QUINZE - 20 au 21 septembre

Mois de septembre, (retour) au deuxième samedi qui suivit.

Après une courte attente au dehors, le staff scout avait enfin pu rentrer dans la salle de fête où avait lieu la soirée. Pour eux qui ne portaient que de simple t-shirt, le froid extérieur était mordant. Ça sentait la fin de l'été, quoique la météo pouvait toujours leur faire une blague.

Le monde se stabilisait autour de Yanis. Pas totalement, peu à peu, pas à pas.

Il n'avait pas pu boire la Jupiler qu'il s'était resservie sur le carrelage froid et tâché de peinture de leur local. Il n'était pas parvenu à la décapsuler et, bien que Gayal ait voulu l'y aider, Mélanie l'en avait empêché. Il désaoulait donc depuis une poignée d'heures, contre sa volonté.

Son regard balaya la salle à la recherche d'Emma. Il risquait de bientôt perdre courage. Il ne lui restait plus qu'une grosse heure à attendre avant qu'il ne soit minuit, qu'il puisse tenir sa parole à Mélanie.

Il ne voyait pas grand-chose. La salle était bondée, les gens se marchaient sur les pieds, sa taille ne lui permettait pas d'avoir une vue globale... Il aperçut la tête de Thibault dépasser de la masse. Peut-être que lui la voyait ? Il pourrait peut-être... Non, il ne pouvait pas lui demander ça et avait retrouvé assez de lucidité pour s'en rendre compte.

Une main le tira par le bras pour ne pas qu'il perde son groupe. Ils allaient acheter les tickets qu'ils pourraient échanger contre des boissons. La file était longue. Des gars aux polos et t-shirt de marques, fraîchement repassés, firent reculer tout le monde. Ils avaient décidés qu'ils n'étaient pas dans l'obligation d'attendre leur tour.

Les yeux en amande de Yanis se plissèrent pour mieux les distinguer. Ils lui disaient quelques choses. Évidemment, certains d'entre eux, dont Alex, avaient son âge et devaient déjà avoir côtoyer sa classe. Mais ce n'était pas tout. Il se pencha vers la personne la plus proche de lui, Sacha.

- Faut se méfier de ces types-là ! cria Yanis. C'est ma grande sœur qui l'a dit !

- Hein ? répondit-iel.

Yanis lança des regards insistants en direction du groupe mais Sacha ne les comprit pas. Cela eut juste le mérite d'attirer l'attention de Mélanie.

- Mais Muriqui, qu'est-ce que tu fais ?

Le voyant s'agiter dans tous les sens, elle avait utilisé la voix qu'elle prenait avec les louveteaux plus difficiles. Yanis ne le prit pas bien et, dans un élan, il pointa les types du doigt.

- Mais eux ! Ma sœur a dit qu'il fallait faire gaffe !

- Baisse ton doigt, Muriqui !

Cependant, il était déjà trop tard. Ils l'avaient repéré. Heureusement, ils se contentèrent de rire au loin, gardant sagement leur place à deux pas des tickets. Le sourire en coin de l'un dévoila une fossette étrangement symétrique à un grain de beauté, sur sa joue opposée. Mélanie parut soulagée et reprit sa conversation avec une fille qu'il ne connaissait pas et qui les précédaient dans la file.

- Mais ma grande sœur... lâcha-t-il dans le vide. 

Il était presque sûr qu'elle lui avait un jour montré ces types en disant qu'il fallait s'en méfier. Ou plutôt que les filles devraient s'en méfier. 

Elle avait deux ans de plus que lui et étudiait le droit, comme Emma. Elle lui avait dit que c'était le genre à sortir des blagues gênantes et... salaces. Apparemment, certains avaient déjà été assez lourds vis-à-vis d'elle et de ses amies. L'un avait même passé sa dernière année de secondaire à harceler des filles pour qu'elles sortent avec lui, les bombardant de message. D'après sa sœur, ça avait parfois marché. 

La file avança, ils finirent par avoir leur tiquet. Mélanie partit avec Gayal leur chercher à boire, les laissant, Sacha et lui, sous la surveillance de Thibault. Il continua de chercher après Emma sans grand succès et, quand ils revinrent, Gayal lui tendit un gobelet rempli de ce qui semblait être du coca.

- C'est un blanc-co, lui annonça-t-il à l'oreille. Le dit pas à Mélanie. Et attends ! Ils sont presque pas chargés...

Yanis le vit alors sortir une petite flasque de la poche de son pantalon. Il en versa un peu dans le verre avant de lui taper amicalement dans le dos et de retourner auprès de le jeune fille.

La soirée continua à s'écouler ainsi jusqu'à ce que Yanis ne se rende compte que minuit était passé.

- Vous avez vu Emma ? demanda-t-il à ses amis.

Ces derniers avaient réussi à se créer un cercle parmi la foule et pouvaient y danser à leur guise.

- Mais Muriqui ! s'indigna Mélanie. On avait dit quoi ?

Elle s'approcha de lui jusqu'à lui faire totalement face.

- On est demain, se contenta-t-il de remarquer.

- Et ? interrogea curieusement Thibault en s'approchant suffisamment pour poser sa tête sur le crâne de Mélanie.

C'était con mais Thibault avait besoin de savoir ce qui allait se passer. Son esprit de plus en plus embrumé avait effacé la barrière qu'il se mettait habituellement au sujet d'Emma.

Il l'avait aperçue à quelques reprises, avaient voulu aller lui parler. Mais pour dire quoi ? Il s'était abstenu. Il y arrivait encore. Au loin, il l'a revit passer avec Anaëlle, sa meilleure amie. Elles chahutaient toutes les deux, rigolant et s'approchant au plus près des enceintes et du DJ. Emma était belle avec son sourire, les taches de rousseur qui inondaient son visage...

Il secoua la tête et reporta son attention sur Yanis.

- Mélanie m'a dit d'attendre demain, développa simplement ce dernier. On est demain.

Le visage de Mélanie se décomposa. Désespérée, tant par le jeune homme que par la faille qu'elle lui avait laissée. Ça risquait bientôt de devenir très gênant, et elle détestait le malaise.

Gayal rigola avant de finir son verre d'une traite. Il vint s'accouder sur l'épaule de son amie. Yanis se retrouva avec trois paires d'yeux braquées sur lui.

- Je peux vous faire un câlin ? demanda-t-il le plus sérieusement du monde.

Il ne leur laissa pas le temps de répondre et les prit dans ses bras. Gayal lui tapa une nouvelle fois dans le dos, Thibault s'abaissa un peu pour être à leur taille, et Mélanie se retrouva au milieu, s'étouffant à moitié sans aucune vision du monde extérieur.

- Lâchez-moi ! s'offusqua-t-elle. J'étouffe !

À ces mots, Gayal se décida à vraiment participer au câlin et resserra son étreinte. Le plus fort possible. La tête de Mélanie se retrouva coincée dans un torse et, quand elle sut enfin la dégager, prit une grande inspiration avant de s'exclamer à l'intention de Yanis :

- Muriqui ! Promets-moi au moins de pas aller parler à Emma aujourd'hui !

- Iel est où, Sacha ? demanda-t-il pour toute réponse.

La tête de Mélanie se tourna difficilement, partant comme elle le pouvait à sa recherche. Elle lae vit juste à côté d'eux, les yeux dans la vague. Sacha dansait un bras en l'air, le poing serré. Iel se balançait au rythme de la musique. Un groupe passa, lae poussa légèrement pour se frayer un passage. Iel manqua de tomber mais se rattrapa sur le groupe, se joignant avec l'aide de Gayal au câlin.

- Mais comment ça se fait qu'elle soit dans cet état ? s'exclama la jeune fille.

Dans l'étreinte, ça s'agita.

- C'est pas elle ! C'est iel !

- C'est toi qui nous a le plus fait chier pour pas qu'on se trompe !

- Ça se fait pas ! Tu devrais avoir honte !

- Sacha veut qu'on dise iel, alors on dit iel ! C'est pas compliqué !

Gayal et Thibaut s'énervèrent. Probablement plus pour la forme qu'autre chose, de l'ironie dans la voix. Ils s'acharnaient sur Mélanie qui ne savait plus où se mettre. Sacha, toujours colléə contre eux, se balançait toujours au rythme de la musique. En temps normal, iel n'aurait pas apprécié les remarques de ses deux amis. C'était comme s'ils se foutaient de sa non-binarité, la tournaient en dérision et la reléguaient au rang de caprice. Heureusement, iel ne semblait pas comprendre ce qu'il se passait autour d'ellui.

Yanis fit un pas en arrière. Il n'aimait pas la violence et, même si les cris de Gayal et Thibaut n'étaient pas bien méchants, il préférait s'en éloigner.

Au loin, dans la foule, une masse de cheveux auburn attira son attention. Par miracle, Emma se retourna, lui sourit.

C'était le moment ou jamais. Le monde avait recommencé à tanguer depuis un moment déjà.

***

Attention, ceci est une définition parmi de nombreuses autres : Boire (de trop), c'est prendre le risque de faire ou dire des choses qu'on regrettera peut-être et parfois. Toutefois, nous n'avons pas toujours besoin d'alcool pour ça.

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