VINGT-TROIS - 9 mars

IMPORTANT

Hello ! J'espère que vous allez bien. Juste pour vous prévenir de faire attention. Si vous avez débuter votre lecture avant le 22 juin, sachez que cette histoire a été réécrite pendant son écriture. De nombreux détails importants ont été modifié dans les chapitre 10bis-14-15-16. Sans eux, vous risqueriez de ne pas comprendre ce dernier chapitre (en partant du principe qu'il soit compréhensible).

***

Mois de mars, le lundi qui suivit le week-end qui suivit le jeudi qui suivit la nuit de vendredi à samedi.

Quand il eut poussé le double jeu de porte qui donnait accès à l'amphithéâtre, Alex trouva qu'il y régnait une atmosphère étrange. Le brouhaha semblait un peu plus fort qu'à l'ordinaire, plus faible également. Sûrement parce qu'il était formé de chuchotements.

Il descendait les marches sans apercevoir Lou, Ange, Jade et Emma. Un regard lui transperça la nuque. En se retournant, il vit une étudiante le dévisager, l'air interrogatif. Elle reçut un coup de coude de la part d'une amie. Elle continua son manège, plus discrètement, et lui expliqua quelque chose. La bouche de sa comparse s'entrouvrit d'une surprise choquée. Elles continuèrent de murmurer en le pointant des yeux.

Alex parvint tout en bas de l'escalier, à quelques mètres de l'estrade des profs, et remarqua seulement ses amis qui s'étaient installé tout en haut de l'amphithéâtre, à la dernière rangée. Ils avaient le nez rivé sur l'ordi de Lou qui se tenait au milieu. Le visage dans la main pour se cacher à moitié les yeux, ils gloussaient par moment, à la fois gênés, choqués, dégoutés et amusés.

Alex remonta les marches, un peu déçu.

Emma avait dit qu'elle viendrait . Pourtant, elle n'était nulle part.

Il soupira, peut-être qu'elle allait arriver. Il s'était réveillé de bonne humeur mais celle-ci le quittait déjà. Peut-être aurait-il dû proposer à Emma de venir la chercher en voiture ? Il avait dormi chez sa copine la veille.

- Coupe ça ! implorait Jade. C'est hyper cringe ! Pourquoi elle a fait un truc aussi gênant ?

Alex s'approcha en lançant un bonjour général. Ses trois amis se turent et le dévisagèrent à leur tour.

­- Salut ! répéta-t-il pour les faire réagir. Qu'est-ce que vous avez tous aujourd'hui ?

Lou se racla la gorge.

- T'as pas vu la vidéo ?

- Quelle vidéo ?

Lou détourna le regard, mal à l'aise. Jade se cachait dans ses paumes, tournée vers l'estrade. Il n'y avait qu'Ange qui osait toujours poser les yeux sur lui.

- Celle de Facebook.

- J'ai pas Facebook, seulement Insta. C'est aussi dessus ?

- Non mais de toute manière, elle a été supprimée.

- Supprimée ? Pourquoi ?

L'heure tournait. Huit heures et quart approchait. Le prof de droit public venait d'entrer dans la salle. Le cours commenceraient bientôt. Alex ne comprenait rien à ce qu'il se passait. Ange tourna l'ordi dans sa direction.

Le jeune homme sut la raison qui les avaient poussé à s'installer au dernier rang, sans personne derrière eux. L'image renvoyait une scène d'horreur.

Emma.

Le haut du corps d'Emma. De sa taille au bas de son visage étendu dans de l'herbe. Nue. Elle semblait gémir. Un autre corps s'agitait au-dessus d'elle dans un mouvement sans équivoque, répétitif. Une main poignait dans son sein.

Alex restait ahuri. Il remarque alors les écouteurs que partageaient Lou et Ange. Il s'insurgea.

- Vous prenez plaisir à regarder ça ? Me dites pas que vous avez enregistré cette vidéo ?

La caméra s'éloigna et fit des plans plus large. Le caméraman pointa quelques choses du doigts, Alex ne distingua qu'un vieux bracelet de fils tressés et délavés à son poignet. Il essaya de détourner son regard mais il restait comme figé. Il refusait de contribuer à ça.

- Mais putain ! s'énerva-t-il soudainement, réussissant à sortir de sa léthargie. Pourquoi vous regardez ça ?

Il rabattit violement l'écran.

- Hé ! Mon ordi, fais gaffe !

- Merci, cette fille me gêne... se désola Jade. Quelle idée de se laisser filmer comme ça ?

Silencieuse, Ange continuait de le défier du regard.

- Emma est notre pote ! Vous êtes des tarés !

- C'est vraiment toi qui va nous faire la morale ? demanda cette dernière.

Elle avait arqué un sourcil. Alex les aurait frappés, ses poings le démangeaient. Heureusement, le prof réclama du silence pour commencer son cours.

Le grand blond fit rageusement demi-tour, prenant sur lui. Il alla s'assoir plusieurs rangées plus loin, tenta désespérément de joindre Emma.

***

Le soleil brillait toujours dans le ciel. La vidéo était horrible. Emma l'avait regardée sans ciller, déconnectée.

La nuit lui avait paru interminable. Emma n'avait su y fermer l'œil. Tout le monde devait l'avoir vue à présent. Ils devaient tous savoir, bientôt sa famille aussi. Elle se demandait quel était l'intérêt de tout ça. Elle se l'était souvent demandé et, à présent, un plan se dessinait. Elle en fut presque soulagée.

Tard dans la nuit, ou tôt le matin, elle avait ouvert un tiroir pour le fouiller. C'était là qu'elle cachait la beuh de son cousin. Elle s'était aperçue qu'elle n'en avait plu, avait envoyé un message à ce dernier. Il n'avait pas tarder à lui répondre et ils s'étaient donné rendez-vous.

Emma avait donc attendu. Quand ses parents s'étaient levés, elle avait fait de même. Ils s'en étaient étonné. Le cours était podcasté. Elle avait pour habitude de suivre l'enregistrement plus tard dans la journée, pour éviter de se déplacer si tôt un lundi matin. Elle avait tu le fait que c'était faux et qu'elle se contentait de le brosser. Elle leur avait expliqué qu'elle voulait profiter de la journée pour étudier à la bibliothèque et rattraper certains cours.

Son visage était apaisé. Elle avait pris le temps de se lisser les cheveux, de se maquiller. Elle portait ses vêtements préférés. Un pantalon fluide qui s'ajustait parfaitement à sa taille. Un pull léger au tissu doux qui collait sa peau. Un collier aux perles multicolores ornaient son cou. Des boucles d'oreilles scintillaient dans ses cheveux. Elle n'avait plus pris la peine de mettre des bijoux depuis des mois.

Ses parents avaient souri et lui avaient chacun embrassé le front. Ça devait être bon signe. Ils étaient parti en voiture et elle s'en alla à l'arrêt du bus.

Son cousin l'y attendait. Sa journée à lui serait bientôt finie, le soleil se levait à peine. L'air matinale était glacial mais le temps était toujours aussi clément que durant le week-end. Dans le ciel aux lueurs orangées, seulement quelques nuages cotonneux menaçaient de recouvrir la clarté. Casquette sur le crâne, capuche par-dessus, son cousin ne risquait pas d'avoir froid.

Il la salua, lui demanda mécaniquement comment elle allait. Emma acquiesça et lui retourna la question. Il hocha la tête, ses yeux injectés de sang posé sur elle. Il revenait d'une soirée enfumée et avait pris le premier bus pour rentrer.

Leur paume claquèrent, leur poing se fermèrent pour se rencontrer. C'était le vestige d'une innocence résolue, un salut enfantin qu'ils avaient inventé plus de dix ans auparavant et simplifié à l'adolescence. Son cousin se pencha finalement pour lui claquer la bise et, trop défoncé, il ne remarqua pas son sursaut bref. Un sachet glissa dans la main d'Emma, récupéra l'argent qu'elle tenait.

Le bus qui devait la mener en ville s'arrêta devant eux. Elle ne monta pas et rentra chez elle. Son cousin n'en fut pas surpris et ne bougea pas. Il avait encore une personne à voir avant de rentrer.

Emma remonta la rue, salua quelques voisins qui emmenaient leurs enfants à l'école du coin. L'église sonna huit heures, elle déverrouilla la porte de sa maison, se dirigea vers la cuisine et ouvrit un placard. Une bouteille entamée de peket y trainait. Sa mère aimait en boire un verre de temps en temps. C'était un alcool doux et fruité. Tantôt à la violette, tantôt à la pomme. Parfois même au citron ou à la vanille.

Elle hésita, une unique fois.

La porte du placard fut claquée. Emma réenfila sa veste et repartit au dehors. Il y avait un night shop dans la petite ville qui jouxtait son village. L'aller-retour lui prendrait une grosse heure maximum. Elle perdait du temps, cette idée l'angoissa mais elle ne pouvait pas faire ça à sa mère.

Ses pas vifs battirent son pantalon ample. Les rayons chauds perçaient l'air et apaisaient la brise du vent pour s'accrocher à son manteau. Les grands yeux noirs des vaches s'approchaient des fils barbelés pour l'observer passer.

***

Emma ne répondait pas à ses messages.

Le prof n'arrivait pas à retenir l'attention d'Alex. Il sentait des regards sur lui. Ils avaient arrêté de chuchoter dans son dos par crainte de se faire jeter du cours. Monsieur Lacroix détestait le bavardage.

Alex ne tint que quelques minutes. Il avait tenté de joindre sa copine, à défaut d'Emma, mais celle-ci avait dû éteindre son téléphone. Elle faisait souvent ça. Elle le coupait de huit à seize, parfois plus. Ça l'aidait à se concentrer sur ses cours, et la vraie vie. Il remballa ses affaires et, bien que Monsieur Lacroix détestait également qu'on prenne l'amphithéâtre pour un moulin à vent, partit.

Alex se trouvait con. Il avait le permis, pas de voiture, utilisait parfois celle de sa copine. Alexandra faisait des études scientifiques, avait cours à l'autre bout du campus dans un bâtiment dont il ne connaissait pas le nom. Il devait aller chez Emma mais ne savait pas comment.

Enfin, si. Le bus. Ça lui prendrait une heure et demi si la correspondance se mettait bien, qu'il avait le premier bus de suite. Il se dirigea vers l'abri, vit au loin son bus qui redémarrait après un bref arrêt. Il s'élança sur trois pas, voulut courir pour le rattraper, mais il disparaissait déjà dans un tournant.

***

Neuf heures et quart.

Emma reposa la bouteille de Pisang sur le lavabo. Elle sortit le petit sachet de son cousin et entreprit de rouler ses joints. Alex avait commencé à lui envoyer des messages sur son trajet. Elle avait balancé son téléphone dans une prairie. Cadeau pour les vaches.

En déroulant les boulettes de beuh, Emma dû enlever des graines. Ce n'était pas la première fois que son cousin lui fournissait du cannabis de mauvaise qualité. Néanmoins, ce serait la dernière.

Elle tourna la vanne du robinet, mit le bouchon et la baignoire commença à se remplir d'eau chaude. Leur maison tenait en quelques pièces répartie sur un étage mais ses parents avaient réussi à y caser une baignoire monumentale. Ils étaient tous les trois grands et avaient horreur que leurs pieds ne dépassent.

Emma alluma son joint, tira dessus, profitant de l'instant en fermant les yeux. Elle observa la vapeur monter dans la pièce, se mélanger avec sa propre fumée. Elle reprit une grosse gorgée de Pisang. Le goût sucré était traitre. Sa mère le trouvait écœurant. Rien que la couleur verte la révulsait. C'est pour cette raison qu'elle l'avait choisi. Elle ne voulait pas mettre de négatif sur un truc bien.

Son dernier repas remontait à la veille, à quelques bouchées de l'assiette débordante de lasagne que sa mère l'avait obligée à manger en entier. Sa tête tournait déjà. Elle aurait bien afonné la bouteille mais elle ne devait pas vomir l'alcool.

L'eau atteignait déjà le haut de la bassin. Emma ferma le robinet, enleva son pantalon qu'elle plia proprement. Elle avait préparé des habits de rechanges noirs et elle le posa dessus, fit de même avec son collier et boucles d'oreilles. Elle ne garda que ses sous-vêtement, son pull léger, pour entrer dans la baignoire.

Elle enjamba la paroi dans un équilibre précaire et s'étendit dans l'eau chaude en continuant à s'imprégner de fumée. Son pull s'alourdit, la colla un peu plus, comme une seconde peau. Elle avait déposé les deux autres joints sur le rebord, en prévision. Au cas où. Normalement, un devrait suffire.

Les minutes s'égrainèrent paisiblement. Son ventre grogna. Pour se rassasier, elle but de grosses gorgées du liquide épais. Alors, elle sentit que c'était le moment. La bouteille n'était pas encore vide mais tant pis. Elle l'a fracassa dans le fond de la baignoire. Elle voulait que la pièce reste rangée, des morceaux de verres ne devaient pas trainer partout, une flaque verdâtre ne devait pas l'entacher. Elle ressortit le goulot.

Il formait un éclat de verre peu aiguisé mais il était quand même tranchant. Elle observa son poignet gauche, les veines qui le parcourait. Elle ne savait pas si c'était réellement nécessaire mais elle préférait être trop prudente que pas assez. Entailler sa peau fut difficile, elle s'y reprit plusieurs fois. Ça faisait mal et elle ne pouvait s'empêcher de retirer le goulot avant d'avoir trouvé l'artère – ou la veine, elle ne savait pas très bien ce qu'elle cherchait. Elle finit par réussir à appuyer fort, s'entailla suffisamment, puis, de sa main meurtrie, brandit les restes de bouteille et son poignet droit subit le même sort. 

Ils retombèrent mollement dans l'eau. De nouvelles images et paroles voulurent s'imposer à son esprit. Emma refusa. Elle plia ses jambes pour que sa tête ait la place de ne plus reposer sur le bord et s'immergea doucement.

***

Alex descendit de bus, ne s'accorda que quelques secondes pour se repérer dans l'espace et s'élança chez Emma. Des dizaines de maison plein pied s'alignaient. Il avait oublié le numéro de la sienne, il ne l'avait d'ailleurs jamais connu. Il l'avait reconduite quelques fois avec Alexandra, ces derniers temps. Il tenta de se rappeler la façade... Elle était blanche, c'était la seule maison blanche de la rue. C'était comme ça qu'Emma la leur avait indiquée à chaque fois pour ne pas qu'ils la ratent.

Il arriva devant, reconnut une boîte aux lettres avec deux bonhommes assis au sommet. Des hortensia s'apprêtaient à fleurir sous les fenêtres. Il n'eut aucun doute et ne perdit pas de temps pour s'acharner sur la sonnette.

Personne ne lui ouvrit.

Il hésita à enfoncer la porte, à appeler la police. Il ne savait pas quoi faire. Il tambourina. Un chat gris l'observait, caché dans un buisson.

Un voisin inquiet l'apostropha au bout de plusieurs longues minutes. Pris au dépourvu, Alexis lui expliqua qu'Emma n'allait pas bien en ce moment, qu'une horrible vidéo avait été postée la veille au soir et qu'il avait un très mauvais pressentiment.

Il s'agissait d'un retraité. Il avait vu Emma arpenter la rue à plusieurs reprises ce jour-là et il confirma qu'elle était bien chez elle. Il toqua à son tour et s'annonça.

Il n'y eut pas de réponse. Le voisin avait le numéro de sa mère dans ses contacts. Il demanda au jeune homme s'il voulait l'appeler. Alex hésita. Il connaissait bien Emma et savait qu'elle lui en voudrait à vie. Néanmoins, il accepta.

La mère décrocha après plusieurs sonneries. Ils lui expliquèrent la situation. Elle arrivait.

***

Les yeux d'Emma s'ouvrirent une dernière fois, dans la baignoire. Le sang qui se mélangeait à une eau désormais tiède lui agressa les yeux, mais elle ne ressentit pas la douleur. Elle ne le voyait même pas.

La vidéo imprégna une dernière fois sa rétine. Le bracelet qu'elle connaissait bien, le plan large qui avait dévoilé une personne, couchée un peu plus loin dans l'herbe. Elle trainait à côté de son propre vomis. Une voix graveleuse perçait les autres remarques et les éclipsa.

- Alex ! Ils ont quelles formes, les seins d'Emma ?

Une tête aux boucles blondes, poisseuses, se tourna vers elle, vers la caméra, dévoilant un teint livide et un regard vague qui se posa sur sa poitrine.

- Des poires ...

Du vomis gicla hors de la bouche du blond.

C'était la seule autre personne totalement visible de la vidéo.

***

Brosser : sécher.

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