Chapitre 52
« Tout va bien se passer Mél. » Samuel me regarde mais je suis incapable de rester calme.
Il pose doucement ses mains au niveau de mes épaules mais je n'arrive pas à le regarder.
« On a beaucoup travaillé, tu maîtrises parfaitement tes sujets, tu utilises un vocabulaire beaucoup plus soutenu. Tu vas y arriver. » Il reprend mais ma gorge est tellement serrée que je ne peux pas prononcer le moindre mot.
« Il faut que tu reprennes un peu de confiance en toi là. » Sophia me donne une petite tape sur l'épaule.
« Je crois que je vais vomir. » Je dis doucement.
Théo roule des yeux, ce qui me tend un peu plus.
« Non Mélissa, tu ne vas pas vomir, tu nous fais le coup à chaque fois. » Il pose le regard sur moi et je vois Samuel lui faire un signe.
« En plus tu es super élégante, les jurys vont te trouver toute mignonne. » Joséphine me sourit mais je reste de marbre.
« Tu penses vraiment qu'ils vont me sélectionner tout simplement parce que je suis bien habillée ? » Je la regarde comme si elle ne savait pas ce qu'elle disait.
Elle ne répond rien et je la remarque lancer un regard à Chloé.
Je pose ensuite mon regard sur Benjamin, qui mange devant moi son burger d'une façon qui me tort un peu plus l'estomac.
Je ferme alors doucement les yeux et je tourne ma tête pour ne pas que mes yeux se posent sur son snack.
« Prends de longues respirations, comme tu le fais si bien. » Chloé ajoute.
« Ça ne va pas m'aider Chloé. » Je réponds sèchement.
« Penses à ce soir alors, quand tu pourras bien décompresser entre deux verres bien chargés. » Sophia me fait un clin d'œil mais elle m'énerve plus qu'autre chose.
En réalité, ils essayent de me détendre mais ils ne font qu'agrandir mon agacement.
« On te fera une bouteille sur-mesure rien que pour toi. » Théo lâche un rire.
« Le but ce n'est pas que je sois ivre-morte. » Je réponds.
« On verra ça en temps voulu. » Samuel lance un regard à mon frère.
Je jette un coup d'œil sur l'écran de mon téléphone et je soupire avant de me mordiller la lèvre.
« Dans cinq minutes. » Je lâche en agitant ma jambe.
« Tu peux arrêter s'il te plait, tu fais bouger la table. » Benjamin me dit la bouche pleine me procurant un haut le cœur.
« En fin de compte, je vais y aller. » Je saisis mon téléphone.
« Aller Mélissa, tout va bien se passer. » Lou m'offre un petit sourire.
« Hum... On verra. »
Je me lève et je place mon sac sur mon épaule.
« Merci pour votre soutien. » Je regarde les personnes qui me sont proches, présentes autour de la table.
« Tiens-nous au courant. » Théo me sourit.
« Et puis, on se retrouve directement chez moi après, on va te préparer un apéro de folie. » Joséphine me regarde.
« Ne me parle pas de nourriture, je t'en supplie. »
« Je vais t'accompagner. » Samuel se lève à son tour.
« On est tous avec toi. » Chloé brandit son poing et je lâche finalement un petit sourire.
Je quitte ensuite la cafétéria presque vide aux côtés de Samuel et nous nous dirigeons vers la salle où se trouvent les jurys, afin que je puisse passer mon entretien final pour la bourse.
Samuel m'a soutenu pendant toute ma période de révision et il a été d'une patience incroyable.
Au début, je dois l'avouer, la situation était un peu tendue entre nous. Il a mis du temps à digérer le fait que ma famille se soit immiscée, indirectement, dans notre relation.
Il a extrêmement mal pris le fait que mon père n'ait pas voulu apprendre à le connaître par lui-même alors j'ai décidé d'inviter une nouvelle fois Samuel à la maison, pour qu'on puisse tous discuter.
Mon père a fait quelques efforts mais il me fait bien comprendre qu'il n'était pas le fan numéro un de ma relation mais je lui ai répondu que je faisais ce que je voulais dans ma vie.
La première entrevue ne s'est pas passée à merveille mais j'ai ensuite invité Samuel à plusieurs reprises à la maison pour qu'on puisse réviser malgré la présence de mon père.
La relation s'est donc détendue mais elle reste très cordiale.
Les discussions ne vont pas loin et je sais que ça contrarie Samuel, qui je pense, au profond de lui, aurait vraiment préféré que je laisse mes parents en dehors de ça.
Mais pour le coup, je ne lâche pas le morceau. Il m'a beaucoup fait souffrir et il était important pour moi d'en parler à ma famille.
J'ai essayé maintes et maintes fois de le lui expliquer et je pense qu'il comprend maintenant un peu mieux.
Notre relation s'est donc largement améliorée ces derniers jours même si tout n'est pas encore exactement comme avant.
Mes amies, par contre, ont été ravies quand je leur annoncé que je sortais de nouveau avec Samuel, elles ont alors décidé de vraiment apprendre à le connaître et maintenant, nous sommes souvent ensembles.
Je remarque même que Chloé ne semble pas être insensible au charme de Benjamin.
De mon côté, j'apprends également à connaître Lou qui finalement ne me semble pas si mal. Elle a certain côté qui reste encore un mystère pour moi mais dans l'ensemble, sa présence ne me dérange pas vraiment.
Les garçons, ont par contre, toujours du mal avec Sacha même s'ils ont tous accepté d'avoir une longue discussion mais chacun reste un peu campé sur ses positions.
Mais Sacha est beaucoup moins seul, il est constamment avec Philippines et je les soupçonne d'entretenir une relation qui est plus qu'amicale mais quand je questionne Samuel, il me répond qu'il n'en sait rien.
Cette dernière semaine et demie a donc plutôt été positive et je dois avouer que ça m'a fait énormément de bien.
Je sais que tout redeviendra comme avant très rapidement et j'ai même décidé, que ce soir, après la soirée étudiante organisée par le bureau des élèves actuel, je resterai dormir chez Samuel.
Je vais lui dire que j'aimerai qu'on recommence vraiment tout depuis le début, qu'il n'y ait plus aucune rancœur entre nous et que je fais et ferai mon possible pour que la relation avec mon père s'arrange.
J'ai même prévu de remettre sur la table son idée de partir en week-end, rien que tous les deux. Je sais que ça nous fera du bien et que ça permettra de vraiment tourner la page sur toutes nos histoires.
Je nous ai donc réservé deux jours à Londres, qui n'est certes pas la ville la plus romantique ni la plus ensoleillée mais qui nous apportera un nouveau souffle.
« Tu es prête ? » Il se place devant moi une fois que nous sommes proches de la porte en question.
« Je ne sais pas. »
« Oui Mélissa, tu es plus que prête. »
« Oui mais parler de certains sujets est beaucoup plus facile quand c'est avec toi. »
« Et bien fais comme si j'étais aussi dans la salle. »
Je plisse les yeux.
« Non, ça je n'y arriverai pas. »
« Bon, et bien je sais que tout ton stress s'évaporera quand tu seras entrée dans cette salle. »
« J'espère. »
« Tu as beaucoup travaillé alors il n'y a pas de raison que tu n'y arrives pas. » Il me caresse doucement la joue.
« Merci pour tout Samuel, tu m'as tellement aidé. »
« Ça m'a fait plaisir. » Il me sourit. « Tu es la meilleure. » Il dit doucement avant de déposer ses lèvres contre les miennes. « Et puis, ce soir nous allons tous passer une bonne soirée. »
« Oui. » Je lâche un petit sourire.
« Je te laisse et surtout tiens moi au courant. » Il me fait un clin d'œil en souriant et je l'embrasse une nouvelle fois.
Il passe une main dans mes cheveux avant de s'éloigner.
Je le regarde partir et je me retourne pour faire face à cette grande porte.
Je prends une profonde inspiration et je m'installe sur la petite chaise juste à côté.
Je ne veux pas échouer, je serai tellement déçue. J'ai tellement travaillé que je trouverai ça presque injuste.
J'ouvre mon petit classeur pour relire certains éléments importants à mentionner en fonction des sujets qui peuvent tomber.
La porte s'ouvre ensuite et je ferme mon porte-document que je place maladroitement dans mon sac.
« Mademoiselle Mayer ? » Une femme me regarde avec un papier dans les mains.
« Bonjour. » Je souris mais elle ne semble pas très chaleureuse.
Elle me parle directement en anglais et je ferme rapidement les yeux en réalisant que j'ai commencé à lui parler en français.
Ne te laisse pas envahir par ton stress.
« Entrez, s'il vous plait. » Elle continue, dans la langue de Shakespeare.
« Merci. » J'adopte le langage anglo-saxon à mon tour.
Je fais alors mes premiers pas dans cette salle qui me parait immense comparée au nombre de personnes présentes.
Deux autres personnes me regardent et je remarque une petite chaise avec une table placée juste devant eux.
« Bonjour. » Je souris mais le monsieur reste impassible tandis que la seconde femme semble beaucoup plus avenante.
« Vous pouvez vous assoir. » Me regarde la femme qui m'a accueilli.
Cette salle peut contenir au moins une cinquantaine de personnes et je me sens alors toute petite.
L'homme au centre, sort une première feuille dans un silence de plomb.
Mon cœur bat à tout rompre et je déglutis difficilement.
Je n'ai pas du tout envisagé le fait de tomber sur des jurys très fermés d'expression.
J'essaye de me ressaisir en trouvant du réconfort dans le regard de la femme tout à droite.
« Bonjour Mademoiselle, je vais donc vous expliquer le déroulement de cet entretien qui durera quarante minutes en moyenne. Nous allons d'abord nous introduire puis ça sera à votre tour. Ensuite nous vous poserons des questions sur des sujets divers de société et nous finirons par vous demander vos motivations concernant votre participation à ce programme boursier. Cela vous convient-il ? » Il relève enfin la tête et pose la feuille avant de placer ses lunettes sur son nez.
« Oui, c'est parfait. » Je souris poliment.
« Alors commençons. » Il se tourne vers la première femme qui commence à se présenter en tant que qu'interlocutrice d'une des écoles outre-Atlantique offrant ce programme boursier. Elle précise qu'elle sera la référente de tous les étudiants acceptés, sur notre campus, à la bourse.
Vient ensuite au tour de l'homme qui m'annonce être le directeur de ce programme et qu'il souhaite vraiment ne garder que les meilleurs, les plus motivés, qu'il cherche, cette année, à recruter des perles rares, des personnes ayant une réelle valeur-ajoutée.
Ma gorge se serre en réalisant que sa décision sera décisive et que je dois à tout prix lui faire bonne impression.
Enfin, ma préférée, se présente en tant que directrice d'un groupe proposant divers cours d'anglais à travers la France, ainsi que des livres de référence et organisatrice du test d'anglais que j'ai passé précédemment.
« À votre tour maintenant. » L'homme me regarde.
Je me racle alors la gorge et tout en souriant, je me présente. Je les regarde chacun dans les yeux afin de captiver leur attention et j'essaye de paraitre le plus détendue possible.
Ma petite préférée sourit doucement et hoche la tête à chaque fin de phrase, tandis que les deux autres restent totalement impassibles.
« Bien, merci beaucoup. » La femme qui m'a accueilli finit d'écrire ses notes sur une feuille et relève la tête. « Passons maintenant à notre premier sujet qui concerne le Brexit. »
Mon cœur s'arrête.
Le Brexit.
Le sujet que je ne voulais pas avoir.
C'était le seul qui me déstabilisait quand je révisais et même si Samuel m'a expliqué maintes et maintes fois le processus, j'ai toujours eu du mal à comprendre la partie économique et financière de cet évènement.
J'essaye alors de garder mon sourire alors qu'au fond, je panique.
« Pouvez-vous dans un premier temps nous expliquer de quoi ça parle, nous rappelez les différentes dates importantes, les accords passés entre l'Union Européenne et le Royaume-Uni. Puis, vous enchainerez en nous expliquant les différentes conséquences et vous finirez par nous donner rapidement votre avis. »
Elle pose sa feuille et les six yeux se posent sur moi.
Je me dandine alors légèrement sur ma chaise et je croise mes mains.
Je suis alors les étapes qu'elle m'a énoncées et même si le début est très laborieux étant donné que les mots ne sortent pas de manière fluide, je bégaye souvent, je me perds dans les dates, je termine quand même ce premier sujet sur une note positive.
« Très bien. » La femme ne réagit pas plus que ça et celle la plus à droite lit la feuille sous ses yeux.
« Passons maintenant à un second sujet. »
Je prie pour qu'elle en choisisse un qui me corresponde et j'espère que le courant passe suffisamment bien entre nous pour qu'elle m'épargne d'un deuxième carnage.
« Pouvez-vous me parler de l'élection présidentielle américaine qui a eu lieu et les différents éléments importants de la campagne. »
Je soupire intérieurement de soulagement.
Ça, c'est un sujet que je maîtrise et qui m'intéresse.
J'énonce alors les deux candidats ainsi que leur parti respectif. Je parle de leurs idées, des états qu'ils ont remportés et qu'ils étaient susceptibles de remporter et des débats qui ont déjà eu lieu. Je déballe absolument tout ce que je sais et je sens que ça lui plait.
Je reprends alors peu à peu confiance moi et j'essaye de faire abstraction des réactions de ses deux collègues en me disant qu'ils font certainement ça pour me déstabiliser.
Les sujets d'actualités se suivent les uns à la suite des autres et je prends un peu plus facilement mon aise.
« Je pense que nous en avons fini avec ces sujets de société. Passons maintenant à vos motivations. » L'homme s'éclaircit la voix. « Qu'apporteriez-vous aux universités pour lesquelles vous avez postulé ? »
« Et bien, je leur apporterai ma culture, ma manière de voir les choses. Je m'investirai pleinement dans la vie associative et culturelle de l'école, je participerai à différents concours qu'ils organisent, j'aimerai vraiment leur montrer et vous montrer que vous n'avez pas fait le mauvais choix en me choisissant. »
« Et comment allez-vous donc participez à toute cette vie étudiante ? » La femme que je n'aime pas hoche la tête.
« Et bien, en organisant des évènements sur le campus avec les associations dont je ferai partis. »
« Mais quelles associations ? » L'homme prend le relais. « Vous avez un sport que vous pratiquez à haut niveau ? »
Je ne réponds rien.
« Une passion qui vous prend aux tripes ? » Il poursuit.
« J'aime énormément lire et écrire aussi. »
« Écrire ? Comment ? » Il plisse les yeux.
« Mes pensées, quelques histoires, ce qui me passe par la tête et ce que j'imagine. »
« Donc ce ne sont pas des articles de presse ou universitaires ? »
« Non non pas vraiment. » Je dis doucement.
Il jette un coup d'œil à ses collègues et soupire.
Je comprends alors que ce n'est pas bon signe.
« Mademoiselle, je peux vous poser une question ? »
« Oui allez-y. »
« Faites-vous partie d'une association étudiante actuellement ? Ici, sur ce campus ? »
Je me sens rougir.
« Non monsieur. »
« Et dans votre vie personnelle ? »
« Non plus. »
« Alors pourquoi le faire là-bas ? Aux États-Unis, si vous ne le faites pas ici ? »
« Et bien... » J'essaye de trouver mes mots mais je me sens coincée, sans issue de sortie.
« Je vais vous dire quelque chose. » Il pose ses lunettes. « Au début de cet entretien, quand je vous ai dit que nous cherchions des personnes motivées avec une valeur ajoutée, je le pensais. »
« Oui et je l'ai bien compris. »
« Alors quel est votre talent ? Votre passion ? »
« Je... Je... » Je suis incapable de répondre.
« Pensez-vous être accepté dans une équipe sportive là-bas ? »
« Non je ne pense pas, il n'y a pas un sport où j'excelle particulièrement. »
« Alors qu'elle est votre valeur-ajoutée mademoiselle ? Qu'est-ce qui vous différencie des autres candidats ? »
Je suis totalement sous l'eau.
Paniquée.
Déstabilisée.
Je ne sais pas quoi répondre et je doute sincèrement de moi.
« Moi j'imagine. » Je réponds sans réfléchir.
« Vous ? » Il lève les sourcils.
« Ma spontanéité, ma personnalité, ma motivation, mon rêve qui est peut-être sur le point de se réaliser. Oui moi monsieur. Je n'ai peut-être pas de talent particulier mais je sais que je me donnerai au maximum pour représenter cette université et la ville dans laquelle je vivrai. J'ai travaillé dur pour obtenir cette bourse et... »
« Tout le monde a travaillé dure mademoiselle. » La femme me coupe.
J'essaye tant bien que mal de ne pas me décomposer mais ils ne me facilitent pas la tâche.
« Je pense tout simplement que vous n'avez pas vraiment saisi les objectifs de cette bourse. » L'homme aux cheveux grisonnants replace ses lunettes.
« Si je les ai très bien compris. » J'essaye de me défendre.
Ils se jettent une secondes fois, un regard entre eux, même ma préférée ne semble pas convaincue et je réalise qu'elle est d'accord avec eux, qu'elles étaient simplement un peu plus aimable mais pas plus compréhensive.
Il regarde ensuite sa montre et là, je me décompose.
« On va s'arrêter là. » Il se racle la gorge. « Merci. »
« Nous allons être honnêtes avec vous mademoiselle. » La femme à droite me regarde. « Vous êtes certainement très gentille mais parmi tous les candidats que nous avons vus, vous ne semblez pas remplir à cent pour cent tous les critères. »
« Je vois. » Ma gorge est toujours aussi serrée.
« Nous allons cumuler toutes vos notes mais, vos chances sont très mimines. Il faudrait qu'une ou deux places se libèrent ou soient ajoutées mais à l'heure actuelle, tout est très compromis. »
Je comprends alors que c'est terminé.
Je n'ai même pas eu à l'apprendre par mail, je sais que jamais je n'obtiendrai cette bourse.
« Merci en tout cas pour votre participation. » La première femme se lève.
« Merci à vous, de m'avoir écouté. » Je réponds avec amertume.
« Retentez l'année prochaine, peut-être que ça sera la bonne. » L'homme finit mais je ne réponds rien.
Quel con.
« Bonne fin de journée. » Je me lève.
« À vous aussi mademoiselle. »
La femme me ramène alors vers la porte par laquelle je suis arrivée.
« Bon courage pour la suite. » Elle me lâche un premier petit sourire.
« Merci. » Je baisse le regard et elle ferme la porte.
Je pose mon sac au sol sans bouger.
Je suis lessivée, liquidée et vidée de toute émotion.
Je n'arrive même pas à réaliser que tout vient de se terminer, tous mes efforts n'ont servis à rien.
Je me tourne vers la porte hésitant à rentrer une nouvelle fois et à les supplier de me laisser une chance mais je retrouve rapidement la raison.
Je saisis alors mon sac et je fouille à l'intérieur pour trouver mon téléphone.
Je vois un message de ma mère me demandant comment tout s'est passé et je décide de l'appeler.
J'avale ma salive pour retenir mes larmes et j'attends qu'elle décroche.
« Oui ma chérie. Tu es sortie ? »
« Oui, à l'instant. »
« Alors ? Dis-moi tout. »
Je vais pour tout lui balancer mais pour je ne sais quelle raison, je ne réponds rien.
« Mél ? » Elle demande après quelques secondes. « Tu es là ? »
« Oui excuse-moi, je pensais à autre chose. » Je secoue doucement la tête.
« Alors, comment tu le sens ? »
« Et bien... » Je commence. « On verra. »
« Tu auras les résultats quand ? »
Je ferme doucement les yeux et je m'assois sur une des chaises installées dans le couloir.
« Dans la semaine, je pense. » Ma gorge se serre.
« Bon, et comment tu le sens alors ? »
« Honnêtement, je n'en sais rien. Je ne préfère pas me prononcer. »
« Je suis sûre qu'ils t'ont adoré ma Mél, tu vas être prise. » Je l'imagine sourire et je me passe une main sur le visage.
« On verra. » Je répète sans grande conviction.
« Tu sais, je pense que ça va te faire du bien de sortir ce soir, ça va te vider un peu la tête. »
« Oui. »
« Tu rentres à la maison ou tu vas directement chez Joséphine ? »
« Directement chez Joséphine. »
« Et tu dors où ? »
« Chez les filles. » Je mens. « Je verrai avec qui je rentre. »
« Bon, très bien, tiens-moi au courant surtout. »
« Oui ne t'inquiète pas. »
« Aller, je te laisse ma chérie et je suis sûre que tu as assurée. »
« À plus maman. »
Je raccroche et je reste quelques secondes à regarder dans le vide avant de me décider à me lever et quitter l'établissement.
Je n'ose même pas appeler les autres membres de ma famille pour leur tenir au courant du déroulé de mon entretien.
Ma mère avait enfin accepté que je m'en aille, elle était même devenue ma première supportrice et voilà maintenant que je ne pars plus.
Je suis tout simplement incapable de lui annoncer.
Je sais bien qu'elle serait quand même très fière de moi, qu'elle me dira que ce n'est pas grave, que je pourrai tenter une prochaine fois et elle aura entièrement raison, au fond.
Mais moi, je ne le vois pas et ne le vis pas comme ça.
J'ai beaucoup trop travaillé, j'en ai rêvé, je me voyais déjà là-bas et maintenant je dois revenir en arrière, faire comme si cette bourse n'avait jamais existé.
Mon projet vient tout simplement de tomber à l'eau et c'est entièrement de ma faute.
Tout ça parce que je n'ai pas fait partie d'une association étudiante lorsque je suis arrivée en première année.
Comme quoi, ça tient à peu de choses.
Mais pour l'instant, je suis dans un état d'esprit où je ne veux pas l'accepter, je suis tellement en colère contre moi-même et tellement triste d'être disqualifiée aux portes de ce programme.
C'est pourquoi, je ne me sens pas prête à l'annoncer à mes proches parce que ça serait le dire à voix-haute et donc craquer, complètement.
Je préfère garder ça pour moi, ça me permet de contenir toute cette peine, cette déception et cette colère à l'intérieur de moi, m'empêchant, bizarrement, de ne pas évacuer mes émotions.
Je n'ai d'ailleurs pas versé une larme depuis que je suis sortie de cette salle de l'enfer et je dois avouer que ça me surprend beaucoup parce que ce n'est pas l'envie qui m'en manque.
Je me retourne une dernière fois vers la devanture de mon établissement et je finis par me diriger chez Joséphine.
Je sens plusieurs fois mon téléphone s'agiter dans mon sac et j'en déduis que mes amis essayent de prendre de mes nouvelles. Mais j'ignore complètement ces appels préférant laisser mon esprit ailleurs.
Je sors à la station de métro la plus proche de l'appartement de Joséphine et je compose le code sur le petit tableau digital.
Je ferme les yeux un court instant afin d'oublier et de mettre de côtés ces dernières heures.
Je prends ensuite une profonde inspiration et en passant dans l'entrée, je jette un coup d'œil au grand miroir près de l'ascenseur.
Je m'y arrête quelques secondes et je me tapote doucement les joues pour essayer de faire revenir de la couleur sur mon visage.
J'ai le teint tellement terne, les yeux fatigués, des cernes noirs et aucune joie de vivre.
Je tente alors différents sourires qui sonnent tous plus faux les uns que les autres et je me résigne à simplement jouer la comédie même si personne ne sera dupe.
Je tourne la tête et je monte dans l'ascenseur qui s'ouvre directement sur la porte d'entrée de Joséphine.
« Alors ? » Je vois mes trois amies se tenir dans l'entrée.
Je sors de l'ascenseur légèrement surprise et je secoue doucement la tête pour me ressaisir.
« Et bien, on verra. » Je force un sourire certainement ridicule.
« C'est tout ? » Sophia semble déçue. « Ils ne t'ont rien dit ? »
« Non, ils étaient très impassibles avec des visages fermés. »
« C'est pour te déstabiliser ça. » Chloé pouffe. « Tu n'as pas à t'en faire. »
« Oui j'espère que c'était ça. » J'essaye de ne pas paraitre trop triste.
« En tout cas tu as une sale gueule. » Se moque Sophia. « Ils t'ont recalé ou quoi ? »
« Mais pas du tout, ils ne peuvent pas lui dire comme ça, de but en blanc, qu'elle n'est pas prise. » Joséphine donne une petite tape sur l'épaule de Sophia.
Je ne réponds rien et je fais mon possible pour faire bonne figure.
« Tu recevras les résultats par mail non ? » Me questionne Chloé.
« Oui c'est ce qu'ils ont dit. »
« Et tu les auras quand ? » Elle poursuit.
« Fin de semaine, début de semaine prochaine. Je pense. » J'hausse les épaules.
« De toute manière, on sait que tu vas être prise, c'est une évidence. » Sophia roule des yeux en souriant.
Et bien, la preuve que non.
« Hum... » Je reste très évasive.
« Bon, tu ne vas tout de même pas rester sur le paillasson, rentre. » Joséphine rigole.
« Oh, oui bien sûr. »
Les filles se décalent et je rentre à l'intérieur de l'appartement.
« Tu as changé la déco ? » Je demande en enlevant mon manteau.
« Oui, j'ai trouvé pleins de super belles choses de seconde main. »
« J'adore, c'est vraiment très beau. » Je me mets un peu plus à l'aise.
« C'est vrai, tu aimes ? »
« Oui vraiment. » Je souris et Sophia s'avachit sur le canapé afin de continuer à siroter son verre de vin.
« Fais attention par contre. » Joséphine lance un regard à notre amie. « Ça me ferait vraiment chier que tu fasses une tâche. »
Sophia roule des yeux.
« Elle est comme ça depuis qu'on est arrivées, c'est insupportable. » Elle me regarde et je lâche un petit rire.
« C'est juste que j'y tiens, à mon appartement. » Elle grince des dents.
« Sers-toi un verre, ça va te détendre. » Sophia roule des yeux avant de boire une gorgée de sa boisson.
« Oh d'ailleurs, je me suis arrêté dans une petite épicerie pour prendre de quoi grignoter. » Je sors quelques paquets de biscuits apéritifs de mon sac pour les poser sur le petit comptoir.
« Ah, c'est une très bonne idée ça. » Chloé se dirige vers moi pour ouvrir un premier paquet.
« Bois un peu de vin aussi, ça te fera vraiment du bien. » Sophia me regarde.
« Non ça ira merci. » Je force un sourire.
« Mais Mél, on sort ce soir. » Joséphine me regarde consternée.
« Oui et ? »
« Tu ne vas tout de même pas arriver là-bas sans avoir bu une goutte d'alcool ? »
« Et bien si. » Ma gorge se serre.
Je n'ai pratiquement rien manger de la journée tellement j'étais angoissée par cet entretien et je sais que je ne mangerai pas plus ce soir étant donné que mon appétit a été coupé depuis que j'ai quitté l'établissement.
« Mél. » Chloé pose sa main sur mon épaule. « Tu es sûre que ça va ? » Elle plisse les yeux.
« Oui tout va bien. » J'essaye de faire bonne figure.
Mes amies se lancent quelques regards et je suis à deux doigts de craquer mais je ne dis rien.
« Pourtant tu es bizarre depuis que tu es arrivée. »
« Je suis là depuis cinq minutes. » Je lâche un rire.
« Oui mais tu sembles un peu... Triste. » Joséphine s'approche à son tour.
« Non mais ça va les filles. » Je m'éloigne.
« J'ai du mal à te croire. » Sophia me lance un petit regard.
« Et bien ne me crois pas. » J'hausse les épaules.
« Tu es certaine que ton entretien c'est bien passé ? » Joséphine me regarde avec suspicion.
« Non justement, je n'ai pas encore eu les résultats. » Je me braque.
Je m'en veux d'éprouver ces sentiments là mais elles commencent à m'agacer avec leurs questions.
« Tu sais Mél, ce n'est pas grave si jamais tu n'es pas prise. » Chloé me regarde avec compassion mais c'est la phrase de trop.
« Non mais tout va bien. » J'insiste plus durement et je me dirige vers la cuisine. « Je vais prendre un verre si c'est le seul moyen de vous rassurer. » Je saisis un verre que je remplis avec du vin.
Je lève ensuite mon verre avant de boire quelques gorgées.
« Contentes ? » Je les fixe.
« Tu n'en as pas mis un peu trop là ? » Sophia dédaigne enfin de se lever de son fichu canapé.
« Non c'est parfait. » Je jette un coup d'œil à mon verre.
« Bon, n'oublie pas de manger un peu quand même, pour éviter de finir complètement ivre. » Joséphine grimace.
Je saisis alors une poignée de chips que j'enfourne complètement dans ma bouche.
« Contentes ? » Je répète la bouche pleine.
Les filles se lancent un énième regard qui me tend un peu plus.
« Arrêtez de vous regarder comme ça alors que je suis là. » Je lâche légèrement sèchement avant de boire une autre gorgée.
Elles ont déclenché ce qu'il ne fallait pas déclencher.
Je sais qu'elles sont simplement préoccupées par mon état mais là, tout de suite, je m'en fiche.
« C'est juste ton changement d'attitude très soudain qui est un peu bizarre mais enfin bon, ce n'est pas grave. Tu as surement besoin de décompresser. » Chloé lâche nerveusement.
« Voilà, exactement, j'ai besoin de décompresser. » Je bois une autre gorgée.
« Et bien. » Sophia dit un peu gênée. « Je vais me préparer. »
« Je viens avec toi. » Chloé la suit et en quelques secondes je me retrouve seule avec Joséphine.
Un long silence s'installe, seuls les craquements des chips entre mes dents se fait entendre.
« Mélissa, tout va bien ? »
Je soupire bruyamment.
« Oui tout va bien. Plus vous me posez la question et plus ça m'énerve. »
« C'est juste qu'on ne comprend pas, tu as une attitude très bizarre. Tu arrives ici, tu es blanche comme neige, tu ne sembles pas joyeuse et puis en une fraction de seconde tu te mets à mal nous parler. Il s'est passé quelque chose de grave ? »
« Non rien. »
« Tu t'es disputée avec Samuel ? »
« Pas du tout. Samuel n'a rien à voir avec ça. »
« Tu appréhendes de le voir ce soir ? Parce que la dernière soirée que tu as faites a mal tourner ? »
« Joséphine, ça n'a rien à voir avec lui. »
« Alors quoi ? »
« Alors rien. » Je m'agace. « Arrête de vouloir à tout prix croire qu'il se passe quelque chose. »
« Par contre Mélissa, calme-toi. » Son regard change. « Si on réagit comme ça c'est que nous sommes inquiètes alors sois mignonne et parle nous autrement. »
J'arrête de mâcher mes chips et je soupire.
« Excuse-moi Joséphine. » Je ferme un court instant. « Vous avez raison. » Je dis pour calmer l'atmosphère. « J'ai juste besoin de décompresser. » Je force un petit sourire pour la rassurer. « Vous n'y êtes pour rien, c'est vrai. »
« Je comprends, il n'y a aucun problème mais c'est un peu chiant d'être un punching-ball. »
« Vous n'êtes pas mes punching-balls. Je suis désolée, je vais boire un coup ça va me calmer. » Je me resserre un peu de vin.
« Finalement, peut-être que voir Samuel ce soir va aussi te détendre. »
« On les rejoint quelque part d'ailleurs ? »
« Directement en soirée je crois, enfin c'est ce que Benjamin a dit à Chloé. »
« Ils sont vraiment proches ces deux-là. »
« Oui mais je crois que c'est purement amical. »
« Je n'en suis pas si sûre. »
« Du côté de Chloé ça l'est. »
J'ai un mouvement de recul.
« Ah oui ? »
« Oui. »
« Elle n'en a jamais parlé. »
« Si, plusieurs fois d'ailleurs. »
Je cligne plusieurs fois des yeux.
« Hum... Je n'étais pas là alors. »
Joséphine change d'expression.
« Si mais quand elle a vu que ça ne t'intéressait pas, elle a arrêté de t'en parler. »
Je la fixe longuement, comme si un coup de massue venait de s'abattre sur moi.
« C'est quoi cette réflexion soudaine ? »
Les bras m'en tombent.
« Depuis que tu connais tes résultats de test, tu ne parles que de ton entretien pour ta bourse. »
« Oui parce que c'est important pour moi. »
« Certainement et on l'a tout de suite compris mais tu en as vraiment parlé tout le temps. »
« Comment ça, tout le temps ? »
« Tu en parlais à chaque fois qu'on se voyait. »
« Parce que je pensais que ça vous intéressait. Je tiens juste à rappeler que vous avez sacrément fait la gueule quand je vous ai annoncé que je participais à ce programme boursier parce que Samuel avait été au courant avant vous. »
« Oui c'est vrai. Mais c'est devenu un peu chiant. »
Alors là, j'hallucine.
« Je sens qu'il se passe quelque chose là, alors profites-en Joséphine, lâche tout ce que tu as dire. »
« C'est bon, je viens de te le dire. »
« Non, ce n'est qu'un petit bout ça. »
« Tu ne parlais que de ça Mél, constamment, au repas, au café, au téléphone, en classe et dès qu'on parlait d'autre chose, ce n'était jamais aussi important que ta bourse. »
J'ai un mouvement de recul.
« Et Samuel aussi l'a ressenti. » Elle ajoute.
« Pardon ? » Je tombe des nues. « C'est lui qui m'a proposé de m'aider. »
« Oui mais il ne pensait pas que tu serais comme ça. »
« Comment ? Et puis, depuis quand il se confie à toi ? »
« Pas à moi personnellement, il en a simplement un peu parlé l'autre jour quand nous étions en pause. »
« Ah. D'accord. C'est nouveau ça. Vous vous voyez pendant les pauses. » Je réponds avec amertume.
« Tu sais très bien qu'on s'est tous rapprochés. » Elle soupire.
Un silence s'installe et je mange une énième chips.
« Et pour en revenir à Chloé, oui, elle a commencé à un peu te parler de ce qu'il se passait avec Benjamin mais excuse-moi pour ma vulgarité, tu n'en avais rien à foutre. »
Je reste silencieuse quelques secondes, complètement sonnée par ce qu'elle est en train de me dire.
« Pourquoi tu décides de me sortir ça d'un coup ? »
« Parce que pendant toute ta période de révision tu nous as parlé comme de la merde Mélissa et là ce soir, c'est un peu trop. »
« Tu ne crois que tu abuses un peu là ? »
« Non pas du tout. » Chloé sort de la chambre.
« Ah donc c'est un sentiment général ? Même mon copain le pense et personne n'a pensé à venir me voir ? » Je m'agace.
« Nous ne sommes pas non plus sans cœur, nous n'allions pas te le dire pendant que tu révisais. » Chloé répond.
« Et donc ce soir était pour vous, le bon moment ? »
J'ai envie de leur dire que de toute façon je n'ai pas été prise mais je me retiens.
« Tu avais juste besoin d'être un peu remise à ta place. » Joséphine ajoute et je décide de ne même plus répondre.
« D'accord. » C'est la seule chose que je réponds. « Pas de problème. »
« Mél, ne te vexe pas, on se dit simplement les choses pour éviter qu'il y ait des rancœurs ou des non-dits. » Sophia s'approche.
« Il n'y a aucune rancœur. » Je lâche. « Absolument aucune. » Je me ressers du vin. « Depuis une semaine et demie plus personne me supporte mais pas de problème. »
« Tu ne nous insupportes pas. » Sophia ajoute. « Tu as juste été un peu... Chiante. »
« Et ça va ? Ça vous a plu de parler dans mon dos ? » Je demande sèchement en les fixant une par une.
« Putain mais Mél, qu'est-ce que tu peux être bête. » Sophia s'agace.
« Conne, tu peux le dire, je sais que ça te brule les lèvres. »
Elle me regarde quelques secondes.
« Oui Mélissa, qu'est-ce que tu peux être conne. Et tu sais quoi ? Heureusement que ta période de bourse est terminée parce que tu étais à la limite du supportable, tu nous as parlé comme tes chiens, rien n'était aussi important que ta stupide bourse et en toute honnêteté, on espère tous secrètement que tu ne seras pas prise pour que tu comprennes qu'il y a autre chose dans la vie. » Elle lâche avant de repartir dans la salle de bain.
Ma gorge se serre pendant que je regarde mon amie partir et je vois les deux autres filles me lancer un regard avant de partir la rejoindre.
Ma respiration est un peu forte et je décide de terminer cul-sec mon verre de vin.
Ma tête tourne légèrement mais ça m'est bien égal.
La dernière phrase de Sophia était le coup de grâce.
Mais ce qui me fait aussi de la peine, c'est de savoir que Samuel a aussi eu ce ressenti et que je n'ai même pas su le voir.
J'ai du mal à déglutir mais je ne bouge pas de ma chaise haute pour aller les rejoindre.
Je devrai probablement aller les voir pour reconnaitre mes torts mais je n'en ai pas envie. Je préfère rester dans mes pensées tout en buvant mon verre de vin absolument dégueulasse.
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Hey !
J'espère que vous allez bien :)
Bon, je pense que vous voyez un peu venir la suite mais sans trop vous dévoiler le reste, nous sommes dans le dernier vrai tournent de cette histoire ;)
Je continue tranquillement d'écrire la suite et fin de cette fiction et j'espère que tout va vous plaire :)
Merci beaucoup pour votre soutien en tout cas, chacun de vos votes et de vos commentaires me font plaisir :)
Je vous embrasse et à très vite !
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