrée. Je suis juste allée dans la région et on m'a dit que Haile se trouvait derrière les chutes.
- Ah ben bravo, super, commenta Alex. Et on fait quoi maintenant ?
- Personne n'a de briquet ou de lampes j'imagine, demanda Robert.
Il se tourna vers ses amis qui firent non de la tête.
- Évidemment, personne ne contrôle le feu pour nous éclairer, se plaignit le métamorphe.
- Robert.
Cassiopée avait beau l'appeler, il continuait sa tirade :
- Pff... non mais on n'est vraiment pas digne de héros, avec des pouvoirs, qui ont réponse à tout.
- Robert, répéta-t-elle.
- Quoi ?
- Tu es métamorphe, c'est toi notre lampe.
Il mit quelques secondes à comprendre avant de rigoler.
- Pas faux ! Que quelqu'un m'attrape pour ne pas que je me fasse mal.
Taylor lui tint le bras pendant que son ami vibrait, se changeant en torche électrique. Le faisceau était suffisamment lumineux pour éclairer la grotte et permettre à chacun d'observer les alentours. La pierre était en réalité d'un gris foncé. Son irrégularité prouvait que les parois n'avaient pas été travaillées comme si personne n'était venu ici. Il n'y avait ni ouverture ni affichage signalant la présence d'une école.
- Peut-être qu'il y a un passage secret, proposa Gianni.
- Bonne idée, tâtons les murs.
Chacun prit une parcelle, tapant sur la pierre qui provoqua un écho désagréable. Cela dura un certain temps, repassant par là où les autres avaient cherché avant de capituler :
- Ce n'est pas ça...reflechit Gianni. Peut-être le sol ?
Toujours armé de Robert, Taylor et les autres scrutèrent par terre. Mais une idée émergea dans l'esprit de Cassiopée quand Gianni avait évoqué la pierre sous leurs pieds. Elle se retourna pour faire face aux chutes qui étaient visibles au loin filtrant la lumière nocturne et à ce qui les séparait : la rivière. Elle se rapprocha de celle-ci et observa les animaux marins.
Ils étaient de différentes tailles, mais tous avaient cette peau grise si lisse et caractéristique de ces prédateurs. Les pointes de leurs ailerons étaient noires et brillaient sous les particules d'or de l'eau. Il n'y avait pas de poissons, ni de végétations sous-marines, que des requins. Comment survivaient-ils ? Que mangeaient-ils ?
Pendant que ses amis au loin continuaient de discuter sur l'entrée dans cette impasse, Cassiopée détailla ces squales. Ils ne nageaient pas vraiment comme l'avait dit Selena. Non, à y regarder de plus près, ils tournaient en rond de façon si lente. Ils semblaient...endormis. L'anormalité dans ce lieu résidait là, sous ses yeux, elle en était presque certaine. Sans savoir pourquoi Cassiopée plongea son avant-bras dans l'eau. Il ne fallut même pas une seconde pour qu'un requin se réveille et fonce vers elle à toute vitesse. Quand la gueule de l'animal s'ouvrit pour attraper son bras, elle le retira promptement.
- Cassiopée !
Elle reconnut la voix d'Alex qui accourut en même temps que les autres. Son wagen s'agenouilla à ses côtés :
- Non mais t'es folle !
- Les requins, annonça Cassiopée tout en fixant la rivière.
- Quoi les requins ? Oui, Bouclette, ce sont des gros bouffeurs d'humains qui vont nous dévorer tout cru.
- Ils n'ont pas de dents, dévoila-t-elle.
- Hein ?
- Les requins n'ont pas de dents, répéta Cassiopée.
Cette dernière se releva pour faire face au regard incrédule de ses compagnons.
- Ils n'ont pas de dents et regarder les ! Vous ne trouvez pas qu'ils sont amorphes ? Et pourtant quand j'ai trempé mon bras, il y en a un qui est venu. Un seul. Comme si je l'avais appelé.
- Je ne suis pas sûr de saisir, avoua Gianni.
- La porte d'entrée, ce sont les requins, j'en suis persuadée.
Robert ne put s'empêcher d'émettre un rire nerveux.
- Vas-y dans ce cas, mais moi, je n'y vais pas !
- Très bien.
Cassiopée regarda ces requins inactifs. Elle avait raison, elle en était sûre. La rivière et ces requins étaient bien trop anormaux pour qu'ils ne s'agissent d'un décor. Elle vit ses amis, sur sa gauche se tenir droit et tendu. Peut-être se demandaient-ils si elle allait oser ? Ils eurent rapidement leur réponse quand Cassiopée inspira une dernière fois avant de plonger la tête la première dans cette eau sombre et dorée.
Elle se retrouva immergée dans une eau tiède et malgré les paillettes, elle voyait distinctement. Sans plus tarder, un requin se distingua de la foule et fonça sur elle, ouvrant sa gueule édentée. Prenant peur, elle eut le réflexe de protéger son visage. Elle sentait son cœur battre à tout rompre, comme si c'était la dernière fois. Mais le scale l'attrapa doucement au niveau des hanches. La sensation était plus que bizarre, elle se laissa emporter par l'animal dans le fond pendant plusieurs secondes.
Elle y découvrit rapidement une arche en pierre où l'eau de la rivière s'arrêtait à l'embrasure de la porte. Le squale prit suffisamment d'élan pour qu'elle traverse l'entrée et elle atterrit avec force sur un carrelage qu'elle embrassa sans le vouloir. À peine eut-elle le temps de réaliser que son corps n'était pas trempé qu'elle entendit une voix autoritaire s'adresser à elle :
- Déclinez votre identité.
Elle était à quatre pattes, mais percevait les deux bottes qui se tenaient devant elle. En relevant la tête, elle trouva le visage le moins accueillant qu'elle eut connu. L'homme portait la tenue moulante noire et l'insigne de l'EGN en doré et marine sur le bras. Il la fixait d'un air aussi dur que sa voix. Alors l'EGN avait bien pris la main sur l'école et elle se sentit bien bête d'avoir pensé que rentrer dans l'école serait aussi facile.
Cassiopée se releva, les bras en l'air pour prouver qu'elle n'était pas armée bien que l'homme ne tenait aucune arme. Elle réalisa qu'un deuxième homme était positionné juste derrière le premier.
- Ca...Caroline... Stewart.
- Que faites-vous ici ?
- Je...je suis étudiante.
- Vous n'avez pourtant pas l'uniforme, constata le deuxième homme.
Elle se sentait de plus en plus idiote face à la situation.
- J'ai fait le mur pour aller à la capitale.
- Pourquoi ne pas avoir pris la sortie dédiée pour ?
Ils commençaient vraiment à l'agacer avec ses questions et cela dut se voir. Comprenant qu'elle mentait, le premier lança un jet incolore, mais à l'odeur distincte que Cassiopée évita de justesse avant que le second n'enflamme le liquide de ses mains. Ils réitèrent leur manœuvre : le premier jeta de ses mains un liquide, qui au contact du second, prit feu. Cassiopée s'agenouilla par réflexe, cela allait beaucoup trop vite pour qu'elle réfléchisse à une situation. À eux deux, ils agissaient comme une sorte de cracheur de feu, l'un envoyait de l'essence, le second l'allumait. Un troisième jet fut lancé et cette fois-ci, il imbiba légèrement la manche de Cassiopée qui prit immédiatement feu.
- Aie !
L'odeur de gazole brûlé était proche et elle sentit une douleur piquante. Elle jeta un œil à son épaule où une colonie de cloques venait d'apparaître là où aurait dû se trouver la manche de son t-shirt.
- Ca suffit maintenant !
Elle n'avait même plus besoin d'imaginer son frère souffrir pour que les fils apparaissent à sa guise. Ils l'avaient suffisamment énervé comme ça. Les deux gardes de l'EGN brillaient sous les cordelettes colorées. Elle en repéra une de la même couleur sur les deux individus, une sorte de bleu clair et elle tira dessus sans ménagement au moment où un filet d'essence se dirigeait vers elle. Un sourire carnassier apparut sur son propre visage quand l'eau contenue au niveau de l'arche déborda dans la cavité où ils se trouvaient jusqu'à remplir à moitié celle-ci en quelques secondes. Les hommes se mirent à hurler de peur. Elle espérait que personne ne les entendrait, non seulement parce que c'était désagréable et gênant, mais aussi parce qu'elle risquait de se faire repérer.
Cependant leurs cris face à la noyade qu'ils vivaient ne faisaient qu'augmenter. Leurs appels au secours étaient désagréables, mais le spectacle l'apaisait, elle prenait plaisir à les voir souffrir ainsi. Elle en voulait plus, elle en était gourmande, accro, alors elle tira de toutes ses forces dessus jusqu'à briser le lien qu'elle avait en mains. L'eau atteignit le plafond carrelé et rentra de force dans la gorge des deux hommes qui s'agitaient dans tous les sens. Elle admirait avec délectation leurs yeux exorbités et leurs mains portées à la gorge. Sans qu'elle ne le veuille, son illusion disparut et deux corps inertes atterrirent dans un bruit sourd sur le carrelage. Ils étaient morts et elle, essoufflée, en était presque déçue.
Il lui fallut quelques secondes pour que sa nature humaine et son empathie refassent surface. Elle réalisa soudainement ce qu'elle venait de commettre et que sans Alex, sa seule limite était la mort de ses proies. C'est ce moment que choisirent ses amis pour apparaître dans l'arche :
- Vraiment ? Vous n'auriez pas pu arriver quelques secondes avant ?
Elle reprenait doucement sa respiration. Tous la regardèrent, ne comprenant pas et lorsqu'ils posèrent leurs yeux sur les deux gardes gisant devant eux, ils comprirent :
- Tu les as tués Wilson ?
- Non, je leur ai conté une histoire et ils dorment.
Alex, tout comme le reste, fixaient les hommes.
- C'étaient eux ou moi, ils allaient me tuer. Mais si vous étiez arrivés plus tôt, ils ne seraient pas morts et je n'aurais pas été blessée.
- Blessée, répéta son frère. Où ça ?
- C'est juste une brûlure.
Il lui prit le bras et grimaça à la vue des nombreuses cloques.
- Ca fait mal ?
La façon dont elle le regarda lui suffit comme réponse.
- Désolé si on n'est pas venu avant, s'expliqua son frère, mais... nous n'étions pas sûrs.
- Oui, c'est vrai que c'est pas tous les jours qu'on se jette dans la gueule d'un requin, rajouta Robert.
- Il faut qu'on avance, on ne doit pas se faire repérer. Nous n'avons pas de temps à perdre, rappela Selena. Surtout, si l'EGN est là.
Les deux morts séparaient Cassiopée de ses amis. Ils ne tardèrent pas à les contourner pour la rejoindre. Dans la salle où ils étaient, se trouvait un escalier, aussi en carrelage, qui montait. Tous étaient vigilants, s'il y avait deux gardes ici, ils devaient y en avoir d'autres. C'est ainsi qu'ils gravirent les marches, plus que jamais stressés par ce qui pouvait les attendre, car entrer dans Haile, c'était comme se jeter dans la gueule...d'un requin.
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Hello!
Décidément, les chapitres deviennent de plus en plus longs....
Bon alors ? Auriez-vous osé plonger comme Cassiopée dans une rivière remplie de requins? Et cette nouvelle école, comment vous l'imaginez ?
Eh mes très chers lecteurs ! Grâce à vous, on est passé à 35 000 vues! YOUHOU ! 🎉 Merci beaucoup 😘
A lundi!
😘
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