Chat-pitre 4
Je ne comprends pas.
Je n'ai jamais compris.
Et je ne comprendrai peut être jamais.
Ce besoin d'effrayer les enfants pour qu'ils se fassent manipuler si facilement. Qu'ils se laissent berner. Qu'ils obéissent comme des chiens et qu'ils se fassent traiter comme tels.
C'est le sentiment que j'ai, et que j'ai toujours eu, au moins depuis mon arrivée ici. J'en suis maintenant sûre: Playtime Co est juste un joli nom pour cacher les horreurs et atrocités qui se produisent par derrière.
Comme effrayer un enfant, par exemple. Enfin, un exemple... ils ne doivent faire que ça.
Et là, montrer une telle vidéo afin de me pousser à revenir tranquillement, c'est vraiment horrible.
Ils espèrent me faire peur ? Me faire plier à leur volonté ? Que vont-ils faire à présent que je me suis échappée et que je ne reviendrai pas ?
Mais... si jamais ce message est un vrai...
...Non. Impossible. S'il y a bien une chose qu'on ne peut reprocher à la Playtime Co, c'est sa haute sécurité. Surtout avec Huggy Wuggy, qui garde l'entrée de l'usine. Et aussi le fait qu'Elliot Ludwig prête tout particulièrement attention à son orphelinat.
A moins qu'on nous cache encore quelques choses...
Quoiqu'il en soit, je ne vais pas rester enfermée ici. Sinon je vais devenir folle.
Mais c'est quoi le pire ? Mourir d'une main humaine, dans d'atroces souffrances, ou mourir enfermée, affamée, assoiffée, en attendant que quelqu'un nous trouve ?
Je ne sais pas. Et, à vrai dire, je ne veux pas savoir et préfère vivre. Oui, ça c'est une bonne idée. Vivre. Et aider. Aider les enfants manipulés, enfermés et privés de liberté comme moi.
Je sors donc. A grand peine. La nourriture que l'on nous donne est certes mangeable mais nous apporte juste assez d'énergie pour réfléchir et penser. Pas pour enfoncer une porte verrouillée.
Je découvre l'extérieur la première fois depuis les quelques heures que j'ai passé à réfléchir, pleurer, puis encore réfléchir, puis retomber dans les larmes et ce monstrueux voile sombre qu'est le désespoir.
Et je continue à réfléchir en traçant ma route, les informations tourbillonant à une allure folle dans ma tête.
Ce ne peut pas être un vrai message...
C'en est un ?
Non... impossible.
Et pourtant... on nous cache tellement de choses horribles. Ces enfants qui disparaissent...
Ces enfants...
Les enfants...
Mes camarades de chambre.
Disparus.
Ce garçon...
Où sont-ils maintenant ?
Que deviennent-ils ?
Ont-ils étaient adoptés ? Ou on les a envoyé dans un autre endroit sinistre, où ils souffrent... ou pire...
Je décide alors de les retrouver. D'au moins essayer. Essayer de les savoir en vie ou non.
Je vais enquêter. Sur la Playtime Co et leurs horribles actes envers les enfants.
Je me rends soudain compte que je reviens sur mes pas. Forcément, à toujours prendre à droite à chaque intersections, par habitude, ça devait arriver.
Il me faudrait un plan. Un plan pour retrouver la trace de ces enfants.
Et aussi d'un plan de l'établissement. Que je puisse me repérer.
Je me demande si je suis toujours capable de prononcer des paroles. Je n'ai plus parlé depuis cette conversation avec le garçon.
"..."
Je me mets à tousser. Ma gorge est aussi sèche qu'un désert. Je trouve une bouteille d'eau sur une table et boit une gorgée.
Je recommence.
"Play...time"
Je n'avais que ça en tête. Je sais pas trop quoi dire d'autres. Peut être un truc qui pourrait être utile ?
"À l'aide. Oui voilà."
Au moins je suis sûre de pouvoir le prononcer en cas de besoin, à défaut de le crier.
Après une longue réflexion, j'arrive à la conclusion que si j'arrive à me situer, je saurais mieux m'orienter.
Alors je regarde autour de moi.
Et je vois... beaucoup de choses. Étranges.
Des tables sont renversées.
Les tapisseries arrachées comme par d'énormes griffes. Et des débris de murs éparpillés dans toute la pièce.
Des dossiers par terre, créant par ce pêle-mêle de papier un sorte de tapis au sol.
Un tapis tâché.
Taché de sang.
Je viens seulement de m'en rendre compte.
J'étouffe un cri. Alors la menace est bien réelle ? Qui fait donc cela ?
Qui... ou quel chose.
Ces traces de griffes...
"Monstre."
Les mêmes que dans mon rêve.
"CatNap."
Mais cette créature ne peut être réelle.
Un chat monstre de cette taille ?
Et quand bien même il existerait, pourquoi j'ai instinctivement confiance en lui ? Pourquoi je sens... qu'il ne me ferait jamais de mal ?
Pourquoi ?
Pourquoi ce carnage ?
Pourquoi cette violence ?
Dans quel but ? Pourquoi ?
Trop de pensées tournent dans ma tête, à une telle vitesse et à un tel point que je me laisse tomber, m'éffondre.
Et tout devient noir.
Une touche de lumière infime. Qui grossit... encore et encore...
Jusqu'à ce que je vois. Complètement.
Mes paupières sont encore lourdes. J'aimerai juste fermer les yeux et partir. Croire que ce n'est qu'un cauchemar. Qu'à tout moment je revienne dans la réalité. Que je vois le visage de ma mère, penchée sur moi, comme quand j'étais qu'un jeune nourrisson. Me faire bercer par mon père. Jouer...
Jouer avec mon frère.
J'avais un frère ? Comment ne m'en suis-je pas souvenu jusqu'à présent ?
Je me redresse doucement, toujours au sol. Je regarde autour de moi.
Un long couloir. Vide. Sinistre. Glauque. Mal éclairé par des lumières sombres. Taché de sang et strié de griffures.
Le couloir de mon rêve.
Sauf qu'il parrait réel cette fois. Plus réel que dans le rêve.
Je tourne la tête. Derrière moi, un éboulement. Sur les rochers, quelques coussins rassemblés, comme pour former un nid ou un panier douillet, sur lequel je dormais, sûrement, et où je suis assise en ce moment.
En face de moi, le couloir. Interminable, comme le rêve. Mais je vois quand même le bout.
Rien. Juste une porte. Verrouillée, sans doute.
Je suis de nouveau coincée. Enfermée. Tout cela n'a servi à rien.
Mes pensées me reviennent petit à petit, au fur et à mesure que je me débarrasse de l'engourdissement de mon sommeil.
La tornade de pensées se reforment.
Où sont mes parents ?
Où sont les adultes ?
Où sont les enfants ?
Où est CatNap ?
Où est...
...
Où suis-je ?
Soudain, la porte au bout du couloir s'ouvre. Je immobilise par crainte. Une gigantesque silhouette est à l'entrée. Elle avance vers moi, et se dévoile dans les lumières ternes de la salle.
Une immense créature. Poilu. Bleu.
Qui me sourit... ou presque.
Elle ouvre la bouche pour dévoiler une longue série de dents qui ont l'air d'être aussi tranchantes que des rasoirs, cette même bouche qui s'ouvre, de plus en plus grande pendant que la chose s'avance jusqu'à s'arrêter à mon niveau.
J'ose un regard vers le haut pour mieux la voir.
Elle se penche vers moi, sa tête à quelques centimètres à peine de moi. Je sens son souffle sur mon visage. Je n'ose même plus respirer.
En face de moi se trouve Huggy Wuggy. Et il n'a pas l'air de vouloir me faire un câlin.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top