La standardiste, encore étudiante en histoire de l'Art, remarque le tableau. Tout au long de l'apéritif elle ne peut s'empêcher de mater l'œuvre. Elle s'en approche enfin. « Je n'ai jamais vu ce genre de travail, le coup de pinceau si précis, le grain si fin, on dirait une réalisation sur toile. Plus étonnante l'absence de matière, comme s'il n'y avait pas de peinture. Juste des pigments, comme un tatouage. Et ce réalisme dans le rendu, une véritable fenêtre sur un autre monde. Une qualité époustouflante ! » Elle l'examine d'interminables minutes.

L'attitude de Virginie finit par agacer son hôte. Il constate : la belle absorbée par le tableau, se désintéresse des mets servis et du vin si délicieux à déguster. Cette... fille, a même l'outrecuidance de venir s'emparer d'un romantique chandelier pour se donner des éclairages diversifiés et pouvoir mieux encore contempler le prétendu chef-d'œuvre. « Même si c'est invraisemblable, on dirait une photo d'époque. La finesse est telle qu'on la croirait animée. Je n'en reviens pas. »

Nicolas finit par couper court à ces investigations, excédé d'être délaissé. Il jette Virginie sur le pas de la porte et la claque bruyamment.

C'en est trop. Plutôt que d'aller bosser, le lendemain Nicolas va acheter marteau et burin et passe sa journée à démanteler le mur.

Résolu à ne pas se laisser berner, il disperse les gravats dans plusieurs poubelles aux quatre coins du quartier. De retour chez lui il s'assied, déterminé à passer la nuit devant ce cratère d'une demi-douzaine de centimètres de profondeur.