5. Liés.
Un cri commun. Je ressens une vive brûlure à la joue, je la sens se dissoudre et m'arracher un hurlement d'effroi. Ca fait un mal de chien. Et je ne comprends pas. C'est à lui que j'ai infligé ça ... Ma main sur ma joue brûlée, je devine du bout des doigts l'incrustation en forme de lune. Je dois avoir une marque immonde qui ne partira sûrement jamais. Tandis que celle sur la joue d'Alaric s'estompe doucement et que ses prunelles passent du bleu au rouge. Rouge rage. Un grondement, puis ses canines s'extirpent de ses gencives alors qu'il jette le pendentif plus loin. Un éclat brille dans l'herbe, et je sens le goût salé de larmes dont je n'avais même pas conscience de l'existence. Je chancelle, recule en arrière et lève une main avant de tourner les talons. Ma maison n'est plus là. Il n'y a plus rien si ce n'est une étendue d'herbe. Un nouveau hoquet de surprise m'échappe, tandis que je sens les larmes rouler et brûler la blessure à ma joue.
- VIENS ICI, beugle le monstre. Mais sans me retourner je file vers la gauche. Je sais que la maison est sûrement encore là. Ce n'est qu'une illusion. Mais je refuse d'impliquer mon petit frère et le protéger, un vampire ne peut pas entrer sans invitation, mais s'il fait partie de nous, la part humaine ? Je dois l'éloigner. Alors rapidement, je cours le plus vite possible pour distancer mon frère et moi.
Le sang coule le long de ma joue et de mes mâchoires, à peine lavé par les larmes. Une main agrippe ma cheville, me basculant en avant et tête la première dans l'herbe humide. Souillant mon corps de terre et pourtant c'est plus fort que moi, j'agite les pieds, me débat comme une folle et lâche un cri de protestation rauque avant de le frapper entre les jambes. Mais le terrible sadique esquive le geste, lâchant un nouveau grondement animal. Il tire sur ma cheville en se penchant en avant, m'approchant de son visage déformé.
- Si tu meurs, je meurs. Crois-tu seulement que je laisserai faire une telle chose ? Tout est de faute. Tu vas devoir en payer le prix, ma chère ... susurre la bête, tandis que mes cheveux en cascade au-dessus de ma tête encadrent mon visage affolé.
C'est un cauchemar, juste un mauvais rêve. Je déglutis pour retenir un sanglot. Hors de question de lui faire ce foutu plaisir, hors de question de perdre ma dignité déjà trop entachée. Je serre les dents en lui crachant d'aller se faire foutre. L'air furieux de ses traits m'avertit que je franchis les limites de sa patience déjà amochée. Il n'est pas heureux de se retrouver là. Pour une raison que j'ignore, il semble lié à moi. Et vice versa. J'ai compris ce qu'il n'a pas dit. Si je meurs, il crève avec moi. Plut^$ot m'entraîner dans sa chute que déchoir sans protester. Alaric tout craché. Mes lèvres serrées étouffent un gémissement de douleur, tandis que je détourne le visage, incapable de supporter la vision de ses traits déformés. C'est trop réel et en opposition trop dingue pour être vrai. Je ferme les yeux, sentant aussitôt un étau de glace s'emparer de mon menton pour me forcer à tourner la tête. Mes paupières restent hermétiques, refusant de s'ouvrir à lui.
- Ouvre les yeux.
Je secoue la tête, autant que ses serres solides me le permettent. Pas ça, tout mais pas ça ...
- J'ai posé une question ... répète la chimère d'un ton bien trop calme à mon goût, crois-tu que je puisse laisser passer ça ? ...
J'inspire et expire, le froid de ses doigts mordant mon épiderme, la brûlure du pendentif me faisant toujours aussi mal et le sang réchauffant ma joue. Le tressautement de mon menton est léger, à peine perceptible. Mais il connait ma réponse. Non, la réponse est non. Un fourmillement dans mes paupières et une sensation de brûlure ardente, m'obligent à rouvrir les yeux. Ses prunelles plongées dans les miennes, à nouveau bleues. Je ne peux pas le supplier, il aime ça. Et ça ne marche jamais. Suppliez Rousseau, et vous êtes certain(ne) d'obtenir l'effet inverse escompté. Autant lui proposer un apéritif, car rien de tel pour l'appâter. Avec horreur je le vois sortir à nouveau ses crocs pointus, la vision est stupéfiante de réalisme. Horriblement étrange et fascinante. Effrayante. Je le vois mordre la chair de son poignet, déclenchant un spams de frisson tout le long de ma carcasse tremblante. Je sens la morsure dans mon propre poignet, laissant mon hémoglobine gerbée de ma chair. J'ai presque oublié la température trop fraîche, tandis que j'avise son poignet trop près de mes lèvres. J'ai beau me débattre et être secouée d'un haut les cœurs, il ne renonce pas et plaque la plaie contre mes lèvres.
- Tu ne peux plus trépasser, jamais, se contente de lâcher le brun d'un ton neutre et froid.
Je veux protester, mais si j'ouvre la bouche le sang coulera sur mes lèvres et s'incrustera dans mon organisme. Mes jambes s'agitent sous sa carcasse penchée, mes bras trop fragiles allant frapper l'air, mes mains se plaquant contre son torse dans une tentative veine de le repousser. Je ne veux pas mourir, pourtant, mes veines ouvertes s'en chargeront si je n'obéis pas. Si je meurs, qui lui dit qu'il ne suivra pas sans se relever ? La plaie en forme de lune sur ma joue ne guérit même pas. Ce qui lui arrive à lui m'arrive aussi. Et perdure.
- Pas avec mon sang dans tes veines ... ses doigts viennent creuser mes joues, forçant mes lèvres à s'entrouvrir.
C'est trop tard, il est déjà entré dans mon système, il entend mes doutes et mes craintes sans que je n'ai à ouvrir la bouche. Mes iris chocolats s'écarquillent tandis que je sens l'épais liquide s'engouffrer entre mes sillons de chair, glisser jusqu'à ma gorge, souiller mon menton et ma nuque. Le goût est ... Etrange. Sucré, sans fer, épais et onctueux. Je suis horrifiée de constater que j'en apprécie la fragrance, tandis que l'idée d'avaler une quantité aussi énorme d'hémoglobine m'arrache un haut les cœurs.
Mais c'est trop tard.
Le sang est en moi.
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