Je cours, voulant à tout prix attraper ce corbeau. J'en ai marre de le suivre chaque nuit, sans parvenir à l'arrêter pour lui demander ce qu'il veut et ce que je dois faire.

Il croasse, zigzaguant entre les arbres. On dirait qu'il me nargue ! Si j'arrive à l'attraper, il fera moins le fier... C'est mes loups qui seront contents d'avoir une bonne viande pour le dîner !

Il se pose bientôt sur un arbre et me regarde, comme s'il me défiait.

- Méfies-toi, je sais monter aux arbres, la corneille ! je le menace.

Il croasse à nouveau, comme pour dire : "essaie toujours !". Je m'arrête au pied de l'arbre et prends mon arc. Je prends également une flèche, et vise ce fichu corbeau. Puis je tire.

À mon grand étonnement, la flèche passe à côté de lui, ratant sa cible. D'habitude, je ne rate JAMAIS ma cible ! Je reste pantoise. Mais le corbeau s'envole, et j'ai juste le temps de tourner la tête pour le voir, lui, ce blond à qui je n'arrive jamais à parler. Il s'avance de quelques pas, restant néanmoins à quelques mètres de moi. Et alors que j'ouvre la bouche pour lui poser une question, la question qui me démange, il sort une phrase. La seule depuis que je le vois en rêve.

- Tu ne peux pas le tuer. Parce que la corneille, c'est toi.

***

Je décide de m'assoir au pied de l'arbre, Cora restant debout, voulant sans doute me protéger en cas de besoin.

Le rêve que j'ai fais cette nuit me revient en mémoire, et je fronce les sourcils. Il m'a enfin parlé ! Mais je n'ai pas compris pourquoi il m'avait dit ça... Et puis, pourquoi cette phrase ? Pourquoi ne m'a-t-il pas dit comment il s'appelait ? C'est ce qu'on fait en premier, quand on rencontre quelqu'un, normalement. Enfin, sauf quand ce quelqu'un nous agresse bien sûr. Sur le moment, on pense plutôt à tuer cette personne et ensuite, lui demander son nom, ce qui n'est pas bien utile une fois que la personne est morte...

  Mais bon, je vais sans doute enfin être éclairée sur mes rêves ! Car c'est aujourd'hui que vient mon ami. Je dis mon ami, mais c'est bien plus que ça. En effet, alors que mes parents venaient de m'abandonner, il m'avait recueillie et aimée comme je ne l'avais jamais été. Pourtant, de nombreuses rumeurs courraient sur lui, comme quoi c'était un lâche, un moins que rien... Tout ça à cause du nom de sa famille... Moi, je l'avais aimé tel qu'il était, parce qu'il m'avait rendue heureuse, et c'est tout ce qui comptait.

  Je parie que vous vous demander alors pourquoi j'ai été recueillie par les loups, pourquoi j'étais seule à ce moment-là, et pas avec lui. C'est simple : j'avais été enlevée par la reine, qui ne m'aimait pas, et on m'avait exilée. Il ne l'avait su que le lendemain, alors que j'étais perdue dans une immense forêt. Il ne savait même pas où j'étais. Mais je l'avais retrouvé un an après, et depuis, nous gardions contact, par le biais de lettres.

   Je n'avais pas pu le voir depuis quelques mois, à cause de ses "devoirs" comme la reine les appelle. Je dirais plutôt des "corvées" oui ! Parce qu'il devait faire des choses qui ne lui plaisaient pas forcément. Mais bon, c'était comme ça.

   Soudain, Cora se met à grogner, et je me lève aussitôt. Je dresse l'oreille, sur le qui-vive. Le martèlement des bruits de sabots se fait entendre. Des chevaux au galop, venant droit sur moi.

   Je prends mon arc, au cas où. Et lorsque l'escorte sort du bois, je manque de tirer sur un garde, tellement je suis stressée, ayant peur que ce soit le garçon de mon rêve.

- Oula ! Si tu pouvais éviter de me couper une oreille, je t'en serais reconnaissant. Et puis, ce serait pas terrible comme retrouvailles, tu ne trouve pas ?

   Je souris et abaisse ma garde.

- Contente de te revoir Tyrion.

***

- Tu aurais dû voir sa tête ! Le pauvre diable essayait comme il pouvait de cacher son bijou avec la couette, mais on l'avait déjà vu de toute façon.

Je ris face aux remarques de Tyrion. C'est dingue comment, en quelques secondes, il peut me redonner le sourire ! Oui oui, je parle bien de Tyrion Lannister, le fils de lord Tywin Lannister. Celui que tout le monde appelle le Gnome ou encore le Mi-homme. Celui qui passe pour le méchant, alors que c'est certainement le plus gentil de la famille. Parce qu'on ne peut pas dire que sa sœur, Cersei, la reine des 7 couronnes, soit gentille, loin de là ! Elle est prête à tout pour arriver à ses fins, même si pour ça, elle doit éliminer ses proches. Et ne parlons même pas de Jaime, le frère de Tyrion... Je l'aime quand même un peu plus que Cersei. Un peu. Pas beaucoup.

Tyrion pointe soudain mon arc du doigt.

- Toujours aussi efficace ? me demande-t-il.

- Entre mes mains, il ne peut pas être inefficace.

- Où est donc passée ta modestie, ma chère Luna ? Quoique, à bien y réfléchir, je crois que je l'ai vue marcher vers le château. Oui, c'est bien ça ! Elle m'a dit qu'elle allait essayer de devenir amie avec Jaime.

- J'espère qu'elle avait tout un escadron avec elle alors ! je ris.

Tyrion se joint à moi. Puis je repense à ce qu'il m'a demandé : si mon arc était toujours aussi efficace. Je lui ai en quelque sorte menti en lui affirmant que oui...

- Qu'y a-t-il ? Tu as l'air... Inquiète, me fait-il remarquer alors que je me rends compte que j'ai perdu mon sourire.

Je triture mes doigts, mal à l'aise, et baisse la tête.

- C'est à propos de mes rêves. C'est pour ça que je t'ai demandé de venir.

   Il redevient alors sérieux et me fixe en silence.

- Ils sont vraiment bizarres, en ce moment... Déjà, il y a ce Jon. Je ne comprends pas pourquoi mes rêves me le montrent tout le temps, je commence en fronçant les sourcils, repensant à mon rêve. Tu sais qui il est ?

- Décris-le moi, me demande-t-il en continuant à me fixer.

- Assez grand, des cheveux noirs et bouclés, plutôt jeune.

- C'est Jon Snow, lord commandant de la garde de nuit.

- Oui, ça doit être ça, je l'ai vu au Mur ! je m'exclame.

   Je réfléchis alors.

- Mais pourquoi mes visions me le montrent-elles ? je demande.

- Tu dois avoir quelque chose à faire avec lui, me répond-t-il.

- Oui, mais quoi ?

- Je n'en sais rien, Luna...

   Je soupire longuement. Et je repense à mon deuxième rêve, le plus intrigant.

- Et puis il y a aussi ce garçon. Grand, blond, des yeux sombres. Jusque là, il ne m'avait jamais rien dit, mon rêve se terminait dès que je le voyait. Mais cette nuit, ça a été différent. J'ai voulu tirer sur un corbeau, et j'ai étrangement loupé ma cible. Il est alors apparu et il m'a dit...

   Je marque une pause, fronçant les sourcils, afin de me rappeler précisément ce qu'a dit le garçon.

- "La corneille, c'est toi", je retranscris.

   Tyrion ne dit rien, me fixant toujours en silence. J'attends impatiemment qu'il me donne une réponse, qu'il me donne une torche afin de percer le brouillard qui m'entoure. Au lieu de ça, il me répond par une énigme.

- Tu dois trouver pourquoi il t'a dit ça. Ça doit venir de tes visions, et seules ces dernières pourront t'éclairer.

  ***

    Je marche dans la forêt, seule. Cora et Mystic sont allé courir, ils en ont besoin. Je suis donc perdue dans mes pensées, réfléchissant intensément. Que pourraient bien me dévoiler mes visions ? Et si je ne comprenais jamais le sens de ce rêve ? Pourquoi Tyrion n'a pas réussi à m'aider ? D'habitude, il trouve toujours une réponse... Ces visions m'intriguent de plus en plus.

   Des branches craquent, et les feuilles crissent. C'est un bruit léger. Sûrement Cora et Mystic qui reviennent. Je ne fais donc pas attention et continue ma route.

  Mais d'autres craquements se font entendre, et aucune trace des deux loups. Je relève alors la tête et fronce les sourcils. Ce n'est pas eux, j'en suis sûre.

   Je sors alors une flèche et prends mon arc.

- Qui est là ? je demande.

  Pas de réponse. Et bizarrement, plus de craquements. Je tourne la tête, et je plisse aussitôt les yeux. Au loin, devant moi, se dessine une silhouette humaine. Et cette personne, quelle qu'elle soit, a l'intention de venir me voir.