5. J'aurais bien aimé voir ça
Je me réveillai d'un long sommeil, ma tête aussi lourde et douloureuse que si on me l'avais écrasée sous une enclume. Je ne parvenais pas à ouvrir les yeux, désespérément clos par la douleur lancinante dans mon crâne. Incapable de bouger, je me sentais pourtant bien là où j'étais, comme dans un petit cocon protecteur.
Peu à peu je repris conscience de ce qui se passait autour de moi, je perçus des voix sans comprendre les mots mais la chose qui me rassurai le plus étonnement, c'était le pelage doux et chaud que je sentais glisser entre mes doigts.
Ce duvet unique, je le reconnaitrai entre mille, tout comme son odeur, douce et sucrée qui me rappelait le sous-bois. Les yeux toujours fermés je raffermis mes caresses sur son pelage pour m'assurer que je ne rêvais pas, je n'avais pas envie d'ouvrir les yeux et constater que ce n'était que le fruit de mon imagination.
Mais à peine quelques instants plus tard je l'entendis couiner près de mon oreille et Erica lui demander de me laisser me reposer.
Il ne semblait pas d'accord avec elle et ne se gêna pas de le lui dire.
- Je ne l'embêterai pas, promis. S'il te plaît, laisse-moi rester vers lui. Je me ferai tout petit, tu ne me verras même pas et...
- Chuuut alors ! Tu peux te taire et le laisser dormir ? Sinon, tu sors de sa chambre, c'est clair ?
- Oui Erica, promis.
Je me retins de sourire en imaginant la scène que je ne pouvais voir à cause du mal de tête lancinant qui m'empêchait d'ouvrir les yeux.
La porte se ferma quelques secondes plus tard et le silence se fit, je n'entendais plus que le son de la forêt à travers la fenêtre ouverte et sa respiration lente et légère près de moi, c'était agréable et apaisant.
Je senti alors contre mon flanc nu la douceur de son pelage me réchauffer. Il s'était couché contre moi et sans que je ne puisse en donner la raison, mon pouls bondit. Je n'osais plus bouger, effrayé par la réaction de mon propre corps. C'était la première fois qu'il me touchait de cette manière et poussé par un sentiment naissant, je me roulai sur le côté pour pouvoir l'étreindre de mon bras puis je m'endormi avec cette sensation de chaleur réconfortante contre mon cœur.
A mon réveil, il était toujours là contre mon torse mais il avait les yeux ouverts et il m'observait, je réalisai alors qu'ouvrir les yeux n'était plus aussi douloureux.
- Eh bien, quelle marmotte ! T'as dormi toute la journée mon cher.
- Et toi tu es resté là toute la journée !
Il détourna la tête comme s'il était gêné par ma constatation puis il accrocha à nouveau son regard au mien en m'avouant qu'il avait su que j'avais besoin de lui et que c'était pour ça qu'il était resté.
Je réalisai soudain que quelque chose clochait.
- Au fait, pourquoi j'ai dormi toute la journée et pourquoi j'ai l'impression d'avoir été percuté par un camion ? La meute va bien ?
Il s'assit en face de moi et quand je voulu l'imiter, je me rendis compte qu'un bandage entourait mon ventre au niveau de mes côtes. C'était encore douloureux, je restai donc couché en grimaçant, râlant de mon état pitoyable.
- Vous avez été attaqué mais tout le monde va bien, que des blessures légères, à part les tiennes, tu es le plus touché. Je vais chercher Erica, tu veux manger quelque chose ?
Une heure plus tard, après avoir dévoré les pancakes d'Erica et avoir entendu le récit de l'attaque des Calaveras, je compris que Paloma nous avais avertis à temps et qu'elle nous avait même aidé pendant le combat.
Je ne me rappelais de rien mais Erica me rassura en me disant qu'on avait « déboité du pudding ». Selon ses termes ça voulait dire qu'on leur avait mis une belle raclée. Elle riait tellement fort qu'elle m'en donnait mal à la tête.
- Erica, j'ai la tête comme une citrouille, tu pourrais parler moins fort ?!
- Excuse-moi, je suis juste contente que tu sois réveillé et que tu ailles mieux. J'ai eu peur pour toi Derek. Tu nous as tous fais peur.
- Je vais bien, ne t'inquiète pas, je guéris plus vite qu'un humain je te rappelle.
- Ouais, n'empêche, ne nous refais plus jamais ça !
Elle m'envoya son poing dans l'épaule et tout sourire se leva du lit pour me laisser me reposer en précisant qu'elle allait nourrir la meute. Elle grogna en riant et disparut dans le couloir, me laissant seul avec le petit renard.
Il était assis par terre et semblait hésiter à remonter sur le lit où il était plus tôt, je l'invitai d'un geste de la main sur le matelas et il vint se coucher à côté de moi tout en m'observant. J'avais l'impression qu'il voulait me demander quelque chose mais il resta muet.
- Quoi ?
- Rien...
- Ne dit pas rien si ce n'est pas ce que tu penses. Je sens bien que quelque chose t'ennuie. Vas-y dis-moi.
- Est-ce que j'ai le droit de te dire que moi aussi j'ai eu peur ?
Je ris en lui caressant la tête puis le dos.
- Bien sûr que tu peux le dire si c'est ce que tu ressens.
Il me sourit et se coucha contre moi puis ferma les yeux, heureux de ma réponse.
Je soupirai pour moi-même et glissai mes mains sous ma tête. J'observai le plafond en réfléchissant à tout ce qui s'était passé et surtout à tout ce que j'avais oublié puis je fermai les yeux et m'endormi comme une souche.
Plusieurs jours passèrent et je retrouvai enfin toute mes capacités, j'étais en pleine forme mais malheureusement en contrepartie, le petit renard avait disparu.
J'étais frustré et en colère, chaque fois que j'allais mieux, il disparaissait. Plus j'y pensais et plus ça me mettait hors de moi, si bien qu'à l'entrainement, ne contrôlant plus ma colère, j'envoyai Boyd, pourtant plus costaud que moi, violemment contre le mur du garage.
Assit contre le crépi blanc, il s'essuya la bouche rougie par le sang d'un revers de main en me regardant de ses yeux dorés. Il n'avait pas vraiment apprécié et je le comprenais. Je me rapprochai de lui et tendit la main pour l'aider à se relever.
- Je suis désolé Boyd, j'ai pas maîtrisé ma force. Excuse-moi. On fait une pause !
La colère me chauffait les oreilles et de rage, j'envoyai mon poing dans le mur. J'avais les phalanges en sang et ma colère était toujours là, plus vive encore. Le pire était que je ne savais pas comment la calmer et plus j'y pensais, plus ça m'énervait !
Je parti en courant sans me retourner, entendant Erica déconseiller aux autres de me suivre et elle avait bien raison, j'aurais bien été capable d'arracher une tête ou deux tellement ma colère me rongeait.
Je couru une bonne heure au moins, suivant le ruisseau qui alimentait le lac en contrebas. Je me rendis compte alors que j'étais presque au sommet de la montagne et que le soleil allait bientôt se coucher. Je fis le dernier bout de chemin en marchant et arrivé tout en haut, j'étais fatigué mais toujours en colère.
Je m'assis sur un rocher et observai le couché du soleil. Le ciel prenait les couleurs de l'arc-en-ciel et pris dans ma contemplation, je n'entendis pas le petit goupil s'asseoir à côté de moi. Je me rendis compte de sa présence uniquement parce qu'il respirait comme un bœuf...
Était-ce possible pour un renard ?
- Tu sais que tu cours vite ?
Il haletait comme s'il était au bout de sa vie et moi je souriais comme un idiot en l'observant.
- C'est parce que j'ai de grandes jambes, contrairement à toi.
- Je crois que quand je n'étais pas encore un renard, je devais être grand, peut-être bien aussi grand que toi. Je ne me rappelle plus très bien.
- J'aurais bien aimé voir ça.
Ma réponse me surprit mais elle le surprit encore plus et fit pencher sa tête sur le côté alors qu'il m'observait.
- C'est vrai ? Tu m'aurais certainement ignoré, comme tout le monde si je m'en rappelle bien. Je parlais trop et les gens me trouvait bizarre la plupart du temps, ou ennuyant ou plutôt agaçant. Enfin je ne passais pas inaperçu quoi !
- Ce qui est sûr c'est que je ne t'aurais pas ignoré moi. C'est vrai que tu peux être agaçant mais qui ne l'est pas ? Même moi je le suis parfois.
Je baissai la tête en repensant à ce que j'avais fait à Boyd, je m'en voulais.
Il frotta sa tête contre mon épaule et ma main trouva sa place dans le pelage de son dos. Nous restâmes ainsi quelques instants puis il commença à s'agiter, il semblait nerveux.
- Je dois y aller Derek.
Je tournai la tête vers lui et sa bouille toute désolée.
- Pourquoi ? J'ai pas envie que tu partes.
Mes mots étaient sortis tout seuls mais ils étaient sincères.
- Je reviendrai quand ce sera le moment, ne t'inquiète pas. Tu as encore un vœu à faire et tu dois bien y réfléchir et le faire seul. Salut...
Il se leva et avant que je ne puisse faire un mouvement, il parti en trottinant puis il me jeta un dernier regard et disparut au milieu de la végétation, comme il le faisait bien souvent.
- Eh merde !
Je soupirai de frustration, constatant que ma colère était déjà de retour.
La nuit était déjà bien entamée lorsque je rentrai au manoir. Erica et Boyd étaient devant la télévision, occupés devant une série. Je me glissai à côté de la blonde qui posa sa tête sur mon épaule tout en gardant le silence. Je constatai que Boyd s'était endormi à côté d'elle.
- Tu vas mieux boss ?
- Ne m'appelle pas comme ça, et non, je ne vais pas mieux.
Elle m'ébouriffa les cheveux en riant légèrement.
- Tu devrais aller te coucher, on dit que la nuit porte conseil. Peut-être que demain tu sauras quoi faire.
Elle éteignit la télévision et m'embrassa sur la tempe avant de secouer le pauvre Boyd qui ronflait comme un ours. Ils me saluèrent et partirent se coucher. Je les imitai mais j'allais d'abord prendre une douche car j'avais couru toute la journée.
Sous le jet d'eau qui me coulait dans le dos, je ressassai les paroles du renard. Pourquoi fallait-il que je réfléchisse bien à mon dernier vœu ? Pourquoi semblait-il si important à ses yeux ?
Je n'en avais aucune idée et même après une nuit réparatrice, je n'en savais pas plus. Je désespérai de trouver une réponse si bien qu'au déjeuner je demandai conseil à Erica, pour vous dire à quel point mon désespoir me rongeait les neurones.
Elle observait sa tasse de café comme si cette dernière pouvait lui donner la réponse.
- Je ne sais pas Derek. Je ne peux pas choisir à ta place, tout ce que je sais c'est qu'à force d'être tout seul, tu deviens vraiment aigri. Tu devrais te trouver quelqu'un.
Je la dévisageai avec de grands yeux pour savoir si elle se foutait de moi ou si elle le pensait vraiment mais Erica n'était pas du genre à dire le contraire de ce qu'elle pensait. Elle était sérieuse et tout sourire, apparemment désolée pour moi que je sois célibataire.
Mais après l'épisode Braeden et la rupture, aussi violente qu'une claque dans la figure, je n'avais en aucun cas envie de me trouver une copine. Rien que d'y penser ça me foutait la gerbe.
Et pourtant l'idée de me retrouver seul me hantait plus encore et plus j'y pensais, plus cette angoisse d'être sans personne grandissait en moi. Je ne voulais pas vivre seul, j'avais besoin d'aimer et d'être aimé mais pas avec n'importe qui. Quelque chose en moi me disait que je n'aurais pas à faire de choix, que cela se ferai naturellement et qu'il fallait simplement que je patiente.
En attendant, il fallait que je me change les idées et pour se faire, j'allais avec Erica faire les courses pour la semaine, avec elle, j'étais certain d'être occupé quelques heures. Je détestais faire du shopping mais au moins de cette manière, j'avais l'esprit ailleurs et n'allais pas broyer du noir durant toute la journée.
A notre retour au manoir, j'avais une furieuse envie de me retrouver seul, je l'adorais mais Erica pouvait être vraiment fatigante par moment. Je marchais tranquillement jusqu'au petit lac en repensant à mon vœu et plus je m'approchai de l'étendue d'eau, plus mes idées se faisaient claires dans mon esprit.
Je m'installai au bout du ponton de bois, pieds nus dans l'eau clair et fraîche, mon regard au loin vers l'horizon.
Je balançai mes pieds d'avant en arrière dans l'eau quand je senti sa présence à côté de moi. Je n'avais pas besoin de lever les yeux, je savais que c'était lui, je le reconnaissais à ses pas légers et au son de sa langue passant sur sa truffe lorsqu'il la léchait.
- T'es déjà de retour ?
- Est-ce que ça t'embête à ce point ? Je peux repartir si tu veux mais je te rappelle que je sais quand tu as besoin de moi. Donc je suis là.
- Non, reste s'il te plaît.
Il s'assit près de moi, son flanc contre le mien, nos regards vers l'horizon.
- Tu as réfléchis à ton dernier vœu il me semble. Sinon, je ne serais pas là.
Je soupirai, car au fond de moi, je savais qu'une fois mon dernier vœu fait, je ne le reverrai plus jamais et cette idée me faisait frissonner. Je ne voulais pas le perdre mais je voulais tout autant faire ce dernier vœu. J'avais l'impression de devoir me déchirer en deux si je voulais faire ce vœu mais c'était ce que je voulais, enfin je crois.
- Oui mais j'hésite à te le demander.
- Pourquoi ? Si tu choisi bien, tu auras la vie que tu désires, c'est tout ce qui compte, non ?
- Oui mais... Et toi alors ? Est-ce que je te reverrai ?
Se couchant à côté de moi, il posa sa tête sur ma cuisse et instinctivement ma main trouva son dos pour une séance de caresse.
- Ça... je ne peux pas te le dire. Tu dois faire ton choix en pensant à toi pas à moi et le vouloir de tout ton cœur.
Ma main se crispa involontairement dans son pelage.
- Et si je ne peux pas le faire sans penser à toi ?
- Je ne sais pas quoi te dire Derek. C'est ton vœu pas le mien. Je n'ai pas le droit de t'influencer.
Je restai silencieux un moment, faisant le tour de la question mais j'étais quasiment sûr de moi et de ce que je voulais lui demander.
Je sorti un pied du lac et me tournai vers lui. Il se rassit, prêt à m'écouter, les yeux pétillants de malice.
- Dans ce cas, j'ai fait mon choix. Donne-moi l'amour, c'est mon dernier vœu.
Je le vis me faire un clin d'œil avant qu'il ne se passe une chose à laquelle je ne m'attendais pas. Je n'en crus pas mes yeux mais pourtant c'était bien là, devant moi.
※⁕※
Eh salut vous !
J'espère que ce chapitre vous a plu ? A votre avis, qu'est-ce qui s'est passé sur ce ponton ?
Vous en saurez plus bientôt...
Bisous les loulous, je vous love (。^▽^) ❤
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