Chapitre 3

Aya

Quinze minutes plus tard, nous frappons à la porte d'Alice et Ethan. Ils vivent désormais ensemble dans l’ancien appartement que j’occupais, pile en face de celui de Jared autrefois. Et à chaque fois que je remets les pieds sur ce palier, j’ai la même sensation. L’impression d’être happée par son absence comme on se sent happé par le vide. Le manque s’engouffre dans les moindres failles de mon esprit et se rappelle à moi. Même au bout d’un an…

Mon meilleur ami vient nous ouvrir et me tirer de mes souvenirs. Il m'offre un de ses sourires solaires, capable de me faire oublier en un instant ma morosité ambiante.

— Salut vous deux !

La bonne humeur qui transparaît dans son timbre me ferait presque sourciller. Tiens, lui aussi alors ? Ses yeux pétillent et il m'embrasse sur les deux joues avec une joie évidente. Je me retiens de froncer les sourcils et lui demande de façon anodine :

— Salut chou. Tu vas bien ?

Il hausse les épaules en serrant la main d'Aiden.

— Ça va super bien. Comme hier, quoi.

Un échange de regards discrets entre les deux garçons finit de me mettre la puce à l'oreille : ça y est, j'en suis certaine, ils me cachent quelque chose. Et ça ressemblerait bien à une surprise. Ethan est incapable de garder ce genre de secrets. Il est tellement transparent et surexcité à l'idée d'organiser quelque chose, qu'il n'est jamais parvenu à me dissimuler quoi que ce soit. Je le devine à trois-cents mètres. Mais comme à chaque fois, je décide de faire mine de ne rien voir venir. Alors je rejoins Alice en cuisine pour la saluer à son tour. Elle relève la tête de ses casseroles pour m'accueillir avec un sourire empreint de douceur. Je ne suis même pas étonnée de voir ses yeux scintiller, eux aussi. Décidément, tous plus lisibles les uns que les autres.

Aiden débarque dans la cuisine au moment où je fais la bise à Alice.

— Mmmh, ça sent bon ! Merci mon Dieu, un vrai repas et pas encore une fondue bourguignonne !
— Qu’est-ce que tu as contre la fondue bourguignonne ? C'est un repas aussi, je te signale, ignare.

Mon coloc grimace avant de se pencher au-dessus de la sauce qui mijote.

— Tu parles ! T'es jamais rassasié avec un truc pareil. On mange quoi Alice ?
— Pâtes et Bolo maison. J’ai fait simple aujourd’hui.

Le regard du geek s'illumine.

— Ah, t'es merveilleuse, Alice ! Épouse-moi !

Il fait mine de se jeter sur elle, les bras grands ouverts, mais je l'intercepte avec une de mes clés de bras favorites.

— Bas les pattes, le geek. On ne touche pas à la future femme de mon meilleur ami.

Alice rougit à ces mots, un sourire béat sur les lèvres.

— Aïe, aïe, aïe, lâche-moi tigresse ! Je m'en fous, je suis pour la polygamie s'il le faut ! Je veux juste pouvoir manger tous ses plats !

La cuisinière en chef glousse et je ne peux m'empêcher de rire à mon tour. Quel idiot. Mais il faut reconnaître qu'il est distrayant.
Ethan nous rejoint derrière le comptoir et passe tendrement un bras autour de la taille de sa dulcinée, la couvant d'un regard qui m'arrache un autre sourire. J'aime tellement le voir si heureux et épanoui. Et j'ai l'impression que c'est plus fort entre eux chaque jour qui passe.

— Dites, ça ne vous arrive jamais de vous parler sans vous chamailler, vous deux ? Vous devenez pire que des gosses !
— C'est pas moi, c'est elle !

Je relâche Aiden en levant les yeux au ciel. Et il se met à me mimer des pseudos katas d'arts martiaux, dans une version mitigée de Jack Chun. Je hausse un sourcil et le menace d'un simple coup d’œil. Aussitôt, il se saisit d'une cuillère en bois sur le plan de travail et la tend théâtralement entre nous deux. Je croise les bras en le toisant, mais finis par me mordre l’intérieur de la joue pour ne pas rire : cet homme est un sketch à lui tout seul. Un adolescent dans un corps d'homme. À l'opposé des gens que j'aurais souhaité fréquenter, si on m'avait demandé de dresser un portrait du colocataire idéal. Je ne m'attendais pas vraiment à ça lorsque j'ai emménagé avec lui. Il restait plus soft avec moi lorsque j'allais le voir avant. Mais finalement, je pense que je ne l'échangerai pour rien au monde : ses éternelles pitreries ont le don de me changer les idées en toutes circonstances. Même aujourd'hui.

— Lâche ça d’Artagnan, tu risques de te faire mal.

Ethan attrape la cuillère en bois en passant derrière le bar, désarmant Aiden pour rendre son bien à Alice. En la voyant remuer sa sauce, je me glisse à ses côtés pour lui proposer mon aide.

— AH NON !

Les deux garçons ont hurlé en chœur, nous faisant sursauter l’une et l’autre. Ils sont malades ? Je sais que je cuisine très mal, mais il y a des limites à ma capacité à ruiner un plat.

— N'importe quoi ! Arrêtez de croire que je vais empoisonner tout le monde. Je parlais juste de mettre la table.

Mon coloc m'empoigne par les épaules et me pousse hors de la cuisine.

— Non, non. On va s'en charger avec Ethan. Toi tu ne fais rien, tu t'assois sur le canapé et tu ne bouges pas. Ton cœur va finir par lâcher à force d'être dopée à je ne sais quoi.
— Mais…
— Non, il a raison Aya. Aujourd'hui, on s'occupe de tout. Toi, tu restes là et tu te laisses dorloter. Tu mérites bien ça.

Ethan et Aiden s'y mettent à deux pour me forcer à m'asseoir dans le salon et je finis par capituler, certaine que c'est en rapport avec la surprise qu'ils tentent de me réserver. C'est officiel, ils sont aussi nuls l'un que l'autre à ce jeu-là. Pistables à mille mètres.

Je m'installe donc au fond du canapé en soupirant, en tête-à-tête avec la télé qui passe des clips musicaux. Je fronce les sourcils, surprise qu'Ethan n'ait pas mis les informations comme à son habitude. Comme je ne souhaite pas prendre le risque de me retrouver face à l'un des derniers singles de mon très cher ex, je pars à la recherche de la télécommande pour zapper.

— Ethan, où est-ce que tu…

Le générique d'une émission en anglais m'interrompt au beau milieu de ma phrase. Depuis quand Ethan est branché sur les chaînes américaines ? Je n'ai pas le temps de formuler ma question à voix haute : l'image de Jared au centre d'un plateau télé me pétrifie. Ses yeux bleus surnaturels transpercent l'écran et me font trembler malgré moi. Qu'est-ce que…

La voix sensuelle de la présentatrice annonce avec un entrain à peine surjoué :

— Bonjour à tous ! Bienvenue à 2BC où nous sommes de retour en compagnie de l'incroyable Jared Fallen, qui vient nous présenter en avant-première son tout dernier titre, "Obsession" !

Des applaudissements fusent dans l'assemblée, accompagnés des cris hystériques de femmes qui se trémoussent sur leur siège, le regard émerveillé.

La grande blonde, robe cintrée et décolleté audacieux, se penche vers Jared, croisant ses jambes interminables en empruntant le ton de la confidence, me hérissant à des milliers de kilomètres de là.

— Alors Jared, avant de passer le clip des Jonas Dawn, tu nous as confié que cette date de sortie était importante pour toi. Pourrais-tu nous en dire plus ?

Jared se redresse, enfonçant ses coudes dans le moelleux du canapé, éloignant son torse du visage peinturluré de la présentatrice. Je remonte mes genoux contre ma poitrine alors que sa voix rauque et mélodieuse résonne avec toujours autant d'intensité au fond de moi :

— Oui. Il s'agit d'une date anniversaire qui compte pour moi.

Je ricane tout bas.
La jeune femme se penche un peu plus en avant, le regard empli de convoitise.

— Vraiment ? Et quel anniversaire exactement ?

Elle bat des cils et lui adresse un sourire séducteur, mais il conserve une mine austère, se contentant de répondre avec flegme.

— C'est le jour de notre départ de France pour L.A.

Ses mots tombent comme un couperet, réveillant la douleur sourde qui me ceint la poitrine depuis ce matin. Alors il a retenu cette date, lui aussi ? Au point de lui dédier une chanson ? J’esquisse un rictus amer en posant le menton au creux de mes bras. Il faut croire que nous n'avons pas gardé les mêmes séquelles de notre début de relation…

— C'est Fa-sci-nant !

La présentatrice s'extasie pour une raison qui m'échappe. Elle reprend en détaillant Jared avec intérêt :

— Donc tu donnes raison aux rumeurs qui te disent en couple avec une Française ? C'est pour elle que tu as composé ce morceau ?

Un sourire insolent ourle ses lèvres alors que les battements de mon cœur s'affolent sans raison apparente, mon cerveau mettant plusieurs minutes à retraduire les propos de la jeune journaliste. Que vient-elle de dire ?

— Je laisse tout le loisir aux fans d'imaginer ce que signifie cette chanson…

Jared plante son regard face à la caméra, semblant chercher quelqu'un derrière l'écran.

—… Mais la personne à qui sont vraiment destinées ces paroles se reconnaîtra. Je n'ai aucun doute là-dessus.

Son visage change pour arborer une expression déterminée alors que ses iris s'enflamment, me faisant vibrer. Je me fige sur le canapé, le cœur à l’arrêt. Qu'est-ce qu'il me fait ? Qu’est-ce qu’il raconte ? À quel nouveau jeu a-t-il décidé de jouer ?

La présentatrice recommence à parler, mais je ne l'entends pas, obnubilée par ce visage aux traits fins et si particuliers qui me chavire. Pourquoi me fait-il encore autant d’effet ? Pourquoi ai-je l’impression qu’il est à deux doigts de crever l’écran pour venir fouiller mon âme du cobalt de ses yeux ?

La musique démarre et l'écran noircit avant de zoomer lentement dans la pénombre, cadrant un grand lit sombre aux barreaux de fer. Mon cœur bondit dans ma poitrine lorsque je reconnais son lit. Notre lit. Celui de nos nuits à deux. La caméra zoome encore, se rapprochant des draps de soie sur lesquels gisent des dizaines de croquis. Elle s'arrête sur l'un d'eux, exposant le corps nu d'une femme allongée sur le ventre, de longs cheveux bruns cascadant jusqu'à ses hanches. Mon Dieu… Est-ce que…

Et la voix de Jared vient s'apposer aux instruments et me happer dans son univers, envoûtante, délicieusement rauque et parfaitement écorchée, entamant des paroles qui m'atteignent au plus profond de mon âme.

Her face is all over my head.
Son visage est partout dans ma tête.
Her scent is everywhere in my sheets.
Son parfum est partout dans mes draps.
I feel as if she was there, and yet,
Je la ressens comme si elle était là, et pourtant,
She already escapes me.
Elle m'échappe déjà.
She is just a shadow in my life
Elle n'est plus qu'une ombre dans ma vie
I'm no more than a shadow in the middle of the night.
Je ne suis plus qu'une ombre au milieu de la nuit.
I lost the thread of my existence.
J'ai perdu le fil de mon existence.
No more advance marked path
Plus de chemin tracé d'avance.
Today I doubt
Aujourd'hui je doute
Because she filled my world with infinite hopes of auroras
Parce qu'elle a rempli mon monde d'aurores aux espoirs infinis
And hunting at night in the depths of my soul.
Et chassé la nuit au plus profond de mon âme.

It became an obsession
C'est devenu une obsession
Her first name on my mouth
Son prénom sur mes lèvres
The scent of her skin under my fingers
Le parfum de sa peau sous mes doigts
I think only that.
Je ne pense plus qu'à ça.
To her and me entwined in our sheets
À elle et moi enlacés dans nos draps
On her pearly black look of infinite azure
À son regard noir perlé d'azur infini
I wish I could still hug and again
Je voudrais pouvoir l'étreindre encore et encore
To smother her body,
Jusqu'à étouffer de son corps,
Her mouth, her skin on mine
De sa bouche, de sa peau sur la mienne
I shout these days became nights
Je crie à ces jours devenus des nuits
She is my only obsession.
Qu'elle est mon unique obsession.
My eternal obsession
Mon éternelle obsession
Because I'm Fallen  (for her).
Parce que je suis tombé (pour elle).

The world revolves around me
Le monde tourne autour de moi
People fawn me but I didn't hear them
Les gens m'adulent, mais je ne les entends pas
Where are the stars looking at me with kindness
Où sont passées ces étoiles qui m'observaient avec bienveillance
Now they laugh of her absence
Maintenant elles rient de son absence
Pain she left between my ribs
De la douleur qu'elle a laissée entre mes côtes
In this life she leads in kilometers away
De cette vie qu'elle mène à des kilomètres de là
And when I sing it's her voice I hear
Et lorsque je chante c'est sa voix que j'entends
And her refrain endlessly deep in my loins
Et son refrain à l'infini au creux de mes reins
"I will never break down"

J'étouffe un cri en reconnaissant ma voix dans la chanson. Oh mon Dieu…

My fury, my heroine, I know that you shalt be without me
Ma furie, mon héroïne, je sais que tu tiendras sans moi
But how confess the unspeakable
Mais comment t'avouer l'inavouable
I ended up falling for you
Que j'ai fini par tomber pour toi

It became an obsession
C'est devenu une obsession
Her first name on my mouth
Son prénom sur mes lèvres
The scent of her skin under my fingers
Le parfum de sa peau sous mes doigts
I think only that.
Je ne pense plus qu'à ça.
To her and me entwined in our sheets
À elle et moi enlacés dans nos draps
On her pearly black look of infinite azure
À son regard noir perlé d'azur infini
I wish I could still hug and again
Je voudrais pouvoir l'étreindre encore et encore
To smother her body,
Jusqu'à étouffer de son corps,
Her mouth, her skin on mine
De sa bouche, de sa peau sur la mienne
I cry these days became nights
Je crie à ces jours devenus des nuits
She is my only obsession.
Qu'elle est mon unique obsession.
My eternal obsession
Mon éternelle obsession
Because I'm Fallen  (for her).
Parce que je suis tombé (pour elle)

Will She come back to me If I call her ?
Viendra-t-elle si je l'appelle ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top