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Evidemment, le fonctionnaire finit par s'endormir et au beau matin, lorsqu'il ouvre péniblement les yeux, il est pétrifié. Comme courbaturé, Nicolas n'arrive pas à se mouvoir, rien. Lever la tête afin de voir le tableau provoque une douleur immense. Les efforts requis pour ce geste de faible amplitude sont intenses. Il est vide de son énergie. Stupeur, terreur et damnation, le tableau a repris durant la nuit son état le plus beau. La création parfaitement ressuscitée. Devant ses yeux écarquillés, la scène peinte semble s'animer. Tel un chien sage et attentif, son visage s'incline. Il observe, éberlué, l'évolution de ce spectacle. Si, durant les premières minutes, Nicolas pensait les douleurs et son immobilité passagères, il commence maintenant à comprendre et en pleure de panique.
Sa respiration devient de plus en plus pénible. Un crucifié meurt généralement d'asphyxie : les poumons se tétanisent et finissent par se remplir d'eau. Nicolas assis en tailleur commence à éprouver cette sensation de noyade. Il voudrait ramper, crier, hurler de détresse mais reste emmuré dans son corps paralysé.
Quelques jours après l'entreprise de démolition, le 90 avenue Roger Salengro sonne. Un officier de la force publique appuie sur l'interphone. Quatrième, pas de réponse. Troisième, vide. Second, personne. Enfin, au premier étage une voix de femme répond, un petit « Oui ? » interrogateur.
— Madame Lomar ?
— Qu'y a-t-il ?
— Bonjour, lieutenant
Bertiod de la police nationale, savez vous si Monsieur Tross est chez lui ?
— Il y a eu des travaux au-dessus, de ça trois ou quatre jours, mais depuis, plus rien.
— Merci de votre aide, pourriez-vous nous ouvrir s'il vous plaît ?
Les agents doivent forcer la porte de l'ingénieur dont plus personne n'a de nouvelles. La main du lieutenant s'avance dans le noir à la recherche l'interrupteur, alors que la minuterie de la cage d'escalier terminée a plongé le lieutenant Nicolas Bertiod et son assesseur dans le noir total.
Le lieutenant Bertiod entrera, n'entendra aucun bruit, fera le tour de la cuisine, des chambres rapidement, et passera enfin dans le salon. Quelle ne sera pas sa stupéfaction de trouver Monsieur Tross, en tailleur, inanimé. Incompréhensible. L'homme sera assis, la tête inclinée sur le côté, légèrement relevée, comme s'il regardait quelque chose. Il fixera ce mur. Mais pourquoi fixer un mur... blanc ?
Les doigts du policier trouvent enfin le bouton-poussoir.
Lumière.
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