8. Me and you (c)

Ashford

Je ne sais même pas pourquoi je l'ai invité à cette soirée. D'habitude, c'est un truc qu'entre nous. Matt, Marcus, Paul, Luke, Kyle et moi. Seulement les mecs avec qui je m'entends bien dans l'équipe. Notre famille qu'on a pu se construire autour de la même passion : le football américain. On se connait depuis maintenant deux longues années, bientôt trois ans à la fin de l'année. Le truc, c'est qu'on s'est toute suite bien entendu ensemble. Comme si c'était écrit.

Maintenant, je me retrouve avec Nathan le nouveau. Mais pourquoi je l'ai invité ? Pourquoi j'ai ouvert ma bouche ? Le pire, c'est que je n'ai pas de réponse à ces questions. Aucune réponse ne me vient à l'esprit. Je nous revois juste dans ce salon de tatouage, lui à faire le ménage et moi accompagnant mon grand-frère pour honorer une stupide promesse d'alcoolos. Je ne pensais vraiment pas le voir ici. Bon d'accord, j'ai légèrement tiqué lorsque Pierre m'a annoncé ça dans la voiture, et que le mec qu'on allait voir s'appelait Paco. Non pas que je sois raciste ou quoique soit.

Comme ça, je suppose qu'il habite dans les quartiers malfamés de Ocean Hill. C'est peut-être pour cette raison qu'il fait si cool sur lui. Comparé aux pull, aux pantalons à pince et aux chemises que je dois me taper à cause de mes parents, ses sans-manches et ses jean lui donnent un style décontracté. Non pas que je trouve ça moche, au contraire, parfois j'aimerais m'habiller pareil.

Bref... je me demande toujours pourquoi j'agis presque normalement avec lui, maintenant. Peut-être est-ce parce qu'il m'écoute attentivement à chaque cours que je lui donne ? et que j'ai peut-être envie qu'il rentre dans l'équipe parce qu'il a le potentiel, alors que Matt veut lui faire une crasse pendant ou même avant cette sélection finale ?

D'ailleurs, je vais essayer de piocher quelques renseignements sur ce qu'il prévoit de faire, sans éveiller les soupçons. J'ai beau être un connard parfois, j'ai des principes et des valeurs. Et empêcher un mec de rentrer dans l'équipe de football seulement par fierté ou je ne sais quoi, alors qu'il a des chances d'être un élément important pour nous tous, ne fait pas partie de ce que j'accepte. D'accord ce mec m'a tapé sur les nerfs le premier jour, mais il faut croire que ces séances qu'on passe ensemble à faire et parler de football, m'ont apaisé à son sujet. Au contraire de Matt, qui lui, surchauffe.

En attendant, je suis tranquillement sur mon canapé, et toujours pas de nouvelle des gars. D'habitude, Marcus et Paul sont déjà arrivés. Je décide aussitôt de leur envoyer un message sur notre groupe.

Les footballeurs

Ash : Salut les mecs, vous foutez quoi ?

Paulo : Désolé mec, je vais pas pouvoir ce soir mec, repas de famille oblige.

Je soupire. Marcus et Kyle répondent en même temps. Je soupire encore plus cette fois-ci, en lisant leurs messages d'excuses. Des excuses bidons ouais.

Luke : Je suis avec Violette ce soir, désolé mec. Une prochaine fois.

Violette ? Ah oui, la petite Violette qui est en cursus littéraire. Il en est dingue. Ses joues rougissent lorsqu'elle s'approche et vient discuter avec lui. C'est tellement marrant, mais mignon aussi.

Matt : J'ai un plan avec Olivia.

Je serre les dents, déçu. Tout de suite, je balance mon portable à l'autre bout de mon lit. Puis, j'attrape une des bières que j'ai remonté. Je prends une gorgée et regarde la lancée du match.

Même pas après dix minutes de jeu de passées, j'entends mon portable pousser la chansonnette. Je fronce les sourcils en l'attrapant. C'est un message Messenger de Nathan. J'accepte son invitation à parler et lis son message.

Nathan Forman : Je suis dans ton quartier, Dumbo. Quelle baraque ?

Il manquait plus que ça, que je me retrouve seul avec lui. Il va penser quoi de moi ? Les gars sont pas là, putain, et je lui ai assuré le contraire. Je me passe une main dans les cheveux, légèrement paniqué.

Soudain, la porte de ma chambre s'ouvre à la volée. C'est Pierre.

— Putain, qu'est-ce qu'il y a ?

— Calme-toi, Ash. Il y a une voiture devant chez nous, on dirait Paco.

Je souffle un bon coup.

— Normal, j'ai invité Nathan.

— Le jeune avec le tatouage ? Vous êtes amis ?

Je ris jaune.

— Non.

Je le laisse pas reprendre la parole, je file, en dévalant les escaliers. J'ouvre la porte d'entrée avec précipitation. À ce moment-là, comme s'il m'avait senti arriver, Nathan tourne la tête vers moi. Notre échange dure quelques secondes, avant qu'il ne dise quelque chose à Paco. Pendant un instant, je me demande si ça serait pas mieux de lui dire de rentrer chez lui. Puis, les mots de Pierre me reviennent en tête : "Paco était certainement le gars le plus fiable que j'ai jamais connu. Plus que mes amis sportifs de l'époque avec qui je faisais tout et n'importe quoi. Bien sûr, les gens disaient que les ados de là-bas, des quartiers qui craignaient, étaient sans doute des voleurs ou alors des dangereux, mais Paco n'était pas comme ça. Il était mystérieux, mais qui n'est pas mystérieux dans sa vie, hein ?".

Je reste, stoïque, à le regarder sortir de la voiture, Paco lui souhaitant sûrement une bonne soirée. Après tout, Pierre a raison. Nathan vient peut-être des quartiers malfamés et peut-être qu'il m'a tapé sur le système avec son regard provocateur et son franc-parler, sans oublier mon impulsivité, je sens que ce gars peut se faire une place contrairement à ce que je lui ai dit la dernière fois. Bien sûr que je pensais ce que j'ai dit sur le coup, mais il faut croire que, soit je me suis fait retourner le cerveau, soit je souffre de bipolarité. Je préfèrerais la première proposition à la deuxième. Même si j'avoue être parfois lunatique.

En le regardant se diriger dans ma direction, je me repasse cette soirée en boucle. Matt avait l'air si content de faire une crasse à Nathan pour qu'il ne participe pas à la sélection finale. D'ordinaire j'aurai été dans le coup avec joie, et surtout contre ce nouveau, mais bizarrement mon instinct m'a fait comprendre qu'il fallait que j'avertisse Nathan d'une façon ou d'une autre, sans trop en révéler.

C'est sûr, je me suis fait laver le cerveau à cette fête. Avant, je détestais ce mec. Maintenant, c'est autre chose. Une chose que je ne pourrais pas qualifier. Est-ce que c'est possible de détester quelqu'un et de ne plus le détester quelques jours plus tard ?

— Ash, tu réfléchis trop.

Je sursaute à la voix de Pierre, derrière moi.

— Bien sûr que c'est possible de détester quelqu'un et de ne plus le détester après par exemple. Cette sensation m'est déjà arrivée plusieurs fois. On apprend à connaître la personne et puis, pouf.

Je grimace en le regardant, perdu.

— L'être humain est bizarre, petit-frère.

— Mais pourquoi je ne le déteste plus ?

Il me sourit chaleureusement.

— J'en sais rien Ash. Maintenant retourne-toi, il arrive.

En effet, j'entends ses converses claquer contre les marches. Doucement, je me retourne vers lui. Ses yeux se fixent dans les miens. Je ne sais pas vraiment comment me comporter. Lorsque je l'ai vu avec Marcus, Paul et Luke, je me suis demandé comment mes potes faisaient pour paraître aussi naturel avec lui. Moi, je me sens toujours tendu ou bizarre.

— Salut.

Sa voix est hésitante.

— Les gars ont pas pu venir.

Immédiatement, Nathan affiche un air abasourdi. Il fronce les sourcils.

— Pourquoi je suis là, alors ?

Je déglutis.

— Bonne question.

Le silence s'installe autour de nous, alors que le temps passe. Soudainement, une idée me vient en tête.

— Je crois que les commerces sont toujours ouverts. On peut aller chercher ton équipement.

— Et le match qu'on était censé regarder ?

— Comme tu dis, on était censé le voir, c'est pas une obligation.

Je me retourne pour rentrer à l'intérieur de chez moi, mais sa voix m'arrête dans mon élan. En le voyant, je le sens légèrement gêné.

— Je n'ai pas de fric sur moi.

— Je... j'ai ce qu'il faut.

Cette fois, je rentre chez moi. D'un léger mouvement de tête, et en tenant la porte ouverte, j'intime Nathan à rentrer à l'intérieur. Après avoir soupiré, il me suit tranquillement. Sans faire attention à mes parents, mon frère et son épouse qui sont dans le salon à prendre l'apéritif, je monte directement à l'étage pour récupérer ma carte bancaire.

Une fois en haut, j'attrape la télécommande qui gît sur mon lit puis j'éteins aussitôt la télé. Pendant que je cherche mon portefeuille et mes papiers, j'aperçois l'ombre de Nathan plomber au-dessus de moi. Par simple instinct, je jette un coup derrière moi. Il est seulement accoudé à l'encadrement de la porte. Ses yeux ne ratent aucun détails que ma chambre laisse entrevoir.

— Tu es fan du groupe Queen ?

Je continue à chercher ce qu'il me faut. Au bout de quelques minutes, je trouve ce qui m'intéresse puis je me retourne vers Nathan. Il semble attendre quelque chose de ma part. Je fronce les sourcils.

— Quoi ?

Il soupire.

— Tu es fan de Queen ?

Il me désigne de la main, le grand poster que j'ai accroché au-dessus de mon bureau. En fait, il y en a plusieurs. Eh ouais, je suis fan de ce groupe de rock depuis tout petit. C'est sûrement pas mes parents qui m'ont fait aimer ce style de musique et encore moins ce groupe. Non, c'est au collège. Mon petit groupe d'amis du moment écoutait leurs musiques en boucle.

— Ouais, leur musique est géniale.

Nathan prend un air pensif.

— Je t'accorde que ce groupe est génial, mais j'ai une préférence pour le groupe Coldplay. Un rock plus coloré, si tu vois ce que je veux dire.

Un sourire naît sur mes lèvres. Je ne pensais pas que cette soirée match allait finir sur une soirée musique. C'est plutôt original et loin de mon quotidien. Que ce soit avec Matt ou avec les gars de l'équipe, on parle pas de musique. On parle le plus souvent de football et des grandes équipes qui se partagent les États Unis.

— Tu connais au moins ?

Cette fois-ci, je ris. Nathan m'interroge du regard, l'air de ne pas comprendre. Heureusement qu'il ne comprend pas, sinon ça voudrait dire qu'il est dans ma tête et ça serait franchement trop bizarre.

— Ouais, je connais bien ce groupe avec Chris Martin. J'aime bien. Mais je préfère les Maroon 5.

Nathan esquisse un sourire avant de secouer la tête.

— J'aime bien aussi. Mais si tu me parles de musique maintenant, je risque de rester des heures à te prouver pourquoi les groupes que je préfère sont les meilleurs de tous et tu vas perdre.

Je ne réfléchis pas à ma réponse, je sors de but en blanc :

— Je relève le défi, c'est quand tu veux.

Nathan se raidit à ces paroles. Il se retourne et se dirige vers les escaliers, synonyme que la conversation est terminée. Je souffle un bon coup, avant de descendre les escaliers à sa suite. Avant qu'on parte, je lui demande de m'attendre dans l'entrée, le temps que je prenne les clés de ma voiture, que mon père garde. Je ne comprends toujours pas le fait qu'il veuille attendre la fin du lycée et mon diplôme pour que j'ai le droit de la conduire tout le temps.

Doucement, je m'avance vers eux. Puis, je me poste devant mon père, qui comme à son habitude, se tient droit.

— Oui, Ashford ?

— Est-ce que je pourrais avoir mes clés de voiture, Papa ?

Il échange un regard avec mon frère. Je ne vois pas le regard que lui lance Pierre, puisque je suis de dos à lui.

— Je pourrais savoir où tu compte aller avec ton ami ?

Je prends une grande inspiration. Ma mère qui est assise à côté, me sourit.

— On va seulement faire un tour en ville.

— Et pourquoi tu as besoin de ta carte de crédit ?

Je garde mon sang froid.

— J'ai besoin d'un truc pour le foot.

Mon père me scrute pendant quelques secondes avant de fouiller dans sa poche de pantalon. Il en sort ma paire de clé. Je tends la main pour les prendre, mais elles n'arrivent pas tout de suite en ma possession.

— Sois prudent.

Je hoche la tête, avant de partir rejoindre Nathan qui m'attend dans le hall de l'entrée. En lui montrant les escaliers du bas, nous prenons route vers le garage où ma Maserati rouge m'attend. Je fais biper mes clés pour l'ouvrir, puis j'ouvre ma portière. Nathan hésite avant d'ouvrir la sienne. Il finit par le faire et s'installer à l'intérieur.

Ma voiture surprend les gens à première vue, je le sais bien.

— Je ne pensais pas que tu avais une voiture à toi. En plus celle-là. Putain, elle en jette !

Un sourire béat se dessine sur le visage de Nathan.

— Merci. Mon père me l'a offert l'année dernière. C'est exactement celle que je voulais.

— Pas mal comme choix.

Il se retourne vers moi, toujours en sourire. Son visage emplit par l'émerveillement me laisse scotché sur place. Ses yeux pétillent. Brutalement, mon coeur se met à battre de plus en plus fort dans ma cage thoracique. Putain, il m'arrive quoi ?

Je détourne les yeux pour démarrer le bolide et appuyer sur la touche qui ouvre la porte du garage.

— C'est elle qui va me suivre pendant toutes mes années d'université à Chicago.

Je vois que Nathan acquiesce, du coin de l'oeil.

— Prêt ?

— Ouais, je suis putain de prêt.

Je m'installe dans le trafic puis roule vers SPOTFoot, le magasin chez qui je vais m'acheter ce dont j'ai besoin pour le football. Après ce qu'il me semble une bonne demi heure, on trouve son équipement. Je lui paye et ne lui demande pas de remboursement par la suite. Nathan n'est pas vraiment d'accord au début, mais têtu comme je suis, je campe sur mes positions. Il soupire. En réponse, c'est tout naturellement que je lui dis que mon geste sonne comme le commencement d'une trêve. Nathan rit.

— Alors, ça veut dire qu'on peut devenir ami ?

— Peut-être.

J'avance mon poing pour sceller nos paroles. Sans tarder, Nathan tape dedans avec son poing. Puis nous partons du magasin. Nous continuons encore à rouler pendant une demi heure, seulement pour le plaisir. Ayant des CD de Queen et Maroon 5, il alterne avec la musique, pendant que je regarde la nuit qui se couche sur les rues.

Je crois bien l'entendre dire à un moment, tout bas :

— C'est la première fois que je n'ai pas peur d'elle.

Je lui jette un regard, curieux. Pour autant, je ne relève pas. S'il l'a dit si bas, c'est que c'est sans aucun doute intime.

Au bout d'un moment, en le voyant commencer à fredonner les airs, je fais pareil. À cet instant, je crois que quelque chose se passe entre nous, comme quelque chose de profond. Quelque chose de complètement fou. Je pourrais qualifier cet échange d'incompréhensible, c'est tout à fait vrai.

Mais après tout, l'être humain est bizarre non ?

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Nouveau chapitre !!! J'espère que vous l'avez aimé ! ;) J'attends avec impatience vos petits commentaires en retour !

Rendez-vous au prochain chapitre !

Bises.

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