Attraction
Aya
_ Sérieux, Aya, il t'a proposé de faire notre pub ?
Je me répète pour la énième fois : oui, en échange de photos. Ethan, Nico, Aiden et Josh sont surexcités. À priori, le groupe du connard vulgaire de tout à l'heure serait vraiment connu, et un coup de pub de leur part serait top pour eux. Sauf que ce mec s'est complètement foutu de moi : j'ai l'impression qu'il a lâché une bombe devant le groupe en parfaite connaissance de cause. Il savait que ça ferait mouche et que les garçons seraient intéressés. Je sens que je suis en train de me faire manipuler et je déteste vraiment ça. Je contrôle et je domine, et aucun homme, quel qu'il soit, n'inverse les rôles avec moi.
_ Bon, Aya, tu n'as pas le choix là, sérieux ! Tu les mitrailles et tu nous sors des clichés de la mort qui tue ! C'est une occaz de guedin ce truc !
Je ne décolère pas, et fronce les sourcils en essayant de tempérer le batteur fou qui me regarde avec ses yeux de biche :
_ Calmos Aiden, je ne le sens pas ce mec. Il est carrément space, à la limite du flippant.
Ethan rigole.
_ Oui, il parait qu'il est un peu à part. Mais c'est ça qui fait leur succès : il faut parfois être un peu en marge pour composer des trucs qui prennent aux tripes comme ce qu'ils font. Après, il n'a pas l'air si flippant que ça non plus.
Je jette un coup d'œil sur la scène. Il nous observe, lui aussi. Et si, il est... dérangeant. Son regard me met mal à l'aise. Je suis incapable d'expliquer pourquoi exactement, mais il y a quelque chose dans son attitude et dans ce qu'il dégage qui me déstabilise.
_ Je n'aime vraiment pas ce mec. Il m'a limite ordonné de faire ces photos et tu sais que je déteste qu'on me donne des ordres...
_ Oh là, Sweetie, du calme ! Ne vas pas nous le massacrer. Il n'est peut-être pas très habile pour parler aux femmes, mais il peut vraiment nous être utile pour le coup. Tu ne veux pas tenter ? Quelques photos, c'est pas cher payé quand même.
_ Ouais, Ethan a raison Princesse ! Des photos, c'est rien du tout, ajoute Aiden. C'est pas comme s'il t'avait demandé d'abuser de ton corps !
Manquerait plus que ça !
J'ignore les propos lubriques du Geek et fronce les sourcils, tentant d'échapper à toutes ces paires d'yeux rivées sur moi. Ils me regardent tous avec des suppliques au fond de la rétine...
T'es fichue, Aya.
Tsss, de toute façon quand Ethan m'appelle comme ça, c'est limite perdu d'avance. Il est bien l'un des seuls auxquels je ne peux quasiment rien refuser.
_ Bon, allez... Mais c'est bien parce que c'est pour vous !
Ethan me décroche un de ses plus beaux sourires et Josh et Aiden trinquent ensemble. Je lève les yeux au ciel et m'éloigne en soupirant pour remplir ma mission, ayant la désagréable sensation de m'être faite avoir quelque part.
_ Bonne chance, Aya !
Oui, il m'en faudra bien, tiens.
Je relève les yeux vers le groupe devant moi : ils sont encore en train de faire les balances. La salle est pleine maintenant. Les gens sont tous redescendus, comme s'ils s'étaient donné le mot. Je me fraye difficilement un passage jusqu'au pied de la scène, jouant des coudes en maintenant mon appareil photo en hauteur, afin de lui éviter tout risque de casse. Certains n'ont pas l'air très contents de me voir passer devant, et sont à deux doigts de se battre pour garder leur place. Fort heureusement, mon regard glacial et mon humeur massacrante suffisent à refroidir les groupies les plus hargneuses. Ça, ou autre chose : je me sens matée de toutes parts et les regards licencieux que me jettent plusieurs hommes me donnent la nausée. Dans quoi je me suis encore fourrée, moi ?
J'arrive tant bien que mal au pied de l'estrade, agacée et sur les nerfs. Le connard vulgaire blond me tourne le dos et est en train de s'accorder avec le bassiste. J'en profite pour sortir mon téléphone et tape rapidement le nom du groupe :
"One hour before we die"
Bon, déjà, pour commencer, je trouve leur nom cliché. Trop banal. Mais je suis surprise en découvrant qu'ils ont pris la peine de se créer un site web. Je clique dessus... Et merde, quasiment 600 000 vues sur leur clip YouTube. C'est une blague ? Je fais défiler rapidement la page : ils ont un univers assez sombre et un peu glauque. Ok, ce n'est pas du tout mon truc, ça. Je survole la biographie du regard :
Jared : auteur, compositeur, chanteur et guitariste
Rien que ça... Même dans sa fiche de fonction il a besoin de se la ramener, cet abruti. Alors que pour les autres, ça reste classique :
Shawn : drums
Teddy : clavier
Chase : basse
À part ça, leur page est bien faite. Je clique sur la partie "concerts et photos". Il y en a déjà pas mal, certaines mieux que d'autres. Mais tous les clichés font très pros... Et il veut vraiment que moi, je les prenne en photos ? Ça sent définitivement le plan foireux à plein nez. Mais j'ai dit que je le ferais pour les garçons et je ne crois plus vraiment avoir le choix.
Va au diable, Jared l'Iceberg !
Je range mon téléphone dans ma poche en maudissant ce Jared tout bas, furieuse. Je lève les yeux vers la scène au moment où les lumières s'éteignent. Quelques cris fusent dans la salle et l'air se charge soudain d'électricité, les corps se pressant autour de moi dans un mouvement d'impatience générale. Qu'est-ce que c'est que ça ? C'est le début des soldes ou quoi ? Un sentiment de fébrilité s'empare de la salle et me hérisse de l'intérieur, déroutant. Certains sautent sur place comme pour s'échauffer. À croire qu'ils se préparent à courir un marathon ou à sauter à la perche. Je les regarde faire avec circonspection, lorsque de la fumée s'échappe brusquement devant moi, mettant en mouvement les projecteurs qui lancent des éclairs bleutés. Et les premières notes au clavier emplissent la salle, inondant l'espace, envoutantes. Aussitôt, je me fige. Le son de la pédale de la batterie vient s'emmêler aux mélodies synthétiques et s'apposer sur un rythme lent, entêtant, accélérant sans raison les battements de mon cœur. Les premiers riffs de guitare et de basse rejoignent l'ensemble, dans une harmonie redoutable qui déclenche de longs frissons le long de ma colonne vertébrale. Mince, ils sont bons... vraiment bons. Mais le meilleur reste à venir : la voix de Jared emplit soudain l'espace, profonde et écorchée. Elle résonne en moi avec la force d'un Tsunami, dévastant tout sur son passage. J'en ai le souffle coupé, le corps figé au milieu du temps. Son grain de voix me transperce et me bouleverse, m'atteint au plus profond de mon être alors que mon cœur bat à l'unisson avec sa guitare, qui gémit une complainte irrésistible. Il chante et chacun de ses mots s'infiltre sous ma peau, se grave en moi comme dans du marbre, signant ma perdition.
« To please you, I came close to perfection,Pour te plaire, j'ai frôlé la perfection Played the prodigal child, pushed the limits
Joué l'enfant prodigue, repoussé les limites
I became a shadow
Je suis devenu une ombre
For a look, I sold my soul to the devil,
Pour un regard, j'ai vendu mon âme au diable,
Forgot who I was
Oublié qui j'étais
Become another, but nothing does.
Devenu un autre, mais rien n'y fait.
You see only you and for me there remains only the void.
Tu ne vois que toi et pour moi il ne reste que le vide.
The empty, empty, empty ...Le vide, vide, vide... The oblivion
L'oubli. »
Ma gorge se noue et mon corps se fige. Ces mots pourraient être les miens. Ces paroles pourraient être les miennes. J'écarquille les yeux et mon souffle se perd dans le vide. À cet instant je ne suis plus personne. Je ne suis plus que du son, de la musique et une âme perdue au milieu de nulle part. Au milieu de sa voix et de sa chanson...
Cet homme est une menace ! Il est en train de réveiller mes vieux démons et mes tourments, appelant ma peine et ma solitude. Et lorsque ses yeux bleus se posent à nouveau sur moi, cette fois, je sais que je ne suis plus la même : je suis prisonnière de son univers et de son regard si incroyablement profond.
Et bon sang, il faut à tout prix que je me sorte de là !
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