Chapitre 11


Lorsqu'elle ouvrit les yeux, il faisait encore nuit. Il était impossible de dire quelle heure il était exactement mais Cassiopée avait suffisamment dormi pour être reposée. Au fur et à mesure qu'elle émergeait, tout lui revenait en tête.

Il fallait qu'elle se change les idées. À cet instant, la brunette découvrit que Selena dormait paisiblement, alors elle sortit de la chambre en toute discrétion. Cassiopée trouva facilement son chemin dans le dédale de couloirs pour atterrir à la bibliothèque. Cette dernière était très certainement vide d'après le silence qui couvrait la pièce, c'était idéal pour penser à autre chose. La jeune fille trouva facilement son chemin dans les allées du savoir et prit le roman qu'elle cherchait. À l'étage, sous les grandes fenêtres éclairées par la Lune se trouvaient des divans suffisamment confortables pour y lire des jours entiers.

Cassiopée s'installa confortablement et lu sous l'astre céleste. Le livre contait l'histoire d'un jeune naufragé coincé sur un bateau de fortune avec un tigre. Il était question de peur et de courage, c'était la raison pour laquelle il s'agissait de l'un de ses préférés. Mais elle avait beau se concentrer rien n'y faisait, son esprit était ailleurs. C'est alors qu'elle le vit, sur le divan d'à côté, à peine cinq mètres plus loin.

Il la regardait d'un air indéchiffrable, comme plongé dans ses pensées, à tenter de résoudre une équation. Sa main gauche recouvrait sa bouche comme s'il réfléchissait. Avec la lumière lunaire, ses cheveux prenaient une teinte presque blanche et sans sa posture nonchalante habituelle, 

Cassiopée n'aurait jamais reconnu Alex O'Connor. Il dut remarquer qu'elle le fixait également car il se ressaisit et s'approcha sans un bruit. Naturellement, Cassiopée se poussa pour qu'ils puissent se faire face, leurs jambes allongées se frôlant. Ce jeune homme avait tellement d'expressions différentes qu'il lui était impossible de savoir à quoi il pensait, et elle sourit à l'idée que lui non plus ne savait pas ce qui traversait son esprit.

— Pourquoi tu souris bêtement ?

Avec un sourire encore plus large, Cassiopée le nargua :

— Ca t'embête de ne pas savoir à quoi je pense, n'est-ce pas ?

O'Connor lui rendit son sourire presque faux mais ne dit rien.

— Qui sont ceux en qui tu ne peux pas lire leurs pensées ? reprit-elle

Son sourire s'effaça d'un coup et il la fixa un certain temps avant de baisser les yeux. Cassiopée remarqua qu'il serrait les mâchoires. Il paraissait perdu dans ses propres pensées, et pour la première fois, elle le voyait avec côté presque fragile qui pouvait casser à tout moment. Le Alex plein d'assurance et de répartie avait disparu pour laisser place à un jeune homme perdu qu'elle n'avait jamais vu auparavant. Mais fidèle à son personnage public, il se reprit :

— Pas besoin d'être télépathe, pour savoir que tu mates mon beau visage.

Lorsqu'il termina sa phrase, il la détailla du regard charmeur et défiant qu'elle lui connaissait. O'Connor l'intriguait vraiment.

Un ange passa pendant lequel Cassiopée se concentra sur la lune. Lorsque son compère reprit la parole, sa voix n'était plus assurée mais se voulait presque réconfortante :

— Comment vas-tu ?

La question la surprit tellement qu'elle prit du temps pour répondre. Elle voulait lui répliquer comme elle avait l'habitude de faire mais le ton de sa voix lui prouvait qu'il était sincère.

— Ça va, enfin je crois. Mais il y a tellement de questions auxquelles j'aimerais qu'on me réponde.

— Comme quoi ?

— Tout. Des questions toutes bêtes : quel est le pouvoir de mes parents ? Quel est le mien ? Comment fonctionne le tien ? Pourquoi suis-je immunisée face à toi ? Mais aussi des questions existentielles : qu'est-ce qui s'est passé ce soir-là où tout a basculé ? Que me veulent-ils exactement ? Comment s'organise cette école ?

— D'ailleurs, tu étais censée retrouver Valentin aujourd'hui, la coupa-t-il.

— Je sais...

La jeune fille passa une main dans ses mèches bouclées jusqu'à y rencontrer un nœud.

— Je peux t'éclaircir sur certaines si tu le souhaites, reprit O'Connor. J'ai découvert le mien très tôt, avant même que je ne saches parler. J'entendais toutes ses voix, tout le temps. La plupart était familière mais certaines m'étaient étrangères. Je les percevais la nuit, le jour, tout le temps. J'en devenais fou. Quand je ne pouvais plus les supporter je criais, encore et encore jusqu'à l'épuisement et c'était comme ça que je pouvais dormir.

O'Connor regarda au loin, comme si la suite de son histoire se trouvait quelque part dans le jardin tandis que Cassiopée l'observait. C'était plutôt personnel ce qu'il lui racontait mais il n'avait pas hésité à le faire.

— Mes parents n'en pouvant plus, ils firent appel à Valentin qui leur expliqua que mon don s'était réveillé très tôt. Comme nos pouvoirs sont presque similaires, il m'a très vite appris à le contrôler. En moins, d'une semaine intense en sa compagnie, j'ai appris à taire ses voix et à les écouter quand je le souhaite. C'est un peu comme si j'étais dans une pièce avec plusieurs boutons de volumes que je règle selon mes désirs. Et puis quand je suis entré à Senner, Valentin m'a pris sous son aile et m'apprends quelques subtilités.

— Comment ça vos pouvoirs sont similaires ?

— Il peut entendre la voix de n'importe qui dans le monde, peu importe la distance et la langue. Il peut faire la différence entre un Nilée et un terrestre. Et le plus terrifiant : il peut contrôler les gens par la pensée, alors que moi, je ne peux que lire dans l'esprit des gens qui m'entourent.

— T'es la version low cost quoi.

Il semblait d'abord surpris par sa remarque et se reprit en lui lançant un coussin à la figure, ce qui n'empêcha pas Cassiopée de rigoler. Elle se ressaisit avant de lui poser à nouveau la question :

— Et du coup, pourquoi pas mes pensées ?

O'Connor contourna le sujet :

— Il y a bien plus important à apprendre avant ça.

Il se leva et parcourut les étagères. Pendant qu'il cherchait un livre en particulier, elle réalisa qu'il s'était ouvert à elle, sans encombre, sans remarque pinçant ni regard dédaigneux. Il s'était même abstenu de lui faire quelques réflexions. Ce soir, elle avait découvert un autre Alex. Le nez dans les étagères, elle fut surprise lorsqu'il lui lança :

— Si tu veux continuer à me reluquer ainsi, tu peux rejoindre mon fan club.

Un livre à la main, il la regardait un sourire en coin avec ce regard qui n'appartenait qu'à lui : un regard taquin et défiant.

— Comme si tu en avais un, s'esclaffa Cassiopée.

Le blond reprit sa place sur le divan avec le manuel qu'il avait trouvé quelques secondes avant.

— Rigole mais il existe réellement ce club. Tiens, quand tu auras le temps, tu devrais lire ce bouquin-là.

Il lui tendit l'objet à la couverture marron intitulé « Mythologie niléenne ».

— La mythologie ? se moqua Cassiopée. Pourquoi ? Les légendes délurées devraient attendre, je devrais plutôt en savoir plus sur la réalité de ce monde.

— Je t'avoue que tu me déçois, souffla-t-il. La mythologie d'un peuple est le fondement de sa construction, de son histoire. La mythologie explique pourquoi nous en sommes là et ce livre a plus de réponses à tes questions que tu ne le penses.

Cassiopée comprit qu'O'Connor était bien plus que cet être infâme et insupportable qu'elle avait dû côtoyer au Cameroun. Il y avait d'un côté ce jeune homme agaçant avec ses moindres remarques pour la mettre mal à l'aise ou la faire sortir de ses gonds et de l'autre, un O'Connor plus normal sans façade arrogante et qui en avait dans la tête. Elle se demandait ce qui pouvait bien le faire passer d'un caractère à un autre.

— Elles se réunissent tous les mercredis à 18h00 ici, si tu veux.

Cassiopée reprit ses esprits :

— Quoi donc ?

— Mon fan club, déclara-t-il comme si c'était une évidence.

Puis il sourit, fier de sa remarque.

— Et quand j'aurai fini de lire ce bouquin, tu me diras pourquoi je fais partie de ceux que tu ne peux pas lire ?

— Non.

O'Connor s'était prononcé furtivement avant de se lever.

— Retournes te coucher, les prochains jours vont être difficiles, encore plus pour quelqu'un de ton niveau intellectuel.

Le O'Connor nonchalant était de retour. Avant même qu'elle ne puisse ajouter quelque chose, le jeune homme était déjà sur le chemin de la sortie. Cassiopée soupira, prit le livre marron et le roman qu'elle essayait de lire avant de retourner dans sa chambre.

Le lendemain, Selena et Cassiopée descendirent dans la salle à manger pour un petit-déjeuner copieux en compagnie des trois garçons. Il y avait déjà plus d'étudiants que la veille, notamment à cause du fait que la rentrée scolaire avait lieu demain, de ce que lui en avait dit sa nouvelle colocataire. Robert avait encore de tout petits yeux et semblait prendre tout son temps avec son bol de céréales, O'Connor fixait sa tasse et Taylor fut le seul à sourire aux filles.

— Bien dormi ?

— Comme un loir, répondit Selena.

Cassiopée se contenta de sourire et d'attraper une tartine avant d'y étaler de la confiture, ce qui lui fit repenser à la première fois qu'elle avait vu par inadvertance Robert se métamorphoser. Ce dernier, d'une voix engorgée tenta une phrase :

— Pourquoi est-ce qu'il faut se lever aussi tôt un dimanche ? Les dimanches, c'est fait pour dormir jusqu'à 14h00, pas se lever à 8 !

— Je vous signale que les cours reprennent lundi. Il faut donc reprendre le rythme, expliqua Selena sur son habituel ton maternel.

— Justement, on devrait profiter de ce dernier jour de vacances.

Taylor jeta un bref coup d'œil à Cassiopée, qui saisit immédiatement que d'autres choses l'attendaient.

— Avec Cassiopée, nous avons rendez-vous avec Valentin, Ervelyne et Peeter.

Cette remarque fit mouche à O'Connor, qui se tourna vers son ami. Se fixant dans les yeux sans rien prononcer pendant plusieurs secondes, Cassiopée comprit qu'ils échangeaient mentalement. Elle en profita alors pour interroger Robert :

— Ils le font souvent ? Parce que c'est assez frustrant.

— De quoi ? Parler en tête-à-tête ?

Robert, maintenant réveillé, regarda furtivement Selena avant de poursuivre :

— Parfois.

Avant qu'elle ne puisse ajouter quoique ce soit, O'Connor prit la parole :

— Je viens avec vous, et puis Robert, nous n'avons pas travaillé ces vacances. Il faudrait reprendre du poil de la bête avant la rentrée.

— Je partage ton avis, affirma Selena. Robert et moi allons dans une salle d'entraînement et vous nous rejoindrez plus tard.

Après le petit-déjeuner, les cinq adolescents se séparèrent : Robert et Selena descendirent au sous-sol tandis que Cassiopée, son frère et O'Connor montèrent jusqu'au bureau où elle s'était rendue la veille.


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D'ailleurs, j'aurai pu vous en parler en avant-propos mais je n'y pense que maintenant, tous les pays que vous avez vu et que vous allez découvrir ici, j'y ai habité ou je les ai visité. Alors je serai curieuse de savoir d'où vous lisez Nilées !

Surtout n'hésitez pas à commenter, je suis ouverte à la discussion et à la critique ;)

Statut : réécrit - en attente de correction

Ariel

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