un quatrième chapitre
Chapitre 4
Mon sourire reposé s'évanouit progressivement au fil du voyage. Cela fait trois heures que nous roulons à haute altitude en me laissant une horrible boule au ventre digne des montagnes russes. L'envie de gerber mes tripes m'hérisse les poils depuis trois bon quarts d'heure.
Olivia ne me facilite pas la tâche avec sa musique entraînante. Le tout me donne envie de danser. Cependant un faux-mouvement provoquerait une flaque de vomi – donc non merci –.
J'ai eu rarement cette nausée dans ma vie. Par exemple, toute petite, j'étais allée à la ferme avec mon école primaire. L'allée s'était déroulée parfaitement sans obstacles. On avait donné des vers de terre à manger aux poules et braillé sur le coq pour qu'il se taise. Le trajet de retour fut la plus longue et périlleuse de ma vie entre sacs remplis de mon déjeuner devenu aqueux et de cette haleine répugnante que j'avais laissé expiré dans l'air – qui sévit encore villes et vallées aujourd'hui –. Non cette odeur atroce que tu sens n'est point ton pet ou ton rot mais bien l'haleine terrifiante, d'il y a une dizaine d'années, de Reina Lyange.
- Baisse le son Olivia, j'essaye de me concentrer. Rugit Neville en brandissant un carnet.
Mon attention se reporte immédiatement sur cet objet qu'il laisse tomber sur un siège. Un autre carnet. Qu'y a-t-il dedans ? Je repense au mien et à ses reliures faites à la main, sa couverture souple brune et ses jolis marque-pages et ficelles rouges. Mon carnet à rapports reste le plus admirable et ergonomique. Bref, que je l'aime – je parle bien de mon carnet hein, attention, veuillez à ne pas confondre avec l'autre être humain –.
Je m'efforce de me lever légèrement pour distinguer quelques aperçus de ces pages. Olivia m'ordonne de me rasseoir l'air étonné.
- Son vieux machin t'intéresse ? Demande-t-elle en souriant.
Mes sourcils se froncent hâtivement et un petit sourire fourbe se forme. J'éloigne rapidement ma pensée décalée et inappropriée à l'entente de sa question. Il faut tout prendre au sens propre sur le coup.
- J'aimerais bien savoir ce qu'il y a à travers ces pages. Expliqué le regard dérivé autre part.
Mon envie de vomir s'intensifie lorsque je me penche vers l'ouverture entre les sièges de devant pour ramasser deux trois indices.
- C'est son journal productif, dedans il fait son dépressif et dessine pleins de bidules rapiécés, ça craint beaucoup s'il t'attrape en train de le regarder faire, crois-en mon expérience. Assure-t-elle avec une petite grimace.
Elle passe son doigt rectilignement près de son cou et mime une mort immédiate. Je laisse échapper un petit rire qui fait écho à mon nouveau hoquet. Génial, et voilà que le hoquet arrive dans la partie. Ce trajet est insupportable.
En examinant Olivia de près, je remarque ses taches de rousseur et sa peau halée d'une fine couche de fond de teint.
- Dis Olivia, ça te dérangerait si tu me prêtes un peu de fond de teint, il faut à tout prix que je cache ma peau navrante. Tenté-je en délimitant mes joues.
Elle compatit et me tend sa poudre. J'ai bien peur que la couleur soit trop claire mais en applique légèrement sur les vestiges d'une adolescence acnéique. Me maquiller me donne l'impression de reprendre du poil de la bête.
- La différence de couleur n'est pas trop flagrante j'espère ? Demandé-je en soupirant.
La blonde laisse passer un léger rire et m'arrange le tout avec ses doigts.
- Tu ressembles à un clown, laisse-moi te maquiller. Se faire le teint sans miroir, il n'y a rien de plus inefficace avec toi à ce que je vois. Achève-t-elle en sortant toute sa palette.
Au final, je fais rater trois fois son traits d'eyeliner en hoquetant et tache mon sweat de gouttes de mascara en suivant les virages abrupts du car.
- Ta daa ! S'écrie-t-elle en sortant son portable comme miroir.
La vitre est trop opaque pour que j'y vois quelque chose mais une photo – vraiment laide – de mon visage me laisse présager que le rendu passe assez pour que je ne vomisse pas sur le champ.
Je la remercie avec mon peu de grâce possible et me demande pourquoi je me suis maquillée pour un trajet de bus, vraiment con.
Je m'endors sans m'en rendre réellement compte, jusqu'à ce qu'un coup sur ma tête tombe de nulle part. Malheur, les scouts ! J'aspire une grande bouffée d'air et ouvre mes paupières. La lumière presque inexistante m'aveugle malgré tout.
- Bon, celle qui bave, changement de plan, on doit passer à une station faire le plein. On peut prendre l'air entre-temps. M'informe Olivia en me montrant ses dents blanches comme un sopalin.
Merde, j'ai encore bavé. Quelle idée de baver en dormant ? Ça détruit le maquillage et augmente les chances de mourir en s'étouffant avec sa propre salive. Cette façon de crever est d'après moi beaucoup trop barbare pour persister sur ce vain monde.
Je réarrange mon visage et sors du car, les fourmis dans les jambes. C'est désagréable, j'ai la terrible impression de m'écrouler à chaque pas.
- Toi le matin au réveil tu dois être vachement drôle ! Remarque la blondinette en me faisant un clin d'œil alors qu'elle pique dans le sac de son frère son fameux carnet.
Mes yeux s'écarquillent instantanément. Elle m'indique de me taire et dans un élan complice, nous nous dirigeons vers un banc.
Au final, je ne sais même pas si je devrais fouiller dans ce carnet. Si on fouillait dans le mien, cela représenterait sincèrement la fin de mon humanité pour me décider à tuer quelqu'un que j'accueillerai avec du retard en enfer.
Oli' ne me laisse pas le temps de réfléchir et brise toute hésitation en lisant à haute voix le passage le plus récent.
« Deux clopes fumées, une bousillée entre les doigts d'une inconnue. Le froid ne m'endort pas, il me serre dans ses bras. J'agite mes sens en pensant à l'univers, aux personnes qui croisent les doigts devant des entretiens d'embauche au fin fond du monde. Le monde meurt et j'espère, avant moi. Toutes ces ondes... Ces... »
Elle s'interrompt subitement. Une main vient arracher l'objet précieux et je sors totalement de ma transe. J'ose à peine y croire en entrevoyant un portrait de moi à la droite de la page lue, sur le vif, en train de tirer une taffe. En une minute, j'ai été subjuguée et suis tombée totalement amoureuse de son art primitivement mirifique. (sincèrement, sur le dessin, j'ai l'impression de ressembler à Cléopâtre, j'sais mes chevilles gonflent.)
Néanmoins, Olivia se prend une terrible pichenette fraternelle sur le front de la part de son frère et d'un regard noir à faire peur au diable. Il ne m'adresse aucun contact particulier mais laisse poser, un court instant, sur moi ses yeux vifs d'amertume.
Vert impérial, vides et translucides.
La brûlure qui se crée en moi me laisse sans voix. Quelle profondeur. Jamais, ô grand jamais – je vous l'assure – vous ne vous sentirez aussi surplombée par une aura fascinante. Neville aura toujours cet air désabusé et agaçant au premier abord mais en laissant vos yeux parcourir les siens, tout laisse entendre des traces de son charisme implacable et la capture d'une de vos émotions.
Sur le coup, ce n'est même plus une qu'il détient de moi, mais bien un organe vital : mon cœur.
- Aïe, désolée frérot, je n'aurais pas dû te le piquer, retournons sur le bus. Lâche Oli' en se débarrassant des quelques morceaux de feuilles coincés sur son collant.
La remarque d'Olivia laisse un vide de réactions déboussolant tandis qu'il lâche mon regard pour débuter la marche vers le véhicule.
Ce n'est même plus une question de ressentis mais bien d'impact sur mon moral et mes sens. J'ose à peine à me lever et le surveiller marcher de dos.
C'est juste un inconnu qui partage des liens familiaux avec une nouvelle amie.
Juste un inconnu.
Pourtant, il ne m'a fallu qu'un seul regard insistant pour voir toute sa faiblesse éclore dans mon pauvre cœur rouillé. Neville n'a pas l'air d'être un livre ouvert mais reste tout de même assez abîmé pour me laisser ressentir un aperçu de sa peine.
nda: neville c'est mon bébé d'avance mdrrr
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top