Chapitre 5
Le temps qu'Alex et elle percutent ce que venait d'annoncer leur amie, la confusion se propageait à l'intérieur de la salle de bal. Des cris et des fracas de verre commençaient à leur parvenir.
— Franchement, ça t'étonne Alex ? l'interrogea Selena. On s'y était préparé.
— Qu'est-ce qu'il se passe, voulut savoir Cassiopée.
Ni l'un ni l'autre ne lui répondit. L'attitude d'O'Connor avait changé : ses yeux s'étaient assombris et une tension certaine se dégageait de son corps entier.
— Va prévenir Joe. Je vais chercher Will.
Après avoir acquiescé, Selena courut dans un coin de la terrasse jusqu'à ce que Cassiopée ne puisse plus la voir. Elle ne comprenait pas. Un chaos impossible prenait place dans la salle. Elle y percevait des gens affolés, courant dans tous les sens qui semblaient lui transmettre peu à peu une tension affligeante.
— O'Connor, explique-moi.
Celui-ci était bien trop concentré à fixer l'apocalypse qui leur faisait face.
— O'Connor !
Agacé, ce dernier la dévisagea d'un regard dur. Il fut interrompu par une détonation si forte que les vitres se brisèrent en plusieurs morceaux. Par automatisme, Cassiopée s'était baissée, bien que les fenêtres étaient hors de portée. Elle était complètement perdue : la soirée de l'ambassade tournait au cauchemar, mais il était impossible de comprendre ce qu'il se passait exactement. Etait-ce une attaque terroriste ? Elle n'en était pas sûre mais tout portait à croire que c'était le cas. Cassiopée perdit le fil de ses pensées quand elle sentit O'Connor lui détacher sa jupe et la poser sur le sol.
— Qu'est-ce que tu fais ? Bon sang, O'Connor, il va falloir me dire ce qu'il se passe !
— Robert, tonitrua le jeune homme. Fais ce que tu veux, mais qu'on ne la voit pas le temps que je retrouve son père.
Tout ce qu'il disait était complètement incompréhensible pour la jeune fille, comme s'il avait perdu la raison. Et puis, le tapis de plumes qui lui servait de jupe se mit à onduler, à vibrer et dans un tourbillon d'ondulations apparut Robert. C'en était tellement inattendu que Cassiopée en eut le souffle coupé. Elle n'en revenait pas : comment avait-il fait ?
— Désolée Cassie, il va falloir que tu ne bouges pas, c'est pour ton bien.
Le sérieux de ses yeux contrastait avec la voix doucereuse qui venait de lui parler, et pourtant, Cassiopée ne put faire qu'obéir. Au loin, elle vit O'Connor se diriger vers le foyer de l'apocalypse. D'habitude, la jeune fille ne ressentait rien, ou de façon passagère mais cette fois-ci le manque de logique et d'explication lui bloquait toute émotion. Elle était comme paralysée, était-ce ça qu'on appelait communément la peur ? Lorsqu'un voile beige se plaça devant elle, un hoquet s'échappa de sa gorge.
— Reste tranquille, Cassie, s'il-te-plait.
La voix de Robert résonnait dans l'enclos dans lequel elle était coincée. Celui-ci était petit mais suffisait à la recouvrir, en tâtant la matière qui l'entourait, elle comprit qu'il s'agissait d'argile. Et Robert dû comprendre le fil de sa pensée :
— Oui, tu es bien à l'intérieur d'une statue. Maintenant silence.
Cassiopée n'attendit pas bien longtemps avant que la voix d'O'Connor ne se fasse entendre, intimant Robert que la voie était libre. Cassiopée ne savait où donner de la tête : Robert, O'Connor, son père, l'attaque, rien ne se connectait, aucune logique ne lui semblait plausible.
Quand elle put à nouveau voir, O'Connor était essoufflé et à ses côtés se tenait Will.
— Papa, que se passe-t-il ? s'inquiéta Cassiopée.
— Ils viennent pour toi. Tu dois t'en aller avec Alex et Robert.
— Quoi ? Mais...
Cassiopée ne pouvait être plus effarée qu'à cet instant. Personne ne lui donnait d'explication et maintenant son père lui demandait de s'en aller.
— Non, hors de question que je t'abandonne, déclara-t-elle.
— Cassiopée, ma chérie, il n'y a pas de temps à perdre.
Le visage de son père se voulait rassurant mais Cassiopée pouvait lire de la peur et de la tristesse dans ses yeux.
— Fais-moi confiance, la rassura-t-il. Et fais-leur confiance.
— Wilson, il faut y aller, annonça O'Connor.
La jeune fille était perdue et ne savait pas à quoi donner la priorité. Ses yeux oscillaient entre son père et la zizanie qui se poursuivait derrière eux. Parmi la foule, elle y perçut des personnes en combinaisons moulantes d'un noir si sombre qu'on aurait pu les méprendre pour des ombres. L'une d'elle capta son regard et la vacancière se figea d'effroi sans savoir pourquoi ni comment. Ils venaient pour elle, lui avait dit son père, et ils l'avaient trouvée.
— Cassiopée.
Son père la prit dans ses bras avant de continuer :
— Je suis désolé mais tu dois y aller.
— Pourquoi tu ne viens pas avec nous ?
— C'est trop risqué mais je te promets qu'on se retrouvera. Maintenant va-t-en.
Quand ils se séparèrent, Cassiopée vit les yeux de son père briller. Ils brillaient de la lueur que créer la détermination et la confiance. Alors la brunette céda et obéit. À peine eut-elle le temps de sentir des bras la serrer très fort que le décor avait déjà changé. Encore chamboulée par la séparation avec son père, elle ne vit que très tardivement ce nouvel environnement.
Il y faisait aussi sombre que sur la terrasse mais cette fois-ci, elle se trouvait dans un enclos où la seule lumière bien trop vive pour être naturelle, venait d'une immense porte ouverte. De cette façon, elle comprit rapidement qu'il s'agissait d'un hangar, à la structure métallique et d'une hauteur conséquente. Une nuisance sonore et puissante se faisait entendre mais impossible de comprendre de quoi il s'agissait.
— Wilson, il n'y a pas de temps à perdre.
Reportant son attention sur l'origine de la voix, Cassiopée réalisa qu'O'Connor, Selena et Robert se tenaient à ses côtés. Avant qu'elle n'ait pu dire quelque chose, son amie prit la parole :
— Je reviens, attendez-moi à l'intérieur.
Et puis cette dernière disparut en un clin d'œil. Cassiopée venait d'abdiquer : elle ne cherchait plus à comprendre ce qu'il se passait. C'était certain : elle rêvait. Le caractère burlesque de la soirée ne pouvait que venir de son imagination, alors elle se laissa facilement entraîner hors du hangar par O'Connor et Robert.
Dehors, le bruit assourdissant se fit plus fort et la lumière artificielle éblouit Cassiopée quelque peu mais rien ne pouvait tromper la sensation du bitume sous ses pieds. La route sur laquelle ils se tenaient était parsemée de petites lumières rouges et vertes ainsi que de longs traits jaunes. C'était une piste de décollage et à quelques mètres d'elle se trouvait l'objet à l'origine du son désagréable : un avion dépourvu de logo. Sur le coup, elle aurait voulu exploser de rire mais cette vision lui confirma qu'elle rêvait.
Dans les siens, il lui arrivait très souvent de changer de décor sans comprendre comment, exactement comme maintenant. Alors, la brunette accepta les tours de son cerveau qui l'avait menée sur le tarmac d'un aéroport.
Quand ses deux amis commencèrent à courir, en incitant Cassiopée à faire de même, elle se laissa faire. Tout paraissait si réel : la dureté du sol, l'air qui la fouettait, l'avion et même la poigne d'O'Connor sur son bras.
L'escalier de l'avion s'ouvrit et aussitôt les trois jeunes s'engouffrèrent dans l'appareil. Ce dernier était à l'image des jets privés qu'elle se faisait : seulement quelques sièges en cuir trônaient çà et là.
— Mais elle fout quoi ? s'impatienta O'Connor.
— Il y a forcément une raison, tenta Robert.
— C'est dingue, intervint Cassiopée. Je sais que je rêve mais vous me paraissez tellement vrai. J'applaudis mon cerveau pour le réalisme.
Comme elle s'en doutait, O'Connor la considéra d'un mauvais œil sans faire de remarque. En fait, ses remarques consistaient en ces regards-là, ceux qu'il lui lançait sans arrêt. Quant à Robert, il émit un faible rire sans ajouter quoique ce soit. Il avait pris place dans l'un des sièges, tandis qu'O'Connor faisait les cent pas dans l'allée centrale de l'avion.
— Elle a intérêt à avoir une bonne raison...
On aurait dit un lion en cage que Cassiopée se contentait d'observer. Les rêves n'avaient souvent aucune logique mais étaient très souvent lourds de sens, alors Cassiopée se laissa emporter là où son cerveau voulait qu'elle aille et apparemment, il fallait qu'elle observe le blondinet s'impatienter.
— Joe, interpella O'Connor.
Il s'était adressé au cockpit derrière Cassiopée, ce qui lui fit prendre conscience qu'elle se tenait telle une plante verte sur le côté, près de Robert.
— On attend encore une minute et on décolle.
Comme si elle avait entendu l'appel, Selena réapparut les mains chargées d'une énorme valise dont plusieurs vêtements débordaient.
— Mais tu foutais quoi ? explosa O'Connor. Tu nous as fait courir un risque pour des bouts de tissus ?
Cassiopée sentit à cet instant l'avion bouger. Le pilote avait dû comprendre qu'ils étaient au complet et avaient entamé la démarche pour décoller. Robert se leva pour fermer la porte de l'avion, tel un vrai stewart pendant que Selena se justifiait auprès d'un Alex furax :
— Il fallait que je récupère ses affaires ! Au moins ses vêtements.
— Vraiment Selena, je t'adore, mais des vêtements ? Tu nous as fait risqué tout ça pour des satanés habits ?!
— Attachez-vous, ordonna le pilote.
Cassiopée obéit en se plaçant à côté de Robert. En sentant le cuir froid mais agréable contre sa peau, en touchant la ceinture de sécurité Cassiopée réalisa avec effroi que les sensations étaient bien trop réelles pour qu'il s'agisse d'un rêve. Petit à petit, comme un liquide se diffusant dans tout son corps, Cassiopée prit conscience que tout ceci était vrai, aussi invraisemblable cela puisse paraître :
— Je ne suis pas en train de rêver, n'est-ce pas ? songea-t-elle.
Pour toute réponse, son corps s'enfonça dans le siège au moment où l'engin prit son envol vers une destination qui lui était inconnue. Elle accusa difficilement le coup, se remémorant les dernières minutes en tentant d'y trouver une logique digne d'un cartésien, mais rien ne pouvait expliquer le changement de lieu, les transformations de Robert. Toutes les questions possibles et impossibles affluèrent à l'inverse des réponses. Comment avait-elle atterri ici ? Comment Selena avait-elle pu se déplacer ? Qui étaient ces personnes en tenues ? Tant de questions taraudaient son esprit pendant que Selena et Alex continuaient leur dispute. Une petite voix sur sa droite la sortit de ses pensées, bien qu'elle ne s'adressait pas à elle :
— Va peut-être falloir lui expliquer, non ?
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Statut : réécrit - en attente de correction
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