Chapitre 29 ➳ Le messager

Un mois. Un mois que je suis seule, à la recherche d'une trace quelconque de mes amis, d'un signe de vie. La faim me tiraille le ventre car depuis l'arrivée des marcheurs blancs, le gibier se fait de plus en plus rare... Et plus les jours passent, plus cette sensation de noirceur s'insinue dans tout mon être, grandissant à cause de mon éloignement, l'éloignement que j'ai subi à propos d'une personne bien particulière à mes yeux. J'avais eu beau essayer de le contacter par la pensée, rien n'avait marché. À chaque tentative, un vide se faisait ressentir, faisant s'envoler le mince espoir qu'il restait malgré tout. L'espoir d'un jour, le retrouver. Mon ventre se tordît et une larme coula sur ma joue. Pour la première fois depuis très longtemps, j'avais peur de perdre une personne chère à mes yeux. J'avais maigri à vue d'œil. Même mes loups m'avaient abandonnée. Je serrais les poings. Avais-je été si nulle pour que tout le monde me tourne le dos ainsi ? Pourtant, j'avais fais de mon mieux, tentant de tous les protéger même au péril de ma vie. Mais apparemment ça n'avait pas été suffisant.

Au bout d'une semaine à les chercher désespérément, le rêve de Jojen m'était revenu en mémoire et depuis, je savais où je devais aller. J'espérais juste arriver à temps pour empêcher que ce rêve ne se réalise. À chaque fois que je fermais les yeux, l'image de Jojen s'insinuait dans mon esprits et je devais aller marcher pour la chasser et pouvoir m'endormir. Mais à peine mes yeux se fermaient que des cauchemars prenaient place, me faisant hurler et me tortiller toute la nuit. Je les voyais tous, se faisant dévorer par ces monstres sans âme, sans rien pouvoir changer.

Je marchais désormais sous la neige, avec toujours ce mauvais pressentiment accroché au ventre, semblant ne plus vouloir me quitter. Tout avait changé autour de moi. Il me semblait désormais que les arbres murmuraient sur mon passage, que les animaux me dévisageaient... Sans doute était-ce dû à cette perpétuelle remise à question qui me rendait folle ?

Tout ce que je savais, c'était que rien ne pourrait me détourner de ma quête désormais. Rien, ni personne.

Avancer était de plus en plus pénible. Mais mon cœur me poussait à continuer malgré tout, malgré la faim, le froid et la peur. Alors je l'écoutais, me contraignant à ses désirs.

Du bruit se fit entendre non loin et aussitôt je me crispais, tous mes muscles tendus comme la corde d'un arc prêt à tirer sa flèche. D'ailleurs, je sortais une flèche de mon carquois et prenais mon arc en main, par précaution. Tout pouvait surgir et ce dernier mois m'avait rendue encore plus méfiante et sur le qui-vive qu'avant. Mais lorsqu'un museau fin et une fourrure argentée bien connue sortirent de l'ombre, je me détendis. Enfin. Détendre est un bien grand mot. Car à peine Mystic vint vers moi que je me mis dans tous mes états, reculant en sentant les larmes couler sur mes joues pâles.

- Va-t'en..., murmurais-je si bas que moi-même je n'étais pas sûre d'avoir parlé.

Il continua à s'avancer, hésitant. Je finis par m'arrêter, lui faisant face. Il s'arrêta à quelques pas de moi, me dévisageant et baissant la tête, comme gêné.

- Tu m'as laissée seule...

Pour toute réponse, le loup s'aplatit au sol, la queue entre les pattes. Devais-je lui pardonner ? Le pouvais-je ? Je ne me posais pas trop longtemps la question, m'accroupissant devant lui et caressant sa fourrure soyeuse. Il sembla retrouver sa gaieté et releva la tête, léchant ma main. Je ne pus retenir le sourire qui éclaira mon visage. Mais soudain, l'expression dans les yeux de Mystic changea et je mis du temps à comprendre ce qu'il se passait. Jusqu'à ce que sa voix retentisse, me faisant brusquement me relever et m'éloigner du loup.

- Luna. Tu ne dois pas venir. Je sais que tu es au courant. Alors s'il te plait, écoute-moi et pars. Ne viens pas me chercher.

Mes poings se serrèrent tandis que ma mâchoire se contractait sous le coup de la colère qui montait en moi progressivement, me gagnant toute entière.

- De quel droit tu me donnes des ordres ? Je peux aller où je veux, jusqu'à preuve du contraire, me braquais-je.

- Où tu veux. Mais pas au-delà du danger. Pas pour moi. Tu l'as vu par toi-même, je n'en vaux pas la peine. Alors oublie-moi.

- Si seulement c'était aussi simple...

La phrase avait à peine franchit mes lèvres que le loup s'agitait. Cette phrase, il l'avait prononcée lorsque je lui avait demandé de se détacher de moi aussi facilement que lorsqu'il s'était attaché. Mais cette fois, les rôles étaient inversés.

- Luna... Crois-moi, c'est mieux pour toi.

- Et tu vas me dire que c'était mieux que je me retrouve seule, encore ?! Sans toi ?! Je t'aime Jojen bordel ! Et tu m'as laissée comme ça, sans explication !

- Je... J'avais le choix. Et je l'ai fais.

Je me crispais un peu plus. Il sortait à son tour une de mes phrases d'une manière détournée. À notre rencontre, quand je lui avais dis qu'on avait tous le choix.

- Et c'était de m'abandonner ton choix ? Très bon choix, en effet, ricanais-je, la gorge nouée.

- C'est pour ton bien Luna ! Je ne veux pas que tu souffres.

- Parce que je ne souffre pas là, maintenant, depuis un mois ?

Un silence s'ensuivit. Les yeux blancs de Mystic me perturbaient, surtout maintenant que je savais qui avait pris possession de son corps afin de pouvoir me parler.

- C'est passager. Grâce à ça tu souffriras moins quand... Le moment sera venu.

Un silence pesant s'installa, seulement brisé par la respiration de Mystic, qui laissait s'échapper de la brume dans l'air froid. Je ne bougeais plus d'un poil. C'était comme si le temps était suspendu. Puis Jojen décida de briser ce silence.

- Je t'aime Luna, n'en doute pas une seule seconde. Ce sera toi, du début à la fin.

Et il partit, rendant sa liberté à Mystic. Je le sais car mon cœur se serra, un froid balaya l'air et les yeux de Mystic retrouvèrent leur couleur normale. Et je m'écroulais, laissant éclater toute l'inquiétude et la tristesse présentes jusqu'alors dans mon cœur.

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