Ashford

Ce matin en sortant de la maison, j'essaie de me faire le plus discret possible. Heureusement, aucune trace de mes parents. Lily est en bas en train de prendre son petit déjeuner avec Gina. Je les salue en prenant une pomme pour la grignoter dans ma voiture sur la route. Avant de filer, comme un voleur je l'avoue, je dépose un baiser sur le sommet du crâne de ma petite sœur.

— Bonne journée Lil.

Elle me fait une moue triste.

— J'aimerais tellement que ça soit toi qui m'accompagne à l'école pour une fois.

— Je sais ma puce, mais avec Gina c'est bien aussi ?

Lily observe Gina qui lui sourit chaleureusement avant de la resservir en pancakes. J'observe ma petite sœur sourire à son tour et ça me réchauffe le cœur.

— Oui oui ! Bonne journée Ash.

Je lui fais un clin d'oeil, puis je file au garage pour prendre ma Maserati qui m'attend bien sagement. Je fais vrombir le moteur de ma beauté tout en croquant dans ma pomme. Puis sans attendre, je mets le cap sur le lycée. J'arrive en très peu de temps et ne remarque pas grand monde. Le plus important, c'est que les gars ne sont pas au coin fumeur, et Matt non plus d'ailleurs. Seul Nathan est assis là-bas, une clope au bec.

Vite fait, je me gare puis je m'approche de lui. Sans parler, juste un regard, je l'intime de me suivre. Discrètement, il termine sa cigarette tandis que je me réfugie dans le coin protégé à côté du préau, là où personne ne va. J'attends quelques minutes, en m'emmitouflant bien dans mon manteau d'hiver. Nous arrivons bientôt au mois de décembre et les matins sont rudes. Bien plus que les après-midi qui sont plus doux.

Quelques minutes plus tard, Nathan arrive. Il se plaque au mur face à moi, son regard rivé au mien. Je n'esquisse aucun pas — pourtant ce n'est pas l'envie qui me manque — et lui non plus. Il reste silencieux.

— Tu as perdu ta langue ? je plaisante.

Ses lèvres se relèvent dessinant un sourire espiègle.

— Je ne me rappelle pas l'avoir perdu, mais si tu ne me crois pas, tu connais une manière de savoir si je suis un menteur.

Il me fait clin d'oeil. Je ne pensais pas qu'il deviendrait aussi allumeur. Son attitude joueuse me pousse un peu plus vers lui, je dois l'avouer. Elle réveille même un endroit intime dont seules les filles avaient réussi à attiser la curiosité. Mais je ne préfère pas y penser à ce moment même.

Doucement, je me rapproche de lui. Une fois que nos corps s'effleurent et que son souffle percute la peau sensible de ma nuque, je plante mes deux mains au mur, à hauteur de son torse. Son torse qui monte et qui redescend tranquillement.

— Tu voudrais qu'on s'y tente ? À cette manière ?

Il rit avant de lever les yeux au ciel.

— Rien qu'une minute.

Je fronce les sourcils.

— Les murs ont parfois des oreilles Ash. Je n'ai pas envie qu'on ait des ennuis.

Je baisse la tête, ma main droite glissant vers la sienne. Lorsque nos doigts se resserrent les uns sur les autres, j'inspire vivement. Puis, j'arrive à me détacher de lui.

— Tu as entièrement raison.

— Ash, ce n'est pas...

Je le coupe tout de suite, parce que je sais pertinemment qu'il a raison. Même si c'est un endroit peu fréquenté, il peut y avoir quelques oreilles qui traînent et si jamais ça s'apprend, on est mal. Je peux dire adieu à ma vie, mes parents n'accepteront pas une telle chose.

Le jour est risqué.

— Tu te sens prêt pour vendredi ?

Il grimace avant de redevenir sérieux. Il a compris et ne compte pas continuer notre conversation d'avant.

— Ouais et encore plus depuis ce que tu m'as dit hier soir.

Son ton est convaincu et son expression déterminée.

— Ne prends pas de risque.

C'est lui qui s'avance cette fois. Il me cloue au mur, ses mains encerclant ma tête. Ses lèvres frôlent les miennes et j'ai la sensation de me sentir léger. Des frissons se découlent dans mes membres. J'en tremble tellement c'est fort.

— Toi non plus, Ash.

Une de ses mains vient se loger derrière ma nuque, forçant nos nez à se toucher. Je laisse mon souffle s'échapper. La pression que je ressentais dans mon bas ventre tout à l'heure revient de plus belle. Elle me provoque et me consume presque.

— J'ai l'intime conviction que tu vas essayer de tenter quelque chose avec Matt.

— Et alors ? je lâche le souffle court.

Ses yeux se figent aux miens. Jusqu'à présent, je n'avais pas remarqué qu'il avait un œil marron et l'autre marron-vert. C'est hypnotisant, beau.

— C'est un connard Ash ! Et je dois dire qu'en étant le capitaine de l'équipe de football, il détient bien trop de pouvoir sur l'équipe et donc sur toi aussi.

Un sourire malicieux se dessine sur mon visage. Il s'inquiète pour moi. J'avoue que cette idée fait battre un peu plus fort mon cœur.

— Je sais ce que j'ai à faire.

Alors que Nathan s'apprête à me dire quelque chose de bien senti, j'en suis sûr, son téléphone commence à sonner. Une chanson du groupe U2, dont je ne me souviens pas le nom tout de suite, retentit. Nathan se sépare de moi et décroche aussitôt.

Lorsque sa chaleur quitte la mienne, j'ai un peu froid et je me sens différent, comme si j'avais déserté. Étrange sensation.

Au bout de quelques minutes, Nathan raccroche et se retourne vers moi, l'air embarrassé. Je lui souris amicalement, avant de l'interroger du regard.

— C'était Iliana, elle m'attend à nos casiers. Je vais devoir y aller.

— Pas de souci. J'y vais le premier.

Il me laisse passer devant lui mais au dernier moment, m'attrape par le poignet. Mon dos heurte de nouveau le mur et sans que je puisse redire quelque chose, les lèvres de Nathan prennent de force les miennes. Immédiatement, je me détends et laisse libre accès à sa langue. Le baiser ne dure pas longtemps mais il est si intense que j'en viens à avoir une montée de sensations diverses qui prennent d'assaut mon ventre. À vrai dire, je gémirais presque mais heureusement rien ne passe le pas de ma bouche.

— J'ai eu mon baiser que j'attends depuis hier soir et toi, tu as la preuve que je suis pas un menteur.

Je reste sans voix, surpris.

— Fais pas cette tête, tu ferais mieux de me remercier.

— Bien sûr.

— À toute Ash !

Puis il disparaît, me laissant clouer au mur, plusieurs sensations à même le corps et un sourire idiot sur le visage. Je crois bien que les sourires idiots avec lui, j'y suis abonné maintenant. Mais est-ce une bonne chose ?

*

* *

La journée se passe bien pour le moment. Ouais, pour le moment... Les gars et moi, mangeons ensemble tranquillement. Luke nous parle de la soirée qu'il a passé avec Violette hier soir. Il l'a emmené au petit coin qu'on connaît tous dans notre groupe. On a tous au moins ramener une nana là-bas, seulement pour l'impressionner et aussi pour mieux l'avoir dans notre poche. En même temps, le lieu est magnifique et encore plus lorsque le soleil se couche. C'est comme s'il caressait la surface de l'eau calme qui parcourt la rivière. D'ailleurs, ça fait longtemps que j'y suis pas allé. En même temps la dernière fois c'était avec...

— Salut les mecs !

Je relève la tête en entendant la voix de Matt. Il nous sourit joyeusement, un bras sur les épaules de Olivia. Elle, a l'air plus embarrassée que joyeuse. Luke, Marcus et Paul lui répondent par un signe de tête, tandis que Kyle lui répond sur un ton enjoué. Le reste de l'équipe le salue d'un signe de la main avant de revenir à leur conversation. Sûrement une conversation axée sur les prochains matchs qui vont compter pour la saison et aussi sur les nanas qu'ils vont pouvoir se faire prochainement.

Je reste silencieux de mon côté, sachant très bien ce qu'essaie de faire Matt. Il a essayé de me parler seul à seul et j'ai refusé. Maintenant qu'il y a du monde autour de nous et surtout l'équipe, je ne peux pas lui échapper. Heureusement que Nathan n'est pas là. Bientôt, quand il fera partie des nôtres, il pourra choisir de manger avec nous. Dans un sens, j'espère qu'il le fera, mais de l'autre, je sens que Matt va se faire un malin plaisir à le travailler.

J'inspire un bon coup. Luke continue son histoire où Violetta était en train de rougir sous le soleil couchant et que c'était le truc le plus beau qu'il avait jamais vu. Un jour, il nous a même parlé de mariage avec elle. Il est fou amoureux de cette fille et elle a bien de la chance. Luke est un bon gars et un bon ami.

En jetant un regard en coin, j'arrive à voir que Matt se rapproche dangereusement de moi. Évidemment les seules places libres sont à côté de moi.

— C'est libre ?

Cette fois, je suis obligé de le regarder dans les yeux. Lorsque mes yeux se posent sur les siens, j'y vois une légère méfiance.

— Ouais.

Mon ton est neutre. Matt s'assoit et Olivia aussi. Bien sûr, c'est lui qui choisit de se mettre à côté de moi. J'essaie de ne pas penser à sa présence mais c'est difficile. Surtout parce qu'il m'épie.

— Ash, je suis désolé.

Je serre les dents. Il faut que je me contrôle et que je reste fort.

— Ce soir là, je ne savais plus ce que je faisais et puis j'étais vraiment arraché.

— Ton état n'excuse pas ce que tu as fait, Matt.

Ma voix est sèche et tranchante comme une lame de rasoir. D'ailleurs, il doit le ressentir parce que je le sens reculer. Il soupire avant de fermer les yeux. Alors nous aurons cette conversation devant tous les autres et en plein milieu de la cafétéria ? Très bien, s'il veut.

— Je sais bien, ce n'est pas une excuse. Seulement je ne sais pas quoi faire pour qu'on redevienne comme avant. Des meilleurs amis.

Je rigole amèrement devant ses paroles. Et fort aussi. Tellement que Marcus, Luke, Paul et Kyle arrêtent de parler entre eux, pour faire un peu plus attention à nous. Je décide de prendre une grande inspiration et de me tourner vers lui, de façon à ce qu'on soit face à face. C'est plus facile pour parler et s'exprimer comme bon nous semble.

— Commence par me dire pourquoi tu as fait ça. Réellement.

Matt s'apprête à dire quelque chose mais je le coupe.

— Et ne me dis pas encore que c'est le coup de l'alcool, parce que c'est des conneries et on le sait toi et moi.

Il grimace sévèrement. Olivia l'apaise un peu, en plaçant sa main sur son épaule.

— Tu veux je sois honnête ?

Je secoue la tête sans rien dire.

— Tu passais tout ton temps dédié à notre équipe avec lui, à l'aider. Et puis tu t'es rapproché de lui tout en t'éloignant de ton vrai meilleur ami, moi. Je crois que j'en ai pris pour ma fierté. Au départ, cette histoire de pari pour moi était une histoire de rigolade, mais ça a pris des proportions énormes. Les lycéens y participaient avec ferveur et moi je te voyais plaisanter avec lui. J'ai fini par me prendre au jeu du pari.

Il déglutit difficilement sous le regard de tout le monde.

— Comme ça m'énervait de te voir plus souvent avec lui, qu'avec nous, qu'avec moi, la seule façon de te faire revenir a été de te provoquer, comme la dernière fois où on s'est bagarré. D'ailleurs j'étais pas fier, mais Nathan me tape sur le système. Avant, il nous tapait tous les deux, sur le système.

— Plus maintenant, c'est notre ami et il va devenir un des joueurs de notre équipe.

J'attends patiemment une réponse de sa part, mais rien ne vient. Même pas une riposte. Il est silencieux.

— C'est vrai, je passais du temps avec lui et je passe du temps avec lui, mais normalement on est censé se parler nous deux. Se dire les choses, même en tant que capitaine et joueur. Mais c'est fini Matt, tu t'es fichu de moi avec tout le lycée, derrière mon dos. Je me demande si un jour je pourrais te faire à nouveau confiance.

Matt ne parle pas. Il est encore silencieux et c'est bien la première fois que je le vois aussi affecté. Comme pour conclure notre conversation, je me replace droit sur ma chaise et continue de manger tranquillement. En voyant qu'il ne réagit pas, je me retourne vers lui, les nerfs à vif.

— Mais...

Il relève aussitôt la tête, Olivia l'imitant.

— Mais tu es notre capitaine et mon capitaine aussi, alors de ce côté-ci rien ne changera. Je resterais à ma place et je jouerais comme d'habitude.

Il acquiesce, impuissant.

— À ce propos, si tu tentes quoi que ce soit contre Nathan le jour de sa session finale, je te jure que toi et moi, on ne pourra plus jamais être amis. D'accord, j'ai détesté Nathan au début pour des raisons personnelles et complètement débiles, mais en apprenant à le connaître, je m'en suis fait un ami et un allié. Tu ferais mieux de prendre le même chemin, toi aussi.

Matt m'observe d'un œil méfiant, en tiquant légèrement.

— Ce mec ne m'inspire pas confiance, mais... mais je ne ferais rien contre lui.

Il se lève aussitôt après avoir dit ça. Olivia se lève aussi pour le suivre. Je le regarde partir. Sauf que visiblement, il lui reste une chose à me dire. Il se retourne vers nous, le regard vissé sur moi. Un regard déterminé contraire à celui qu'il avait, il y a deux secondes.

— Tu n'as encore jamais menacé personne pour un ami, Ash, et encore moins ton ancien meilleur ami. J'aimerais bien savoir quelle place tient réellement Nathan pour toi. Tu dis que c'est un allié et un ami, mais cela sonne étrange dans ta bouche.

Je plisse les yeux face à son accusation silencieuse.

— Bon app les gars. On se retrouve pour l'entraînement et au top !

Il quitte la cafétéria. Personne ne dit rien par rapport aux dernières paroles qu'il a lancé. Tout le monde est silencieux avant que Paul lance une blague par rapport à je ne sais trop quoi, à vrai dire je n'écoute plus. Marcus renchérit tandis que je me perds dans mes pensées.

Je sais pertinemment ce qu'il a voulu me dire à travers ses dernières paroles et je crains que ce ne soit pas quelque chose de bon. Parce qu'il sait qu'il se passe quelque chose entre Nathan et moi. Tout bas, il a voulu me faire passer un message, et c'est loin d'être une bonne chose pour lui comme pour moi.

— Hé Ash, fais pas attention à ce que dit Matt, il cherche seulement à te provoquer, me chuchote Marcus.

— Ouais tu as sans doute raison, je rajoute pour noyer le poisson.

En les voyant parler d'un sujet dont je ne sais ni le début, ni la fin, je les laisse. Pendant ce temps-là, je cherche Nathan du regard. J'arrive à le repérer un peu plus loin. Il mange avec Iliana. Au bout d'un moment, il sent mon regard sur lui. Ses yeux croisent bientôt les miens. Il me sourit discrètement et moi aussi, je lui souris.

Je lui souris tout en sachant que le jour est trop dangereux pour nous, aussi dangereux que Matt. Et qu'il n'y a que deux choix qui s'offre à nous pour ne pas se faire se repérer : continuer dans l'ombre ou dire stop à ce qui vient d'à peine commencer. Dans l'instant, je me dis que c'est mieux de dire stop, parce que ce ne sont que des baisers, des émotions inconnues qui font du bien et qu'on peut y mettre un terme facilement. Mais tout au fond de moi, tout au fond vraiment, je ressens ce déchirement qui vous lacère la poitrine lorsqu'on perd quelque chose ou quelqu'un qui nous est cher.

Tout de suite, ce à quoi à je pense en voyant Nathan me sourire et froncer des sourcils en me voyant avec l'expression dure, c'est qu'au grand jamais je n'aurais cru que les choses se passeraient comme ça entre nous.

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Coucou tout le monde ! J'espère que vous allez bien ! Je vous ai laissé ce chapitre pour le week-end ! J'espère que vous l'avez apprécié ! J'attends avec impatience vos réactions en commentaires !

Rendez-vous au prochain chapitre !

Bisous bisous !!

PS : je ne crois pas vous l'avoir déjà précisé, mais l'histoire contient 32 chapitres, avec un interlude et un épilogue. Voilà, voilà... ainsi que... UN DEUXIÈME TOME par la suite ! (que je suis accessoirement en train d'écrire... mais chut...)