En fin de soirée, le collègue à qui Nicolas a confié ses déboires rupestres lui propose de l'aide pour replacer l'armoire à sa place originelle et enterrer cette histoire saugrenue.

« Ecoute je te remercie beaucoup, je ne sais pas pourquoi mais la première fois j'avais réussi à la faire glisser seul et sans aucun souci et depuis, le bois a dû coller au sol, impossible de lui imprimer le moindre mouvement. »

Finalement ils s'y mettent à quatre et en suent. Impossible de la soulever pour placer des patins sous ses pieds. Le meuble est pourtant on ne peut plus vide. Ils doivent pousser centimètre par centimètre cet amas de bois maudit par leurs muscles endoloris. Les gars finissent par douter du récit de Nico, attribuant dans leurs esprits le prime déplacement aux déménageurs. Impossible d'accréditer l'exploit de Nicolas, fût-il dans une forme olympique.

Radia, une jolie brune, avait proposé discrètement à Nicolas de l'aider à ranger le désordre et de partager éventuellement leur petit-déjeuner. Mais l'épisode poussif de la normande découragea la belle. Monsieur muscle, comme l'avaient raillé ses compagnons d'infortune tardive, se coucha donc seul, fourbu mais soulagé. Enfin il n'aurait plus à penser à cette satanée tache et s'accommoderait de la normande.

Au milieu de la nuit, alors que ses yeux se reposent tranquillement dans le noir, un grand fracas tire Nicolas de son sommeil. Terrorisé, il s'assied sur le bord du lit. Il saisit une pantoufle dans sa main et se dirige vers la porte d'entrée, conforté par cette arme redoutable en caoutchouc. Rien, celle-ci est fermée. Nico pousse les portes du salon et y entre. Une vive douleur mortifie son pied. Claudiquant, il part à la salle de bains. L'énorme écharde le meurtrit. Comment a-t-elle pu atterrir à l'entrée du salon ? Furieux il y retourne et joue sur l'interrupteur avant de poser un orteil dans la grande pièce. Sa pupille se dilate, non du fait de l'éclat de la lampe plutôt vif, mais de la terreur sourdoyante en lui. Il est atomisé par sa vision : le bloc de bois massif paraissant inamovible et inaltérable gît débité en allumettes, éparpillées en mille et un endroits sur le sol. « Comment cela est-il possible ? » se demande Nicolas pétri de peur. Subitement, un dur coup de fatigue l'assomme et il rejoint son lit, désemparé, se promettant de tirer cette histoire au clair rapidement.