𝟣𝟤 | 𝖵𝖺𝗅𝗂𝖺.
VALIA
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Tokyo, arrondissement de Bunkyō, jardin Rikugien
Mon cœur s'arrête de battre au même moment. Je ne me souviens plus de la seconde où j'ai cessé de respirer. Un frisson d'angoisse me parcourt les entrailles lorsque je réalise ce qu'il vient de se produire.
En temps normal, les hermines savent nager. Toutefois, Sukie n'entre pas dans le lot. Horrifiée, je l'aperçois se débattre pour remonter à la surface, mais je ne parviens pas à bouger.
Contre toute attente, quelqu'un se jette dans l'eau gelée, éclaboussant l'herbe autour de nous. Mon thorax se comprime tant que je n'arrive pas à prendre la moindre inspiration. Tout semble s'être figé à l'intérieur du parc, jusqu'à ce que l'homme remonte à la surface.
Ce n'est qu'à ce moment que je m'aperçois qu'il s'agit de Ace. Il tient fermement Sukie entre ses bras, bien que son corps tout entier tremble de froid. Il dépose mon hermine dans l'herbe et s'écroule à côté d'elle. Je me précipite alors vers eux en priant qu'il ne leur soit rien arrivé.
Contrairement à moi, Sukie respire sans trop de difficultés. Je retire ma veste et l'enroule d'elle, dans l'espoir de la réchauffer un peu.
— Elle va bien ? s'inquiète Eiji en tendant un pull sec à son meilleur ami.
Je hoche mécaniquement la tête. Je n'en reviens toujours pas. Perdre Sukie est inimaginable, elle représente trop d'importance à mes yeux. Je l'ai adoptée le lendemain de la mort de Mike, il y a un an. Et même si ce n'est qu'un animal insignifiant pour certains, elle m'a été d'un soutien non négligeable ces derniers mois.
Ce soir, j'ai pu voir ma vie sans Sukie défiler devant mes yeux, et il n'y avait que tristesse et souffrance. Heureusement, cela n'arrivera pas. Grâce à Ace, rien de tout ça n'arrivera.
Je me jette dans ses bras avant qu'il ne s'aperçoive que des larmes coulent le long de mes joues. Cela le surprend car il sursaute à mon contact. Il est entièrement trempé et je le sens frissonner contre moi.
— Merci, merci, merci mille fois, je murmure entre deux sanglots.
Après un instant d'hésitation, il me sert à son tour dans ses bras et entreprend de légères caresses le long de ma colonne vertébrale.
— Tu vois que tu sais être reconnaissante, chuchote-t-il à mon oreille.
Je me redresse pour lui faire face. Grossière erreur, je suis désormais à la merci de ses iris violacés qui me détaillent sans la moindre décence. Ace lève la main et du bout des doigts, écarte une mèche de cheveux qui me barre le front.
Quant à moi, je peine à me retenir de toucher la longue cicatrice qui lui traverse la joue. Un jour, je lui demanderai d'où elle provient.
— On ne vous dérange pas trop ? grommèle Zenko, décidé à plomber l'ambiance.
— Si justement, j'allais vous demander de partir, réplique Ace en retirant sa main.
Je me relève, comme si je n'étais pas en train de l'enlacer quelques secondes plus tôt. La gêne me monte immédiatement aux joues, et je fais mine de me concentrer sur Sukie afin de cacher mon visage.
Mon hermine est déjà remise d'aplomb. Cependant, je ne compte pas la laisser gambader à sa guise. Hors de question que je la retrouve une deuxième fois au fond de l'eau.
Jamais je ne pourrai remercier assez Ace pour son acte. Il a sauvé la vie de l'être le plus cher à mes yeux. J'aurais préféré que mes parents se trouvent à la place de Sukie, à la différence que j'aurais retenu Ace sur la berge et que je les aurais laissés se noyer.
Peut-être même que j'aurais demandé à Zenko de filmer la scène. Ce dernier n'est finalement pas si terrible que je l'imaginais. Sky le déteste pour une raison qu'elle n'est pas décidée à m'avouer, mais en dehors de ça, il n'est pas mauvais.
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Les jours suivants, j'ai engagé la conversation avec Eiji par textos, lequel se révèle être d'une gentillesse extrême. Il me demande toujours si j'ai besoin de quelque chose, car il sait que je n'ai pas encore mes repères à Tokyo, et de temps à autre, il prend des nouvelles de ma progression en skateboard. Je lui ai raconté que je comptais participer à la Snake Race, et il a tout d'abord tenté de m'en dissuader. Puis, je lui ai expliqué que je le faisais pour mon grand-frère, et il n'a pas insisté.
Cependant, la personne à qui j'aimerais montrer le fruit de mes efforts, est Ace. Ce dernier est introuvable depuis notre sortie nocturne à Bunkyō, et j'avoue que cela m'inquiète un peu.
Eiji dit que ça arrive qu'il ne donne plus signe de vie et que je ne devais pas m'en faire. Si un jour quelqu'un m'avait dit que je m'inquiéterais pour un idiot pareil, je l'aurais envoyé valser dans le plan d'eau du jardin Rikugien. Il n'empêche qu'Ace pourrait au moins faire l'effort de répondre à mes messages.
— Mademoiselle Whealin, cessez donc de rêvasser ! s'écrit Madame Aono alors que je pique du nez dans le rayon des céréales.
— Excusez-moi, je marmonne en rangeant les articles sur les étagères.
— Bon sang, c'est la nuit qu'il faut dormir, houspille ma patronne. Vous passez vos soirées à faire la fête et à boire de l'alcool, c'est cela ?
— Non, je...
— Ne me coupez pas la parole. Vous savez, vous feriez mieux d'étudier avant de mal tourner. Beaucoup de jeunes abandonnent l'université et regardez dehors où ça les mène ! Rien qu'il y a trois jours, des imbéciles se sont amusés à vandaliser l'arrière d'un commissariat à Bunkyō ! La police a retrouvé une canette de bière sur les lieux du crime. J'ai hâte qu'on attrape ces salopards !
Je me retiens de lui dire que "lieu du crime" est une expression un peu exagérée pour qualifier quelques graffitis. Mais un commissariat de police ? Eiji aurait pu nous prévenir avant de taguer un lieu comme celui-ci.
— Vous savez, Mademoiselle Whealin, m'interpelle Madame Aono alors que je ne l'écoute plus. Le tueur en série Nightbreaker est un garçon de votre âge. Cela prouve bien que de nos jours, la jeunesse devient n'importe quoi.
— Comment pouvez-vous en être certaine ? demandé-je les poings crispés.
— Il a tué sa première victime, la petite Mitzuki, il y a six mois. Ce garçon tenait l'arme dans sa main, et toutes les preuves sont contre lui. Oh, la pauvre gamine, elle n'avait que dix-huit ans, vous imaginez ?
Non, je n'imagine pas. Je n'imagine pas Ace commettre un crime aussi atroce. Il y a forcément une autre explication. Je devrais lui demander sa propre version des faits, mais je ne veux pas le replonger dans cette histoire. Il doit suffisamment souffrir comme ça.
Mon téléphone vibre au fond de ma poche et me sort de ma réflexion. Je vérifie que Madame Aono est bien partie, puis jette un coup d'œil au message qui s'affiche dans la barre de notifications.
Inconnu : 𝙷𝚎𝚢, 𝚅𝚊𝚕. 𝙹𝚎 𝚝'𝚊𝚒 𝚖𝚊𝚗𝚚𝚞𝚎́ ?
Mon sang se glace à l'intérieur de mes veines.
Non, impossible.
Ce ne peut pas être lui.
Pourtant, il n'existe qu'une seule personne susceptible de m'envoyer ce message. Tant pis, je n'ai qu'à l'ignorer. Il se fatiguera rapidement, et abandonnera.
Inconnu : 𝙹𝚎 𝚜𝚊𝚒𝚜 𝚊̀ 𝚚𝚞𝚘𝚒 𝚝𝚞 𝚙𝚎𝚗𝚜𝚎𝚜 𝚎𝚝 𝚝𝚞 𝚗𝚎 𝚝'𝚎𝚗 𝚜𝚘𝚛𝚝𝚒𝚛𝚊𝚜 𝚙𝚊𝚜 𝚌𝚘𝚖𝚖𝚎 𝚌̧𝚊. 𝚂𝚒 𝚝𝚞 𝚊𝚜 𝚚𝚞𝚒𝚝𝚝𝚎́ 𝙽𝚎𝚠 𝙷𝚊𝚟𝚎𝚗 𝚙𝚘𝚞𝚛 𝚖𝚎 𝚏𝚞𝚒𝚛, 𝚜𝚊𝚌𝚑𝚎 𝚚𝚞'𝚒𝚕 𝚎́𝚝𝚊𝚒𝚝 𝚒𝚗𝚞𝚝𝚒𝚕𝚎 𝚍𝚎 𝚝𝚎 𝚏𝚊𝚝𝚒𝚐𝚞𝚎𝚛.
Oui. C'est définitivement lui. Je craignais qu'il tente de me retrouver un jour et qu'il me fasse regretter mes actes. En soit, je n'ai rien à me reprocher, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même. Si je le hais de toutes mes forces, il y a bien une raison.
Je range mon téléphone avant que Madame Aono ne l'aperçoive et je reprends mon travail. Tout à coup, celui-ci me paraît très divertissant. Il m'empêche de penser à ces foutus textos que je compte supprimer dès que possible.
La matinée défile lentement, sans que ma poche ne cesse de vibrer. À ce niveau-là, c'est presque du harcèlement.
À midi, je sors enfin dans la supérette, des courbatures plein le dos. J'ai à peine posé le pied dehors qu'on m'attrape le bras et me tire à travers des ruelles moins bondées. Le choc est si grand que je ne cherche même pas à crier.
Après avoir couru de toutes mes forces sur trois cents mètres, nous nous arrêtons près d'un croisement étonnamment désert. Je peine à reprendre ma respiration, tandis que l'homme, lui, semble à peine essoufflé. Il finit par retirer sa capuche et ma mâchoire manque de s'écraser sur le bitume.
— Ace ! Tu m'as fait une de ces peurs ! m'écrié-je atterrée. Préviens-moi la proch-
Ace plaque brusquement sa paume contre ma bouche.
— Ne parle pas si fort, m'ordonne-t-il sèchement.
Je l'écoute à peine. Son souffle chaud caresse délicatement ma joue à chacune de ses expirations.
— Pourquoi ne répondais-tu pas à mes messages ? me demande-t-il d'un ton accusateur. J'ai cru qu'il t'était arrivé quelque chose.
Merde. À cause de messages de l'autre idiot, je me suis interdit de regarder mon téléphone pour le reste de la journée.
— Désolée, je n'ai pas le droit de regarder mon portable quand je travaille, répondis-je en toute honnêteté, bien que j'omette la partie des étranges textos. Et toi, où étais-tu passé ? Je t'ai appelé plusieurs fois et tu n'as jamais répondu.
Ace se décale et s'adosse contre le mur, la tête en arrière. Son visage épuisé est complètement dénué de la moindre parcelle de joie ou de sarcasme. Je ne l'ai jamais vu dans un état pareil.
— Je reformule ma question. Ace, est-ce que tu vas bien ?
Ses lèvres s'incurvent légèrement, mais il n'a pas la force de faire plus d'efforts.
— Viens, dit-il en rabattant sa capuche.
Son comportement me laisse perplexe. Il est clair qu'il ne va pas bien, mais il s'inquiète pour moi et à traversé Tokyo juste pour vérifier qu'il ne me soit rien arrivé. Que s'est-il passé ces trois derniers jours ?
Je garde ces questions au fond de mon esprit et me contente de suivre le jeune homme à travers les rues de Toshima. Lorsque nous arrivons près d'un arrêt de bus, il remonte ses lunettes de soleil sur son nez.
Je n'ai aucune idée de l'endroit où il compte m'emmener et à vrai dire, plus rien ne m'étonne venant de sa part. Du moment que je ne finis pas ma journée en prison ou dans une secte, je considère qu'il n'y a rien à craindre.
J'ai pris la décision de faire confiance à Ace Kazuyo, l'heureux présumé coupable de six meurtres. Je n'imagine pas la tête de mes parents s'ils savaient ça. Ma mère mourrait probablement d'une crise cardiaque. Quant à mon père, il se tirerait une balle dans le crâne.
Décidément, je ne comprends plus rien. Que faisons-nous au beau milieu d'une forêt, les pieds dans la boue ? Pourquoi escaladons-nous une montagne en plein après-midi ?
Ace n'a pas dit un mot depuis que nous avons quitté Toshima, et c'en est d'autant plus terrifiant. D'habitude, il est le premier à trouver la moindre occasion de rire, ou à lancer des remarques sarcastiques qui me concernent la plupart du temps.
Au bout de trente minutes de crapahutage, nous atteignons un plateau. J'ai l'impression que mes cuisses sont sur le point de se déchirer. La bonne nouvelle, c'est que l'expression d'Ace indique qu'on est arrivés.
Il enfile son masque aux reflets violets et m'en tend un noir. Je l'imite et rabats à mon tour ma capuche sur mes cheveux. Cette fois, j'ai saisi. Je m'apprête à découvrir la Snake Race.
— Il est rare de voir du monde par ici en journée, m'indique Ace alors que nous approchons d'une dizaine de voitures garées dans tous les sens sur un terrain dégagé. Les courses se font généralement la nuit.
Je suis ses pas jusqu'à atteindre un 4x4 sur lequel une enceinte a été posée. Ace me demande d'attendre là quelques minutes, puis il s'en va rapidement.
À une cinquantaine de mètres, se trouve une ligne de départ que je reconnais grâce à un gigantesque feu de circulation qui s'élève au-dessus de ma tête. La lettre C a été peinte sur les arbres se situant de part et d'autre de cette piste.
Un peu plus loin sur la gauche, je trouve une autre ligne de départ, en l'occurrence la B. Je me souviens des explications d'Ace. En tout, il y a quatre circuits, et le D représente le plus difficile. Quelques skaters s'aventurent près de la zone B, tandis que d'autres discutent assis sur des troncs d'arbre ou à même le sol pour certains.
— C'est toi, V ?
Je me retourne et découvre un garçon d'environ ma taille aux cheveux noirs légèrement longs. Ace a dû m'attribuer un nom de code afin que personne ne me reconnaisse. Problème, je ne connais pas le sien.
— Qui te l'a dit ? demandé-je dans l'espoir de récupérer cette information.
— À ton avis, marmonne-t-il en me jaugeant du regard. Yoru m'a dit que tu ne parlais qu'anglais.
— Je... Euh... Oui, bégayé-je mal à l'aise. Sais-tu où il est parti ?
— Avec Ayumi. Ils vont bientôt revenir pour que tu t'inscrives. Tu es la première personne que Yoru ramène ici. Je veux dire, en dehors de son meilleur ami, le blondinet.
— Ah oui ? En fait, je ne le connais pas vraiment, enfin...
Ma phrase reste en suspens un long moment jusqu'à ce que Ace – ou devrais-je dire Yoru – refasse surface accompagné d'une belle femme aux cheveux clairsemés de rose. Elle porte une courte veste flashy ainsi qu'un short en jean déchiré par-dessus une paire de collants sombres. La fameuse Ayumi, je suppose.
— V ! s'exclama-t-elle en m'attrapant les mains. Bienvenue à la Snake Race ! J'imagine que Yoru t'as fait le topo. Les inscriptions se terminent demain soir et les qualifications sont dans une semaine.
J'adresse un regard mécontent à Ace, qui préfère détourner la tête. Il aurait pu me mettre au courant !
— J'ai oublié de me présenter, reprend la jeune femme en posant une main sur sa poitrine. Je suis Ayumi et voici Shozo, dit-elle en désignant le garçon avec lequel je discutais. Et, lui c'est Rei.
Un homme aux cheveux verts – littéralement – arrive par derrière, passe devant moi, et contourne Ayumi avant de jeter une épaisse veste dans la tête du dénommé Shozo. Ses bras nus sont recouverts de toutes sortes de tatouages et je remarque qu'il porte du vernis noir.
Il me sourit au moment-même où il remarque ma présence et me salue d'une révérence. Que ce soit Ayumi, Shozo ou Rei, aucun des trois ne porte de masque. Ils doivent avoir une confiance aveugle en la préservation du secret de la Snake Race.
— V, j'ai besoin que tu signes ces papiers, indique Ayumi en me tendant lesdites feuilles. Moi, je dois vous laisser, mon copain m'attend devant la zone A. On se retrouve la semaine prochaine, les gars ! En priant pour que l'un vous arrive à la cheville de Suzaku !
Je me souviens de ce nom. Suzaku est un champion qui a gagné la Snake Race trois fois, dont deux fois de suite.
— Surtout ne te force pas à revenir ! lui crie Shozo alors que la jeune femme s'en va en courant. Bon sensei, dit-il en se tournant vers Ace. On fait la course ?
— Non, répond ce dernier d'un ton ferme. Je n'ai pas le temps aujourd'hui. On verra ça la semaine prochaine.
— T'es pas marrant, bougonne Shozo. Viens, Rei, on y va.
Son ami aux cheveux verts et bien deux fois plus grand que lui, m'adresse un signe de la main et nous quitte à son tour. Il ne reste plus qu'Ace et moi-même.
— Yoru, c'est ça ? le taquiné-je.
— Désolé, j'avais oublié ce détail, glousse-t-il en se passant une main à l'arrière de sa nuque.
Il n'est définitivement pas dans son assiette et il ne me dira rien tant que je ne le mets pas devant le fait accompli. Ma conversation avec Madame Aono ce matin refait surface à l'intérieur de mon esprit. Nightbreaker serait-il la cause de son état ? Y a-t-il eu un autre mort ? Quelqu'un de sa famille a-t-il été arrêté ?
— Ace. J'ai... J'ai une question.
Ses yeux sont cachés dans l'ombre de sa capuche, pourtant je les sens me transpercer de toute part.
— Aujourd'hui, Madame Aono, ma patronne, m'a parlé de Nightbreaker, commencé-je hésitante. Elle a évoqué sa première victime, Mitzuki je crois. Apparemment, c'est à côté du corps de cette fille que l'on t'a retrouvé.
— Que veux-tu savoir ? demande-t-il d'un ton sec.
Je craque nerveusement mes doigts et tape frénétiquement le sol du talon sans vraiment m'en rendre compte.
— Est-ce que tu la connaissais ?
C'est une question à double tranchant. Je crains qu'il refuse de me répondre et m'ordonne de partir sur le champ.
— Oui, murmure-t-il après un long silence. Mitzuki est...
Il prend une grande inspiration avant de terminer :
— Elle était ma petite sœur.
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