1. Il m'observait lui aussi
L'animal en face de moi souriait encore de toutes ses dents lorsque j'arrêtai enfin de me pincer bêtement le bras.
Non je ne rêvais pas. Un renard était bel et bien en train de taper la causette avec moi. Je l'observai de la tête aux pattes puis lui demandai :
- Comment tu fais pour parler ?
Ma question dut lui paraître idiote parce qu'il se mit à rire en observant ma tête.
- Bin comme toi, j'ouvre la bouche et des mots en sortent... Bla bla bla quoi !
Ok, soit il se foutait royalement de ma gueule, soit il me prenait pour un débile. Je grognai sans m'en rendre compte.
- Ouais, ok. Mais tu es un renard, je veux dire... T'es pas censé parler !
Il s'allongea à côté de moi et observa son reflet dans l'eau du lac en soupirant puis reporta son attention sur moi.
- Je sais mais je suis comme ça. Je ne peux pas t'en dire plus pour l'instant.
Il plongea alors sa patte dans l'eau du lac et m'envoya une gerbe d'eau au visage.
- Eh ! Arrête !
Je m'essuyai d'un revers de main alors qu'il recommençait son petit manège.
Je lui grognai dessus et fit luire mes yeux pour qu'il se calme et l'effet fut immédiat. Il se stoppa dans son geste en m'observant avec méfiance cette fois-ci.
- C'est pas la peine de me grogner dessus... Il détourna la tête puis me demanda sans me regarder : Qu'est-ce que tu es ? Tu n'es pas un humain comme les autres, je le sais. Je le vois mais je ne comprends pas ce que tu es.
Le renard regarda dans le vague en attendant ma réponse. Je ne savais pas si je devais lui dire la vérité au risque de l'effrayer mais il ne semblait pas très impressionné par mes grognements. Je décidai donc de me lancer.
- Je suis un loup garou.
Il sursauta puis retroussa ses babines et recula d'un pas, se retrouvant à la limite du ponton.
- Ne m'approche pas ou je te mords, j'en suis tout à fait capable tu sais. Je suis peut-être plus petit que toi mais j'ai certainement les dents aussi pointues que les tiennes !
Il grogna puis recula encore d'un pas et il failli tomber dans l'eau mais je le rattrapai au dernier moment en entourant mes bras autour de son corps. Il se débâtit violemment en pensant peut-être que je voulais le manger. Je le ramenai sur le ponton mais le gardai contre moi par peur qu'il ne tombe dans l'eau. Agité comme il était, il n'était pas loin d'une seconde chute.
- Lâche-moi, laisse-moi m'en aller !
- Je te lâcherai si tu arrêtes de gigoter, tu risques encore de tomber à l'eau.
Il ne cessait de se débattre et je compris alors qu'il avait vraiment peur, je le sentais. Tout autour de lui une odeur piquante se propageait comme la fumée d'un incendie. Je lui murmurai à l'oreille de se calmer pour que je puisse enfin le lâcher.
Il cessa de bouger et ses petits yeux jaune doré me scrutèrent intensément quelques instants puis il déclara nerveusement :
- Si tu me laisses partir, j'exhausserai trois vœux pour toi mais tu dois me lâcher !
Tiens voilà autre chose. Qu'est-ce que c'était encore cette histoire de vœux ? Je desserrai ma prise sur l'animal et ce dernier se secoua puis il se rassit en face de moi et m'observa à nouveau.
Comme il gardait le silence, je laissai ma curiosité faire le travail.
- Trois vœux ? Comme le génie dans la lampe ?
Il se releva soudain et fronça son museau, l'air contrarié.
- Non mais, tu déconnes ? Je suis là pour de vrai moi, en chair et en poils roux et noirs. Je ne viens pas d'un dessin animé monsieur je-grogne-sur-les-animaux-mignon ! Ne me sous-estime pas loup aigri !
Quel caractère !
Il semblait vexé par mon ignorance alors que je n'avais pour lui que de la curiosité. Je levai les mains en signe d'abnégation, je ne voulais pas le mettre de travers et qu'il me refuse les vœux auxquels j'avais apparemment droit.
- Excuse-moi, je ne voulais pas te vexer, ni te faire peur. J'ai vraiment droit à trois vœux ? Je n'ai rien fait pour les mériter.
Il sembla réfléchir un instant puis m'avoua :
- Tu viens de me sauver d'une baignade forcée, ça me suffit à te les accorder. Alors une idée ? Qu'est-ce qui te ferait plaisir ?
Alors qu'il se léchait la patte pour me donner le temps d'y réfléchir, je fis le tri de mes pensées mais rien de très probant ne me vint à l'esprit. Je ne savais pas quel vœu faire et me demandais si c'était une bonne idée que de réclamer un vœu à un animal qui parle. Je me méfiais un peu de lui bien qu'il me parût tout à fait sympathique. Malgré ma méfiance j'avais presque confiance en lui mais aucune idée hélas de ce que je voulais lui demander.
Je soupirai avant de lui avouer en haussant les épaules :
- A vrai dire, je ne sais pas.
Il me dévisagea l'air embêté.
- Eh bien... je suppose que tu n'es pas obligé de me le dire maintenant. Je reviendrai plus tard comme ça tu auras le temps d'y réfléchir. De toute façon il va faire nuit, je dois partir.
Il joignit le geste à la parole et se leva en se secouant le poil.
Je fus pris de panique lorsque je réalisai qu'il allait s'en aller.
- Attends, comment je te retrouverai ? Comment je saurai que tu es là ?
- Si tu as besoin de moi, je serai là. Tu n'auras même pas à me chercher. Salut Derek !
Il s'éloigna en traversant le ponton de bois, fit le tour du lac au petit trot et disparut de mon champ de vision dans la ligne de l'horizon qui prenait déjà les couleurs du coucher de soleil.
Après un temps de réflexion qui ne m'aida pas le moins du monde à mettre en ordre mes idées, je me levai à mon tour, remis mes chaussettes et mes chaussures, attrapai ma veste et repris le chemin du manoir, une impression étrange au fond de moi d'avoir rêvé cette fin d'après-midi.
A la maison on m'attendait pour le repas du soir et j'eus beaucoup de mal à expliquer mon retard. Laura imagina alors plusieurs scenarii qui, évidemment, étaient tous à des années lumières de la vérité mais je la laissai dans son délire de rendez-vous secret avec une fille en repensant à ma rencontre plus qu'inhabituelle de cet après-midi.
- Derek, tu sais que si tu veux m'en parler, je suis là. Je suis de bons conseils et je ne te jugerai pas.
Les mots que ma mère me glissa à l'oreille après le repas me rassurèrent mais elle semblait inquiète. Je la tranquillisai à mon tour et après l'avoir aidée à faire la vaisselle, je filai dans ma chambre, voulant de la tranquillité pour réfléchir aux derniers évènements de la journée.
J'étais allongé sur mon lit, les mains derrière la tête à repenser à Braeden, au renard, lorsque quelque chose me frappa. Non pas réellement. J'eu une sorte de révélation ; le renard m'avait appelé par mon prénom alors que je ne le lui avais pas donné.
Cela me perturba mais ce n'était pas là le plus bizarre dans cette histoire. Ces trois vœux auxquels j'avais droit me titillaient l'esprit, je ne savais pas quoi demander à ce petit renard malicieux. Je repensai à ma condition de loup garou et je me disais que si je pouvais acquérir plus de pouvoir et être enfin le loup dominant dont rêvaient mes parents, ma sœur ne serait plus dans la course et me ficherait enfin la paix.
Ce n'est pas parce qu'elle était mon ainée que je devais lui laisser la place de numéro un. Oui c'était une réaction un peu sexiste c'est vrai mais être le second de la famille au niveau de la force physique me frustrait au plus haut point !
Je savais maintenant ce que je voulais pour mon premier vœu. Ce que j'ignorais en revanche c'est si le petit renard serait capable de le réaliser.
Je me préparai à aller me coucher et m'endormi aussitôt la tête sur mon oreiller. Cette nuit je ne rêvai pas de Braeden et de son départ pour le Mexique comme la nuit passée, ni de Laura et de ses délires. Mes songes étaient remplis de forêts verdoyantes et de plaines fleuries, dans lesquelles un renard roux et noir faisait la course avec moi joyeusement.
Le lendemain au petit déjeuner je ne pus m'empêcher de sourire et Cora le remarqua aussitôt. Je n'étais pas un loup garou du matin et sourire était encore moins dans mes habitudes.
Elle avala son chocolat chaud et me demanda :
- Tu vas mieux Derek ? T'es plus fâché contre Laura ?
Je relevai la tête de mon bol de céréales et lui souris.
- Non, je ne suis plus fâché, c'est oublié. Aujourd'hui j'ai décidé d'être positif et d'oublier nos querelles.
Je ne lui dis pas la vérité évidement mais je remarquai le sourire de ma mère qui était debout derrière l'ilot de la cuisine occupée à nous observer. Elle devait se douter de quelque chose mais ne dit rien et continua de préparer du café pour mon père qui ne devait pas tarder à partir au bureau.
Nous étions samedi mais notre père travaillait toujours ce matin-là. Il aimait la tranquillité d'un bureau vide et à midi, en général, il était de retour pour profiter de son weekend en famille.
Je finissais mon petit déjeuner et allais me préparer pour aller courir en forêt. C'était mon excuse pour être seul car dans la famille, j'étais l'unique loup garou à apprécier la course. Mes sœurs et ma mère plus flemmardes, préféraient faire du yoga, chose que je détestais le plus au monde !
Je me mis en route et profitais de la fraîcheur du matin pour aligner les dix kilomètres de course que j'avais prévu de faire et sans que je ne m'en rende compte, mes pas m'emmenèrent près du lac. J'étais appuyé sur la rambarde du ponton pour reprendre mon souffle, lorsque je le vis, de l'autre côté de l'étendue d'eau.
Le renard roux et noir était là et il m'observait lui aussi.
※⁕※
Le premier chapitre n'est pas très long mais le suivant sera un peu plus étoffé...
J'espère qu'il vous a plu et je vous dit à bientôt pour le suivant...
Des becs (‾◡◝) ❤
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