Ce matin-là, ce ne fut pas mon réveil qui me tira de mon sommeil, mais bien un message. Je somnolais encore, enveloppée dans la chaleur réconfortante de mes couvertures, mais quand je vis l'envoyeur, une terreur glaciale me réveilla totalement. Il m'avait retrouvé... J'avais déménagé, changé de numéro et même de personnalité. Et pourtant, il avait réussi à me tracer. Mon souffle devint de plus en plus court, mon corps tout entier tremblait, et mes pensées devenaient floues, comme emprisonnées dans un brouillard épais.

Alors qu'une crise d'angoisse se préparait et grandissait en moi, mon réveil se mit à sonner, me tirant ainsi de mes sombres pensées et me ramenant brutalement à la réalité. Mon regard se porta alors sur l'heure indiquée. Si je ne me dépêchais pas, je finirais en retard au lycée. En vitesse, j'enfilai l'uniforme, essayant tant bien que mal de calmer les tremblements de mes mains. Je mis du mascara sur mes cils et du fond de teint sur mes bras pour camoufler mes cicatrices, ces marques indélébiles de ma douleur passée.

Même si j'avais le temps, je sautai le petit déjeuner, toute cette histoire m'avait coupé l'appétit. Sur le chemin du lycée, les souvenirs déferlaient dans mon esprit, devenant presque aussi durs à contenir que mes propres larmes. Les arbres et les bâtiments défilaient en un flou indistinct, tandis que chaque pas me semblait plus lourd que le précédent. Après avoir récupéré mon billet de retard à la vie scolaire, mes pas se dirigeaient déjà vers la salle de SVT. Toujours aussi chamboulée par les événements de ce matin, je revêtis mon plus beau sourire de façade avant que la professeure ne vienne m'ouvrir, un masque fragile destiné à cacher mon tourment intérieur.

Je m'excusai pour mon retard, les mots trébuchant sur mes lèvres, et me glissai discrètement à ma place habituelle. Ce message continuait de hanter mes pensées, telle une ombre oppressante, me rendant impossible toute concentration. J'avais l'impression que chaque œil dans la salle était braqué sur moi, perçant à travers mon masque. Mais c'était le regard insistant d'Alex que je sentais le plus, un regard brûlant d'interrogations et de préoccupations. Pourquoi me fixait-il ainsi ?

La sonnerie de la récréation retentit enfin, offrant une échappatoire temporaire. Je sortis rapidement de la salle, mes jambes me portant machinalement vers un banc isolé où je pourrais réfléchir en paix. L'air frais de la cour était censé être revigorant, mais il ne faisait que souligner mon malaise intérieur. Ma tranquillité fut de courte durée. Alex me retrouva, son visage empreint d'une inquiétude sincère, ses yeux cherchant désespérément des réponses dans les miens.

- Salut, Léana, dit-il en s'asseyant à côté de moi sans même mon autorisation.

Je levait les yeux, surprise de le voir.

- Salut, Alex dis-je avec un ton intentionnellement froid.

- Tu vas bien ? Tu sembles préoccupée, dit-il.

- Ça va, répondis-je, en détournant le regard. 

Ce qui bien évidemment était totalement faux. Comment faire pour aller bien quand la partie la plus sombre que tu as cru avoir oublié te rattrape et te retrouve ? Pour répondre c'est totalement impossible. Soudain un groupe de garçons jouant au foot dans la cour envoyèrent le ballon droit vers nous. Par réflexe, je me préparais à encaisser le coup oubliant totalement Alex. Mais au lieu de faire pareil, lui, se leva brusquement et stoppa le ballon avec ses mains avant qu'il ne m'atteigne. Il paraissais soulagé de m'avoir aidé. Les garçons s'excusèrent rapidement et récupérèrent leur ballon. Aussi tôt je profita de la diversion pour partir et et m'échapper une fois de plus. 

Je retournais donc vers nos prochain cours, attendant la fin de la journée pour pouvoir me retrouver enfin seule. La fin de la journée passa étrangement lentement. Quand le dernier cours fut finis je décida de rester un peu au parc pour me détendre. Mon banc habituel était vide, je m'assis donc mais mon moment détente ne fut seulement de quelques minutes encore un fois.

 - Salut, Léana, dit-il encore un fois.

Je leva les yeux, agacée.

- Qu'est-ce que tu veux, Alex ?

- Je veux juste parler, répondit-il calmement. Pourquoi tu m'évites ?

- Parce que tu es insupportable, répliquais-je. Tu ne comprends pas que je ne veux pas de toi dans ma vie ?

Il soupira bruyamment comme pour rester calme.

- Écoute, je sais que j'ai une réputation, mais je ne suis pas aussi mauvais que tu le penses. Donne-moi une chance de te prouver que je peux être différent.

- Pourquoi devrais-je te croire ? Dis-je en le regardant, sceptique.

- Parce que je suis prêt à faire des efforts, dit-il. Je veux vraiment apprendre à te connaître. Je décelais un minimum de sincérité dans ses paroles.

Un groupe de filles passa près de nous, chuchotant et jetant des regards curieux dans notre direction. Je me leva brusquement, mal a l'aise, et dire que j'avais failli tomber dans son piège de pseudo mec sincère. Je partis, bien décidée a rentrer chez moi. Je réfléchissais, sans porter attention aux lampadaires qui commençaient à s'éclairer. Depuis que j'étais arrivée dans ce cartier Skye avait été ma première amie, confidente, elle s'était occupée de moi après m'avoir récupérée complètement détruite. C'était d'ailleurs elle qui 'avait montré ce petit raccourci pour aller dans mon cartier. Nous étions voisine pendant un temps mais elle avait déménagé dans un duplex non loin de notre Lycée.  

Je réfléchissais tellement que je n'avait pas remarqué que cette fois la ruelle n'était pas vide. Un homme grand mais qui semblait jeune me barrait la route. Le lumière d'un porche s'alluma non loin de nous éclairant légèrement son visage. Avec une terreur pure je constata que c'était Nick... La personne autrice du message que j'avait reçu ce matin, la personne qui m'avait brisée, la personne qui avait dépassé les limites du consentement et du respect envers autrui. Celui qui était l'auteur des cicatrices, des bleus présent sur mon corps. Celui qui m'avait détruit. 

Et il se trouvait là, à avancer dans ma direction avec une expression qui n'était pas de la joie mais quelque chose de bien plus dangereux...