Interlude (c)

Ashford

Je l'ai dit. Je lui ai dit. Tout haut, tout fort.

J'ai peur de tomber amoureux de lui. Encore une autre peur qu'on ajoute à mon compte. Mais, arriverai-je un jour à la surmonter ? Si oui, au bout de combien de temps ?

Je ne veux plus y penser, désormais. J'ai si mal et je me sens si lâche, même si c'était la chose à faire. Nous éloigner de cette ambiguïté, de ce trop plein d'émotion. On ne peut pas s'aimer, pas du sens amour, c'est impossible.

Bien-sûr que les gens qui me lisent en ce moment, trouve plutôt ma réaction trop disproportionnée. Ils sont révoltés par mon choix mais qu'auriez-vous fait à ma place ? Je suis sûr que certains auraient tenté d'être courageux et auraient continué à glisser vers cette chaleur, ce désir qui me ramène à Nathan. Mais, certains auraient opté pour mon choix, tout en se disant que c'est la meilleure chose à faire.

Je me suis longuement creusé les méninges après lui avoir envoyé ce message qui ne laissait place à aucune discussion et qui laissait planer une ambiance tendue et morose. Lily m'a dit que j'avais l'air pensif mais surtout triste. Et je crois que c'est le bon mot. Parce qu'avant que tout cela n'arrive, je savais pertinemment que ce qu'on faisait avec Nathan ne pouvait pas continuer. Que des sentiments plus forts que de l'amitié, n'avaient pas le droit de voir le jour. Puis, ma petite sœur m'a pris dans ses bras, pour me rassurer. Elle m'a chuchoté à l'oreille que la chose à laquelle je pensais si fortement pour moi devait être sacrément importante pour que j'y mette autant de force et de réflexion. Au fond, je sais qu'elle savait à qui je pensais. C'est d'ailleurs pour ça, qu'elle a ajouté que je devais prendre soin de cette chose. En prendre très soin.

C'est le déclic qu'il me fallait sûrement, parce que je me suis conforté dans l'idée que même si ma décision était très difficile à prendre, je faisais le bon choix. Je prenais soin de Nathan en lui épargnant le monde dans lequel je vivais, mais aussi en lui épargnant la place de celui qui faisait le choix pour deux. Et plus important, je protégeais son cœur comme le mien, d'une certaine manière.

D'ailleurs, si on avait continué sur cette pente, avec ses baisers divins, ses nuits rassurantes ainsi qu'apaisantes, et ses désirs ardents qui nous consument aussi vite qu'un feu qui se propage dans une forêt, il y aurait eu des dégâts. Forcément.

Après avoir pris Nat dans mes bras, je l'ai embrassé pour la dernière fois. Enfin, c'est que je croyais. Seulement, c'est faux. Ce n'était pas notre dernier baiser. Je le sens au plus profond de moi-même, et ce, même si les barrières se sont fixées entre nous depuis ce jour-là.

Les mois ont filé à une vitesse folle, et notre saison de football a été magique et réussie. Plus personne n'a murmuré au sujet de ce pari qui faisait de nous deux, Nathan et moi, les premiers touchés ; et Matt m'a oublié plus vite que je ne le croyais. Il avait mieux à faire avec ses nouveaux potes. Entre Nathan et moi, tout allait bien. Il nous est arrivé d'avoir quelques disputes, quelques pulsions à recadrer également, mais on s'en est sorti. On s'en est tous sorti avec le bac, mais plus important encore, avec de beaux souvenirs.

Maintenant, on a le plaisir de dire bonjour aux vacances d'été. Bon, qui dit vacances d'été, dit rentrée ensuite. Mais bon, je me suis promis que pendant ces deux mois, je ne penserais pas à ma rentrée à Chicago et aux kilomètres qui me sépareraient bientôt de mes amis. Je refuse d'y penser, ça me fout le moral dans les chaussettes.

Non, ce à quoi je pense depuis quelques jours, c'est à mon anniversaire : le 30 juin. Ma petite sœur n'arrête pas de faire le décompte chaque matin où je me faufile dans sa chambre pour la réveiller. Du coup, forcément je pense à ce jour où j'aurai mes dix-huit ans, et aussi à la fête que je ferais chez moi. Je pense au sourire sur le visage de mes amis. Ceux qui comptent et qui seront présents.

Oh, et j'ai oublié de parler de Cécilia. Une jeune femme de mon âge que mon père a pris soin d'inviter un soir à la maison, avec ses parents qui se trouvent être des voisins de notre long quartier. Elle est jolie avec ses cheveux roux et ses yeux couleurs chocolats. On s'est embrassé beaucoup de fois, et on a couché ensemble plusieurs fois aussi, elle et moi. Je ne peux pas dire que c'est ma petite amie, mais c'est tout comme. Devant mes parents, c'est le cas. Sauf que mes sentiments sont loin d'être aussi forts qu'ils ne le devraient. Cécilia, elle, a l'air amoureuse et heureuse avec moi. Elle compte poursuivre des études d'avocate à Chicago aussi, ça tombe bien donc.

Tout le monde est au courant dans la bande, et Nathan l'a plutôt bien pris. Bon, je sais pertinemment que ce n'est pas vraiment le cas, parce que je ressens la même tristesse que lui, depuis le début. Seulement, on sait que la décision que j'ai prise quelques mois auparavant, était la bonne. On le sait.

Je me répète souvent cette phrase. Presque tous les jours. Même quand je suis avec Cécilia et qu'elle me regarde, les yeux brillants et un sourire éblouissant sur le visage.

Tous les jours.



Nathan

En fait, je n'ai qu'une seule chose à dire. Et ça fait mal même quand j'y pense seulement. Mais c'est la vérité pure et dure. À chaque fois que je vois Ash sourire, rigoler, danser, me bousculer, me regarder... à chaque fois qu'il est avec elle, aussi ; je me répète sans cesse les mêmes mots. Je trouve d'ailleurs bizarre et complètement désespérant qu'il ne s'en rende pas compte, ou qu'elle ne le voit pas non plus. C'est inscrit sur mon visage, partout sur moi. Ces mots pulsent en moi, je les transpire.

Je t'aime.

En tout cas, elle est belle, très belle et j'espère sincèrement qu'il ne la brisera pas. Elle est gentille aussi, impossible de la détester. Et sa voix, on dirait une mélodie. Et il se sent bien avec elle, il me l'a dit. J'ai osé lui demander une fois. Il m'a dit qu'il n'en était pas amoureux mais qu'il se sentait bien avec elle. J'ai cru à ses mots parce qu'il faisait sincère, même si mon cœur mourrait en silence dans ma poitrine.

Pourtant ses yeux ne mentent jamais, et ce soir-là quand il m'a répondu, ils étaient tristes tout comme les miens. C'est notre point commun le plus ultime, la tristesse qui se reflète dans nos yeux.

Mais nous avons bien fait d'arrêter ce qui était impossible.

Ouais, je sais bien ce vous vous dîtes. Que c'est n'importe quoi. Seulement, c'est faux. Je sais que c'est faux. Il le fallait. Notre amour n'est pas voué à éclore tout de suite. Je garde l'espoir, même si tout semble si flou.

Je me contente d'être toujours moi, de sourire, et en faisant ça, mon cœur bat de nouveau. Pourtant les mots qui se répètent en boucle dans ma tête, m'abattent de plus en plus.

Je l'aime.

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