3. Tu as encore deux vœux



J'avais perdu cette nuit-là toute ma famille mais ce petit renard m'avait sauvé la vie.

J'avais enterré les miens avec une profonde tristesse et une peine aussi abyssale que le fond de l'océan et cela faisait plusieurs jours que je ressassais les mêmes idées et j'en arrivais toujours à la même conclusion que, peut-être, si je ne l'avais pas suivi cette nuit-là je serais mort moi aussi.

Il m'avait dit qu'il n'apparaitrait uniquement quand j'en aurais besoin et cette nuit-là avait été un parfait exemple.

Je me sentais pourtant terriblement mal car j'étais arrivé trop tard, je n'avais pu sauver aucun des membres de ma famille et le manoir était presque détruit. Selon l'enquête de la police c'était un incendie criminel et je me demandais qui pouvait nous en vouloir au point de mettre le feu à notre foyer. Mon foyer.

J'étais à présent seul et unique responsable des membres restants de ma meute. Boyd, Erica, Liam et Scott étaient maintenant sous ma responsabilité. J'étais le dernier Hale de mon clan et terriblement seul et triste.

Ma meute tentait depuis quelques jours de m'approcher pour me soutenir dans cette épreuve mais je ne voulais voir personne, je les repoussai au fur et à mesure qu'ils venaient me voir. J'avais pris possession de la partie non touchée du manoir, seul le salon avait résisté à l'incendie.

J'avais installé un matelas trouvé presque intact dans la chambre de mes parents dans un coin de la pièce à vivre et c'est la que je passais mes nuits à pleurer, à me renfermer sur moi-même et à repousser toute personne tentant de me réconforter.

Je me sentais tellement coupable d'être en vie alors que ma famille était morte que je ne supportais pas de voir des êtres humains, encore moins des loups garous.

Je ne retournai pas au lycée, je n'en avais aucune envie, je sortais uniquement pour chasser sous ma forme de loup. La nuit était pour moi ma nouvelle alliée, je profitai de l'obscurité qu'elle m'offrait pour me faire le plus discret possible mais une nuit alors que je me baladai en forêt non loin du lac, je senti une présence.

Au détour d'un chemin, je le vis. Ce renard de malheur qui m'avait empêché de sauver ma famille. Mon instinct se réveillant, je lui sautai dessus et le plaquai violemment parterre, mes griffes contre son cou. Je lui grognai dessus alors que ses pattes tentaient vainement de me repousser mais j'étais plus fort que lui et pour lui montrer mon mécontentement, je lui mordis doucement le museau.

- Je sais que tu m'en veux. Mais tu n'aurais rien pu faire pour les sauver, c'était trop tard pour eux.

Je soufflai de frustration et de colère, ma truffe frôlant son poitrail le fit frissonner. Je repris forme humaine pour pouvoir lui parler. J'avais besoin de m'exprimer et sous ma forme de loup, à part grogner et mordre, je ne pouvais pas faire grand-chose.

Il recula et s'assit près d'un arbre en me toisant avec méfiance. Mon regard plongea dans le sien et je retins un grognement avant de lui dire :

- Tu aurais dû me laisser essayer.

J'étais en colère contre lui, vraiment.

- Et tu y aurais laissé ta peau. Il s'approcha d'un pas sans lâcher mon regard puis ajouta : Je suis vraiment désolé pour ta famille.

Je sentais qu'il était sincère mais ça n'allégeait pas ma colère et encore moins ma tristesse.

Il se releva et vint se coucher près de moi. Il posa alors sa tête avec douceur sur mes jambes que j'avais croisées en tailleurs. Je lui frottai la tête quelques instants, son contact sur ma main me réconfortant malgré moi puis je me jetais à son cou et pleurai toutes les larmes de mon corps.

Je laissai échapper toute la tristesse que je ressentais puis quand mes larmes se tarirent, je le lâchai enfin en soupirant de m'être laissé attendrir.

- Excuse-moi, j'ai craqué. Maintenant laisse-moi tranquille. Ne m'approche plus s'il te plaît.

Je le repoussai et me relevai sans un regard pour lui alors qu'il n'avait dans le sien que de la compassion à mon égard.

Je fis quelques pas pour m'éloigner de lui lorsqu'il m'appela.

- Derek !

Je ne me retournai pas, je ne pouvais pas lui faire face. Je baissai la tête.

- Non, laisse-moi tranquille !

- Je voulais juste te sauver la vie...

Je sentais bien toute sa sincérité et sa tristesse mais je préférai les ignorer, ça faisait trop mal.

- Eh bien tu aurais mieux fait de me laisser mourir dans l'incendie, je ne me sentirai pas aussi mal aujourd'hui !

Je repris ma forme de loup pour l'impressionner et le dissuader de me suivre et parti en courant à travers la forêt pour le semer. Je ne voulais pas qu'il me retrouve.

Je voulais être seul et ne plus jamais voir personne. Je n'avais besoin de personne, encore moins d'un renard stupide.

Les jours passèrent puis les semaines. Je ne voyais plus personne. La meute avait enfin compris qu'elle devait se débrouiller sans moi, de toute manière ils savaient tout ce qu'il y avait à savoir sur les loups garous, ils n'avaient pas besoin de moi. Liam et Scott contrôlaient enfin leur loup lors des pleines lune et Boyd menait la petite troupe avec brio.

Je le savais parce qu'Erica me laissait parfois sur le perron du manoir, une petite lettre pour me raconter comment ils s'étaient organisés en mon absence et combien je leur manquais.

Je savais qu'elle venait plusieurs fois par semaine, je l'entendais monter les marches du perron à travers la cloison du salon. Elle me laissait parfois de la nourriture bien que je lui aie dis que me nourrir comme un loup me suffisait mais il fallait bien avouer que la pâte à tartiner au chocolat me manquait terriblement.

Cet après-midi, elle m'avait laissé des cookies, je les sentais comme s'ils étaient sous mon nez. J'attendis de ne plus l'entendre et sorti récupérer les petits gâteaux sur le perron. Lorsque je relevai la tête, le petit renard était assis en bas des marches et m'observait.

Je soupirai en lui jetant un regard noir.

- Fiche le camp !

Je grognai pour lui faire comprendre que je ne voulais pas de lui ici.

- Bonjour à toi aussi Derek. Ils sentent trop bons ces cookies, je peux en avoir un ?

Je haussai les sourcils devant son audace, il n'avait même pas peur malgré mes grognements.

- Est-ce qu'a un moment donné je t'aurais dit par mégarde que j'avais envie de discuter ?

Il baissa la tête et gratta la terre de sa patte. Je l'avais vexé mais c'était exactement ce que je voulais.

- Non mais je pensais que... je sais pas. Je voulais savoir comment tu allais.

- Toujours aussi mal. Bon tu me fiches la paix maintenant ?

- Seulement si je peux avoir un cookie.

Il commençait sérieusement à m'énerver... et depuis quand les renards connaissaient-ils le goût des cookies ?

- Erica les a faits pour moi, pas pour toi !

Il s'avança en humant l'air, ses deux pattes avant étaient maintenant sur la première marche du perron.

- Ce n'est pas ce qu'elle m'a dit.

Il monta le reste des marches et huma le panier rempli de petits gâteaux.

Je soupirai de contrariété mais m'accroupis tout de même pour me mettre à sa hauteur. J'étais curieux de savoir ce qu'il s'était passé avec la blonde. Je mettais de côté ma colère, le temps de l'écouter.

- Tu lui as parlé ?

- Non mais elle m'a vu et m'a trouvé trop mignon. Elle m'a dit que je pouvais en prendre un si je le voulais. Du coup j'ai attendu que tu sortes pour savoir si je pouvais en avoir un, je ne voulais pas te fâcher si tu voulais tous les garder pour toi... je ne suis pas un voleur tu vois...

- C'est bon tais-toi !

Je lui enfournai un cookie dans le museau pour qu'il se taise enfin. Il m'agaçait à toujours parler à tort et à travers. Il l'avala d'un trait puis se lécha les babines avec gourmandise.

- Je peux en avoir un autre ?

- N'abuse pas de ma gentillesse, je suis toujours en colère contre toi.

Je ne pus m'empêcher de lui en donner un autre. Erica en avait fait pour tout un régiment, j'en avait bien assez de toute façon.

Lorsqu'il l'eut avalé j'ouvris la porte du manoir en soupirant. Je sentais sa présence juste derrière-moi mais il était hors de question qu'il entre.

- Fiche le camp maintenant !

- Laisse-moi me faire pardonner s'il te plaît.

Je claquai la porte derrière-moi en serrant les dents, je ne pouvais pas lui pardonner, ça non. Je secouai la tête et posai le panier de cookies sur la table basse du salon puis je me laissai tomber sur le canapé noirci par l'incendie.

La tête entre mes mains j'entendais, en plus de mon cœur qui s'affolait dans ma poitrine, le renard griffer la porte d'entrée.

J'attrapai la lampe qui était à côté du canapé en l'envoyai dans la porte avec toute la rage qui serrait mon corps tout entier à cet instant.

- Casse-toi d'ici bordel ! Fous-moi la paix !

Il couina encore quelques minutes et tenta de me faire changer d'avis avec un discours incompréhensible mais je l'ignorai pour le reste de l'après-midi. Je n'avais vraiment pas envie de le voir, il me rappelait à chaque fois que je croisai son regard, que j'avais perdu toute ma famille.

Depuis ce jour, chaque matin je trouvai le renard couché sur le perron du manoir et au bout d'une semaine à peine, j'en avais déjà plus que marre de voir sa bouille joyeuse me faire face alors que je n'avais qu'une envie ; pleurer et me cacher aux yeux du monde entier.

- Qu'est-ce que tu veux encore ? Pourquoi tu restes ici alors que je te dis tous les jours la même chose depuis plusieurs jours ? Je ne veux plus te voir ici, c'est clair ?

Il se leva et s'assit en face de moi, devant la porte d'entrée, m'empêchant de passer.

- Je t'ai dit que je serais là à chaque fois que tu en aurais besoin, ce qui explique ma présence devant ta maison chaque matin. Tu as besoin de moi.

Je ricanai en secouant la tête. S'il croyait m'avoir avec ses histoires, il se trompait.

- Je n'ai pas besoin de toi, merci. Maintenant pousse-toi de là, j'aimerais bien sortir de chez moi.

- Non !

Il me cherchait ou quoi ?! Il allait me trouver.

Je le pris dans mes bras et le soulevai du sol en bois. Il était plus léger que ce que je pensais. Je descendis les marches du perron et le posai dans l'herbe alors qu'il grognait et marmonnait de frustration.

- C'est pas la peine de me traiter comme de la vermine !

- Tu ne voulais pas partir, tu ne m'as pas laissé le choix !

Je me mis en route en direction du garage, les clés de la voiture de mon père dans la poche mais il me suivit.

- Attends, tu vas où ?

- Quelque part où je ne verrais pas ta tête.

J'ouvris la porte du garage puis la portière de la voiture et m'installai à la place du conducteur de la voiture de mon père. Elle sentait encore les cigares à la vanille qu'il y fumait et que ma mère détestait tant. Ce souvenir me secoua l'estomac et j'essuyai une larme solitaire sur ma joue.

Je mis la clé dans le contact et démarrai la voiture, reculant pour la sortir du garage. Je dus faire un écart pour ne pas l'écraser car le petit renard avait eu la bonne idée de se mettre en travers de mon chemin. Je klaxonnai et le dépassai. Je jetai un dernier regard dans le rétroviseur où je pus le voir, lui et sa mine triste me regarder partir. J'accélérai et pris la route qui sort de la forêt.

Je roulai sans but durant tout l'après-midi et quand je revins au manoir à la tombée de la nuit, il était là, assis sur le perron. Le renard n'avait pas quitté son poste et m'avait attendu. Je ne savais pas si je devais relever sa détermination ou si je devais me fâcher qu'il ne m'ait pas écouté, encore une fois.

Mais le fait est qu'il était là, contrairement à mes amis loups garous. Oui c'est vrai, je leur avais dit de ne pas venir me voir mais aujourd'hui cette solitude se faisait pesante et malgré que je l'aie chassé lui aussi, le petit renard était là lui.

Peut-être bien que j'avais réellement besoin de lui ?

Je m'assis sur les marches du perron et regardai la lune se refléter sur l'eau du lac.

Il s'approcha de moi et m'observa la tête penchée.

- Tu penses toujours que j'ai besoin de toi ?

Il vint s'asseoir à mes côtés et frotta sa truffe sur mon épaule avant de dire :

- Je suis resté là toute la journée et j'ai constaté que personne n'était venu te voir. Tu dois te sentir seul Derek, alors oui je pense que tu as besoin de moi.

- Je suis seul par ta faute. Ma famille est morte à cause de toi. Ma maison est vide et presque détruite. Mais je ne sais pas si j'ai besoin de toi.

Il se coucha et posa sa tête sur ma cuisse en soupirant.

- Tu n'aurais pas pu les sauver sans trouver la mort cette nuit-là. Je le sais et je ne pouvais pas non plus les prévenir, c'était leur destin, c'était écrit dans les astres. Je suis désolé Derek.

Je lui caressai la tête en reniflant, une question en tête.

- Est-ce que tu sais où vont les morts ?

- Partout où l'on peut se souvenir d'eux. Surtout dans les étoiles. Car elles ne cessent de nous suivre, elles dansent et brillent la nuit, juste au-dessus de nos têtes, pour qu'on ne les oublie jamais.

Plus triste que jamais, je levai les yeux vers le ciel qui s'assombrissait. Une étoile venait d'apparaitre comme pour appuyer ses mots. Je n'étais plus seul et j'étais plus ou moins rassuré mais je ne savais pas du tout ce que je devais faire maintenant.

Comme s'il m'avait entendu, le renard me rappela alors :

- Tu as encore deux vœux à faire. Tu devrais peut-être penser à reconstruire le manoir.

- Je n'en ai pas les moyens. Ma famille n'était pas riche et je suis encore au lycée.

- Alors tu sais maintenant ce que tu peux me demander.

Je le regardai en réfléchissant à ses mots puis les miens sortirent tout naturellement de ma bouche :

- Reconstruis le manoir, s'il te plaît.

※⁕※

Voilà un nouveau chapitre... J'espère qu'il vous a plu ?

A tout bientôt pour la suite des aventures du petit renard roux et noir et de Derek !

Merci de m'avoir lue et merci pour vos votes ! 

('▽'ʃ♡ƪ) Des becs à vous...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top