Bonus - 2 ans
J'aurai aimé que la prochaine publication sur ce livre soit une annonce d'édition mais non personne veut de Nilées. Faut dire aussi que j'ai la flemme de le corriger pour l'envoyer en ME ^^'
Nilées est sorti en Juin 2017, il y a presque deux ans. Et il s'en est passé des choses ! Dernièrement, je l'ai inscrit à un concours (L'encreprodigieuse) où il fallait écrire une rencontre entre un personnage et moi (auteur) et où l'on ressente l'environnement de l'histoire. L'inspiration m'est venue de suite et je l'ai écrit en quelques heures. Comme quoi, Nilées a encore beaucoup à donner... Je voulais aussi que ce récit vous plaise alors j'ai essayé d'intégrer deux trois trucs que vous n'aviez cessé de me demander.
Certains voulaient un chapitre du point de vue d'Alex.
Certains voulaient voir Cassiopée et Alex petits lorsqu'ils s'entendaient bien.
Certains voulaient que je parle du terrorisme comme je l'avais fait pour le réchauffement climatique.
J'avais toujours refusé parce que je ne savais pas comment le faire. Mais deux ans plus tard, j'y suis enfin arrivée et avec une facilité déconcertante. Sachez par ailleurs que pour ce chapitre aucun nom n'a été modifié, c'est important pour moi et pour vous.
J'espère que je ne vous décevrai pas.
Ariel
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11 Novembre 2018
— Il y a cent ans désormais que les armes se sont tues.
Le petit Alex O'Connor ne comprenait pas tout du discours de l'Ambassadeur de France en Côte d'Ivoire. Il ne mesurait pas l'ampleur de la commémoration à laquelle il assistait dans la cour de l'école Mermoz, transformée pour l'occasion en lieu de cérémonie. Niché dans les bras de son père, il préférait regarder la cour bondée.
Il y avait certes des enfants, de tous âges, mais aussi des adultes, beaucoup d'adultes, dont une majorité en uniforme militaire. Tout ce beau monde faisait face à l'estrade sur laquelle discourait l'ambassadeur, encadré par deux photos de soldats en noir et blanc. Derrière la foule, près du portail d'entrée, une femme faisait face à d'immenses panneaux gorgés d'inscriptions et de photos.
De sa position, Alex ne pouvait voir de quoi il s'agissait. Toute personne normalement constituée n'était pas en mesure de deviner la nature des tableaux noircis. Sauf que le jeune blondinet n'était pas normal. Lui pouvait lire dans les pensées. Alors il sonda l'unique femme au loin, comme le lui avait appris son mentor, Valentin. Mentalement, il trouva le bouton qui lui correspondait et l'activa comme s'il montait le volume d'une radio, lui donnant accès à ses pensées.
« Assum Gumbo ; Mausser Kita ; Koamé Koadie ; Niepa ; Ngolo Nolo »
Ne comprenant pas, le garçon fut encore plus intrigué. Peut-être était-ce des mots qu'il n'avait pas encore appris à l'école ? En cet instant présent, savoir à quoi pensait la demoiselle isolée lui parut bien plus intéressant que l'allocution du vieil homme.
Alex agita les pieds pour faire comprendre à son père son désir de descendre. Une fois à terre, il réalisa à quel point il était petit lorsqu'il leva la tête vers sa voisine, perchée dans les bras de sa mère. Alex et son père avaient effectué ce voyage d'une semaine en Côte d'Ivoire en compagnie de leurs amis les plus proches ainsi que leurs enfants. Les deux couettes bouclées de la gamine encadraient son visage de telle sorte qu'elles faisaient ressortir la noirceur de ses yeux interrogateurs vissés sur lui.
« Je re... »
Alexander avait commencé à utiliser son don avant de se souvenir que la fillette était la seule qui lui résistait. Alors il formula à voix haute ce qu'il souhaitait lui dire :
— Je reviens.
Il lui fallut un bon moment pour se faufiler entre les personnes et rejoindre la jeune solitaire. Oui, elle semblait jeune et pourtant avec les sourcils plissés ainsi, elle paraissait soudainement vieille. L'enfant la détaillait sans même utiliser son don, parce qu'il était fasciné. Elle se cramponnait à la hanse de son sac comme si elle s'accrochait à un rocher face à la marée. Puis, elle le remarqua enfin. Contrairement à la majorité des adultes, elle ne s'abaissa pas à son niveau pour lui parler et n'employa même pas un ton tendre. C'en était presque désinvolte :
— Tu es perdu ?
— Non.
La rapidité avec laquelle il lui avait répondu n'avait pas eu l'effet escompté. Elle sourit en coin et se focalisa à nouveau sur les panneaux, l'oubliant alors. Alex, quelque peu perturbé, tenta d'imiter le sourire de son interlocutrice, en vain. Il s'attarda donc sur son objet de concentration : une liste. Une très longue liste et tout à droite, sur un autre écriteau, la photo de sept hommes en uniforme avec en fond le drapeau de la France. Il retenta de lire dans ses pensées :
« Dakiou Tomé ; Djibril ; Tcharbou ; Magathe Seck »
Mais c'était peine perdue. C'est ainsi qu'il lui demanda :
— Qu'est-ce que vous faites ?
— Je cherche quelque chose.
Elle était énigmatique, de la façon qu'ont ceux à qui on aimerait tirer les vers du nez en permanence.
— C'est quoi sur les tableaux?
— Tu n'as pas autre chose à faire ? l'interrogea-t-elle, agacée.
— Non.
Son innocence et son jeune âge dussent jouer en sa faveur car la brune céda :
— Tu sais pourquoi tout le monde est réuni aujourd'hui ?
— Il y a cent ans, il y avait une grande guerre.
— Il y a cent ans s'est terminée la plus grande guerre que l'Histoire pensait connaître, le rectifia-t-elle.
Par la suite, elle lui expliqua du mieux qu'elle put le conflit, avec les pays belligérants et les colonies, surtout les colonies françaises. Alex avait dû faire un effort incommensurable pour se concentrer parce qu'il s'en fichait un peu de tout ça. Lui ce qu'il voulait, c'était comprendre ce qu'il avait lu dans la tête de l'inconnue.
— La France a alors fait appel à ce qu'on appelle des tirailleurs sénégalais. Ce sont des Africains qui viennent de toutes les colonies françaises et qui ont combattu pour la France. Et ici, sur ce tableau, ce sont tous les tirailleurs sénégalais de Côte d'Ivoire qui sont morts pendant la Première Guerre mondiale.
— Et tu cherches ton papa ?
Mentalement, il l'entendit rire puis pleurer. Des bribes de souvenirs qu'il ne comprenait pas lui passaient dans la tête : la voix d'un vieux monsieur qui se répétait, puis d'un autre. Des cris, beaucoup de cris, fusèrent. S'en fut trop pour le jeune Alex qui décida de baisser le volume de la femme. De l'extérieur, son visage était impassible. C'était impressionnant.
— Non, souffla-t-elle. Les gens pensaient que mon arrière-grand-père était un menteur et un fou. Et je cherche à montrer que c'est faux.
— Pourquoi les gens pensaient ça ?
— Si je te le dis, toi aussi tu vas me prendre pour une folle.
Il suffit qu'Alex la fixe du regard pendant plusieurs secondes pour qu'elle se dévoile:
« Après tout, ce n'est qu'un enfant » pensa-t-elle.
— Mon arrière-grand-père a vécu extrêmement longtemps. Plus de cent ans. Il aimait raconter que s'il vivait depuis aussi longtemps, c'était parce qu'il avait croisé la route d'un homme aux pouvoirs surnaturels prénommé Koidyo. En tissant des fils, Koidyo pouvait donner vie à des êtres humains et déterminer la longévité de ces derniers.
Alex sentit tout à coup une vague de froid le parcourir. L'inconnue allait-elle lui raconter l'histoire d'un...
Il fut interrompu dans ses pensées par la femme qui poursuivit :
—Mais Koidyo avait un frère, enrôlé par l'ennemi, qui lui, était en mesure de mettre fin à l'existence de quiconque croisait son chemin. Des frères aux pouvoirs complémentaires. Mais pas n'importe lesquels car ils n'étaient que la réincarnation de deux sortes de... dieux qui contrôlaient la vie des êtres humains.
Ça ne pouvait qu'être ça. Elle savait sans savoir ce qu'étaient des wagens. Lui qui croyait le secret bien gardé auprès des terrestres... Alex fit de son mieux pour ne rien laisser transparaître. De toute manière, la jeune fille était obnubilée par son propre récit :
—Si mon arrière-grand-père, Henri, a survécu c'est parce que Koidyo, sur son lit de mort, a déroulé le fil de sa vie aussi longtemps qu'il le pouvait, pour qu'il puisse raconter leur histoire et honorer leur mémoire. Koidyo et Henri se sont battus pour un monde libre, pour que chacun puisse exister tel qu'il est car Koidyo ne pouvait pas montrer qui il était vraiment : quelqu'un de différent. Alors, depuis j'essaye de prouver qu'il y a encore dans ce monde, des personnes qui cachent leur vraie nature, par peur du regard des autres, comme me le racontait mon arrière-grand-père.
— C'est pour ça que tu regardes ce tableau ?
— Oui. Je cherche Koidyo.
— Et là ?
Alex pointa du doigt les sept visages devant le drapeau de la France.
— Tu as quel âge ? changea-t-elle de sujet.
— Bientôt sept ans, annonça-t-il fièrement.
— Et à ton âge, tu ne sais pas lire ?
Le ton railleur qu'elle avait employé l'avait vexé, alors pour s'affirmer le garçon lut ce qu'il y avait sous chaque photo :
— Sergent Alexandre CHAN ASHING. Adjudant Emilien MOUGIN. Maréchal des Logis Timothée DERNONCOURT.
Le suivant lui donna plus de fil à retordre, mais il n'en démordit pas pour autant.
— Caporal Bogusz POCHYLSKI.
Et il continua :
— Colonel Arnaud BELTRAME. Sergent Anthony VALVERDE. Caporal Abdelatif RAFIK.
Lorsqu'il eut fini, il ne sut toujours pas de quoi il s'agissait. Mais il avait une idée de qui ils étaient :
— Ce sont des militaires ?
— Oui.
Elle s'installa sur le rebord du trottoir faisant face aux panneaux, Alex l'imita puis elle développa son propos :
— Eux, ce sont ceux qui se battent aujourd'hui pour nous. Comme Henri et Koidyo, ils se battent pour que toi et moi soyons libres. Mais ces sept hommes-là, n'ont pas survécu, en 2018, à la guerre que nous subissons.
Perplexe, le blondinet le fit savoir :
— Je ne comprends pas. Je croyais qu'il n'y avait plus de guerre.
— Il n'y a plus de guerre mondiale entre Etats, précisa-t-elle. Mais il y en a d'autres, et il y a encore celles à venir.
— A venir ? s'inquiéta le garçon
— Malheureusement oui. Chacun sa guerre et on risque de perdre la dernière.
— La dernière? répéta-t-il. C'est laquelle ?
— Celle contre le réchauffement climatique.
Cette fille était si énigmatique qu'il ne sut quoi dire. Il se tut également pour mémoriser cette conversation. Pour tout ce qu'elle lui avait dit et pour ne pas oublier. Ne pas oublier ceux qui sont morts pour les générations suivantes, comme elle lui avait expliqué.
— Alex !
Même sans se retourner, ce dernier aurait pu reconnaître la voix parmi des milliers.
Le regard de la grande dame se porta derrière lui, vers la personne qui venait de crier son nom. Mais Alex n'en avait que faire. À son tour, il voulait se confesser mais on le lui avait formellement interdit. Il savait ce qui l'attendait si jamais il transgressait. Rien que d'y penser, son cœur se mit à palpiter. Les menaces que lui avait proférées son père lui revinrent en mémoire avant de se matérialiser en gouttes de sueur.
— Alex, répéta la voix fluette. Tu viens jouer ?
Lorsqu'elle posa une main sur son épaule en s'asseyant, Alex sentit toute sa tension s'évaporer.
— Il y a ton amoureuse qui te réclame on dirait.
Le seul garçon se tourna vers l'unique adulte et sur un ton colérique, se défendit :
— C'est pas mon amoureuse, c'est juste une fille !
Pour toute réponse, la fille lui tira sur l'oreille :
— Espèce de pigeon tout moche.
— Arrête de me tirer sur les oreilles, l'interrompit-il. Tu vas finir par les décoller.
— Eh bien tu seras un pigeon tout moche aux oreilles décollées. Er, la fille, souligna-t-elle, elle a un nom : Cassiopée.
Puis elle s'adressa à l'inconnue :
— Et vous c'est comment ?
— Ariel, sourit-elle.
— Désolée Ariel, mais lui-là, il m'a promis de jouer à cache-cache.
— J'aime pas jouer avec toi, râla Alex.
— C'est parce que je gagne toujours contre toi.
Ariel regardait les deux enfants se chamailler et ne put réfréner un sourire.
— Je ne vous retiens donc pas, déclara-t-elle.
— Allez, Alex, tu viens ? invita Cassiopée.
— J'arrive.
Alex fixait Ariel de la même intensité qu'elle le faisait. Elle lui avait fait confiance en partageant son secret. Et en plus, grâce à elle, il avait compris que cette commémoration du centenaire n'était pas aussi barbante qu'il le pensait. Alors, elle aussi méritait d'être dans la confidence. Lui aussi devait honorer la mémoire de Koidyo et Henri.
C'est ainsi qu'il se leva, épousseta son short, comme s'il allait y trouver les bons mots et se lança :
« Ton arrière-grand-père n'est pas un menteur. Les pouvoirs, ça existe. Nous, on existe. »
La stupeur se lut dans le regard d'Ariel. Sa bouche s'ouvrit de plus en plus, formant un O si grand qu'il pouvait y voir toutes ses dents. Hésitante, elle pointa du doigt en sa direction puis vers sa propre tête:
— Tu...tu en es un. Tu es comme Koidyo. Un...
« Oui. Je suis un Nilée. »
Il aurait pu énoncer la suite dans la tête de la jeune femme mais il voulait le lui dire à voix haute, parce que pour un télépathe, dire les choses à voix haute, c'était comme donner plus de valeurs à ses propos :
— À bientôt, Ariel.
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