Cher Nicolas,

Je me suis longtemps demandé où tu étais. Il est vrai que j'ai cherché dans les cachettes le plus faciles, en passant par la maison de ta grande tante vers la cabane perchée en haut des arbres dans ton jardin.

Peut-être est-ce de ma faute.

Peut-être est-ce de la tienne.

Etrangement, je n'arrive pas à poser le moindre mot sur ce que je ressens. Mon état oscille entre la vie comme on nous l'offre et le dégoût profond de ma propre personne.

C'est de ta faute.

Etait-ce Baudelaire qui disait : « le plus grand malheur de Dieu est que les Hommes sont libres, mais eux ne le savent pas » ?

Tu étais libre. Tu l'ignorais. Tu as cherché à conquérir une indépendance qui était déjà tienne.

Nicolas, Nicolas. Je pense ton nom avant de dormir, je le répète jusqu'à n'en plus pouvoir ; cela fait comme un chant dans ma tête, une mélodie incessante et infinie, une éternelle ritournelle. Nicolas, Nicolas. Ton prénom était telle une ode à la vie. Mes yeux se brouillent de larmes en écrivant ces mots. Tu sais que tu me manques. Tu ne saurais l'ignorer.

Alors pourquoi ?

Pourquoi as-tu fait ça ?

Une sourde fureur monte en moi. Tu m'imagines sûrement serrer les poings et la mâchoire, retenir ma colère pour ne pas m'emporter. J'ai envie de hurler, il faudrait que ça sorte.

Pourquoi as-tu fait ça ?

Je me souviens de toi. Nicolas, accroché à sa clarinette. Tu jouais faux, on aimait bien. Tu attachais toujours tes lacets avec un double nœud, tu ne mettais jamais de sucre dans ton thé. Tu adorais jouer du basket les jours de pluie. C'est drôle, comme les petites choses insignifiantes restent. Elles m'aident à me rappeler à quel point je t'aimais.

Tu étais adorable, avec tes cheveux noirs en bataille et tes yeux de chat. Souvent tu regardais le ciel, comme si tu y guettais quelque chose.

Maintenant, j'ai compris : tu cherchais ton étoile. Tu as sûrement du faire plusieurs fois le tour du ciel, mais tu l'as trouvée.

J'espère qu'au moins tu es heureux.

Où es-tu, Nicolas ?

Pourquoi as-tu fugué ?

Reviens vite.

Ta sœur qui t'aime.