Chapitre 33 - Mort au rat 2/2
Il cessa de maintenir la rapière plantée dans mon bras blessé et me balança des coups de poing dans le visage.
« Lâche prise ! Tu es finie ! »
Le goût du fer dans ma bouche, je toussais, crachais, sentant mon œil enfler, mon nez brûler, et un liquide chaud parcourir ma peau. Ma tête sonnait, j'étais ballotée par chaque coup, mais je continuais de pousser avec mon bras. Je devais tenir, coûte que coûte.
Une lumière éclatante nous aveugla, couplé d'un son tout droit sorti des enfers, assourdissant, violent, mes oreilles bourdonnaient. Le mat se fendit en deux, se fracassant sur le pont et les hommes qui avaient le malheur de se trouver dessous.
Sans réfléchir, alors que la pression sur mon bras faiblissait par la surprise d'Augustin, je lui pris le poignard des mains pour lui donner un violent coup dans l'épaule, le repoussant.
J'arrachai la rapière plantée dans mon bras, la balançai à l'eau, me redressai et lui sautai dessus dans un cri, poignard en avant.
Il s'écarta en roulant, s'accrocha à la rambarde, mais je me relevai avant pour lui balancer un violent coup de pied dans le visage. Sonné, il rampa en arrière, à la recherche d'une arme, mais il se retrouva bientôt bloqué contre la rambarde dans son dos. Il voulut fuir sur le côté, mais je lui donnai un coup de genou dans le visage. Des gerbes de sang s'échappèrent de son nez.
Il bredouilla :
« A-Attends ! Je crois qu'on peut discuter ! S'il te plaît ! Même quelques minutes ! Pitié ! »
J'éclatai de rire :
« Pitié ? Tu oses m'implorer après ce que tu m'as fait ? Me trahir est une chose... mais tuer Mora et Célestin en est une autre ! hurlai-je en donnant un premier coup de poignard à son épaule. »
Il gémit.
« Tu n'essaies même pas d'éviter ? Amuse-moi un peu avant de mourir ! »
Un second coup. Une main sur l'épaule, il soufflait, le visage grimaçant. Le bateau réagissait de plus en plus aux tourments de la mer. Il en devenait progressivement sa marionnette.
« Dis-moi... qu'est-ce que ça fait, d'être au pied du mur ?
— Neven, écoute ! Je crois qu'on peut discuter !
— Discuter ? Tu essayais de me tuer une minute plus tôt ! hurlai-je en donnant un violent coup au niveau de sa clavicule. »
Tremblant, il tenta de se redresser, mais je le remis à sa place avec un coup de pied dans le visage :
« Tu restes là ! »
Sur le point de parler, je me fis violemment repousser contre les bastingages. La douleur de mes blessures se décupla, cisaillant mon ventre et mon bras. Je tournai la tête.
Avel, le regard embué de rage et de colère, brandissait son épée dans me direction pour me tenir à distance tout en aidant Augustin à se lever :
« Gus ! Debout ! Vite ! On a pas le temps ! »
Le second tourna la tête vers moi.
« Toi ! Tu vas payer ! grogna-t-il en s'approchant à pas menaçants. »
En garde, il attaqua mais je m'écartai d'un bond. Glissant, je me rattrapai fermement aux bastingages alors qu'il continuait d'avancer à pas lourds, sûr de lui. Augustin, derrière, se redressait, les mains pressées sur ses blessures. Il cherchait une arme du regard pour seconder Avel. Je ne pourrais pas me battre contre les deux à la fois ! J'atteignais déjà mes limites avec mon combat contre Augustin. Parfois, je me sentais partir, entre les douleurs qui déchiraient ma chair, et la mer et ses éclats qui brouillaient ma vue avec ces maudits points noirs.
La chaleur et les nausées m'enveloppèrent malgré la pluie qui continuait de s'abattre sur nous. Pas un malaise maintenant !
Avel réattaqua, mais je parai d'un bras tremblant. Mon poignard serait peu efficace face à son épée ! Je devais me débarrasser de lui au plus vite !
J'inspirai pour reprendre mes esprits, et agressive, je m'élançai vers lui pour essayer de poignarder son bras, mais il évita avec souplesse : il n'avait pas l'air blessé contrairement à moi. Un duel sur la durée me tuerait.
Avec violence, je me jetai sur lui, mais je manquai son bras, et il répliqua d'un coup dans mon épaule. L'entaille était profonde. Je m'écartai. Il avança. Il était déterminé à en finir avec moi.
Son coup d'épée manqua de me trancher un bras.
Mes cuisses rencontrèrent les bastingages.
Bon sang !
Je me baissai pour éviter un coup, et sans réfléchir, je lui fonçai dessus, tête en avant. Comme un levier, je le fis basculer vers le vide. D'une main, il se rattrapa à mes cheveux tandis que l'autre s'agitait pour enfoncer l'épée dans la coque. J'essayais de le planter pour lui faire lâcher prise, mais il se tortillait comme un fou pour m'éviter. Sur le point de me couper les cheveux, je me fis bousculer :
« Laisse-le ! hurla Augustin en tendant sa main vers son second.
— Gus ! Attrape ! cria Avel en brandissant son épée vers lui. »
Dès qu'il fut assuré qu'Augustin avait bien attrapé la lame à pleine main, il lâcha prise :
« J'te fais confiance !
— Avel ! hurla-t-il en tendant la main vers la mer déchaînée, impuissant. »
Ses bras tremblaient. Il me lança un regard d'une noirceur plus engloutissante que les abysses elles-mêmes :
« Qu'est-ce que tu as fait ? »
Un désespoir. Une amertume. Une rage. Une haine.
Je ne pus m'empêcher de sourire :
« Ce que tu m'as fait. Tu as voulu me tuer. Tu as tué Mora. Tu as tué Célestin. Ceux qui m'étaient chers, très chers. Ça fait mal, hein ? »
Malgré mes pas chancelant par la douleur qui battait sous chaque blessure de mon corps, je me mis en garde :
« Finissons-en, sale rat.
— Je ferai honneur à la lame d'Avel. »
Il porta le premier coup que je parai. Sa force m'avait fait trébucher.
Je me retins à la rambarde, fébrile.
Sa silhouette était assombrie de points noirs.
J'atteignais mes limites.
Je m'efforçai de me reprendre en respirant haut et fort.
J'évitai un coup d'épée d'un pas de côté et répliquai par une entaille dans son bras. Il grimaça mais se jeta sur moi. Je m'écartai encore.
Son épée était longue, il fermait bien et constamment sa garde, ce qui m'empêchait de l'approcher. Sa posture était parfaite, je ne pouvais pas le vaincre de façon académique.
Augustin fit un bond en avant pour m'attaquer, mais je m'écartai. Seulement, je glissai sur un cordage et m'effondrai sur le dos. Il se précipita vers moi pour abattre son épée, mais je roulai sur le côté. Debout, je me remis en position.
Si je ne pouvais pas l'attaquer normalement...
Je regardai autour de nous. Cordages, caissons, gouvernail...
J'évitai un coup latéral. Le navire tangua violemment, nous poussant vers la mer, et nous nous retînmes aux bastingages. Rééquilibrés, nous nous remîmes en garde.
Je le contournai soigneusement pour me placer derrière le gouvernail. Il me suivit du regard, lame toujours dressée, méfiant et haineux. Je rejoignis un groupe de caisses, et d'un coup vif, j'en fis glisser une dans sa direction. Il l'évita, mais je continuais d'en envoyer alors que le navire penchait dangereusement de son côté, accélérant leur route vers lui.
Il détournait les caissons dans leur trajectoire ou les évitait d'un pas vif, mais elles s'accumulaient peu à peu autour de lui. Je bondis sur une des dernières caisses qui fila droit sur lui. Poignard en avant, je m'équilibrai, puisant dans les forces de mon corps épuisé.
Augustin prépara un coup latéral pour sans doute espérer me couper les jambes, mais d'un saut périlleux, j'atterris sur le caisson derrière lui. Je me retournai, attrapai son bras armé et le bloquai dans son dos.
« Sale garce ! hurla-t-il en essayant de se retourner. »
Je plaquai mon poignard contre sa gorge de mon autre main.
« Tu veux vraiment gagner comme ça ?
— Pourquoi aurais-je des scrupules avec un rat comme toi ? soufflai-je en appuyant plus fort sur son bras. »
L'épée tomba sur le sol. Amer, il rit :
« Pourquoi attendais-je un peu d'honneur de la part d'une femme ? Pirate, qui plus est...
— Honneur ? répétai-je. Est-ce qu'à un seul moment tu as eu de l'honneur envers moi ? Entre tes remarques sexistes, ta trahison, tes plans contre Mora et Célestin... As-tu eu de l'honneur en t'attaquant à ceux qui m'étaient les plus chers ? As-tu eu de l'honneur en travaillant dans l'ombre, comme un sale rat ? As-tu eu de l'honneur en t'alliant à nos ennemis ? As-tu eu de l'honneur à un seul moment ? »
Silence. Je sautai sur le pont et le fis tomber d'un coup de pied habile. Par terre, face à moi, le noble souffla :
« Je ne voulais pas te tuer, au début. Je voulais te kidnapper et te faire pression dessus pour que tu me laisses le commandement. Je n'ai pas eu le choix de...
— On a toujours le choix. J'aurais préféré que tu quittes ma flotte pour fonder ton propre empire de piraterie. »
Je pointai mon poignard vers lui :
« Tu parles d'honneur mais tu ne sais plus ce que c'est. Tu voulais voler mon titre et mon travail. Tout ce pourquoi je me suis battue pendant neuf ans. Et finalement... »
Mora et son visage souffrant. La tombe de Célestin. Les larmes montèrent :
« Tu m'as arraché ce qui m'était le plus cher ! »
Je lui balançai un violent coup de genou dans le visage.
« Et sans honte ni pitié ! Avoir tué ma sœur... tu as creusé ta propre tombe ! »
Je la revoyais souffrante et horrifiées :
« Dans quel état se trouvait ma sœur ? Elle n'avait aucune arme ! Elle était au pied du mur ! Entourée de soldats ! À cause d'un mensonge ! Ton mensonge ! Elle était terrorisée, et incapable de se défendre ! À cause de qui ? De toi ! criai-je en enfonçant mon poignard dans son épaule. »
Il se recroquevillait sur lui-même, cherchant du regard quelque chose pour se protéger.
« Oh ? C'est drôle, ça. Ma sœur n'avait pas d'arme, comme toi, maintenant. Qu'a fait ma sœur ? Elle s'est accroupie. Elle ne pouvait rien faire d'autre. Comme un oiseau pris au piège ! »
Un coup de pied dans le visage. Je ne pus m'empêcher de sourire lorsqu'il cracha du sang.
« Tu ressens toute la peur qu'elle a dû ressentir, elle aussi ? J'espère que oui ! hurlai-je en enfonçant mon poignard dans son torse. »
Il s'effondra, mais vivait encore. Plus pour longtemps, il se vidait de son sang. Il ferma faiblement la main.
« Oh ? Tu aimerais de l'aide ? Comme ma sœur qui tendait le bras vers moi après s'être fait transpercer ! »
J'écrasai sa main.
« Tu as peur, pas vrai ? Tu vois la mort approcher... mais personne ne peut venir à toi. Effrayant ? Tu ressens ce que ma sœur a ressenti, à cause de toi ?
— Je... je peux m'excuser ! On peut repartir de zéro ! On peut...
— Tu es vraiment un sale rat, Augustin, soufflai-je d'un air mauvais. Ma sœur aussi, elle a dû supplier... mais on ne lui a fait aucun cadeau ! Pourquoi je t'en ferais un ? »
Silence. La peur infiltrait ses yeux. Il se savait fichu. Il pensait que je pouvais le laisser filer après la trahison qu'il avait commise ? Il en était ridicule !
« Je suis désolé, je...
— Désolé ? Désolé ? répétai-je avec un rire dément. Désolé de quoi ? De m'avoir tout pris ?»
Il baissa les yeux et serra le poing :
« Avel... s'est sacrifié pour rien... »
Je souris de toutes mes dents :
« Ta souffrance sera de courte durée, à toi ! Tu vas mourir ! Moi, je vais vivre avec leurs souvenirs toute ma vie ! Toute ma vie, je vais devoir avancer sans leur présence ! Sans leur chaleur ni leur amour ! Par ta faute ! »
Je lacérai sa joue. Les larmes aux yeux, je grondai :
« Au moins, ma sœur et mon meilleur ami savaient que je les aimais et que j'aurais tout fait pour eux. C'est pour Mora et Célestin que je suis là ce soir. C'est pour Mora et Célestin que je te tue. Leur mort doit être vengée, car leur mort est injuste. Mora... elle était la plus innocente parmi nous tous, mais elle est morte, par ta faute ! Que les abysses te dévorent et te tourmentent pour l'éternité ! hurlai-je en l'achevant. »
Il ne bougeait plus. Je retirai mon poignard ensanglanté. Mon cœur battait la chamade. Je respirais vite. J'avais l'impression d'être seule au monde face à ma victime aux yeux révulsés, dont le sang s'agglutinait sur le pont trempé. Il était mort. J'avais mis fin à sa vie... pour venger ma sœur et mon meilleur ami. Mais ils n'étaient même pas là pour le voir. J'avais tué pour moi, finalement. Pour mon contentement.
Le son du tonnerre me ramena à la réalité. La mer était dangereusement haute. Ou, plutôt, le navire coulait ! Je me penchai vers le pont : je n'y voyais plus grand-monde, il n'était pas encore trop immergé, mais le mât brisé avait causé des dégâts, notamment un trou vers les cales déjà remplies d'eau. La Mora était férocement défendue malgré les cadavres de mes hommes ici et là, parfois balayés par la mer.
Sur le point de saisir un cordage pour m'élancer vers mon navire, une grande forme se débattant attira mon regard.
Alors, ce combat ? T-T
Est-ce que vous avez aimé le combat contre Avel ? Et le combat d'après, surtout ? Ces deux-là n'étaient pas prévus !
J'espère que vous avez apprécié ! ♥
Mais l'histoire n'est pas encore finie, eheh ! On a encore quelques petits chapitres à suivre :)
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