Chapitre 49




Quelques heures plus tard, Jordy, le mari, récupéra les cinq jeunes à l'Houstalet pour les emmener sur l'île voisine. Cassiopée revit sa définition de « plus petit avion » avec celui qu'ils avaient pris. L'avion était affûté d'un logo sur la queue de l'avion avec écrit « Air Vanuatu » et pourtant ils étaient une demie-douzaine dedans. Le vol dura un peu plus d'une demie heure. Cassiopée en profita pour voir la splendeur de l'archipel. Les couleurs étaient si voyantes qu'elle pensait être ailleurs que sur Terre. Les îles se caractérisaient par une dualité de vert malachite et de vert perroquet en harmonie avec le lagon et l'océan qui reliaient ces morceaux. L'eau était d'un bleu des mers du Sud magnifique comme son nom l'indiquait, couleur présente dans toute la région. C'était irréel. Cassiopée avait l'impression de découvrir l'entrée du Paradis sur Terre.

Lorsqu'elle atterrit avec les autres passagers, leur accompagnateur leur expliqua qu'il venait rendre visite à sa famille et qu'ils regagneraient Port-Vila, la capitale du Vanuatu, dans deux jours en compagnie de Gianni. En parlant du restaurateur, ce dernier se présenta sur le tarmac :

- Je vois que tu n'es pas venu seul, Jordy. Et en avance.

Ce dernier sourit en leur expliquant rapidement qu'ils étaient à sa recherche et ce, de façon urgente.

- Eh bien, c'est moi Gianni Dupin, que puis-je faire pour vous ?

Il arborait le même sourire bienveillant que tous les locaux qu'ils avaient pu croiser depuis leur arrivée. Sa peau et sa couronne de cheveux blanches contrastaient avec le gris cendre et le vert perroquet qui les entouraient. Il avait un léger embonpoint, visible à travers sa chemise aux motifs floraux.

- Nous pourrions discuter... en privé, suggéra Alex.

- Oh bien sûr.

L'homme se tourna vers leur accompagnateur, Jordy, pour le remercier et se dirigea vers son pick-up vert bouteille.

- Je vous écoute.

Selena prit les devants.

- Vous connaissez une certaine Adrastée Elyes ?

Gianni les dévisagea un par un, légèrement suspicieux. Face à son silence, et pour l'encourager à délier sa langue, Selena se rapprocha de lui :

- C'est elle qui nous a envoyés vers vous. Nous...

- Nous sommes des nilées comme vous vous en doutez, la coupa Alex.

Il avait dû sonder son esprit.

- Je vois, et comment puis-je vous être utile ?

- C'est un peu compliqué, discourut Robert.

- Je me doute. Dites toujours.

- Nous nous intéressons à la prophétie, avança Cassiopée.

- La prophétie de la Pierre de Voisey, précisa Alex.

- Et nous aimerions...

Taylor cherchait ses mots, qui furent trouvés par Selena :

- Établir un profil de ces élus.

- Et pourquoi donc ? Vous n'êtes pas les seuls à les rechercher. Vous faites partie de l'E.G.N c'est ça ? invectiva Gianni

- Non non non, le rassura Robert, pas du tout ! Justement... nous...

Cassiopée décida d'aborder le sujet d'une autre manière :

- Et si nous vous disions que nous connaissions 3 des 4 Élus ?

L'homme l'observa d'un œil méfiant, alors elle continua pour le convaincre :

- Et si nous vous disions que vous pouvez les aider ? À mettre fin à cette prophétie.L'E.G.N. se rapproche dangereusement de son but et pour ne pas que cela se réalise... nous devons trouver le 4e Élu.

- Alors vous êtes du bon côté ?

Cassiopée tiqua à la question de Gianni : y avait-il vraiment un « bon côté » ? Elle chassa cette pensée :

- Nous voulons faire en sorte que cette prophétie ne se réalise pas. Trouver le 4e Élu et découvrir quoi faire pour ne pas que l'E.G.N. puisse anéantir les terrestres.

Accoudé à sa voiture, Gianni sembla sonder les cinq jeunes qui lui faisaient face tout en mâchant quelque chose d'invisible.

- Vous savez que je ne suis qu'un simple terrestre n'est-ce pas ?

- Mais vous êtes le terrestre le plus passionné par notre civilisation, le séduisit Alex, vous pourriez nous aider à comprendre la prophétie et déterminer qui peut être cette 4e personne. Par la suite nous retournerions voir, ensemble, Adrastée qui le localisera.

- Je ne pourrais pas venir avec vous en Atlantide. Les terrestres n'y sont pas autorisés. Par contre, je ne vous cache pas que ma vie est bien monotone depuis que je suis à la retraite...un petit peu d'aventure ne ferait pas de mal... j'accepte de vous aider. C'est une opportunité unique au monde !

Les jeunes sautèrent de joie en le remerciant.

- Allons au village, profiter un peu du pays et nous parlerons de tout ça calmement.

Ils montèrent à l'arrière du pick-up pendant que Gianni s'installa au volant. La route était presque inexistante, mais elle suffit pour rejoindre une des tribus locales. Tandis que Gianni roulait, ne pouvant entendre leur discussion, Cassiopée se tourna vers Alex :

- Tu penses qu'il fait partie de l'E.G.N ?

- Tu penses que ma faculté me sert à savoir s'il a la diarrhée ? lâcha-t-il sur son habituel ton méprisant. Je suis suffisamment prudent pour sonder tous ceux qui nous entourent. Je m'occupe de nous protéger à ma façon Wilson, ne t'en fais pas.

Elle ne répondit pas et se contenta de humer l'air rempli d'une odeur indescriptible. Plus elle prenait des bouffées d'air plus elle se sentait bien ici. Après avoir été oppressée et mal à l'aise en Atlantide, le Vanuatu avait un goût de liberté et d'allégresse. Elle ferma les yeux, se laissant emporter par la voiture pour mieux réaliser qu'elle était apaisée. Le trajet fut de courte durée.

L'environnement avait légèrement changé. Au centre une grande place dont le sol était couvert par le sable de roches volcaniques, et des grandes huttes en feuille beige parsemaient cette terre noire-grise. Enfin, tout autour, de grands arbres aux longues tiges décoraient le village : c'étaient des banians. Gianni les présenta au chef de village qui portait comme seul vêtement un pagne comme cache-sexe. Ils parlèrent dans une langue ressemblant à l'anglais mais sans vraiment comprendre le sens des mots. Le chef du village leur sourit puis s'adressa à eux :

- Mi wantem kaykaye long yufala.

- Il vous accepte dans sa tribu pour la soirée et vous invite à manger avec lui ce soir, traduisit Gianni.

Cassiopée était séduite par les sonorités de cette langue et demanda :

- Comment dit-on « merci » ?

- Tangyu Tumas

Cassiopée répéta cette expression à l'adresse du chef de village qui répondit :

- Yumi dring kava at naet

- Oh super ! Il vous invite à boire le Kava ce soir, c'est la boisson locale normalement réservée aux hommes.

- Tangyu tumas, répéta Cassiopée.

Le chef leur adressa un sourire avant de retourner à ses occupations. Gianni leur fit visiter le village pendant que la nuit tombait. Ils découvrirent que les femmes cuisinaient tandis que les hommes chassaient et préparaient la boisson locale.

- On raconte que le Kava a des vertus relaxantes et qu'elle permet de révéler certains nilées.

- Intéressant, commenta Robert. Et c'est quoi la langue ici ?

- C'est le bichlamar. C'est une sorte d'argot anglais avec un accent français. C'est pourquoi « Thank you so much » se dit « Tangyu tumas ».

Ce fut l'illumination pour les cinq touristes.

- Bien, dites moi ce que vous savez de la prophétie.

Ils avaient pu s'installer à l'écart de cette tribu épanouie, affairée à préparer le dîner.

- Et bien la prophétie en elle-même : « Quand les deux ayant partagé une naissance / Auront fini par trouver leur ressemblance / Ils décideront pour toute leur descendance / Élever au plus haut la plume dans les airs / Ou détruire à jamais le crocodile à terre / Tel est le choix, ensemble, qu'ils devront faire. » récita Selena.

Cassiopée était à chaque fois impressionnée par le savoir emmagasiné par Selena. Elle était une des 4 élus et pourtant c'était sa chère amie qui connaissait la prophétie.

- C'est tout ?

Ils hochèrent tous de la tête.

- Et où sont ces 3 élus ?

- Devant vous, lâcha Taylor. J'en suis un. Et voici ma sœur et son wagen.

Ses yeux brillèrent face à cette révélation.

- Et quels sont vos pouvoirs ?

- Je lis dans les pensées, Cassiopée peut rendre la peur des gens réelle et Taylor contrôle les émotions.

Il se retenait presque de gigoter, tellement il était excité, face à cette découverte.

- Le premier contrôle la pensée, la seconde contrôle la vision et le troisième contrôle les émotions, marmonna-t-il presque dans sa barbe.

Il se mit à griffonner sur son calepin avant qu'un ni-vanuatais vienne les inviter pour le repas. Tous s'installèrent en cercle sur une natte où reposaient des plateaux faits en feuilles de bananiers dans lesquels reposaient un plat similaire à de la pâte d'amandes. Au centre de cette pâte, étaient posés plusieurs animaux cuits. Les locaux prièrent avant de se servir avec les mains.

- C'est du laplap, le plat traditionnel et là, ce sont des roussettes pour accompagner, expliqua Gianni.

- Des roussettes ? répéta Robert

- L'animal préféré des ni-vat ! Ce sont de petites chauves-souris.

Le groupe était partagé entre la surprise, le dégoût et l'appréhension. Ce fut Cassiopée qui goûta la première cette viande, qui en réalité était tendre et délicieuse. Suivant l'exemple, les autres se servirent en viande et en laplap. Ce dernier bien qu'à l'aspect insipide avait un goût sucré comme de la noix de coco.

- C'est un délice, déclara Robert.

C'est à ce moment qu'ils se rendirent compte qu'il n'y avait que Robert qui commentait. Gianni leur expliqua :

- Les ni-vanuatais sont élevés dans le respect. C'est pourquoi à table personne ne parle. Il y a un temps pour manger et un temps pour parler. Vous ne verrez jamais un peuple aussi bien éduqué.

Lorsque le repas se termina, les femmes nettoyèrent la place tandis que les jeunes nilées furent invités à suivre les hommes. Ils s'assirent autour d'un feu, bien à l'écart du cœur du village. Les hommes, tous vêtus du même cache sexe en feuilles, se mirent à filtrer ce qui s'apparentait à de la boue. Pendant ce temps, quelques hommes se mirent à jouer de la musique, aux sonorités encore inconnues pour les nouveaux arrivants.

Gianni discutait avec un ni-vanuatais, avant de s'intéresser à eux :

- Cet homme ici croit aux nilées. Il connaît même la légende des wagens.

L'homme derrière Gianni afficha ses dents blanches en souriant avant de s'adresser aux nilées :

- Tufala spesel. Taem we tajem, harem se bigfala mo hem sud lav wantaem, because harem se bigbigfala strong filing.

Son sourire s'élargit tandis que Gianni explosa de rire.

- Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ?

- Cela ne vous concerne pas Taylor, seulement votre sœur et son wagen.

Il rigola à nouveau et traduisit :

- Il dit que votre lien est spécial en tant que wagen.

Il marqua une pause pour regarder le ni-vanuatais. Cassiopée redoutait la suite de sa phrase quand il se gratta le front.

- Si je devais traduire tout ce qu'il a dit, alors je vous révélerai qu'il sait que quand vous vous touchez, vous ressentez quelque chose de fort. Il vous conseille de...

Il semblait légèrement gêné :

- Il vous conseille de vous embrasser et de faire l'amour, car les sensations sont décuplées chez les wagens, encore plus fort que quand vous vous effleurez la peau.

Cassiopée avait dû devenir rouge de honte tandis que derrière elle, le rire jaune de son wagen se faisait entendre. La gêne s'était installée de leur côté du feu.

- Toujours bon à savoir mais-

Cassiopée le coupa, pour éviter une quelconque remarque désobligeante :

- Mais c'est mort. Nous n'avons pas ce genre de relation.

- Encore heureux, confirma Alex.

Il n'avait pas pu se retenir de commenter. Cassiopée tenta de prendre du recul par rapport à la situation : c'était très embarrassant qu'un homme qu'elle ne connaisse pas lui suggère d'avoir des rapports de ce genre avec l'autre pigeon. L'espace d'un instant elle s'imagina l'embrasser et un rire nerveux s'échappa de sa gorge. Personne ne réagit, comprenant totalement sa réaction.

Les hommes qui préparaient les boissons avaient commencé à servir les ni-vanuatais puis tendirent une demi-coque de noix de coco aux invités. A l'intérieur s'y trouvait le liquide boueux :

- Juste après avoir bu, il va y avoir un temps silencieux, pour se connecter aux Dieux, puis les musiques vont reprendre et nous pourrons danser et discuter librement. C'est d'abord le chef qui boit.

Cassiopée et les autres respectèrent la coutume et sans se poser de question, elle ingurgita le liquide. C'est lorsqu'il traversa sa gorge qu'elle découvrit le goût infecte de la boisson : comme un mélange de liquide vaisselle usagé, de boue et de gingembre. C'est quand elle eut fini sa coupole de kava, qu'elle comprit que c'était une boisson bien plus forte que tout ce qui pouvait exister sur Terre. Elle souffla face à ces nouvelles sensations, tout comme ses amis.

Un silence de maître régna pendant de longues minutes, où Cassiopée ferma les yeux se laissant emporter par le kava. Elle tenta de se reconnecter avec elle-même, écoutant les moindres bruits de la nature, c'était agréable. Elle perçut ensuite la musique transpercer l'air. Elle sentit l'agitation autour d'elle, ce devait être les personnes se levant pour danser.
Cassiopée avait l'impression d'être ailleurs, comme un effet du liquide boueux.

Elle inspira une grande bouffée d'air, sentant le crépitement du feu sur son visage. Elle réalisa qu'il pouvait y avoir des pays qui nous correspondent et, sans savoir pourquoi, sans pouvoir l'expliquer, Cassiopée se sentait chez elle, ici. Elle voulait profiter de l'instant présent et oublier tous ses soucis, chose réussie par le kava. La musique battait son plein au loin, elle avait l'impression de ne plus être dans son corps. Toutes ces sensations furent interrompues par quelqu'un bien trop désagréable dans un environnement si paradisiaque.

- Tu comptes entendre la voix de Dieu comme ça ?

Cassiopée souffla, mécontente. Elle ouvrit la bouche pour parler et eut la sensation que ces gestes étaient décousus : qu'elle parlait mais que sa voix sortait quelques secondes plus tard :

- Une soirée de répit, c'est tout ce que je te demande. Et demain tu pourras m'embêter autant que tu le souhaites.

Sa réaction fut inexistante. Elle voulait être en paix, elle était bien là :

- Tu n'as qu'à aller danser avec les autres et me laisser seule, O'Connor.

Elle referma les yeux, certaine qu'il était parti. Mais quand il posa sa main sur la sienne, une vague de sérénité l'envahit. En effet, elle se sentait mieux que jamais. Puis elle repensa à ce qu'avait dit le ni-vanuatais. Un contact physique était une sensation particulière, qui était décuplée lorsqu'ils s'embrassaient ou faisaient l'amour. Elle rigola à cette pensée. Ou du moins elle s'imagina rigoler avant que le son ne sorte avec quelques secondes de retard sans le vouloir.

- Qu'est-ce qui te fait glousser comme un dindon Wilson?

- Cette histoire de baiser et... voire plus.

- Quoi ? Tu y crois ?

Elle ouvrit un œil en sa direction, il lui était un peu flou :

- Pas toi O'connor ?

- Tu veux essayer ? Parce que moi non, tu ne m'attires pas, saches-le.

Cassiopée roula des yeux, apparemment il avait décidé d'être un boulet ce soir. Elle se reconcentra, tous les sons qui l'entouraient lui paraissaient être ralentis, les sensations de la boisson aidaient certes à son bien-être mais pas autant que son wagen. Son toucher c'était bien plus. Alors... se pouvait-il qu'un simple baiser lui fasse ressentir un bien-être fulgurant? Elle se tourna à nouveau vers lui:

- Et si c'était juste expérimental ? Si on...s'embrassait juste pour voir ce que ça faisait ?

La seconde où elle eut sorti cette phrase, elle le regretta. Un sourire narquois arborait son visage rougi par le feu et la boisson.

- Si j'avais su que tu étais autant intéressée par moi, je t'aurais invité à rejoindre mon fan club qui t'aurais donné des approches plus subtiles pour m'aborder. Parce que là, tu as gagné la palme de la tentative la plus désespérée.

Oh qu'est-ce qu'elle avait envie de le frapper. À chaque fois qu'elle parlait elle devait faire des efforts pour lutter contre les effets du Kava. Était-ce d'ailleurs ce liquide boueux qui la poussait à découvrir les limites des sensations des wagens réunis ?

- Ce n'est pas toi qui m'intéresses, sombre idiot, c'est ce que je peux ressentir ! C'est pour ça que je te propose de...de s'embrasser. C'est juste pour voir ce que ça fait.

O'Connor se retenait de rire. Énervée, Cassiopée se leva non sans un dernier mot pour lui :

- T'es chiant O'connor.

Elle partit en direction des autres mais fut retenue par quelque chose qui la força à se retourner. Quand elle comprit que c'était encore cet être abject, elle sentit la colère monter, colère qu'elle voulait lui cracher à la figure, mais il fut plus rapide qu'elle :

- C'est juste pour voir Wilson, rien d'autre, ok ?


Et sans que Cassiopée ne comprenne ce qu'il se passait, il plaqua ses lèvres contre les siennes. Encore sous le choc, elle ne réalisa son geste que lorsqu'elle fut envahie par un raz-de-marée de sensations. Ses lèvres avaient le goût âcre de la boisson mais transmettaient une ivresse de félicité. Il avait beau l'agacer, la blesser, en cet instant présent, les mots cinglants qu'ils avaient pu échanger se volatilisèrent. Le passé se dissipait laissant place à cette exaltation. Toute pensée cohérente avait disparu, il n'y avait plus de raison, plus de limite à ce bonheur.

Quand il approfondit son baiser, elle avait l'impression d'être réveillée, elle sentit jusqu'à ses terminaisons nerveuses la décharge électrique de leur contact. Elle se sentait vivante, tous ses sens étaient en éveil, comme une impression d'assister à sa propre naissance, sa première bouffée d'air : libératrice et délicieuse. C'était la rencontre la plus parfaite qu'elle eut faite jusqu'ici.

Cassiopée le sentit sourire pendant qu'ils s'embrassaient et elle se recula pour le contempler. Elle réalisa qu'ils étaient cramponnés l'un à l'autre. C'était comme si leur vie en dépendait. Cette séparation lui fit réaliser que ses mains la faisaient souffrir tellement elle s'était agrippée à lui. Alex ne lui laissa pas le temps de le regarder bien longtemps, s'emparant à nouveau de sa bouche.

C'était encore plus intense que le premier, suffisamment pour redécouvrir les bienfaits de ce baiser dévastateur. Ses lèvres, chaudes et humides agissaient comme le soleil sur sa peau après un hiver long et rude, elle en frémissait de plaisir. Quand elle répondit à son baiser, Cassiopée découvrit la suprême limite du bonheur. À cet instant, elle ressentait la sensation profonde et immatérielle de deux êtres parfaitement complémentaires qui s'unissaient pour ne former plus qu'un. Plus rien n'existait autour d'eux, il n'y avait que lui et elle, brûlant d'émotions nouvelles et exquises.

- Regardez-les !

La voix de Robert se fit entendre et Cassiopée redescendit abruptement de son numéro de voltige. Ils se séparèrent comme pris sur le fait accompli. Elle était à bout de souffle, désorientée. Son cœur tambourinait comme jamais. Il lui fallut quelques secondes pour réaliser où elle avait atterri, ce qui se passait et qui l'entourait. La sensation enivrante du baiser continuait à crépiter au plus profond de son être ou bien était-ce le kava ? Non elle le sentait, c'était le fait qu'ils se soient embrassé. C'était différent des effets de la boisson locale. Désormais, elle se savait en manque de la seule sensation qui l'avait rendue vivante. Gênée d'avoir été surprise pendant ce moment intime, Cassiopée se contenta de regarder le sol.

- Ca ne te regarde pas Robert, retourne aux festivités, lui lança Alex.

Sans broncher, Robert se retourna et rejoignit les ni-vanuatais qui n'avaient pas remarqué ce qu'ils s'étaient passés. Les yeux toujours rivés vers le sol, elle perçut Selena, plus proche :

- Alors ce baiser ?

Quand elle osa lever les yeux vers eux, son cœur rata un bond.Son corps se raidit. Ils étaient là, luisant dans la pénombre, flottant autour de son amie et son frère : ses fils. Elle n'était pas en colère ni menacée et pourtant ils enguirlandaient Selena comme une décoration de Noël.

- Cassie ?

Cassiopée reprit ses esprits à la question de son amie. Elle se tenait à côté d'Alex qui n'osait bouger, tout comme elle. Elle était encore trop chamboulée par ce qui avait pris possession de son corps, par ce qui se produisait sous ses yeux et guidée par le liquide boueux, elle lâcha :

- Encore plus mauvais que le Kava.

La pénombre et les crépitements du feu l'empêchaient de distinguer clairement leurs traits du visage. La boisson devait sûrement expliquer ses propres hallucinations par rapport à sa faculté.

- Je vais me coucher.

Elle voulut se diriger vers la case qui leur servait de chambre pour la nuit mais ses jambes encore sous le coup du tsunami émotionnel, ne suivirent pas et Cassiopée tomba avec maladresse. Son corps ne répondait pas, sonné par le kava qui agissait comme une gnole ancestrale mais aussi par ce qu'elle venait de vivre avec sa moitié. Son cerveau ne se connectait pas non plus et elle ne trouva rien à redire quand Taylor la porta jusqu'à leur chambre. C'était une hutte sans mur ni fenêtres, avec plusieurs nattes et paréos leur servant de lits. Il l'allongea sur l'un d'eux et sourit face à sa sœur dans un état second :

- J'ose même pas imaginer le jour où vous irez plus loin...

Ses organes et ses pensées semblaient à des centaines de kilomètres les uns des autres et ne put donc pas réagir physiquement ou mentalement. Malgré tout, elle se força :

- Taylor.

Celui-ci s'arrêta pour regarder sa sœur :

- Je les vois, les fils... ils sont là, autour de toi.

- Tes fils ? De peur ?

- Je n'ai pas l'impression... que ce soit ça...ils sont... différents...

Elle voulait dire tellement de choses mais son corps et son cerveau tournaient au ralenti.

- Ils luisent, comme s'il y avait une aura autour.

- Il y en a sur moi ?

Elle ne voyait pas distinctement le visage de son frère mais les fils autours brillaient. Cassiopée hocha de la tête.

- Fais-le, tire sur l'un.

- Mais Taylor,-

- Fais-le Cassiopée, répéta-t-il, j'ai confiance en toi.

- Je ne suis pas dans mes états alors je-

- Et pourtant tes fils sont là alors vas-y, insista son frère.

Elle obéit, allongée sur le lit, face à son jumeau. Elle tira doucement sur celui, au niveau de ses oreilles. Immédiatément, leurs parents apparurent à leurs côtés, enlacés l'un dans l'autre, ils étaient heureux. Taylor sourit béatement face à la scène. Il prit ses parents dans ses bras, jusqu'à ce qu'un double de sa sœur apparaisse et se joigne à leur embrassade. Ses parents et son sosie semblaient si réels. Son frère se mit à pleurer de joie ce qui fit prendre conscience à Cassiopée que ce n'était pas une peur. Aucun malheur en vue. Seulement une famille réunie et heureuse. Elle relâcha le fil qui luisait encore entre ses doigts et l'illusion disparut. Son jumeau parut désorienté lorsqu'il la questionna:

- Que s'est-il passé ?

- Tu... tu avais l'air hypnotisé.

- Nous étions si bien chez nous, enfin réunis pendant des jours et là, je me retrouve...ici.

- Des jours ? répéta Cassiopée .

- Oui !

- Mais Taylor...l'illusion n'a duré que quelques secondes.

Il était choqué par la nouvelle. Était-ce le mot illusion ou quelques secondes qui l'avait perturbé ?

- C'était une illusion ? Répéta-t-il

- Tu ne te rappelles pas ?

Ses yeux s'étaient finalement adaptés à la pénombre et elle pouvait y voir l'incompréhension dans son regard. Il réfléchit quelques secondes avant de décrire ce qu'il avait vécu :

- Cassiopée... c'était comme un rêve, le genre où quand tu te réveilles tu n'es pas sûr si cela t'est arrivé, sans aucune notion de temps. Je ne sais pas comment mais nous étions réunis tous les quatre et c'était merveilleux. Je ne sais pas combien de temps ça a duré mais j'ai la sensation que ça avait duré longtemps.

- Ce serait donc... l'illusion d'un bonheur ?

Il esquissa un sourire :

- Tu rends la peur et le bonheur réel, car tu as connu la vraie peur en me voyant mourir et tu as connu le vrai bonheur en...

Elle réussit à rassembler toutes ses forces pour le frapper gentiment et ainsi l'empêcher de terminer sa phrase.

- Tu me surprends de jour en jour soeurette.

Il l'embrassa sur le front et la laissa sombrer dans les bras de Morphée.

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C'est le chapitre le plus gros que j'ai publié pour l'instant ! 4 000 mots soit deux chapitres mais vous le méritez 😉 et aussi parce que je ne savais pas où le découper 😅

Pour tout ce qui concerne le Vanuatu et le bichlamar, un article est consacré à ce pays dans "Nilées : mes inspirations", mais je le publierai un peu plus tard pour que vous ayez toutes les informations en une seule fois :)

J'attends avec impatience vos réactions 😘

Autre chose à vous dire, nous lançons un concours avec AspirineLaLicorne et Uthopie . Que vous ayez beaucoup de vues ou non, des milliers d'abonnés ou non, deux chapitres ou cinquante, tout le monde peut participer. Le but étant d'aider les auteurs à s'améliorer grâce à un regard extérieur.

Je vous encourage vivement à y jeter un oeil, surtout que je sais que beaucoup d'entre vous écrivent 😉 et n'hésitez pas à en parler autour de vous! Pour plus d'infos c'est ici : TheTotallyWriters

À Jeudi (si vous décidez de me garder en vie après ce chapitre bien évidemment 😉)

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