Chapitre 8 - Cœur ouvert 2/2

   Il prit le temps de réfléchir quelques instants :

« C'est difficile de te répondre car j'ai l'impression de tout aimer de toi.

— Même quand je suis têtue ?

— Oui.

— Et imprudente ?

— Oui.

— Et quand je ne ressemble à rien ?

— Je te trouve magnifique. »

Il reprit :

« Je pense que ce qui m'a attiré, dans un premier temps, c'est le fait que tu ne sois pas une femme ordinaire. Tu es libre, courageuse, à la tête d'un équipage de pirates. On peut difficilement être plus originale. Alors, j'étais curieux.

— Ensuite ?

— Les mois sont passés, j'ai commencé à apprendre à te connaître. Tu faisais la dure à cuir, au début. Plus que maintenant. Je suppose que c'était pour forger ton image ?

— Oui, avouai-je.

— J'avais du mal à te cerner à cause de ça. Pourtant, tu te laissais parfois aller. Tu te souviens de toutes les fois où tu voulais que l'on se batte pour s'entraîner ?

— Tu étais le meilleur du navire ! Et tu l'es toujours. C'est normal que je veuille apprendre auprès des meilleurs.

— C'était quand nous n'étions que tous les deux que je commençais à éprouver de la tendresse pour toi. J'admirais ton courage et ta persévérance. Je te découvrais taquine et moqueuse, avec ton magnifique sourire. Je crois que c'est ce que je préfère chez toi, ton sourire et ton rire.

— Déjà à l'époque ? Tu étais amoureux ? »

Avant qu'il ne devienne second, soit durant la première année, je lui avais déjà tapé dans l'œil ?

« Je ne me rendais pas vraiment compte, je pensais juste que je t'appréciais beaucoup, tu étais celle avec qui je m'entendais le mieux.

— On passait beaucoup de temps ensemble, après tout.

— Surtout quand je suis devenu second, on était tout le temps ensemble, se rappela-t-il. Pas que ça me dérangeait, c'est agréable d'être avec toi. Tu me faisais rire avec ces réflexions dont toi seule a le secret. Et tu m'as beaucoup appris. Je te trouve très intelligente, tu sais ?

— Malo...

— Je suis sérieux. Même si la lecture et l'écriture ne sont pas tes points forts...

— Si ce n'était que ça, ris-je. »

Je m'interrompis : mes brûlures me faisaient mal.

« Tu es une virtuose en termes de navigation et de piraterie.

— J'ai juste été baignée longtemps dedans avec mon père comme enseignant. Toi aussi, tu pourrais devenir bon comme moi si je t'apprenais tous les jours. »

Je n'aurais jamais pu devenir une capitaine de cette trempe sans mon père, je le savais. Il m'avait tout appris, tout transmis.

« Eh puis, tu as beau ne pas avoir suivi d'études, tu comprends vite, tu réagis rapidement, et tu es une maîtresse de l'improvisation. Sans parler de tes talents d'oratrice, tu sais plutôt bien convaincre ou persuader quand tu le veux. »

Que d'éloges !

« Enfin, quand on a commencé à nous rendre en ville ensemble... c'est à partir de là que je me suis rendu compte que j'étais amoureux de toi. On s'est beaucoup rapprochés. Je t'ai découverte sous un tout autre angle. Tu n'avais pas besoin de faire la dure, il n'y avait que nous, et j'appréciais la douceur dont tu faisais parfois preuve avec moi.

— Tu te souviens quand on s'est pris la main pour la première fois ?

— J'étais rouge, je sais. J'ai vu à ton regard que ça t'amusait.

— Je me disais que le soldat à l'air neutre ne savait finalement pas du tout se contrôler...

— Et toi ? Tu m'aimais déjà, à ce moment-là ?

— Hum... »

J'essayais de me rappeler.

« Depuis Darren, je n'avais pas vraiment envie de retourner avec quelqu'un. Ça m'est arrivé, de passer des soirées dans un bar avec un homme, mais je crois que ce n'est jamais allé plus loin que des baisers et des caresses.

— Oui, je m'en souviens.

— Tu me regardais ?

— Je surveillais qu'on ne t'embête pas. Quand on a commencé à se rapprocher, je ne te voyais plus aller avec d'autres, mais pendant la première année... j'avais même fini par être jaloux, mais je n'avais pas mon mot à dire. »

J'écarquillai l'œil :

« Oh ! C'est pour ça que tu faisais la tête le lendemain, parfois ?

— La tête ?

— Tu avais l'air tout ronchon, souris-je. Tu me parlais, mais je sentais que tu étais de mauvaise humeur, tu me fuyais du regard, tu grommelais dans ton coin et tu pestais contre tout et n'importe quoi. Ça durait au moins une journée. Je mettais ça sur l'alcool que tu ne supportais pas vraiment, je n'avais jamais fait le lien avec les hommes qui m'abordaient... »

Je ris avec douceur :

« Y repenser sous cet angle te rend adorable.

— Pour tout t'avouer, je ne suis intervenu qu'une fois. On avait plutôt bien bu tous les deux, et tu avais l'air de bien t'entendre avec un homme. Je me souviens avoir essayé de rester calme et à ma place, mais quand il a commencé à vouloir t'emmener dans une chambre de la taverne, je n'ai pas su me contrôler. C'était la goutte de trop après avoir entendu ce séducteur toute la soirée. Je l'ai menacé, puis je t'ai ramenée dans ta cabine.

— Je ne t'ai pas crié dessus ?

— Tu semblais surprise, mais tu t'es laissé faire. Tu avais un petit sourire sur le trajet, et tu me serrais le bras. Je venais d'être élu second, on avait beaucoup bu, ce soir-là.

— Oh, c'était ce soir-là... tu avais dormi avec moi, c'est ça ?

— Tu ne voulais pas dormir seule, alors je suis resté, oui. Tu voulais absolument avoir la tête contre mon torse, c'était assez mignon, sourit-il.

— Et le lendemain... qu'est-ce que tu m'as raconté, déjà ? Que j'étais juste trop ivre pour rentrer seule, et que tout s'était bien passé ?

— Si je te disais que j'avais fait fuir l'homme avec qui tu aurais sûrement fini la nuit si je n'étais pas intervenu, je ne suis pas sûr que tu aurais apprécié, soupira-t-il. Je m'en suis voulu, puisque tu aurais peut-être vraiment voulu terminer la soirée dans ses bras, et c'était ton choix... mais de l'autre côté, j'étais plutôt soulagé que ça ne soit pas arrivé. En tout cas, je suis désolé.

— Je suis contente que tu m'aies empêché de faire ça, peut-être que j'aurais apprécié sur le moment, mais j'aurais préféré me réveiller avec toi et pas un inconnu.

— Tant mieux, alors. Mais tu ne m'as pas répondu. Je te plaisais déjà quand on commençait à chercher ensemble en ville ?

— Hum, je me rendais bien compte que je te considérais différemment... mais j'essayais d'ignorer mes sentiments.

— Il y a eu ce soir où tu étais de très mauvaise humeur. Tu ne trouvais rien sur ta sœur. Je t'avais enlacée le temps de la nuit, et on avait dormi ensemble, comme ça.

— Ensuite, tu n'as plus rien fait pendant des mois. Qu'est-ce que ça m'a frustré !

— J'ai senti que tu me taquinais plus que d'habitude pendant cette période, oui. Tu voulais attirer mon attention ?

— Peut-être bien. Et être proche de toi, concédai-je. Je te pinçais les joues exprès pour toucher ta peau.

— Il y a eu cette fois où tu m'as pris la main, et tu m'as tout de suite repoussé après, en me disant que l'amour ne t'intéressait pas. Tu as eu l'air si triste, pourtant. Alors, je t'ai prise dans mes bras, et tu m'as serré d'autant plus fort contre toi, nous avons dormi comme ça. Je ne savais pas vraiment ce que tu voulais de moi, mais je me sentais bien contre toi.

— Ensuite, on n'a plus vraiment été aussi proches pendant un moment. On n'a plus dormi autant enlacés...

— Mais on se prenait souvent la main, et j'avais commencé à caresser ta tête et tes cheveux. Tu adorais ça.

— Environ six mois après que tu sois devenu second, il y a eu ce soir en ville, où on s'est battus dans le lit, à coups de chatouilles. Tu craignais beaucoup, ça m'avait surprise et beaucoup fait rire. Ensuite, je m'étais installée sur tes jambes, et tu m'avais serrée contre toi en me demandant de faire la paix. Et tu m'avais embrassé le front.

— J'ai senti que tu avais beaucoup aimé ça, oui. On a dormi enlacés, et le lendemain matin, je me souviens avoir été très tendre avec toi.

— Mon cœur battait très vite. Je sentais que je t'aimais. »

Parler de nous m'avait apaisée. J'avais un léger sourire sur les lèvres.

« Elle est plutôt belle, notre histoire, reprit Malaury. J'espère que demain ne sera pas la fin pour nous.

— On a beaucoup à vivre ensemble, confirmai-je. »

J'avais fini par m'habituer à la température, mais je souffrais toujours du vent qui léchait mon dos.

« Il risque d'y avoir des intempéries, soupirai-je. J'espère que ça ira pour eux, en mer...

— Je suis certain que oui. »

Je n'avais pas l'habitude d'être aussi défaitiste.

« On va essayer autre chose. Mets-toi dos à moi, mais...

— Je vais essayer de me coller à toi. »

Je grommelais en rentrant en contact contre son torse. Il attrapa mon manteau pour le poser au niveau de ma poitrine, puis il passa ses bras autour de mes épaules pour me serrer contre lui. Le menton sur ma tête, il me questionnait :

« Tu es au chaud, là ?

— Oui... je m'habitue à la douleur, mais ça brûle... beaucoup...

— Je sens les marques, oui. On dirait que ça ne saigne plus, en tout cas. C'est toujours ça de pris. »

Je fermai l'œil dans ses bras. J'essayais de me reposer malgré la douleur, heureusement, sa chaleur m'apaisait. Je me laissais aller à ses caresses, à sa respiration couplée aux gouttelettes qui coulaient le long du mur. Les vagues s'agitaient au loin, et en me concentrant, je sentais l'apaisante odeur d'embruns nous lécher les narines.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top