Chapitre 38 - Tourterelle grise 2/2
Il plissa les yeux. Son regard passa de moi – ma poitrine pour être exacte – à mon visage, à ma bourse, puis au visage de Célestin. Il grimaça.
« Gamine, file la bourse. »
Je haussai un sourcil avant d'éclater de rire.
« Tu as dit quoi ? Répète pour voir ? »
L'homme fronça les sourcils et leva le poing, mais je m'écartai de quelques pas.
« Ouais, t'as peur, sale gamine. »
Non, j'évalue juste la meilleure façon de te faire la misère !
Il se tourna vers Célestin et grimaça à nouveau :
« Et lui, là... »
Il l'empoigna avec force et le plaqua contre un caisson. Mon ami lui rit au nez :
« Quoi ? Tu crois m'intimider ?
— Cause pas, avec tes yeux gris !
— Je cause effectivement avec ma bouche... »
L'imbécile balança un coup de poing dans le vide : Célestin avait esquivé d'un mouvement de tête.
« Lâche-le, tonnai-je en nouant ma bourse avec fermeté.
— Pff ! Reste pas dans mes pattes ! s'esclaffa l'homme en se reconcentrant sur Célestin. Laisse faire les hommes entre eux ! »
Je levai l'œil au ciel : quel idiot de me croire faible. Tandis que Célestin évitait aisément les poings bourrus de l'homme, toujours avec un sourire narquois, je pris de l'élan, bondis et donnai un violent coup de bourse.
L'homme relâcha Célestin dans un grognement. L'instant d'après, nous le fîmes tomber avec un croche-patte parfaitement synchronisé et dégainâmes nos poignards en même temps, posés sur sa gorge.
« On le tue ? suggéra Célestin.
— La mer n'est pas loin, donc le corps disparaîtrait vite, acquiesçai-je. Tu m'as dit qu'il y avait des sirènes dans le coin, non ?
— Oui, elles ont communiqué avec moi ! Elles ont très, très, très faim ! »
Le visage du bonhomme pâlissait à vue d'œil.
« Quoi ? Tu ne causes plus ? nargua Célestin.
— T'étais bavard, pourtant, renchéris-je. Bon, tu disais pas grand-chose d'intéressant, certes...
— Mais tu savais déblatérer des idioties, oui, acquiesça mon ami.
— Je... Je suis désolé ! Pas les sirènes ! Je vous en supplie ! »
Nous nous regardâmes, faisant mine de réfléchir à son sort. Tout naturellement, Célestin suggéra :
« Si tu t'en prends à tous ceux qui passent dans le coin, tu dois bien avoir récolté de l'or, non ? »
Le bonhomme glapit.
« Je suis certain que oui. Combien tu as ?
— V-Vingt pièces d'or...
— C'est tout ce que tu vaux ? m'offusquai-je.
— C-Cinquante...
— Ha, il ne fait pas d'efforts ! soupira Célestin.
— Bon, d'accord ! J'ai deux cents pièces d'or ! Deux cents ! »
Nos yeux brillèrent :
« Parfait, fournis tout ça et on te laisse filer. »
Quelques instants plus tard, après avoir compté notre dû, nous repartîmes, toujours plus chargés en or.
« Une magnifique journée ! commenta Célestin.
— Une journée à mille pièces d'or ! »
Nous nous tapâmes dans la main avec un grand sourire satisfait. Remontés sur le pont, le regard de Malaury passait de nous à notre butin.
« Qu'est-ce que vous avez fait ?
— On travaille ! »
Je me penchai à l'oreille de Célestin :
« On dit rien sinon il va paniquer. »
Il acquiesça. Je lui balançai notre dû qu'il rattrapa :
« Tiens, compte donc ça ! Tu nous en diras des nouvelles ! »
Ça devrait l'occuper. J'entraînai Célestin dans les cales en direction de la coquerie :
« On va nous trouver des ingrédients « coûteux » !
— J'adore ton idée ! »
Quelques minutes plus tard, le cuisinier nous fournit de nombreux bocaux en verre vides.
« Tu n'as pas des épices en grande quantité, par hasard ? Pour nous remplir la moitié de chaque flacon ?
— Je dois avoir quelques trucs, oui, acquiesça l'homme. »
Nous décidâmes d'écraser ou de mélanger certains aliments pour en faire quelque chose de peu reconnaissable. Nous remontâmes ensuite sur le pont. Je lui expliquai :
« Je te propose de remplir un bocal d'eau de mer.
— Eau bénite ? Un truc du genre ?
— Tout à fait. »
Nous descendîmes du navire et nous dirigeâmes vers une plage dans les parages :
« Il nous faut un beau coquillage, aussi, assura Célestin. C'est souvent utilisé chez les Nelistes. Tu peux en récupérer un ? Je m'occupe de l'eau et du sable ! »
J'acquiesçai, enjouée, et me débarrassai de mes bottes. Une fois les pieds dans l'eau, je me courbais pour scruter le sable sous les assauts des vagues, quand un terrible et désagréable frisson parcourut mon dos. Je redressai l'œil. Personne. Mora n'était pas là. Elle n'était plus là.
Si elle était là, elle rirait aux éclats, à quelques pas de moi. Elle me montrerait chaque coquillage qu'elle ramasserait. Je pourrais lui prendre la main, la lui caresser. La chaleur de sa peau irradierait la mienne. Ses cheveux chatouilleraient mon cou dès que l'on s'enlacerait. On s'aimerait tellement. On serait si heureuses.
Mon œil me brûlait de plus en plus. Je n'allais pas pleurer ? Pas devant Célestin ? Et qu'est-ce que je lui dirais, au juste ? Je ne devais pas lui parler de ma sœur. Malaury en savait déjà beaucoup...
Je soufflai un bon coup : j'allais la retrouver, c'était certain. Elle était forcément en vie !
Je me reconcentrai sur ma besogne en repoussant les souvenirs heureux qui me taquinaient. Au bout de quelques minutes, je brandis un coquillage nacre plutôt gros, solide et lisse :
« T'en dis quoi ?
— Il est superbe ! »
Je me rapprochai de lui et de ses mains couvertes de sable. Il fronça les sourcils :
« Tu as pleuré ?
— Hein ? Non ! »
Je m'efforçai de sourire.
« Si tu as besoin d'en parler, je suis là pour toi. Quoi que ce soit. Un vieux souvenir qui te tourmente, un sentiment qui te fait mal, ta relation avec Mal-...
— Je t'ai déjà dit qu'il n'y avait rien entre nous ! ronchonnai-je. »
Son regard avait tout l'air de me dire : oui, bien sûr. Je levai l'œil au ciel : oui, bon. Depuis que Malaury et moi partions en ville ensemble, on s'était certes beaucoup rapprochés. J'avais certes tendance à le chercher du regard et apprécier quand on se croisait des yeux. J'avais certes particulièrement apprécié notre unique câlin et j'en rêvais d'un autre. Mon ventre se brouillait certes beaucoup plus que je ne le souhaitais quand je repensais à nous. Certes. Certes. Certes. Mais il n'y avait rien entre nous. Ce n'était pas comme si je voulais qu'il se passe quelque chose. Ce n'était pas comme si c'était possible. Ce n'était pas comme si j'en avais le droit.
« Bon, on a tout ? repris-je.
— On peut y aller. »
Lorsque nous retrouvâmes la grand-mère, nous la guidâmes sur la plage :
« Il faut être près de la mer étant donné que c'est la faute des sirènes.
— Le lien pourra être brisé plus facilement, renchéris-je. »
Une fois près des vagues, nous présentâmes nos divers flacons :
« Fort heureusement, nous avons trouvé tout ce dont nous avons besoin ! C'est le genre de matériaux qu'on ne trouve pas dans n'importe quelle boutique...
— Ah ? feignit la vieille dame.
— L'eau bénite, les éclats de rubis, d'or, un coquillage bénit... »
Elle hocha vivement la tête. Elle tendit ensuite une bourse que je saisis. Aussi lourd que le premier. Je jetai un coup d'œil discret et comptai sommairement : c'était bien de l'or, et on arrivait bien aux quatre cents.
« Bien ! reprit Célestin. Madame, installez-vous confortablement dans le sable, en tailleur. Mon assistante va vous aider. »
Je souris aimablement à la dame en lui présentant mes bras, mais dès qu'elle détourna le regard, je criblais Célestin de colère, ne lui arrachant qu'un sourire moqueur. Saleté ! Il allait voir !
Une fois installée, Célestin traça un rond autour d'elle, dans le sable. Il ouvrit ensuite le bocal d'eau de mer et déclara :
« Il faut vous bénir au niveau de la tête, fermez les yeux. »
Il laissa couler de l'eau sur son front avec le plus grand sérieux. Je l'empêchai de terminer :
« Mais aussi sur celui qui va mener le rituel. »
Sans prévenir, je versai le reste dans ses cheveux que je pris un malin plaisir d'ébouriffer. Il détendit son visage tant bien que mal alors que je souriais de toutes mes dents.
« Bon, on va commencer par éparpiller quelques éclats de pierres précieuses autour de vous...
— Et sur ta tête, rajoutai-je en lui balançant une pincée dessus. »
Il se pencha à mon oreille :
« Continue de mettre du curry dans mes magnifiques cheveux, et tu vas voir...
— Mais c'est le rituel, pourtant... »
Il ne put s'empêcher de sourire, mais il saupoudra quelques épices au-dessus de ma tête :
« L'assistante présente sur les lieux du rituel doit également être bénie... oh, il reste un peu d'eau ! »
Il m'en balança au visage. J'écarquillai l'œil, mais maîtrisai les émotions qui essayaient de déformer mon visage de rire, de surprise et de colère. Soit. Tout ce que je t'infligerais, tu le répliquerais.
Après avoir épicé la grand-mère – ainsi que Célestin et moi-même – de tout ce que nous avions, mon camarade s'arrêta face à elle.
« Et maintenant...
— Il est temps que celui qui mène le rituel fasse la danse cérémonielle ! coupai-je. »
Il me lança un regard interdit. Je savourais d'avance.
« Oui ! Tout à fait ! »
Il camouflait tant bien que mal la rancœur à mon égard. Derrière la grand-mère, je lui tirai la langue, un grand sourire aux lèvres.
Pieds plantés dans le sable, il expira, ferma les yeux, comme s'il s'encourageait avant de subir la pire torture existante possible, puis les rouvrit, le regard sérieux. Il balança ses hanches de droite à gauche, tapant dans ses mains en même temps.
« Par les pouvoirs des sirènes qui me sont conférés ! entonna-t-il. »
Je plaquai ma main sur ma bouche pour contenir le rire qui secouait mon corps. Il fit quelques pirouettes dans le sable en continuant de chanter :
« Cette âme doit être sauvée ! La malédiction de la Tourterelle grise, écartée ! »
Je détournai le regard avant de rire, même si je l'imaginais sans mal continuer de danser de façon lourde et grotesque, manquant parfois de s'effondrer dans le sable.
« Sirènes ! Venez à moi ! Et sauvez cette âme ! »
Je rejetai un regard. Je me retins de rire de toutes mes forces.
Les cheveux en bataille humides où étaient accrochées diverses épices dans lesquels un coquillage trônait fièrement, tenant par je ne sais quel miracle, la chemise entrouverte humidifiée par notre eau « bénite », il balançait du sable dans les airs en tournoyant et en fredonnant.
Nos regards se croisèrent. Un rictus incontrôlable le gagna. Je souris d'autant plus.
Il manqua de trébucher, mais se rattrapa à temps :
« Oh ! La malédiction se dissipe !
— Continue de danser ! Ça fonctionne ! »
Il pensait qu'il pourrait en finir ainsi ? Il se mettait le doigt dans l'œil !
Dos à nous, Célestin bougeait son popotin avec passion. Mon corps se tendait dans un rire qui ne voulait que s'exprimer. Il posa une paume sur une fesse, l'autre sur la seconde, et remua avec d'autant plus d'engouement.
« Oui ! Dissipez ce mal par ma danse divine ! »
Je pouffai.
Je maîtrisais tant bien que mal mon rire alors qu'il se mettait à tapoter son derrière au rythme de la musique qu'il inventait.
Il se retourna brusquement et ouvrit sa chemise en la déchirant :
« J'ai fait fuir la malédiction avec mon aura masculine et écrasante ! »
Je pouffai de rire avant que je ne me contienne tant bien que mal. Une nouvelle vague de spasmes me parcourut alors que je reluquais son torse musclé, dénudé, légèrement duveteux, couvert d'épices.
Il posa ses mains sur ses hanches, conquérant :
« Vous êtes sauvée, madame. »
J'étouffais entre mes doigts, n'ayant qu'une envie : rire, rire, rire !
« Oh, merci ! Merci beaucoup ! »
Célestin l'aida à se lever, puis conclut :
« Notre mission est accomplie, d'autres devoirs nous attendent. »
Il la salua et m'attrapa par le bras pour m'entraîner loin de la plage. Du coin de l'œil, je regardais son torse couvert d'épices, ses cheveux qui ne ressemblaient plus à rien, et je pouffais de plus en plus fort à mesure que nous nous éloignions de la dame.
Un grand sourire marquait ses lèvres, tremblotant dès que l'on se croisait du regard. Il n'était pas loin d'exploser non plus.
Au détour d'une caisse, comme une seule personne, nous éclatâmes de rire. Je me cramponnai à lui, un bras autour de sa taille :
« Mon aura masculine et écrasante ? Tu as vraiment dit ça ? »
Il tremblait contre moi, le bras autour de mes épaules :
« Saleté de toi ! Tu m'as forcé à danser !
— Forcé ? Mais c'est le rituel, pourtant ! »
Il rit plus fort encore, et contagieux, des larmes commençaient à couler sur mes joues.
« Qu'est-ce que tu nous as fait avec ton cul, aussi ? pleurai-je.
— Mais c'est le rituel, pourtant ! »
Nous rîmes plus fort encore, tordus, avançant avec toute la peine du monde.
« Tu m'as bien eu, en tout cas ! Tu n'es pas qu'une assistante !
— Ah, enfin !
— Tu es une assistante futée, désolé, je ne l'avais pas précisé ! »
J'ébouriffai encore plus ses cheveux :
« Imbécile !
— Assistante ! »
Je ris plus fort. Nous nous regardâmes et éclatâmes encore de rire.
« Par contre, cette danse, elle reste entre nous !
— Tu ne veux pas la partager aux autres ? Imagine qu'ils soient touchés par la malédiction de la Tourterelle grise aussi !
— Imagine Malo assis par terre...
— Avec des épices sur le foulard... »
Nous rîmes encore plus.
« Mais tu ne dis rien, hein !
— Quoi ? T'as honte ? Tu as pourtant commis un acte héroïque ! Et tout ça grâce à quoi ? Ton aura masculine et écrasante ! »
Nous rîmes encore et encore et encore, pleurant à chaudes larmes, trébuchant tant nos corps tressautaient. J'avais l'impression que nous ne pourrions plus nous arrêter.
Lorsque nous arrivâmes à La Mora, nous étions pliés en deux, équilibrés par nos instabilités titubantes.
« Qu'est-ce que vous avez bu, encore ? soupira Malaury depuis le pont. »
Célestin et moi nous regardâmes et rîmes encore plus fort.
« Bonne idée, Malo ! On va se boire un bon rhum ! On le mérite, après tout ! »
Nous montâmes tant bien que mal, les larmes aux yeux, les joues et le ventre douloureux. Je présentai ma bourse avec triomphe :
« Regarde ça ! Encore quatre cents !
— Qu'est-ce que vous...
— C'est grâce à l'aura masculine et écrasante ! ris-je encore en me tordant.
— Oh, ferme-la ! pleura Célestin. »
Toujours en riant, je l'entraînai jusqu'à ma cabine que je refermai derrière nous. Je balançai notre nouveau gain près de la première bourse, et en chancelant encore de rire, je brandis une belle bouteille de rhum et des verres que je posai sur ma table. Je m'installai sur une chaise et l'invitai :
« Allez, à la nôtre ! »
Alcool versé, nous trinquâmes et bûmes notre verre cul sec.
« Excusez-moi ! tonna une voix féminine à l'extérieur. Est-ce que vous auriez vu une jeune femme et un homme aux yeux gris ?
— Pardon ? gronda la voix de Malaury.
— Je suis certaine qu'ils se sont dirigés vers le port ! Ils ont soutiré de l'argent à ma grand-mère ! Huit cents pièces d'or ! »
Il allait nous tuer...
« Vous pensez vraiment que l'on prendrait le risque d'emmener une femme sur un navire ? Et quelqu'un aux yeux gris ? Vous voulez nous attirer les sirènes ?
— D-Désolée... »
Quelques instants plus tard, la porte s'ouvrit sur un Malaury aux sourcils froncés :
« Vous vous en êtes pris à une vieille dame ?
— Bah, elle était riche ! »
Il plaqua sa main sur son visage dans un soupir dépité :
« Car c'est une raison pour s'en prendre à elle ?
— Oui ! répondîmes-nous en chœur. »
Je clarifiai néanmoins un point essentiel :
« Mais avant de nous crier dessus, mon cher Malo, sache qu'on ne l'a pas agressée ! On a été subtils ! »
Il fronça encore plus les sourcils.
« Je ne vois pas comment on peut être subtil avec une telle somme d'argent...
— Tu parles à des experts en la matière ! Célestin a exécuté une telle... »
Il plaqua sa main sur ma bouche :
« Tais-toi ! »
Je mordis ses doigts suffisamment fort pour lui faire lâcher prise, mais pas assez pour le blesser.
« Mais regarde-toi ! Tu es déjà ridicule ! pleurai-je.
— Eh bien, heureusement que le ridicule ne tue pas !
— Qu'est-ce que vous avez fichu ? »
L'once d'un sourire naissait sur le visage de Malaury alors qu'il observait l'état lamentable de Célestin.
« Bah ! Mille pièces d'or, ça vaut bien une chemise et des cheveux gâchés ! assura-t-il en tentant de se recoiffer. »
Je réduisis tous ses efforts à néant en m'esclaffant. Il répliqua en me chatouillant. La tête sur son épaule, je me recroquevillais en pleurant de rire. L'instant d'après, il me porta et me posa sur ses genoux :
« Tu es insupportable !
— Quoi ? Et c'est toi qui dis ça ? »
Malaury posa ses mains sur nos épaules :
« Vous l'êtes tous les deux, croyez-moi. »
Je levai l'œil au ciel avant d'embrasser la joue de Célestin :
« Mais nous sommes incroyables !
— Bien évidemment ! répliqua celui-ci en baisant ma joue. »
Avec un grand sourire, je conclus :
« Cette journée, je ne l'oublierai jamais ! Elle vaut tout l'or du monde ! »
Chapitre pas prévu, mais j'ai bien ri en l'écrivant !
Vraiment, j'adore leur relation ! ♥
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